Cour d'appel de la cour martiale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20081202

Dossier : CMAC-504

CORAM: LE JUGE EN CHEF BLANCHARD

LA JUGE DAWSON

LA JUGE HANSEN

 

 

 

ENTRE :

 

EX-CAPORAL BEEK, D.D.

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

JUGEMENT

 

[1]               VU que l'appelant, l'ex-caporal Beek, a été accusé, le 28 février 2005, conformément à l'article 130 de la Loi sur la défense nationale (la LDN) et en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, de neuf chefs de trafic de stupéfiants, à savoir :

Première accusation

Entre le 1er mai 2003 et le 24 juin 2003, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe III, à savoir le N-méthyl méthylènedioxy-3,4 amphétamine.

 

Deuxième accusation

Le ou vers le 15 juin 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe III, à savoir le N‑méthyl méthylènedioxy-3,4 amphétamine.

 

Troisième accusation

Le ou vers le 15 juin 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe I, à savoir la cocaïne.

 

Quatrième accusation

Le ou vers le 17 juin 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe III, à savoir le N‑méthyl méthylènedioxy-3,4 amphétamine.

 

Cinquième accusation

Le ou vers le 17 juin 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe I, à savoir la cocaïne.

 

Sixième accusation

Le ou vers le 18 juin 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe III, à savoir le N‑méthyl méthylènedioxy-3,4 amphétamine.

 

Septième accusation

Le ou vers le 18 juin 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe III, à savoir la méthamphétamine.

 

Huitième accusation

Entre le 28 juillet 2004 et le 28 septembre 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe III, à savoir le N‑méthyl méthylènedioxy-3,4 amphétamine.

 

Neuvième accusation

Entre le 30 septembre 2003 et le 28 septembre 2004, à Edmonton, ou dans les environs d'Edmonton, province d'Alberta, l'accusé a fait le trafic d'une substance inscrite à l'annexe I, à savoir la cocaïne.

 

 

[2]               VU que la directrice des poursuites militaires prononce les dites accusations et a choisi une cour martiale permanente pour juger l'appelant;

 

[3]               VU que l'administrateur de la cour martiale a délivré une ordonnance convoquant une cour martiale permanente le 4 juillet 2005;

 

[4]               VU que l'avocat de l'appelant, au début du procès de ce dernier, a déposé, en vertu de l'article 7 et de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11 (la Charte ) une demande sollicitant une déclaration portant que l'article 165.14 et le paragraphe 165.19(1) de la LDN ainsi que l'article 111.02 des Ordonnances et règlements royaux sont inopérants et sollicitant une ordonnance annulant l'ordre de convocation de la cour militaire ou, à titre subsidiaire, prononçant l'arrêt des procédures intentées contre l'appelant;

 

[5]               VU que la demande a été entendue et rejetée le 7 septembre 2006 par le juge militaire chargé du déroulement du procès;

 

[6]               VU que l'appelant a été déclaré coupable à la fin de son procès et a été condamné le 26 juillet 2007;

 

[7]               VU que l'appelant a interjeté appel de sa condamnation à la Cour le 10 août 2007 en soulevant notamment la question de la constitutionalité et (ou) de la validité de l'article 165.14 et du paragraphe 165.19(1) de la LDN, au regard de la Charte;

 

[8]               VU que la question de la constitutionnalité et (ou) de la validité de l'article 165.14 et du paragraphe 165.19(1) de la LDN au regard de la Charte a été soulevée dans deux autres appels interjetés devant la Cour, à savoir, des affaires mettant en cause l'élève‑officier Trépanier et le caporal-chef McRae;

 

[9]               VU que l'appel interjeté par l'élève‑officier Trépanier sera entendu le premier et que par consentement entre les parties et par ordonnance du juge en chef, l'appelant s'est vu accorder le statut d'intervenant dans l'appel interjeté par l'élève‑officier Trépanier et a accepté d'être lié par l'issue du jugement de la Cour dans cette affaire en ce qui concerne les questions constitutionnelles soulevées contestant la validité de l'article 165.14 et du paragraphe 165.19(1) de la LDN;

 

[10]           VU que la Cour a rendu son jugement dans R. c. Trépanier; Ex-Cpl. Beek, (l'arrêt Trépanier) le 24 avril 2008 et que, dans celui‑ci, elle a accueilli l'appel en partie et a déclaré que l'article 165.14, le paragraphe 165.19(1) de la LDN et le paragraphe 111.02(1) des Ordonnances et règlements royaux violent l'article 7 de la Charte et le droit à un procès équitable garanti par l'alinéa 11d) de la Charte et qu'il sont inopérants;

 

[11]           VU que lors du prononcé du jugement rendu dans l'arrêt Trépanier, le traitement de l'appel interjeté par l'appelant a été ajourné à quelques reprises jusqu'à ce que la directrice des poursuites militaires décide de sa position à la suite de l'arrêt Trépanier;

