Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20030606

 

Dossier : CMAC-468

 

Référence : 2003 CACM 6

 

CORAM : LE JUGE WEILER

LE JUGE EVANS

LE JUGE GOODWIN

 

ENTRE :

 

L'EX-SOLDAT C.F. CASTILLO

 

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

 

 

AUDIENCE tenue à Ottawa (Ontario), le 28 avril 2003

 

JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le vendredi 6 juin 2003

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE WEILER

 

Y A SOUSCRIT : LE JUGE EVANS

 

MOTIFS DISSIDENTS : LE JUGE GOODWIN

 


Date : 20030606

 

Dossier : CMAC-468

 

Référence : 2003 CACM 6

 

 

CORAM : LE JUGE WEILER

LE JUGE EVANS

LE JUGE GOODWIN

 

ENTRE :

 

L'EX-SOLDAT C.F. CASTILLO

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE WEILER

 

[1] L'appelant fait appel de la peine qui lui a été imposée après qu'il eut plaidé coupable en réponse à des accusations lui imputant une fraude pour une somme de 3 659 $ commise entre juillet et octobre 1998, et un vol d'une somme de 963 $ commis entre le 1er juin 1999 et septembre 1999.

 

[2] Le juge militaire qui a présidé l'audience a rejeté une requête conjointe qui proposait qu'une peine d'emprisonnement de 30 jours soit imposée, que la peine d'emprisonnement soit assortie d'un sursis et que l'appelant paie une amende de 4 500 $. Il a condamné l'appelant à un emprisonnement de 45 jours.

 

[3] L'appelant dit que le juge militaire a commis une erreur de droit en imposant la peine de 45 jours et que la peine dépasse, en tout état de cause, l'éventail applicable des peines possibles. La Couronne admet que l'appel devrait être accueilli.

 

[4] Les motifs du juge militaire montrent qu'il savait que le juge qui prononce la peine ne doit pas rejeter des requêtes conjointes en ces matières à moins que la requête ne soit contraire à l'intérêt public ou que la peine ne soit par ailleurs susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Voir par exemple l'affaire R. c. Dewald (2001), 156 C.C.C. (3d) 405, à la page 415, et l'affaire R. c. Cerasuolo (2001), 151 C.C.C. (3d) 445. Comme on peut le lire dans l'arrêt R. c. Douglas (2002), 162 C.C.C. (3d) (C.A. Qué.), au paragraphe 43 :

 

[TRADUCTION] Quels que soient les mots employés, la norme est censée être une norme rigoureuse. Ces dernières années, les juridictions d'appel ont affirmé à maintes reprises que les juges de première instance ne doivent pas rejeter des peines proposées conjointement à moins qu'elles ne soient « déraisonnables »,

« contraires à l'intérêt public » ou « inadéquates » ou à moins « qu'elles ne soient susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice ».

 

 

[5] L'appelant reconnaît que le juge militaire avait une connaissance juste de l'état du droit. C'est dans sa manière d'appliquer le droit que l'appelant affirme qu'il a erré.

 

[6] Le juge militaire a reconnu qu'une amende était la peine habituellement imposée pour un contrevenant primaire. Ici, un sursis et une amende étaient proposés.

 

[7] Le juge militaire a rejeté l'idée d'imposer une condamnation avec sursis parce que, selon lui, puisque l'appelant avait quitté l'armée, il n'y avait aucun moyen d'assurer le suivi d'une telle condamnation.

 

[8] Ayant rejeté l'idée d'imposer une condamnation avec sursis, le juge militaire a alors examiné l'idée d'imposer une amende et un emprisonnement. Il a relevé que l'appelant n'avait rien payé sur l'amende de 2 000 $ imposée en mai 2000 par la cour martiale antérieure. À l'époque, l'appelant avait plaidé coupable en réponse à quatre chefs, notamment un chef de fraude à l'encontre du ministère de la Défense nationale, fraude qui avait été commise à peu près au cours de la même période.

