Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20091207

Dossier : CMAC-536

Référence : 2009 CMAC 7

 

CORAM : LE JUGE EN CHEF BLANCHARD

LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

CAPORAL M. A. WILCOX

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2009

Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2009

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA COUR


 

Date : 20091207

Dossier : CMAC-536

Référence : 2009 CMAC 7

 

CORAM : LE JUGE EN CHEF BLANCHARD

LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

CAPORAL M. A. WILCOX

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l'audience à Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2009)

 

 

LA COUR

 

[1]               Selon nous, le présent appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de la Cour martiale refusant à l'appelant la mise en liberté provisoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel doit être accueilli pour les motifs qui suivent.


 

[2]               L'alinéa 248.3b) de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5 énumère les facteurs dont la Cour doit tenir compte pour établir le bien‑fondé d'un appel à l'encontre d'une ordonnance de mise en liberté provisoire. Cette disposition est ainsi libellée :

 

 

248.3 À l'audition de la demande de libération, la cour martiale, le juge militaire ou le juge de la Cour d'appel de la cour martiale, selon le cas, peut ordonner que l'auteur de la demande soit remis en liberté conformément aux articles 248.1 et 248.2 si celui-ci établit :

 

a) dans le cas de la demande prévue à l'article 248.1 :

(i) qu'il a l'intention d'interjeter appel,

 

(ii) lorsqu'il s'agit d'un appel de la sentence, qu'il subirait un préjudice inutile s'il était détenu ou emprisonné ou s'il était maintenu dans cet état,

 

(iii) qu'il se livrera lui-même quand l'ordre lui en sera donné,

 

 

(iv) que sa détention ou son emprisonnement ne s'impose pas dans l'intérêt public ou celui des Forces canadiennes;

 

b) dans le cas de la demande prévue à l'article 248.2 :

(i) que l'appel n'est pas frivole,

 

(ii) lorsqu'il s'agit d'un appel de la sentence, qu'il subirait un préjudice inutile s'il était détenu ou emprisonné ou s'il était maintenu dans cet état,

 

(iii) qu'il se livrera lui-même quand l'ordre lui en sera donné,

 

 

(iv) que sa détention ou son emprisonnement ne s'impose pas dans l'intérêt public ou celui des Forces canadiennes.

 

248.3 On hearing an application to be released from detention or imprisonment, the court martial, the military judge or the judge of the Court Martial Appeal Court, as the case may be, may direct that the person making the application be released as provided for in sections 248.1 and 248.2 if the person establishes

(a) in the case of an application under section 248.1,

(i) that the person intends to appeal,

 

(ii) if the appeal is against sentence only, that it would cause unnecessary hardship if the person were placed or retained in detention or imprisonment,

 

(iii) that the person will surrender himself into custody when directed to do so, and

 

(iv) that the person's detention or imprisonment is not necessary in the interest of the public or the Canadian Forces; or

 

 

(b) in the case of an application under section 248.2,

(i) that the appeal is not frivolous,

 

(ii) if the appeal is against sentence only, that it would cause unnecessary hardship if the person were placed or retained in detention or imprisonment,

 

(iii) that the person will surrender himself into custody when directed to do so, and

 

 

(iv) that the person's detention or imprisonment is not necessary in the interest of the public or the Canadian Forces.

 

 

 

[3]               Selon le sous-alinéa 248.3a)(i), le juge de la cour martiale n'avait pas compétence pour prendre en considération les motifs d'appel dans le cadre de la demande de mise en liberté provisoire. Toutefois, notre Cour détient ce pouvoir en vertu du sous‑alinéa 248.3b)(i), qui exige qu'elle s'assure que l'appel n'est pas frivole, et elle le détient expressément en vertu du paragraphe 248.9(3).

 

[4]               L'intimée reconnaît que les motifs d'appel ne sont pas frivoles. Nous sommes convaincus qu'il semble y avoir un certain nombre de motifs d'appel sérieux qui ont trait à la constitution même de la cour martiale qui a entendu l'affaire et qui mettent en jeu l'équité du procès ainsi que de la déclaration de culpabilité.

 

[5]               Selon le juge de la cour martiale, la détention de l'appelant pendant l'appel était nécessaire dans l'intérêt du public et de celui des Forces canadiennes. Bien qu'il en soit arrivé à cette conclusion, le juge n'a fourni aucun motif autre que l'affirmation suivante :

 

Le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d'établir que son emprisonnement pendant l'appel qu'il a l'intention d'interjeter ne s'impose pas dans l'intérêt public ou celui des Forces canadiennes.

