Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20100820

Dossier : CMAC-517

Référence : 2010 CACM 7

 

CORAM : LE JUGE PELLETIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE COURNOYER

 

ENTRE :

EX-SOLDAT D. ST-ONGE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 26 février 2010

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE PELLETIER

Y A SOUSCRIT : LA JUGE TRUDEL

MOTIFS DISSIDENTS : LE JUGE COURNOYER

 


 

 

Date : 20100820

Dossier : CMAC-517

Référence : 2010 CACM 7

 

CORAM: LE JUGE PELLETIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE COURNOYER

 

ENTRE :

EX-SOLDAT D. ST-ONGE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

 

INTRODUCTION

 

[1]               Le présent appel vise une décision d'une cour martiale disciplinaire et soulève deux questions. La première consiste à déterminer si l'appelant, l'ex‑soldat St‑Onge, a renoncé à l'avantage du délai de prescription dans le cadre de la poursuite dont il faisait l'objet pour possession d'une petite quantité de marijuana. La seconde porte sur la justesse de la peine de 30 jours de prison infligée à l'appelant au vu de l'ensemble des circonstances, notamment le fait


que l'appelant avait fait l'objet d'une libération administrative des Forces canadiennes quelque temps avant la détermination de sa peine.

 

LES FAITS

[2]               L'appelant était membre de la force permanente, plus particulièrement de la compagnie B du 2e bataillon du Royal 22e Régiment. Le 25 août 2006, il s'est présenté en retard à la parade pour une deuxième journée consécutive. Lorsque l'adjudant l'a réprimandé en présence d'autres membres du peloton, l'appelant a proféré des mots que l'adjudant a estimé être une menace. L'appelant a été escorté au bureau du sergent­major de la compagnie, et l'adjudant a expliqué à ce dernier la raison de leur présence. Pendant que l'adjudant donnait cette explication, l'appelant a affirmé que si l'adjudant ne sortait pas de la pièce, il allait le frapper. Le sergent­major de la compagnie a alors demandé à l'adjudant de sortir de la pièce. L'appelant a par la suite présenté ses excuses à l'adjudant pour sa conduite.

 

[3]               Le 28 septembre 2006, l'ex­épouse de l'appelant a porté plainte à la police militaire parce que l'appelant la harcelait. Pendant l'entrevue avec la police militaire, elle a mentionné que l'appelant avait à sa résidence des munitions et des explosifs appartenant aux Forces canadiennes. Elle a également affirmé que l'appelant consommait régulièrement des drogues illicites.

 

[4]               Sur le fondement de cette information, la police militaire a exécuté un mandat de perquisition à la résidence de l'appelant le 10 octobre 2006; pendant la perquisition les éléments suivants ont été saisis :

- six cartouches réelles de type 5,6 mm;

- 200 cartouches à blanc de type 5,6 mm;

- une cartouche réelle de type 25 mm;

- une cartouche pour l'entraînement de type 40 mm.

 

[5]               Pendant l'exécution du mandat de perquisition, les membres de la police militaire ont vu des objets servant à la consommation de drogue qui traînaient à la vue de tous. Sur la foi de cette information, le Service national des enquêtes a obtenu un second mandat de perquisition qui a également été exécuté le 10 octobre 2006. La seconde perquisition a permis de saisir les éléments suivants :

- un demi-comprimé d'une substance dont l'analyse a par la suite révélé qu'il s'agissait de méthamphétamine;

 

- des restes de matière végétale verte dont l'analyse a par la suite révélé qu'il s'agissait de cannabis;

 

- cinq morceaux de vitre sur lesquels se trouvaient des traces de matière végétale verte dont l'analyse a par la suite révélé qu'il s'agissait de résine de cannabis;

 

- un cendrier contenant des restes de cigarettes roulées à la main dont l'analyse a par la suite révélé qu'ils renfermaient du cannabis;

 

- dix bouchons de bouteilles sur lesquels se trouvaient des restes d'une substance dont l'analyse a par la suite révélé qu'il s'agissait de résine de cannabis.

 

La possession de chacune de ces substances est interdite par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19.

 

[6]               Le 20 octobre 2006, l'appelant a été interrogé par la police militaire au sujet des munitions trouvées à sa résidence. Après avoir été informé de ses droits et avoir renoncé à son droit de consulter un avocat, l'appelant a de son plein gré déclaré qu'il avait obtenu les munitions pendant des exercices militaires à Wainwright, en Alberta, et à Baie­Saint­Paul, au Québec. À la fin de ces exercices, l'appelant a faussement déclaré aux autorités militaires qu'il n'avait aucune munition en sa possession.

 

[7]               Le 2 novembre 2006, l'appelant a été interrogé par des membres du Service national des enquêtes. L'appelant a de nouveau été informé de ses droits et il a encore une fois renoncé à son droit de consulter un avocat. L'appelant a déclaré de son plein gré que la drogue trouvée dans sa résidence était la sienne. Il a également déclaré qu'il achetait régulièrement de la marijuana avec son colocataire et qu'il la gardait dans son congélateur. Il a aussi admis consommer de la marijuana et de l'huile de cannabis. D'autres enquêtes menées par le Service national des enquêtes ont révélé que l'appelant achetait une once de marijuana plus ou moins aux deux mois.

