Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20080425

Dossier : CMAC-503

Référence : 2008 CACM 4

 

CORAM : LE JUGE EN CHEF BLANCHARD

LE JUGE HUGESSEN

LA JUGE HANSEN

 

ENTRE :

 

CAPORAL-CHEF PAUL

PATRICK BILLARD

 

appelant

 

et

 

 

Sa Majesté la reine

 

intimée

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 25 avril 2008

Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 25 avril 2008

 

 

 

Motifs du jugement de la cour : le juge en chef BLANCHARD

 


Date : 20080425

Dossier : CMAC-503

Référence : 2008 CACM 4

 

CORAM : LE JUGE EN CHEF BLANCHARD

LE JUGE HUGESSEN

LA JUGE HANSEN

 

ENTRE :

 

CAPORAL-CHEF PAUL

PATRICK BILLARD

 

appelant

 

et

 

 

Sa Majesté la reine

 

intimée

 

 

 

 

motifs du jugement

(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le 25 avril 2008)

 

 

La cour

 

[1]                L'appelant demande l'autorisation d'interjeter appel et, si elle est accordée, il interjette appel de la gravité de sa peine de détention de 21 jours imposée par un juge militaire le 6 juillet 2007, après qu'il eut plaidé coupable à l'accusation de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en contravention de l'article 129 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N‑5 (la LDN).

 

[2]                L'acte d'accusation contient les précisions suivantes :

[traduction]

 

Négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline

 

Précisions : En ce que, le ou vers le 22 mai 2006, dans la province de Kandahar ou dans les environs, en Afghanistan, alors que la base d'opérations avancée où il se trouvait était directement attaquée, il a omis de porter son casque et son gilet pare-balles, contrairement aux ordres permanents de la force opérationnelle.

 

 

[3]                L'énoncé des circonstances suivant a été versé au dossier à la cour martiale et l'accusé a reconnu les faits :

[traduction]

 

1.                  À toutes les époques pertinentes, le cplc Billard était et demeure membre de la Force régulière. À toutes les époques pertinentes, le cplc Billard servait comme imagiste à une base d'opérations avancée (BOA) située dans la province de Kandahar, en Afghanistan. Il logeait dans la chambre 3A.

 

2.                  L'expression « branle-bas de combat » désigne un état défensif de préparation des troupes en prévision d'une action ennemie. L'ordre « branle-bas de combat » est donné aux soldats pour indiquer qu'ils doivent se préparer à défendre leur position contre une attaque.

 

3.                  L'expression « attirail de combat » désigne une tenue réglementaire portée par les soldats. À l'époque et au lieu pertinents, « l'attirail de combat » comprenait les éléments suivants : un casque, un gilet pare-balles, un gilet à matériel, un fusil, un pistolet et un poste radio personnel.

4.                  Le cplc Billard est arrivé à la BOA le 12 décembre 2005. Le lendemain de son arrivée, il a assisté à une séance d'information d'arrivée donnée par le sergent-major de camp (SMC). Cette réunion d'information portait notamment sur les ordres concernant la sécurité de la BOA et de la force opérationnelle (FO) à laquelle appartenait le cplc Billard. Parmi les ordres, il y avait une directive selon laquelle, en réponse à un branle-bas de combat (qui pouvait être déclenché par une sirène ou le commandement verbal « branle-bas de combat), les membres du personnel devaient enfiler leur attirail de combat et répondre à la personne responsable. Une fois que le SMC avait donné la séance d'information d'arrivée à un membre, le SMC signait la carte d'arrivée du membre sur une ligne intitulée « SMC (séance d'information sur la sécurité) ». Le 13 décembre 2005, le SMC a signé la carte d'arrivée du cplc Billard sur la ligne intitulée séance d'information sur la sécurité.

 

5.                  La carte d'arrivée contient également une ligne indiquant que le membre a lu les ordres permanents de la force opérationnelle et qu'il en prend acte. Le 13 décembre 2005, le cplc Billard a signé la ligne indiquant qu'il avait lu les ordres permanents. Selon les ordres permanents de la FO, en réponse à une attaque, soit directe ou indirecte, les membres devaient mettre leur casque et leur gilet pare-balles. À l'époque pertinente, le cplc Billard avait lu l'ordre permanent et connaissait l'exigence de mettre son casque et son gilet pare-balles en réponse à une attaque.