 

[9] L'avocat de l'appelant a répondu que, à ce jour, l'appelant n'avait pas été en état de payer l'amende imposée en mai 2000. Il a ajouté que l'appelant avait « mis ses affaires en ordre », qu'il avait payé ses autres dettes, qu'il n'avait plus de carte de crédit et qu'il vivait avec ses parents, afin de subvenir aux besoins de ses enfants et d'épargner de l'argent pour payer les amendes. Aucune preuve n'a été produite au soutien de tels arguments, mais ils n'ont pas été contestés.

 

[10] Le juge militaire a conclu qu'une amende était ici une peine inadéquate, pour deux raisons. La première était que l'appelant avait un casier qui faisait état d'infractions semblables. La deuxième raison était qu'il n'avait pas payé l'amende. Rejetant l'idée d'imposer une amende, le juge militaire a fait des observations qui montraient qu'il était également préoccupé par le fait que, l'appelant ayant quitté l'armée, il n'y avait aucun mécanisme efficace de recouvrer une amende, hormis une poursuite civile, un recours jugé incommode.

Analyse

[11] Il était loisible au juge militaire de rejeter la requête conjointe au motif que la peine proposée ne convenait pas, mais il a commis une erreur de principe sous deux aspects lorsqu'il a rejeté la peine proposée. D'abord, le juge militaire a considéré l'appelant comme un récidiviste. Deuxièmement, il a eu tort de rejeter l'idée d'imposer une condamnation avec sursis au motif qu'il n'y avait aucun moyen d'en faire le suivi parce que l'appelant avait quitté l'armée.

 

[12] Pour qu'une condamnation donnée soit validement considérée comme une condamnation

« antérieure » par le juge qui prononce la peine, il faut que la condamnation en question soit, de fait, antérieure à l'infraction actuelle qui est considérée : voir C.C. Ruby, Sentencing, 5e édition (London : Butterworths, 1999), à la page 294, paragraphe 7.50. Le juge militaire a eu tort de considérer l'appelant comme un récidiviste, étant donné que l'une des accusations ici était antérieure aux infract0ions pour lesquelles il avait plaidé coupable en mai 2000, que les autres infractions s'étaient produites à peu près à la même époque et que leur existence était connue au moment de la peine prononcée en mai. Le non-paiement de l'amende imposée auparavant était un facteur que le juge appelé à prononcer la peine était fondé à prendre en compte pour décider s'il convenait d'accepter ou de rejeter la requête conjointe, mais, dans le contexte de la présente affaire, il semble que le juge militaire a accordé trop d'importance à ce facteur particulier. On ne peut dire que les infractions auxquelles se rapporte le présent appel étaient une réédition d'infractions antérieures.

 

[13] Le point de savoir si le juge militaire était fondé à prendre en compte le suivi d'une condamnation avec sursis est assimilable à celui de savoir si un juge est fondé à prendre en compte le suivi d'une peine conditionnelle, puisque dans les deux cas le contrevenant se trouve dans la collectivité et n'est pas incarcéré dans un établissement pénitentiaire. Dans l'arrêt R. c. Nault (2002), 59 O.R. (3d) 388, aux paragraphes 5-17 (C.A.), le juge qui avait prononcé la peine avait rejeté la requête conjointe qui préconisait l'imposition d'une peine conditionnelle, non parce qu'il croyait que la peine proposée ne convenait pas au contrevenant eu égard à l'ensemble des circonstances de cette affaire, mais parce que, selon lui, la collectivité n'avait pas les moyens nécessaires pour veiller au suivi de la peine. Le juge Feldman, s'exprimant pour la Cour d'appel de l'Ontario, a estimé que le juge qui avait prononcé la peine avait commis une erreur sous trois aspects :

[TRADUCTION] D'abord, le juge a semblé se fonder sur ses propres connaissances ou sa propre compréhension des ressources dont disposait la collectivité, sans avoir devant lui un document sur le sujet. L'avocat de la Couronne avait précisé que la Couronne avait étudié sérieusement la situation de l'accusé avant d'accepter

de recommander une peine à purger dans la collectivité. Si la Couronne n'était pas persuadée que les ressources nécessaires existaient pour faire le suivi d'une telle peine ou en assurer l'exécution, alors le tribunal est fondé à penser que la recommandation en question n'aurait pas été faite.