 

[8]               En mars 2008, l'appelant a été libéré des Forces canadiennes sur le fondement de l'alinéa 15.01(5)f) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (les ORFC) au motif qu'il était inapte à continuer son service militaire. L'alinéa 15.01(5)f) vise le militaire qui, soit entièrement soit principalement à cause de facteurs en son pouvoir, manifeste des faiblesses personnelles ou un comportement ou a des problèmes de famille ou personnels qui compromettent grandement son utilité ou imposent un fardeau excessif à l'administration des Forces canadiennes.

 

POURSUITE PAR LES AUTORITÉS MILITAIRES

[9]               Le 1er décembre 2006, l'unité de l'appelant a déposé des accusations relatives à l'incident d'insubordination. Le 18 avril 2007, le Service national des enquêtes a déposé des accusations de possession et de trafic de drogues contre l'appelant. Le 19 juillet 2007, les accusations de possession et de trafic de drogues ont été transmises à l'autorité de renvoi qui, à son tour, les a transmises au directeur des poursuites militaires le 19 septembre 2007 (dossier d'appel, volume 1, page 153).

 

[10]           Le 13 mars 2008, l'appelant a été accusé par acte d'accusation, lequel renfermait sept chefs d'accusation. L'acte d'accusation comprenait ce qui suit :

Premier chef d'accusation,

Article 130 L.D.N.

 

UNE INFRACTION PUNISSABLE SELON L'ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, SOIT TRAFIC D'UNE SUBSTANCE, CONTRAIREMENT AU PARAGRAPHE 5 (1) DE LA LOI RÈGLEMENTANT CERTAINES DROGUES ET AUTRES SUBSTANCES.

 

Détails : En ce que, entre le mois de juillet 2005 et le mois de novembre 2006, au ou dans les environs du 1489 rue Corail, Val-Bélair, Ville de Québec, Province de Québec, il a fait le trafic d'une substance qu'il a présentée ou tenue pour être inscrite à l'annexe II de la Loi règlement certaines drogues et autres substances, soit du cannabis (marihuana).

 

Deuxième chef d'accusation

Article 130 L.D.N.

 

UNE INFRACTION PUNISSABLE SELON L'ARTICLE 130 DE LA DÉFENSE NATIONALE SOIT POSSESSION D'UNE SUBSTANCE, CONTRAIREMENT AU PARAGRAPHE 4 (1) DE LA LOI RÈGLEMENTANT CERTAINES DROGUES ET AUTRES SUBSTANCES.

Détails : En ce que, entre le mois de juillet 2005 et le mois de novembre 2006, au ou dans les environs du 1489 Rue Corail, Val-Bélair, Ville de Québec, province de Québec, il avait illégalement en sa possession une substance inscrite à l'annexe II de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, soit du cannabis (marihuana).

 

Troisième chef d'accusation

Article 129 L.D.N.

 

ACTE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE.

Détails : En ce que, entre le mois de juillet 2004 et le mois de novembre 2006, au ou dans les environs de la Ville de Québec, province de Québec, il a fait usage non autorisé d'une drogue inscrite à l'annexe II de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, soit du cannabis (marihuana), et ce, contrairement à l'article 20.04 des Ordres et Règlements royaux applicable aux Forces canadiennes.

 

 

Quatrième chef d'accusation

Article 129 L.D.N.

 

ACTE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE.

Détails : En ce que, entre le mois de juillet 2004 et le mois de novembre 2006, au ou dans les environs de la Ville de Québec, province de Québec, il avait usage non autorisé d'une drogue inscrite à l'annexe III de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, soit de la methamphetamine, et ce, contrairement à l'article 20.04 des Ordres et Règlements royaux applicable aux Forces canadiennes.

 

 

Cinquième chef d'accusation

Article 115 L.D.N.

(Subsidiaire au sixième chef)

 

A RECELÉ UN BIEN OBTENU PAR LA PERPÉTRATION D'UNE INFRACTION D'ORDRE MILITAIRE, SACHANT QU'IL A ÉTÉ AINSI OBTENU

Détails : En ce que, vers le 10 octobre 2006, au ou dans les environs du 1489 Rue Corail, Val-Bélair, Ville de Québec, province de Québec, il a eu illégalement en sa possession des munitions appartenant aux Forces canadiennes, soit six cartouches réelles de type 5.56 mm, deux-cent cartouches à blanc de type 5.56 mm, une cartouche réelle de type 25 mm, et une cartouche réelle de type 40 mm, sachant que ces munitions ont été obtenues par la perpétration d'une infraction d'ordre militaire.

 

 

Sixième chef d'accusation

Article 129 L.D.N.

(Subsidiaire au cinquième chef)

 

ACTE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE

Détails : En ce que, vers le 10 octobre 2006, au ou dans les environs du 1489 Rue Corail, Val-Bélair, Ville de Québec, province de Québec, il était, sans autorisation, en possession de munitions appartenant [aux] Forces canadiennes.

 

 

Septième chef d'accusation

Article 85 L.D.N.

