Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20011001

 

Dossier : CMAC - 442

 

Référence neutre : 2001 CACM 1

 

 

CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE HUDDART

 

 

ENTRE :

 

LE LIEUTENANT-COLONEL TONY BATTISTA

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2001.

 

 

Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2001.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT : LA COUR

 


 

Date : 20011001

 

Dossier : CMAC - 442

 

Référence neutre : 2001 CACM 1

 

 

CORAM : LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

LE JUGE HUDDART

 

 

ENTRE :

 

LE LIEUTENANT-COLONEL TONY BATTISTA

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

le lundi 1er octobre 2001)

 

 

[1] L'appelant a été reconnu coupable de quatre chefs d'accusation en vertu de l'alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5. Voici les extraits pertinents de cette

disposition :

 

125. Commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale un emprisonnement de trois ans quiconque :

a) fait volontairement ou par négligence une fausse déclaration ou inscription dans un document officiel établi ou signé de sa main [.];

[.]

 

125. Every person who

(a) wilfully or negligently makes a false statement or entry in a document made or signed by that person and required for official purposes [...],

[...]

is guilty of an offence and on conviction is liable to imprisonment for a term not exceeding three years or to less punishment.

 

 

 

 

L'appelant avait été accusé, dans un cas, d'avoir fait volontairement une fausse déclaration et, dans les trois autres, d'avoir fait volontairement une fausse inscription dans des documents officiels. Le litige portait sur les documents autorisant les réclamations de l'appelant et d'un agent subalterne au titre des frais relatifs à un déplacement de Winnipeg jusqu'en Ontario.

 

[2] Compte tenu de notre perception de la présente affaire, la seule question à trancher est de

savoir s'il était raisonnable ou non pour le juge militaire de conclure que l'appelant a fait de fausses déclarations et inscriptions dans les documents. Les déclarations et inscriptions qui avaient été faites aux fins du déplacement étaient les suivantes : [TRADUCTION] « commandement et contrôle, mise à jour de l'examen de la sécurité ».

 

[3] Lorsqu'il a appris le décès d'un collègue de la police militaire à Trenton, l'appelant a parlé à son supérieur immédiat, le brigadier-général Lucas, au sujet de la possibilité d'assister aux funérailles de son collègue à Hamilton ainsi qu'à un service commémoratif à Trenton. À une date antérieure non liée, l'appelant et le général avaient discuté d'une rencontre que l'appelant tiendrait avec des officiers de la force aérienne à Trenton dans le cadre de ses travaux concernant un examen de la sécurité de celle-ci.

 

[4] Le lendemain de la date à laquelle il a parlé au général Lucas au sujet des funérailles, l'appelant a remis une demande d'autorisation relative au déplacement dans le seul but d'assister aux funérailles. Le général Lucas a retourné la demande sans la signer, parce qu'il voulait que le document fasse également état d'un autre but du voyage, soit la rencontre avec les agents de Trenton au sujet de l'examen de la sécurité de la force aérienne. Le général Lucas a signé une deuxième demande de l'appelant qui avait pour effet d'autoriser le déplacement dans le but suivant :« commandement et contrôle, mise à jour de l'examen de la sécurité ». De plus, il a signé une demande similaire autorisant le déplacement du major Wight, l'officier subalterne de l'appelant.

 

[5] L'appelant et le major Wight ont assisté aux funérailles militaires à Hamilton, mais ne se sont pas rendus à Trenton. Le service qui devait avoir lieu à la mémoire du défunt a été fixé à une date postérieure à leur vol de retour et il n'a pas été possible d'organiser une réunion avec les officiers de la force aérienne à Trenton. Le juge militaire a conclu que le seul but du voyage était la présence aux funérailles à Hamilton et que les déclarations indiquant un autre objet étaient donc fausses. Par conséquent, il a reconnu l'appelant coupable des chefs d'accusation 1 et 2.

[6] Les accusations 3 et 4 concernent deux demandes de remboursement de frais de l'appelant et

du major Wight. À son retour à Winnipeg, l'appelant a signé des formules de demande de

remboursement pour le major Wight et lui-même en y inscrivant la mention suivante comme objet du déplacement : [TRADUCTION] « commandement et contrôle, mise à jour de l'examen de la sécurité ». L'appelant n'a pas réclamé de frais, tandis que le major Wight a réclamé un montant d'environ 100 $. L'appelant a été reconnu coupable des chefs d'accusation 3 et 4 au motif que le voyage en Ontario n'était pas lié au [TRADUCTION] « commandement et contrôle, mise à jour de l'examen de la sécurité ».

 

[7] Il appert de certains éléments de preuve que la fonction de « commandement et contrôle »

pourrait comprendre le fait d'assister à des funérailles. Les circonstances dans lesquelles cette

possibilité pourrait exister, le cas échéant, n'ont cependant aucune importance en l'espèce. L'avocat de l'intimée soutient que, même si l'objet mentionné dans les documents avait été [TRADUCTION] « funérailles, mise à jour de l'examen de la sécurité », l'appelant serait encore coupable des accusations portées contre lui. Le seul objet du voyage était la possibilité d'assister aux funérailles et, par conséquent, la mention « mise à jour de l'examen de la sécurité » qui faisait allusion à la rencontre avec des officiers de Trenton pour discuter de l'examen de la sécurité de la force aérienne, était fausse. Il s'agit donc de savoir si le seul objet du voyage était la possibilité d'assister aux funérailles.

 

[8] À notre humble avis, le juge militaire n'a pas eu raison de conclure que le voyage avait pour seul objet la possibilité d'assister aux funérailles et que la mise à jour de l'examen de la sécurité n'était pas un objet secondaire.