 

Dans un cas où le juge qui prononce la peine a des doutes sur les ressources existantes, alors il devrait demander aux avocats de l'informer du plan proposé de surveillance, et, si nécessaire, de lui apporter la preuve que la surveillance proposée sera effective. De cette façon, le juge pourra considérer la requête, ainsi que ses

doutes, en se fondant sur un document, les deux avocats auront la possibilité d'assister le tribunal et d'intervenir dans le dossier, et le tribunal qui statuera en appel sur la peine aura devant lui un dossier sur lequel se fonder pour l'examen de la question.

 

Deuxièmement, le dossier qui existe donne à entendre que la communauté de Timmins dispose en réalité de ressources suffisantes pour surveiller ce contrevenant s'il était condamné à une peine conditionnelle...

 

* * * * * * * * * *

 

Troisièmement, le dossier n'indique pas clairement quel genre ou quel niveau de surveillance le juge qui a prononcé la peine avait à l'esprit pour que la collectivité soit en mesure d'appliquer adéquatement les aspects disciplinaires d'une peine conditionnelle.

 

 

Les observations du juge Feldman relatives au premier point sont particulièrement à propos ici. Le juge militaire semble avoir rejeté la requête conjointe en considérant d'office que la collectivité n'avait pas les moyens d'assurer le suivi de la conduite d'un ancien membre. Aucune preuve des moyens communautaires n'a été produite, et le juge militaire n'a pas non plus demandé aux avocats de lui présenter un plan de surveillance. Il semblerait aussi que l'une des raisons pour lesquelles il a rejeté l'idée d'imposer une amende, outre le fait que l'amende antérieure n'avait pas été payée, était qu'il craignait que le recouvrement de l'amende ne soit difficile et coûteux maintenant que l'appelant avait quitté l'armée. Le juge du procès aurait dû être disposé à examiner les solutions proposées par la poursuite et par la défense pour le recouvrement de l'amende. À notre avis, le juge militaire a commis une erreur de droit dans sa manière d'envisager la question : voir aussi l'arrêt R. c. Makar, [2000] M.J. no 458 (C.A.) et l'arrêt R. c. Roberts, [2000] O.J. no 3750 (C.A.).

 

[14] Ayant conclu que le juge militaire a commis une erreur en rejetant la requête conjointe et en imposant une peine d'emprisonnement de 45 jours, je dois maintenant prononcer une peine adéquate. Jusqu'au présent appel, l'appelant s'est vu d'abord refuser un cautionnement et a passé quatre jours en prison avant d'être remis en liberté. Au moment de l'appel, la Cour a reçu une preuve nouvelle montrant que l'amende imposée par la Cour martiale en mai 2000 avait été payée. De plus, l'appelant est maintenant dans un état de santé très précaire. Une requête conjointe a été présentée à la Cour pour que soit imposée une amende de 4 500 $. J'accepterais cette requête.

 

[15] Par conséquent, j'accueillerais l'appel interjeté contre la peine, j'annulerais la peine d'emprisonnement de 45 jours et je lui substituerais une amende de 4 500 $, qui sera payée au rythme de 500 $ par mois.

 

 

 

 

« Karen M. Weiler »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

John M. Evans »

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


LE JUGE GOODWIN (motifs dissidents)

 

[16] La peine d'emprisonnement de 45 jours imposée par le juge militaire semble sévère, mais elle n'est pas déraisonnable eu égard aux circonstances, si l'on tient compte de tous les facteurs pertinents

 

[17] Pour ce qui est du droit, le juge militaire en avait une connaissance juste.