 

A MENACÉ VERBALEMENT UN SUPÉRIEUR

Détails : En ce que, le ou vers le 25 août 2006, à ou dans les environs de la bâtisse 313 de la Garnison Valcartier, Coucelette, province de Québec, il a dit à l'Adjudant Lapalme : « Sort d'icit mon criss, je vais t'en crisser une », ou quelques paroles à cet effet.

 

 

[11]           Par une ordonnance datée du 25 mars 2008, l'administrateur de la cour martiale a convoqué une cour martiale disciplinaire présidée par le lieutenant­colonel D'Auteuil (le juge militaire) afin que ce dernier statue sur les accusations portées contre l'appelant. La cour martiale disciplinaire a été convoquée à Valcartier, au Québec, le 26 mai 2008. Compte tenu de l'analyse sur la question de la renonciation que je ferai ci­après, il importe de comprendre ce qui s'est passé devant le juge militaire à l'ouverture de l'audience.

 

[12]           Après avoir réglé quelques formalités et après que l'appelant eut confirmé qu'il avait choisi d'être jugé par une cour martiale disciplinaire, tel que requis par la décision Trépanier c. SMA, 2008 CACM 3, le juge militaire a demandé à l'accusé s'il plaidait coupable ou non coupable aux accusations. L'appelant a plaidé non coupable aux chefs d'accusation nos 1 et 5 de l'acte d'accusation et coupable à tous les autres chefs d'accusation. Le procureur de la poursuite a informé le juge militaire qu'il n'avait pas l'intention de présenter quelque preuve que ce soit concernant le premier chef d'accusation visant le trafic d'une substance désignée. L'avocat de la défense a fait valoir que le chef d'accusation devait être retiré. Le juge militaire a informé les avocats que la distinction était importante, car seul le comité pourrait acquitter l'appelant quant au premier chef d'accusation si la Poursuite ne présentait aucune preuve; il n'avait pas la compétence d'acquitter l'appelant.

 

[13]           Le juge militaire a ordonné une brève suspension de l'audience afin de permettre aux avocats de se consulter. Lorsque l'audience a repris, le procureur de la poursuite a informé le juge militaire que la poursuite demandait l'autorisation de la cour martiale de retirer le premier chef d'accusation de l'acte d'accusation. Il a affirmé que les avocats s'étaient toujours entendus sur le fait que la poursuite ne présenterait aucune preuve quant au premier chef d'accusation et que, en retour, l'appelant plaiderait coupable aux autres chefs d'accusation. Étant donné que seul le comité pourrait acquitter l'accusé quant au premier chef d'accusation et que les avocats n'ont pas estimé qu'il serait dans l'intérêt de la justice que le comité soit convoqué afin qu'il statue sur un chef d'accusation pour lequel aucune preuve ne serait déposée, le procureur de la poursuite a demandé l'autorisation de retirer le premier chef d'accusation. L'avocat de la défense a confirmé qu'il y avait toujours eu une entente selon laquelle aucune preuve ne serait présentée quant au premier chef d'accusation. Il a appuyé la demande d'autorisation de retirer le premier chef d'accusation présentée par le procureur de la poursuite. Le juge militaire a accueilli la demande du procureur de la poursuite et l'a autorisé à retirer le premier chef d'accusation de l'acte d'accusation.

 

[14]           Comme l'exigeait le paragraphe 125.12(2) des ORFC, le juge militaire a par la suite demandé au procureur de la poursuite s'il acceptait le plaidoyer de culpabilité quant au chef d'accusation no 6, étant donné que le chef d'accusation no 6 était subsidiaire au chef no 5 et que le chef d'accusation no 6 était moins grave que le chef no 5. Le procureur de la poursuite a affirmé qu'il acceptait le plaidoyer de culpabilité, et le juge militaire a donc ordonné une suspension d'instance concernant le cinquième chef d'accusation.

 

[15]           Le juge militaire a donc dû déterminer la peine de l'appelant quant aux chefs d'accusation suivants :

- un chef d'accusation pour possession non autorisée de marijuana en violation de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (simple possession);

 

- deux chefs d'accusation pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, suivant l'article 129 de la Loi sur la défense nationale, au motif que l'appelant a utilisé sans autorisation des substances désignées, à savoir de la marijuana et des méthamphétamines, en violation de l'article 20.04 des ORFC;

 

- un chef d'accusation pour possession de biens obtenus par la perpétration d'une infraction d'ordre militaire, à savoir des munitions qui étaient la propriété des Forces canadiennes, en violation de l'article 115 de la Loi sur la défense nationale;

 

- un chef d'accusation pour insubordination, au motif que l'appelant a insulté verbalement un supérieur, en violation de l'article 85 de la Loi sur la défense nationale.

 

[16]           Avant de déterminer la peine, le juge militaire s'est vu remettre des observations conjointes quant aux circonstances entourant ces accusations. Il a par la suite entendu le témoignage du commandant de la compagnie de l'appelant et celui de l'appelant lui-même, puis il a entendu les observations du procureur de la poursuite et de l'avocat de l'appelant quant à la peine appropriée.