 

[12]           VU que la directrice des poursuites militaires, au nom de la Couronne, a déposé sa demande d'autorisation d'interjeter appel de l'arrêt Trépanier devant la Cour suprême du Canada le 30 mai 2008;

 

[13]           VU que le ministre de la Défense nationale, le 6 juin 2008, a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-60 qui vise à modifier la LDN en apportant les changements suivants concernant le choix du mode de procès par un accusé :

                     le choix du type de cour martiale pour juger un accusé sera régi par la loi en permettant à l'accusé de choisir le type de procès dans certaines circonstances;

                     la simplification de la structure de la cour martiale en réduisant, de quatre à deux, les types de cour martiale;

                     l'exigence d'unanimité à l'égard de certaines décisions importantes prises par le  comité d'une cour martiale.

 

 

[14]           VU que le projet de loi C-60 a été approuvé par la Chambre des communes et qu'il a reçu la sanction royale le 18 juin 2008 et qu'il est entré en vigueur le 28 juillet 2008;

 

[15]           VU que la Cour suprême du Canada, le 25 septembre 2008, dans R. c. Trépanier; Ex‑Cpl. Beek CSC 32672, a rejeté la demande d'autorisation d'interjeter appel présentée par la Couronne;

[16]           VU que lorsqu'elle a tranché l'appel dans l'arrêt Trépanier, la Cour a fait allusion à l'appel interjeté par l'appelant, appel dont la Cour demeure saisie pour décision finale. Aux paragraphes 139 à 142 de cet arrêt, la Cour a déclaré ce qui suit :

[139] Nous avons entendu les observations de l'intervenant concernant des réparations d'ordre général et des réparations spécifiques. Nous comprenons que notre décision liera les parties et l'intervenant relativement à la question constitutionnelle.

 

[140] Cependant, nous ne formons pas le tribunal chargé de rendre jugement dans le dossier de l'intervenant. Par conséquent, dans l'intérêt des parties à cette affaire, considérant que nous avons entendu leurs arguments quant aux réparations, nous souhaitons indiquer comment, à notre avis, il convient de trancher l'appel, après leur avoir donné, au besoin ou s'il est approprié de le faire, la possibilité de se faire entendre. Nous laissons au juge en chef le soin d'arrêter les détails de cette procédure. Il va sans dire que nous formulons une recommandation qui ne lie pas les membres de la Cour qui rendront jugement dans cette affaire.

 

[141] Nous croyons que la recommandation qui concilie le mieux les intérêts de la justice, de l'accusé et de la poursuite tout en respectant et en servant la Charte, consiste à donner à l'accusé le droit de choisir son juge des faits. En conséquence, nous annulerions la déclaration de culpabilité, la peine infligée et l'ordre de convocation dans le dossier 200532. Nous ordonnerions un nouveau procès et donnerions à l'ex-Caporal Beek le droit d'exercer un choix quant au juge des faits devant lequel se tiendra son nouveau procès.

 

[142] Une copie du jugement et des motifs de la présente instance sera versée dans le dossier Beek c. Sa Majesté la Reine, CACM‑504, à l'appui du jugement à être rendu dans cette affaire.

 

 

[17]           VU les discussions entre la directrice des poursuites militaires et l'appelant et conformément aux recommandations susmentionnées faites par la Cour dans l'arrêt Trépanier concernant la décision relative au présent appel, les parties ont convenu ce qui suit :

 

1. L'appel interjeté par l'ex-caporal Beek devrait être accueilli et sa déclaration de culpabilité ainsi que sa peine devraient être annulées.

 

2. On devrait ordonner la tenue d'un nouveau procès quant à toutes les accusations et ce nouveau procès devrait se dérouler en conformité avec la LDN, telle que modifiée et telle qu'en vigueur à la date de l'ordonnance de la Cour accueillant l'appel.

 

[18]           VU que nous sommes convaincus que la recommandation susmentionnée faite par la Cour dans l'arrêt Trépanier est la décision qu'il convenait de rendre quant au présent appel;

 

[19]           VU que l'intimée ne s'oppose pas à ce que la réparation proposée par la Cour dans l'arrêt Trépanier soit appliquée par la formation chargée de rendre jugement dans l'appel interjeté par l'ex‑caporal Beek, et ce, sans comparution officielle de la part des parties;

 

[20]           ET VU que le présent jugement est rendu en fonction de la preuve écrite.

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE :

 

1. L'appel de l'ex-caporal Beek est accueilli et sa déclaration de culpabilité ainsi que sa peine sont annulées.

 

2. Un nouveau procès quant à l'ensemble des accusations sera tenu, et ce, en conformité avec la Loi sur la défense nationale, telle que modifiée et telle qu'en vigueur à la date du présent jugement accueillant l'appel.

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge en chef

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.