 

6.                  Le 21 mai 2006, le cplc Billard a participé à une réunion d'information au cours de laquelle les membres de la FO ont été informés que la BOA faisait l'objet d'une menace accrue à ce moment-là. Les membres ont également été avisés que des exercices de branle-bas de combat auraient lieu cette nuit-là. L'exercice ne comporterait cependant pas l'utilisation de la sirène de branle-bas de combat ni de tirs réels des armes. Les membres ont été avertis que la BOA était particulièrement vulnérable à ce moment-là, puisqu'un grand nombre de soldats étaient alors absents du camp.

 

7.                  Les membres du personnel résidant dans la chambre 3A n'étaient pas les premiers défenseurs de la BOA mais, si nécessaire, ils étaient tenus d'agir à titre de brancardiers et de force de réserve.

 

8.                  À environ 0200 heures, le 22 mai 2006, deux insurgés armés ont lancé une attaque directe sur la BOA. À une distance d'environ 50 mètres, un des insurgés a visé une des tours de guet de la BOA avec une grenade propulsée par fusée. Un membre de l'unité de défense et de sécurité de la BOA, le « soldat A », était présent dans cette tour de guet. Le soldat A a vu l'insurgé diriger la grenade propulsée par fusée vers la tour et a vu un éclair provenir du lance-grenades, indiquant que l'insurgé avait tenté de lancer la grenade propulsée par fusée. Cependant, la grenade propulsée par fusée a mal fonctionné et n'a pas quitté le lance-grenades. Le soldat A a alors crié l'ordre « branle-bas de combat » et a répété l'ordre dans son poste radio. Le soldat A a alors commencé un échange de tir d'armes de petit calibre avec les insurgés. Le soldat A a entendu des tirs provenant d'autres armes, mais ne pouvait dire s'ils visaient la BOA.

 

9.                  Lorsqu'il a entendu l'ordre « branle-bas de combat » donné par le soldat A, un soldat de garde dans le poste de commandement a activé la sirène de branle-bas de combat. Il était possible d'entendre la sirène de branle-bas de combat et le tir d'armes de petit calibre partout dans le camp, y compris dans la chambre 3A, où se trouvait le cplc Billard.

 

10.              Un sergent de la chambre 3A, le « soldat B », avait été nommé sous-officier supérieur responsable de la chambre 3A pour les questions de défense locale. Avant de quitter la chambre pour se présenter à son supérieur, le soldat B a rappelé à tous dans la pièce qu'ils devaient se lever et s'habiller.

 

11.              La plupart des résidents de la chambre 3A, mais pas tous, sont sortis du lit et ont commencé à enfiler leur attirail de combat. Le cplc Billard était parmi ceux qui sont demeurés au lit.

 

12.              Un autre sergent résidant dans la chambre 3A, le « soldat C », s'est réveillé en entendant la sirène de branle-bas de combat et des coups de feu. Il a allumé son poste radio et a entendu ce qui suit : l'ordre « branle-bas de combat », un compte-rendu de contact et la confirmation qu'il ne s'agissait pas d'un exercice.

 

13.              Un caporal résidant dans la chambre 3A enfilait son attirail de combat lorsque le cplc Billard lui a dit : « Où est-ce que tu vas et pourquoi? Tu n'es qu'un dégonflé. » Plusieurs soldats ont alors commencé à presser le cplc Billard de sortir du lit. Il a répondu en leur déclarant : « Vous n'êtes que des dégonflés. Vous n'avez pas besoin de vous habiller. Vous ne faites que vous dégonfler ».

 

14.              Le soldat C a alors proposé à un autre soldat, le « soldat D », qu'ils pourraient arracher le cplc Billard de son lit en faisant beaucoup de bruit. Le soldat D a alors frappé le côté d'une armoire‑vestiaire avec un tube de plastique. Le cplc Billard a répondu : « Je suis immunisé contre cela. Je vais dormir. »

 

15.              À aucun moment pendant le branle-bas de combat, le cplc Billard n'a enfilé son attirail de combat. Plus particulièrement, le cplc Billard n'a pas enfilé son casque ni son gilet pare-balles en réponse à l'attaque directe de la BOA.