 

[17]           En ce qui concerne la question de la possession de marijuana, le juge militaire devait déterminer la gravité objective de l'infraction, fixée par la peine maximale qui pourrait être infligée à l'accusé s'il était déclaré coupable. Pour ce faire, il devait tenir compte de la quantité de marijuana que l'appelant avait en sa possession parce que, bien que le paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances établisse une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité ou par voie d'acte d'accusation, le paragraphe 4(5) dispose que, si un défendeur avait moins de 30 grammes de marijuana en sa possession, l'infraction n'est punissable que sur déclaration sommaire de culpabilité.

 

[18]           À cet égard, le procureur de la poursuite a noté que la preuve révélait que l'appelant achetait une once de marijuana, soit 28 grammes, tous les deux mois. Il a avancé qu'il était possible que l'appelant ait eu, à certains moments, plus de 30 grammes de marijuana en sa possession, malgré qu'il ne puisse pas le prouver. Le juge militaire a interrompu le procureur de la poursuite pour lui demander comment il devrait déterminer la gravité objective de l'infraction (autrement dit, comment il devrait déterminer si l'appelant avait eu plus de 30 grammes de marijuana en sa possession). Le procureur de la poursuite a convenu que la preuve révélait seulement que l'appelant achetait 28 grammes de marijuana tous les deux mois. Le juge militaire ne pouvait pas tenir pour acquis que l'appelant achetait de la marijuana seulement lorsqu'il n'en avait plus, et il ne pouvait pas non plus tenir pour acquis que l'appelant renouvelait ses réserves avant d'avoir terminé tout son stock. En fin de compte, le juge militaire a estimé que la seule conclusion possible, vu la preuve, était que la plus grande quantité de marijuana que l'appelant avait eue en sa possession à quelque moment donné était 28 grammes et que, par conséquent, la gravité objective de l'infraction était déterminée par la période maximale d'emprisonnement de 6 mois suivant le paragraphe 4(5) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[19]           Dans ses observations sur les facteurs atténuants, le procureur de la poursuite a mentionné le temps écoulé entre les dates où les infractions ont été perpétrées et la date du procès. Il a également affirmé que la libération de l'appelant des Forces canadiennes constituait un facteur atténuant, ce qui a mené le juge militaire à demander aux avocats si cette mesure n'avait pas en partie réglé les problèmes de discipline découlant du comportement de l'appelant.

 

[20]           Dans ses observations sur la peine, l'avocat de l'appelant s'est longuement attardé sur le temps écoulé entre les dates où les infractions ont été perpétrées et la date de l'audience. Il a noté que le chef d'accusation visant l'utilisation de méthamphétamine concernait une période de temps commençant en 2004, alors que les faits les plus récents avaient eu lieu en 2006. Selon cet avocat, vu que l'appelant avait fait des déclarations incriminantes en lien avec l'ensemble des chefs d'accusation auxquels il a plaidé coupable, il s'était écoulé trop de temps avant que l'affaire soit instruite en mai 2008. Il a estimé que, en raison du temps qui s'était écoulé, l'appelant avait fait l'objet d'une enquête qui avait duré environ 19 mois, ce que l'appelant avait trouvé très difficile. En réponse, le juge militaire a déclaré ce qui suit :

JUGE MILITAIRE : Il n'a pas été sous enquête pendant 19 mois. Je pense que c'est le terme « sous enquête » qu'on s'entend pas là. Il a fait l'objet d'une enquête par la police militaire. O.K., puis il a fait l'objet d'accusations six mois après la perquisition. Donc, il a été sous enquête pour la drogue pendant six mois puis il a été accusé. O.K. Là, il a fait l'objet d'une accusation. Il n'est plus sous enquête à ce moment-là, on s'entend?

 

AVOCAT DE LA DÉFENSE (CAPITAINE TREMBLAY) : On s'entend. On s'entend là-dessus.

[Je souligne]

 

(Dossier d'appel, page 193)

 

 

[21]           En ce qui concerne la question de la peine appropriée, l'avocat de l'appelant a noté que, pour qu'une peine réponde à l'objectif de dissuasion générale, elle doit être infligée rapidement après la perpétration de l'infraction, sans quoi ceux que l'on souhaite dissuader oublient les faits, et l'effet de la peine s'en trouve donc amoindri. En l'espèce, l'appelant a été progressivement retiré de la compagnie B et il n'était plus membre des Forces canadiennes. L'avocat de l'appelant a estimé que le temps écoulé avant l'instruction de l'affaire n'était pas compatible avec le besoin allégué de dissuasion générale.

 

[22]           L'avocat de l'appelant a également noté que, compte tenu de la libération de l'appelant des Forces canadiennes, la gamme des peines pouvant être infligées par le juge militaire avait considérablement diminué. En fait, seulement trois possibilités réalistes s'offraient au juge militaire : l'avertissement, l'amende ou l'emprisonnement. Bien qu'il eût été théoriquement possible de frapper l'appelant d'une destitution ignominieuse, cette peine est rarement infligée lorsque la personne visée a déjà été libérée des Forces canadiennes. L'avocat de l'appelant a avancé que l'emprisonnement constituait une mesure de dernier recours et que le juge militaire, dans le cadre de l'analyse du caractère appropriée d'une telle peine, devait tenir compte de la libération de l'appelant des Forces canadiennes. L'avocat de l'appelant a soutenu que la peine appropriée était une amende de 3 000 $ payable en versements mensuels de 150 $.