 

[18] Il a validement exercé son pouvoir discrétionnaire résiduel lorsqu'il a rejeté la requête

conjointe.

 

[19] L'ex-soldat Castillo s'est livré à un comportement déviant en planifiant et en commettant plus d'une fois un acte répréhensible, à savoir le vol et la fraude, alors qu'il occupait un poste de confiance.

 

[20] À ce jour, il n'a nullement cherché à rembourser les sommes subtilisées à la Couronne et se rapportant aux accusations portées contre lui.

 

[21] En prononçant la peine, le juge militaire a résumé ainsi son analyse :

 

[TRADUCTION] J'ai examiné très attentivement si d'autres peines possibles, hormis une privation de liberté, suffiraient ici. J'étais également conscient du principe selon lequel la peine que j'imposerais devait être le minimum requis pour que soit préservée la discipline dans les Forces canadiennes. J'ai également tenu compte, pour arriver à une peine adéquate, ou je devrais également dire que je me suis inspiré, pour arriver à une peine adéquate, des dispositions des articles 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel. Comme je l'ai déjà indiqué, les accusations portées sont

graves. Nos systèmes financiers et administratifs dépendent dans une très grande mesure de la confiance que nous avons dans nos membres, et cette confiance a été trompée dans la présente affaire. Le seul mobile était la cupidité. Il convient d'imposer une peine qui dissuadera les autres membres de commettre de telles infractions. Une peine doit être, comme je l'ai dit plus haut, effective, et elle doit être vue comme effective.

 

Monsieur Castillo, levez-vous. La cour vous condamne à une peine

d'emprisonnement de 45 jours. Veuillez vous asseoir. (Dossier d'appel, pages 56-57, ligne 12).

 

[22] Je ne doute pas que les avocats, dans cette affaire, comme dans d'autres, ont examiné

attentivement et sérieusement toutes les solutions possibles, avant de proposer la peine par requête conjointe.

 

[23] Cependant, il faut simultanément que soit préservé le pouvoir d'appréciation des juges.

[24] Ici, le pouvoir d'appréciation a été validement exercé quand le juge militaire a estimé, en

août 2002, qu'une amende de 4 500 $ était « une peine illusoire » puisqu'aucune tentative n'avait été faite de payer ne serait-ce qu'une partie de l'amende imposée en mai 2000.

 

[25] À mon avis, la preuve nouvelle acceptée par la Cour, selon laquelle l'amende antérieure de 2 000 $, bien qu'imposée en mai 2000, avait été payée en avril 2003, c'est-à-dire un mois avant l'audience de la Cour, n'est pas une circonstance atténuante.

 

[26] Finalement, je propose encore une fois un examen des dispositions de la Loi sur la Défense nationale en matière de détermination des peines, pour constater que les options offertes en la matière à la Cour martiale et à la Cour d'appel de la cour martiale ne s'écartent pas de celles que prévoit le Code criminel. (Voir par exemple Larocque c. La Reine, CMAC-438, octobre 2001).

 

[27] Je serais d'avis de rejeter l'appel et de maintenir la peine d'emprisonnement de 45 jours.

 

 

 

 

 

« Ross Goodwin »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR D'APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER : CMAC-468

 

INTITULÉ : EX-SOLDAT C.F. CASTILLO c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE : le 28 avril 2003

 

MOTIFS DU JUGEMENT : la juge Weiler

 

Y ONT SOUSCRIT : le juge Evans

 

MOTIFS DISSIDENTS : le juge Goodwin

 

DATE DES MOTIFS : le 6 juin 2003

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lieutenant-colonel Denis Couture

 

pour l'appelant

Lieutenant-commandant Martin Pelletier

 

pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Direction du service d'avocats de la défense Ottawa (Ontario

 

pour l'appelant

Direction des poursuites militaires

Ottawa (Ontario)

 

pour l'intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

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