 

16.              À un moment au cours du branle-bas de combat, le cplc Billard a dû se rendre aux toilettes. Il est sorti du lit, a enfilé un short, a pris son pistolet et a quitté la chambre. Il est revenu et est retourné au lit. Le branle-bas de combat a pris fin peu de temps après.

 

17.              Tout au long du branle-bas de combat, le cplc Billard a surveillé les communications radio et s'est tenu informé de la situation tactique. Il a conclu que la situation n'exigeait pas qu'il sorte du lit. Ses chargeurs contenaient des munitions et ses armes étaient prêtes à l'utilisation. Bien qu'il n'ait pas enfilé son attirail de combat, celui-ci était facilement accessible.

 

[4]                En ce qui concerne la peine, le procureur a recommandé une peine de détention de dix à 21 jours, alors que les avocats de la défense ont recommandé une réprimande sévère et une amende d'un montant de 2 000 $ à 3 000 $, payable selon des paiements mensuels de 250 $. Subsidiairement, les avocats de la défense ont soutenu qu'il devrait y avoir sursis à l'exécution de toute période de détention que le juge militaire estimerait convenable d'imposer.

 

[5]                Le 6 juillet 2007, le juge militaire a déclaré l'appelant coupable de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline et lui a imposé une peine de détention de 21 jours.

 

[6]                Après avoir examiné le dossier et entendu les avocats de l'appelant, nous sommes d'avis que la peine imposée n'est pas illégale ni manifestement inappropriée. À notre avis, le juge militaire n'a commis aucune erreur de principe, n'a pas omis d'examiner les facteurs pertinents et n'a pas accordé une importance exagérée aux facteurs appropriés.

 

[7]                La présente affaire soulève un principe important, à savoir le principe du « soldat d'abord ». Un membre des forces canadiennes, quel que soit son rang, son métier ou son poste, est toujours un soldat combattant. L'infraction de l'appelant ne se rapportait pas à l'exécution de ses fonctions habituelles à titre de préposé au renseignement. Selon la preuve, il exécute ces fonctions très bien comme en témoignent, entre autres, l'appui et la présence ininterrompus de son commandant et de ses supérieurs à l'audience du présent appel. Son infraction portait plutôt directement sur son omission de se comporter comme un membre d'une unité de combat qui était alors attaquée, mettant ainsi en danger sa vie et sa sécurité, ainsi que celles de ses camarades.

 

[8]                Dans de telles circonstances, il est impératif d'obéir aveuglément à des ordres licites.

 

[9]                Les principes de réprobation et de dissuasion prennent une importance particulière dans ces circonstances. Reconnaissant que l'infraction à laquelle l'appelant a plaidé coupable est assortie d'une peine maximum de destitution ignominieuse, nous sommes d'avis qu'une peine de détention de 21 jours était convenable et juste dans les circonstances.

 

[10]            L'autorisation d'interjeter appel sera accordée et l'appel sera rejeté.

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge en chef

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste-traducteur


 

 

 

Cour d'appel de la cour martiale du Canada

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

Dossier : CMAC-503

 

Intitulé : caporal-chef PAUL PATRICK BILLARD c. Sa Majesté la reine

 

 

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario)

 

Date de l'audience : le 25 avril 2008

 

Motifs du jugement

de la cour : le juge en chef BLANCHARD

Le juge HUGESSEN

LA juge HANSEN

 

PrononcéS à l'audience par : le juge en chef BLANCHARD

 

Date des motifs : le 25 avril 2008

 

 

Comparutions :

 

Michel W. Drapeau

Zorica Guzina

 

Pour l'appelant

Major Marylène Trudel

 

Pour l'intimée

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Cabinet juridique Michel Drapeau

Ottawa (Ontario) K2P 0J4

 

Pour l'appelant

Service canadien des poursuites militaires

Ottawa (Ontario) K1A 0K2

 

Pour l'intimée

 

 

 

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