 

LA DÉCISION DU JUGE MILITAIRE

[23]           Le juge militaire a commencé sa décision en rappelant que, dans le cadre de la détermination de la peine, la cour martiale doit imposer la mesure la moins attentatoire à l'accusé vu les circonstances. Le juge militaire a par la suite énoncé les principes de la détermination de la peine prévus au Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C­46, lesquels s'appliquent dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec le régime des peines établi par la Loi sur la défense nationale. Il a énuméré ces principes de la façon suivante : premièrement, la protection du public, y compris les intérêts des Forces canadiennes; deuxièmement, la punition du contrevenant; troisièmement, la dissuasion, tant générale que particulière; quatrièmement, l'isolement au besoin du contrevenant du reste de la société, y compris des membres des Forces canadiennes; cinquièmement, l'uniformité dans les peines infligées aux contrevenants ayant commis des infractions semblables dans des circonstances semblables et, sixièmement, la réhabilitation et la réinsertion du contrevenant.

 

[24]           Après examen de ces principes, le juge militaire a conclu que la protection du public nécessitait qu'il inflige une peine qui mettait d'abord l'accent sur la dissuasion générale puis sur la dissuasion particulière, la dénonciation et la punition du contrevenant.

 

[25]           Le juge militaire a énuméré les facteurs aggravants suivants :

- la gravité objective des infractions, laquelle est déterminée par la peine maximale. Quant à l'accusation de possession de moins de 30 grammes de marijuana (le deuxième chef d'accusation de l'acte d'accusation), la peine maximale est une amende de 1 000 $ ou un emprisonnement de 6 mois, ce que le juge militaire a considéré être plutôt grave. La peine maximale pour tous les autres chefs d'accusation était la destitution ignominieuse; il s'agissait donc d'infractions objectivement graves.

 

- la gravité subjective des infractions. Le juge militaire a considéré que les facteurs qui suivent étaient importants en ce qui concerne les chefs d'accusation portant sur les infractions liées à la drogue :

 

a.       la durée de la possession et de la consommation de drogues illicites par l'appelant;

b.      la quantité importante de drogues, même si elle n'excédait pas 30 grammes;

c.       le contexte dans lequel l'appelant avait consommé de la drogue, c'est­à­dire en présence d'autres membres des Forces canadiennes lors de rencontres entre amis chez lui ou ailleurs;

d.      l'antécédent de consommation de drogues de l'appelant et les efforts déployés par ses supérieurs pour que l'appelant arrête de consommer;

e.       l'indifférence totale affichée par l'appelant envers les conséquences découlant de sa consommation de drogue.

 

 

[26]           En ce qui concerne le chef d'accusation portant sur la possession sans autorisation de munitions, le juge militaire a tenu compte de ce qui suit :

a.       la nature des munitions;

b.      le fait que l'appelant n'avait aucunement l'intention de retourner les munitions;

c.       les fausses déclarations de l'appelant aux autorités militaires à la fin des exercices militaires où les munitions ont été obtenues.

 

 

[27]           En ce qui a trait au chef d'accusation lié à l'insubordination, le juge militaire a tenu compte des faits suivants :

a.          la nature des mots proférés, qui visaient à ce que la victime craigne que son intégrité physique soit menacée;

b.         le rang du supérieur ayant été menacé.

 

 

[28]           Le juge militaire a également tenu des circonstances atténuantes qui suivent :

a. le plaidoyer de culpabilité de l'appelant témoignait d'un certain degré de remords et du désir d'être un membre actif de la société;

b. l'absence de dossier disciplinaire ou de casier judiciaire pour des infractions de même nature;

c. les facteurs précis liés à chaque infraction, à savoir :

i. le fait que l'appelant a choisi de ne pas consommer de drogue sur les terrains des Forces canadiennes et durant le travail;

ii. le fait que la possession sans autorisation de munitions n'est pas un problème généralisé conjugué au fait que les munitions avaient été laissées à la vue de tous;

iii. quant à l'insubordination, les antécédents liés aux difficultés personnelles entre l'appelant et le supérieur qui a été menacé;

 

d. l'âge de l'appelant et son potentiel d'avancement dans la société canadienne;

e. le fait que l'appelant a comparu lors d'une audience publique pour répondre aux accusations portées contre lui;

f. le temps qui s'est écoulé avant que les accusations n'aient été instruites;

g. le fait que la carrière militaire de l'appelant se soit terminée en raison de sa consommation de drogues et des accusations portées contre lui, parce que les Forces canadiennes l'ont considéré inapte à continuer son service militaire. Bien que sa libération ne constitue pas une mesure punitive en soi, il faut en tenir compte dans la détermination de la peine.