 

 

[6]               À notre humble avis, le juge n'a pas apprécié la gravité de l'infraction au regard des circonstances particulières de l'accusé : voir R. c. Ingebritgtson 5 C.A.C.M. 27, à la page 29. Il s'agissait de la première infraction de l'accusé dont le dossier dans les forces armées était sans tache. L'accusé était estimé par son commandant et par les membres de son unité avant son renvoi des Forces. Il a continué de servir dans son unité pendant qu'il attendait sa sentence. Il était en liberté en attendant la tenue de son procès. Il s'est toujours présenté lorsqu'on lui a demandé de le faire, même après la déclaration de culpabilité. Il a l'appui de ses parents. Au moment où il a reçu sa sentence, il poursuivait des études afin de réintégrer la vie civile.

 

[7]               Le juge a écrit ce qui suit relativement à l'intérêt des Forces canadiennes :

D'abord, il est à noter que les infractions à l'égard desquelles le contrevenant a été reconnu coupable et condamné sont très graves. En règle générale, plus les infractions sont graves et plus l'intérêt du public et celui des Forces canadiennes à ce qu'une peine d'emprisonnement appropriée soit purgée dès qu'elle est infligée sont grands C'est encore plus vrai lorsque les deux parties ont convenu que la peine appropriée devrait comporter une certaine forme d'incarcération excédant la période minimale.

 

À mon avis, la nature des infractions commises en l'espèce, notamment l'usage criminellement négligent d'une arme d'infanterie causant la mort d'un soldat, accentue l'intérêt disciplinaire des Forces canadiennes à ce que la peine soit purgée immédiatement.

 

 

[8]               Selon nous, le juge a mal interprété l'intérêt des Forces canadiennes et l'objet des dispositions en matière de liberté provisoire en mettant l'accent sur la nécessité que la peine d'emprisonnement commence à être purgée dès son imposition, minant ainsi le droit de l'accusé à la mise en liberté provisoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel.

 

[9]               Le juge en chef McEachern de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a tenu les propos suivants dans R. c. Nguyen (1997), 10 C.R. (5th) 325. Ces propos sont reproduits dans R. c. Galloway 2004 SKCA, au paragraphe 13 :

[traduction]

 

L'examen des demandes de liberté sous caution tout en ayant à l'esprit l'intérêt du public peut vouloir dire différentes choses dans différents contextes. Dans certains cas, il faut se préoccuper du risque que d'autres infractions soient commises. Dans d'autres cas, il faut plutôt songer au respect public envers l'administration de la justice. Il est manifeste, toutefois, que le refus d'accorder une mise en liberté sous caution n'est pas un mode de châtiment. La mise en liberté sous caution est distincte de la sentence imposée à l'égard de l'infraction et il faut être conscient qu'elle vise un objet différent qui, en l'espèce, consiste principalement à garantir que les personnes déclarées coupables ne purgeront aucune peine pour des déclarations de culpabilité qui ne sont pas régulièrement prononcées contre elles.

 

 

 

[10]           De plus, nous sommes d'avis que le volet « intérêt des Forces canadiennes » est atténué par le fait que l'appelant a été renvoyé des Forces. Cela est particulièrement vrai dans le contexte d'une demande de mise en liberté en attendant qu'il soit statué sur un appel.

 

[11]           Pour ces motifs, l'appel sera accueilli et la décision du juge de la cour martiale rejetant la demande de mise en liberté présentée par l'appelant en attendant qu'il soit statué sur l'appel sera annulée. Il sera ordonné que l'appelant, selon les conditions prévues dans l'ordonnance, soit remis en liberté en attendant qu'il soit statué sur l'appel.

 

« Edmond P. Blanchard »

j.c.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR D'APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER : CMAC-536

 

 

INTITULÉ : CAPORAL M.A. WILCOX c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE : Le 7 décembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT : LA COUR

 

PRONONCÉ À L'AUDIENCE PAR : LA COUR

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lieutenant-Colonel Sweet

POUR L'APPELANT

 

Lieutenant-Colonel J.A.M. Léveillée

POUR L'INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Services d'avocats de la défense

POUR L'APPELANT

 

Service canadien des poursuites militaires

POUR L'INTIMÉE

 

 

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