CORAM : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
ENTRE :
et
intimée
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2009.
Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA COUR
Dossier : CMAC-520
Référence : 2009 CACM 6
CORAM : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
LE JUGE MOSLEY
ENTRE :
et
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Rendus à l'audience à Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2009)
[1] À la suite d'un procès tenu par la cour martiale permanente, l'appelant a été déclaré coupable d'agression armée en vertu de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N-5 (la LDN) et de l'article 267 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46 (le Code).
[2] Au début du procès, invoquant l'alinéa 11b) et le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la Charte), l'appelant a demandé un sursis d'instance. Le juge militaire a rejeté la demande de sursis. L'appelant porte cette décision en appel. Il a abandonné sa demande d'autorisation d'appel à l'encontre de sa sentence. Nous sommes tous d'avis que l'appel doit être rejeté.
[3] L'alinéa 11b) de la Charte prévoit que tout inculpé a le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. Le paragraphe 24(1) prévoit que toute personne dont les droits garantis par la Charte on été violés peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances. L'appelant se fonde aussi sur l'article 162 de la LDN, qui prévoit qu'une accusation portée aux termes du code de discipline militaire est traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent.
[4] Les accusations portées contre l'appelant découlent d'un incident qui s'est produit à Kandahar (Afghanistan), le 24 décembre 2005. Alors qu'il était en état d'ivresse et qu'il se chamaillait avec un autre soldat, l'appelant s'est blessé au coude. Il s'est finalement fâché et est devenu agressif. La situation s'est envenimée, le demandeur a sorti son fusil C8, s'est placé à environ de 3 à 5 pieds de l'autre soldat et a armé son fusil. Craignant pour sa vie, l'autre soldat a empoigné le demandeur par la gorge, lui a donné un coup de genou dans les côtes, a dégagé l'arme, retiré la balle et a assuré la sécurité de l'endroit. Pour des raisons qui n'ont aucun effet en l'espèce, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) n'a pas porté d'accusation avant le 30 janvier 2007. Le procès a débuté le 22 septembre et s'est terminé le 25 septembre 2008, presque 20 mois après que les accusations ont été portées. Le demandeur n'a jamais renoncé à son droit d'être jugé dans un délai raisonnable.
[5] Un retard important est survenu dans la présente affaire parce que les documents de renvoi du demandeur ont malencontreusement été égarés. L'erreur n'a été découverte que neuf mois plus tard. Un autre contretemps est attribuable au prononcé de l'arrêt R. c. Trépanier, CACM 3 (Trépanier). Dans l'arrêt Trépanier, la Cour a déclaré que l'article 165.14 et le paragraphe 165.19(1) de la LDN étaient inconstitutionnels. Entre le 24 avril 2008 (date du jugement) et le 18 juillet 2008 (date à laquelle le projet de loi C-60 est entré en vigueur), l'administrateur de la cour martiale a cessé de convoquer des cours martiales et le juge militaire en chef a cesser d'organiser des conférences téléphoniques de coordination visant à l'établissement des dates de procès.
[6] En examinant la requête en sursis d'instance de l'appelant, le juge militaire a étudié et a analysé les facteurs établis dans l'arrêt R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771 (les facteurs Morin). Dans R. c. LeGresley, 2008 CACM 2 (LeGresley), la Cour a approuvé l'adoption des facteurs Morin dans le contexte de la justice militaire.
[7] Le fond de la décision du juge militaire portait sur la justification des délais et sur la question du préjudice envers le demandeur. Le juge militaire a conclu que « le délai de ce qui est attribuable à la poursuite, au-delà de ce qui devait être raisonnable en l'espèce, est d'environ 12 mois ». Le contretemps de trois mois causé par l'arrêt Trépanier a été jugé neutre parce qu'il ne pouvait être attribué ni à l'appelant, ni à la Couronne. En ce qui a trait à l'importance du préjudice, le juge militaire a conclu que l'inaction de l'appelant pendant un mois était un facteur pertinent.
[8] L'appelant soutient que le juge militaire a commis une erreur en concluant que le contretemps causé par l'arrêt Trépanier était neutre. Il soutient que s'il avait retenu plutôt que le retard total était de 15 mois, il aurait dû conclure qu'il y avait eu préjudice. Le demandeur conteste aussi le fait qu'on lui ait attribué une « inaction » d'un mois. De plus, il soutient que le juge militaire a appliqué le mauvais critère quant à la question de savoir si ce retard était déraisonnable.
[9] À notre avis, la question du préjudice est déterminante. Dans l'arrêt Morin, la Cour suprême a précisé que l'alinéa 11b) de la Charte « a pour but d'accélérer les procès et de réduire les préjudices et non pas d'éviter qu'une personne subisse son procès sur le fond ». De plus, la cour doit tenir compte de l'action ou de l'inaction de l'accusé qui ne coïncide pas avec le souhait de subir un procès en temps opportun (paragraphe 62).
[10] En l'espèce, que le délai ait duré 12 ou 15 mois, il n'a pas été prolongé au point où on peut conclure qu'il y a eu préjudice, particulièrement compte tenu de la preuve explicite du contraire. L'appelant n'a jamais été incarcéré et il n'a subi ni perte de liberté ni menace à sa sécurité personnelle, sauf pour le stress et l'anxiété habituellement liés au fait d'être visé par des chefs d'accusation graves. Il a poursuivi son service et sa carrière a progressé. En effet, il a été promu au grade de caporal-chef. Le retard n'a d'aucune façon porté préjudice à son droit à un procès équitable. L'interdiction de possession d'arme à feu ne s'applique pas à l'appelant vu sa carrière (paragraphe 147.1(3) de la LDN).
[11] Le juge militaire a souligné la gravité de l'infraction et le préjudice important que subirait la société si un sursis était accordé. Comme la Cour suprême l'a précisé dans l'arrêt Morin, plus un crime est grave, plus la société exige que l'accusé subisse un procès (paragraphe 30).
[12] En ce qui a trait à l'observation de l'appelant selon laquelle le juge militaire a appliqué le mauvais critère au sujet du sursis, la réponse brève est celle présentée par l'intimée. Comme il n'y a pas eu violation du droit de l'appelant prévu à l'alinéa 11b) de la Charte, la question de la réparation ne se pose pas. De toute façon, la référence au critère O'Connor (R. c. O'Connor, [1995] 4 R.C.S. 411), bien qu'elle ne soit pas appropriée, n'était pas déterminante quant au raisonnement portant sur l'examen général des facteurs Morin.
[13] L'appel sera rejeté.
j.c.a.
« Richard G. Mosley »
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR D'APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : CMAC-520
INTITULÉ : CAPORAL T.J. MILLS c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 27 novembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
LA JUGE SNIDER
LE JUGE MOSLEY
RENDUS À L'AUDIENCE PAR : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS : Le 27 novembre 2009
COMPARUTIONS :
Lieutenant-colonel J.-M. Dugas Lieutenant de vaisseau Patrice Desbiens
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POUR L'APPELANT
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POUR L'INTIMÉE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Service d'avocats de la défense Gatineau (Québec)
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POUR L'APPELANT
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Service des poursuites militaires Ottawa (Ontario) |
POUR L'INTIMÉE
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