 

[29]           Le juge militaire a par la suite apprécié la preuve portant sur l'attitude de l'appelant. Il a noté que l'appelant comprenait avoir transgressé des règles importantes quant à la possession et à l'usage de drogues illicites, mais il a également souligné que l'appelant soutenait que sa consommation de drogue ne constituait pas un problème dans le contexte militaire parce qu'il avait pris des mesures pour faire en sorte qu'elle ne nuise pas à son rendement au travail. Le juge militaire a été quelque peu surpris par l'admission de l'appelant selon laquelle ce dernier avait continué à consommer de la drogue, et ce, malgré les accusations liées à la consommation de drogues illicites portées contre lui. Il a conclu que ce témoignage révélait que l'appelant ne comprenait aucunement les normes sociales véhiculées par les lois et règlements applicables en matière de drogue.

 

[30]           Le juge militaire a inféré de cette conclusion que l'appelant avait de la difficulté à accepter que ses opinions ne soient pas toujours acceptées, particulièrement lorsqu'un supérieur exerçait son autorité.

 

[31]           Le juge militaire a tenu compte de l'arrêt R c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, dans laquelle la Cour suprême avait conclu que l'emprisonnement doit être la peine de dernier recours et qu'il doit être imposé lorsqu'aucune autre forme de sanction n'est appropriée vu les circonstances relatives à l'infraction et au contrevenant. Cette approche a également été confirmée par la Cour d'appel de la cour martiale dans l'arrêt R c. Battista, 2006 CACM 1.

 

[32]           Le juge militaire a noté le parallèle entre, dans le contexte de la société civile, une condamnation à l'emprisonnement avec sursis pour laquelle la personne condamnée purge sa peine dans la communauté lorsque les circonstances permettent de combiner les objectifs punitifs et correctifs et, dans le contexte militaire, la détention visant à réhabiliter le contrevenant et à lui inculquer les valeurs et les compétences propres aux membres des Forces canadiennes. On peut estimer que la détention a un effet dissuasif et dénonciateur sans, du même coup, qu'elle stigmatise les contrevenants au même degré qu'une peine d'emprisonnement. Il en est question dans les notes qui suivent les articles 104.04 et 104.09 des ORFC.

 

[33]           Le juge militaire a par la suite noté que, si un membre des Forces canadiennes a été libéré, les objectifs visés par une peine de détention n'ont plus aucune pertinence et que l'emprisonnement constitue donc la seule autre forme d'incarcération envisageable dans l'échelle des peines pouvant être infligées aux militaires contrevenants. En outre, lorsque la conduite répréhensible est plus grave qu'un simple manquement à la discipline et est de nature criminelle, le tribunal devant déterminer la peine doit non seulement examiner l'infraction à la lumière des considérations propres aux Forces canadiennes, mais également en fonction de l'exercice de sa juridiction pénale concurrente.

 

[34]           En l'espèce, le juge militaire a souligné que quatre des infractions auxquelles l'appelant avait plaidé coupable étaient de nature disciplinaire et que l'autre infraction, la possession de cannabis, était de nature criminelle. La simple possession, comme l'a mentionné le juge militaire dans d'autres affaires, n'entraîne pas nécessairement une peine d'emprisonnement. Cependant, le juge militaire a estimé que - vu l'infraction liée à la possession de drogue combinée aux autres infractions de nature disciplinaire, vu l'ensemble des facteurs aggravants et atténuants et vu l'état d'esprit du contrevenant à l'égard de l'ensemble des infractions, tant au moment de leur perpétration qu'au moment de la détermination de la peine - une période d'emprisonnement était la seule sanction adéquate et qu'il n'existait aucune autre sanction ou combinaison de sanction appropriée compte tenu des infractions et du contrevenant. Le juge militaire a conclu que l'emprisonnement était nécessaire pour la protection du public et le maintien de la discipline.

 

[35]           La seule autre question que devait trancher le juge militaire était la durée de la période d'emprisonnement. N'eût été des facteurs atténuants que le juge militaire avait énoncés précédemment, ce dernier n'aurait aucunement hésité à imposer à l'appelant une peine d'emprisonnement de plus de 60 jours. Cependant, étant donné que le juge militaire voulait permettre à l'appelant de tourner la page après sa libération des Forces canadiennes, il était prêt à considérer une période d'emprisonnement plus courte et il a donc imposé à l'appelant une peine d'emprisonnement de 30 jours.

 

LES MOYENS D'APPEL

[36]           Dans sa demande d'autorisation d'interjeter appel et dans son avis d'appel, l'appelant a contesté tant sa déclaration de culpabilité que sa peine; il a présenté quatre moyens d'appel portant sur des questions de droit ou des questions mixtes de fait et de droit. En cours d'instance, avant que l'affaire soit entendue, l'appelant a retiré trois de ces quatre questions initiales et en a ajouté une autre qui n'avait pas été soulevée auparavant. L'appelant a plaidé les moyens qui suivent devant la Cour :

1-      Le juge militaire a commis des erreurs de fait et de droit en imposant à l'appelant une peine d'emprisonnement de 30 jours.

 

2-      Le juge militaire a commis une erreur de droit en concluant que l'appelant était coupable d'une infraction pour laquelle l'appelant ne pouvait plus faire l'objet d'une poursuite vu le délai de prescription.