 

[9] La conclusion du juge militaire était une déduction qu'il a tirée de deux séries de faits. La

première était la mention du mot « funérailles » comme objet du voyage dans la première demande que l'appelant a présentée au général Lucas. Ce mot ne figurait pas dans la seconde demande. La deuxième circonstance réside dans l'absence de réunion avec des officiers de Trenton ainsi que dans l'absence de préparation en vue de la réunion avant la présentation de la demande et dans le fait que les officiers de Trenton n'étaient pas disponibles pour rencontrer l'appelant. Exception faite de ces deux séries de faits, aucun autre élément de preuve n'appuie la conclusion du juge militaire et de Sa Majesté selon laquelle la mise à jour de l'examen de la sécurité n'était pas un objet du voyage.

 

[10] Il incombait à Sa Majesté de prouver que la « mise à jour de l'examen de la sécurité » n'était pas un objet du voyage. Les deux séries de faits susmentionnées ne permettent pas de déduire que le seul objet de la présence en Ontario était la possibilité d'assister aux funérailles. Elles n'indiquent pas hors de tout doute raisonnable qu'aucun objet secondaire n'était envisagé.

 

[11] En ce qui a trait à la première série de faits, dans les circonstances de la présente affaire, la mention du mot « funérailles » dans la première demande et l'omission de ce mot dans la seconde n'appuient pas en soi la déduction que le juge militaire a tirée. Celui-ci a conclu que le brigadier-général Lucas avait demandé que l'objet secondaire soit mentionné, ce qui a été fait. Quelle que soit la raison pour laquelle le mot « funérailles » n'a pas été mentionné dans la seconde demande, cette omission ne permet pas de conclure à l'absence d'objet secondaire pour le voyage.

 

[12] Quant à la seconde série de faits, soit l'absence d'activités relatives à la mise à jour de

l'examen de la sécurité ainsi que la planification connexe, ces omissions ne prouvent pas en soi que ces activités n'étaient pas envisagées et que le voyage ne visait aucun objet secondaire. Il est indubitable que le voyage visait d'abord et avant tout à permettre à l'appelant d'assister aux funérailles. Cependant, il est bien évident que ce genre d'événement n'est pas planifié longtemps à l'avance. L'appelant a présenté la seconde demande à peine quelques heures avant l'heure fixée pour son départ. Dans les circonstances, il n'était pas raisonnable de la part du juge militaire d'appliquer à ces faits les mêmes facteurs qui s'appliqueraient à un voyage planifié longtemps à l'avance. Le fait que les rencontres n'ont pas eu lieu parce que les officiers de Trenton n'étaient pas disponibles (l'un d'eux n'était pas disponible parce qu'il était responsable de la préparation des funérailles) ne permet pas de conclure que ces réunions n'auraient pas constitué un objet secondaire du voyage si elles avaient pu être organisées.

 

[13] À notre avis, les séries de faits susmentionnées que le juge militaire a invoquées n'étaient pas suffisantes en soi pour justifier la déduction qu'il a tirée et la conclusion à laquelle il en est arrivé.

 

[14] Pour ces motifs, l'appel sera accueilli.

 

[15] Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. Toutefois, nous aimerions souligner que, d'après les motifs de sa décision, le juge militaire semblait avoir accepté le témoignage du supérieur de l'appelant, le brigadier-général Lucas, qui appuyait l'objet secondaire du voyage. C'est celui-ci qui a proposé l'objet secondaire et qui a insisté pour que cet objet soit mentionné dans les documents. À notre avis, avant de statuer que l'appelant était coupable, le juge militaire devait examiner à fond cette preuve et expliquer comment il pouvait l'accepter tout en concluant à l'absence d'objet secondaire pour le voyage. Le juge militaire n'a pas fait allusion au témoignage du brigadier-général Lucas lorsqu'il a résumé la preuve qu'il avait examinée avant d'en arriver à la conclusion que Sa Majesté avait prouvé sa cause hors de tout doute raisonnable.

 

[16] Nous accueillerions l'appel à l'égard des accusations 1 et 2, annulerions le verdict de culpabilité et inscririons un verdict de non-culpabilité.

 

[17] En ce qui a trait aux demandes de remboursement des frais, l'intimée a soutenu que ces

demandes ont été présentées après le fait et que l'appelant savait alors que la mention « mise à jour de l'examen de la sécurité » était erronée. Cependant, la question de savoir si l'objet secondaire a été réalisé n'a pas d'importance. L'objet est demeuré le même, que ce soit avant ou après le voyage.

 

[18] En conséquence, nous accueillerions l'appel au sujet des accusations 3 et 4, annulerions le verdict de culpabilité et inscririons un verdict de non-culpabilité.

« Marshall Rothstein »

Juge

« J. Edgar Sexton »

Juge

« Carol Huddart »

Juge

« Marshall Rothstein »

Juge

 

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

« Carol Huddart »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR D'APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

No DU GREFFE : CMAC-442

 

INTITULÉ DE LA CAUSE : Le lieutenant-colonel Tony Battista c. Sa Majesté

La Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE : le 1er octobre 2001

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR : Messieurs les juges Rothstein, Sexton et Huddard

 

PRONONCÉS À L'AUDITION PAR : Monsieur le juge Rothstein

 

 

COMPARUTIONS :

 

Le major D.P. McNairn POUR L'APPELANT

 

Le major G.T. Rippon

Le major B. MacGregor POUR L'INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Direction de service d'avocats de la défense

Cabinet du juge-avocat général POUR L'APPELANT

 

Directeur - Poursuites militaires

Cabinet du juge-avocat général POUR L'INTIMÉE

 

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