 

 

[37]           La seconde question, qui n'avait pas été soulevée dans l'avis d'appel initial, porte sur la déclaration de culpabilité pour simple possession de marijuana. Étant donné que la nature criminelle de cette infraction avait été un facteur retenu par le juge militaire lors de la détermination de la peine appropriée, je trancherai d'abord cette question parce que, si l'appelant a gain de cause quant à ce moyen, je devrai en tenir compte lors de l'examen de la question liée à la sévérité de la sentence.

 

ANALYSE

Le moyen d'appel contre la déclaration de culpabilité pour simple possession

[38]           L'article 69 de la Loi sur la défense nationale traite de la question des délais de prescription pour la poursuite d'infractions d'ordre militaire; au moment du procès, cet article était ainsi rédigé :

69. Toute personne qui était justiciable du code de discipline militaire au moment où elle aurait commis une infraction d'ordre militaire peut être accusée, poursuivie et jugée pour cette infraction sous le régime de ce code, compte tenu des restrictions suivantes :

 

a) si le fait reproché est punissable par le droit commun en application des articles 130 ou 132, la prescription prévue par le droit commun pour cette infraction s'applique;

 

 

 

b) nul ne peut être jugé sommairement à moins que le procès sommaire ne commence dans l'année qui suit la prétendue perpétration de l'infraction.

 

69 A person who is subject to the Code of Service Discipline at the time of the alleged commission of a service offence may be charged, dealt with and tried at any time under the Code, subject to the following:

 

 

(a) if the service offence is punishable under section 130 or 132 and the act or omission that constitutes the service offence would have been subject to a limitation period had it been dealt with other than under the Code, that limitation period applies; and

 

(b) the person may not be tried by summary trial unless the trial begins before the expiry of one year after the day on which the service offence is alleged to have been committed.

 

Cet article a été modifié en 2008, mais les modifications ne visent aucunement les questions en litige dans la présente affaire.

 

[39]           En l'espèce, l'élément important de l'article 69 est qu'il maintient le délai de prescription applicable à une infraction qui, en application des articles 130 et 132 de la Loi sur la défense nationale, constitue une infraction d'ordre militaire :

130. (1) Constitue une infraction à la présente section tout acte ou omission :

 

a) survenu au Canada et punissable sous le régime de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale;

 

b) survenu à l'étranger mais qui serait punissable, au Canada, sous le régime de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale.

 

Quiconque en est déclaré coupable encourt la peine prévue au paragraphe (2).

 

 

[.]

 

132.(1) Tout acte ou omission survenu à l'étranger et constituant une infraction au droit du lieu constitue également une infraction à la présente section, passible, sur déclaration de culpabilité, de la peine prévue au paragraphe (2).

 

 

130.(1) An act or omission

 

 

(a) that takes place in Canada and is punishable under Part VII, the Criminal Code or any other Act of Parliament, or

 

 

(b) that takes place outside Canada and would, if it had taken place in Canada, be punishable under Part VII, the Criminal Code or any other Act of Parliament,

 

is an offence under this Division and every person convicted thereof is liable to suffer punishment as provided in subsection (2).

 

.

 

132. (1) An act or omission that takes place outside Canada and would, under the law applicable in the place where the act or omission occurred, be an offence if committed by a person subject to that law is an offence under this Division, and every person who is found guilty thereof is liable to suffer punishment as provided in subsection (2).

 

 

[40]           Dans le cas qui nous occupe, le deuxième chef d'accusation de l'acte d'accusation présenté contre l'appelant l'accusait d'une infraction punissable suivant l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, à savoir la possession d'une substance en violation du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Par conséquent, tout délai de prescription applicable à l'infraction établie par le paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances s'appliquerait à l'appelant dans le cadre d'une poursuite intentée pour cette infraction en vertu du Code de discipline militaire.

 

[41]           Le paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances doit être interprété de concert avec le paragraphe 4(5) de cette loi :

4.(1) Sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements, la possession de toute substance inscrite aux annexes I, II ou III est interdite.

[.]

 

(5) Quiconque contrevient au paragraphe (1) commet, dans le cas de substances inscrites à la fois à l'annexe II et à l'annexe VIII, et ce pourvu que la quantité en cause n'excède pas celle mentionnée à cette dernière annexe, une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d'une amende maximale de mille dollars et d'un emprisonnement maximal de six mois, ou de l'une de ces peines.

4.(1) Except as authorized under the regulations, no person shall possess a substance included in Schedule I, II or III.

 

.

 

(5) Every person who contravenes subsection (1) where the subject-matter of the offence is a substance included in Schedule II in an amount that does not exceed the amount set out for that substance in Schedule VIII is guilty of an offence punishable on summary conviction and liable to a fine not exceeding one thousand dollars or to imprisonment for a term not exceeding six months, or to both.

 

[42]           Il n'est pas contesté que la marijuana (le cannabis) est une substance visée par l'annexe II de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ni que la quantité prévue à l'annexe VIII de cette loi est 30 grammes.

 

[43]           Le fait que la possession de moins de 30 grammes de marijuana constitue une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité entraîne l'application du délai de prescription visant cette infraction, lequel délai est prévu à l'article 786 du Code criminel :

786.(1) Sauf disposition contraire de la loi, la présente partie s'applique aux procédures définies dans cette partie.

 

(2) À moins d'une entente à l'effet contraire entre le poursuivant et le défendeur, les procédures se prescrivent par six mois à compter du fait en cause.

786.(1) Except where otherwise provided by law, this Part applies to proceedings as defined in this Part.

 

(2) No proceedings shall be instituted more than six months after the time when the subject-matter of the proceedings arose, unless the prosecutor and the defendant so agree.

[Je souligne.]

 

[44]           Le début du paragraphe 786(2) est particulièrement pertinent en l'espèce, car la question en litige est de savoir si le procureur de la poursuite et l'appelant avaient convenu de donner suite à l'accusation de simple possession, sachant que le délai de prescription était expiré. L'erreur de droit alléguée par l'appelant ne peut être établie que si le deuxième chef d'accusation de l'acte d'accusation, lequel visait la possession de marijuana, était en fait prescrit et que le procureur de la poursuite et l'appelant n'avaient pas convenu de renoncer au délai de prescription. Le consentement peut être explicite ou bien inféré de l'ensemble des circonstances. Une renonciation explicite, consignée au dossier du tribunal, constitue clairement la pratique privilégiée, mais l'absence d'une renonciation explicite n'empêche aucunement le tribunal de tirer une inférence, sur le fondement des circonstances, selon laquelle l'appelant avait en fait renoncé au droit de se prévaloir du délai de prescription : voir R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, paragraphes 37 et 38.

 

[45]           La question du délai de prescription n'a pas pu passer inaperçue étant donné la discussion qui s'est tenue devant le juge militaire et qui portait sur la question de savoir si l'appelant avait eu plus ou moins de 30 grammes de marijuana en sa possession. La conclusion du juge militaire portant que l'appelant avait eu en sa possession moins de 30 grammes de marijuana et qu'il s'agissait donc d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité a eu deux conséquences importantes : la peine maximale était une amende de 1 000 $ ou un emprisonnement d'une durée d'au plus 6 mois ou les deux et le délai de prescription lié à la poursuite était de six mois. Il est peu probable que les avocats aient été au courant de l'une de ces conséquences, mais non de l'autre.

 

[46]           L'appelant était représenté par un avocat d'expérience qui a participé à une négociation de la peine avec le procureur de la poursuite. Il semble que l'entente initiale était que l'appelant plaiderait coupable à l'accusation moins grave de simple possession de marijuana et, en retour, le procureur de la poursuite ne présenterait aucune preuve quant à l'accusation plus grave de trafic d'une substance désignée (le premier chef d'accusation). Par suite de son acquittement de l'accusation de trafic, l'appelant pourrait plaider la défense d'autrefois acquit si l'on tentait de le poursuivre de nouveau pour cette même accusation.

 

[47]           Lorsque le juge militaire a souligné qu'il n'avait pas la compétence pour prononcer un verdict d'acquittement quant à un chef d'accusation pour lequel l'appelant avait plaidé non coupable, le procureur de la poursuite et l'avocat de l'appelant ont demandé de surseoir à l'audience pour qu'ils puissent se consulter. Lorsque la cour martiale a repris l'audience, le procureur de la poursuite a donc demandé l'autorisation de retirer le premier chef d'accusation, soit l'accusation de trafic d'une substance désignée, ce qui lui a été accordé. Il me semble qu'un avocat de la défense d'expérience aurait compris qu'il était dans l'intérêt de son client d'aller de l'avant avec l'accusation de possession, et ce, même si cette accusation aurait été autrement prescrite, car, s'il avait soulevé la défense de prescription, le procureur de la poursuite aurait procédé sur l'accusation de trafic, et l'appelant aurait alors fait face à des conséquences beaucoup plus graves s'il avait été déclaré coupable de trafic. Les circonstances entourant la négociation de la peine, y compris l'avantage qu'en a tiré l'appelant, appuient l'inférence selon laquelle l'appelant a sciemment renoncé au délai de prescription applicable à l'accusation de possession.

 

[48]           La longue discussion entre l'avocat de la défense et le juge militaire quant au temps écoulé avant que l'affaire soit instruite constitue un autre facteur qui appuie l'inférence selon laquelle l'appelant a renoncé à son droit d'invoquer la défense de prescription. Pendant cette discussion, il a été précisément question du fait que l'appelant avait été accusé six mois après l'exécution du mandat de perquisition. Étant donné que les dates pertinentes étaient connues, l'omission de faire référence à quelque délai de prescription donne à penser que la poursuite et la défense avaient convenu d'aller de l'avant malgré l'expiration du délai de prescription.

 

[49]           Ces considérations me portent à inférer que l'appelant, dans le cadre de la négociation de la peine, a accepté de renoncer au délai de prescription de six mois applicable à l'accusation de simple possession et que le procureur de la poursuite, en retour, a accepté de retirer le premier chef d'accusation qui prévoyait une accusation plus grave de trafic allégué d'une substance désignée. Cette inférence aurait pu être réfutée par l'appelant, qui a soulevé cette question la première fois dans son mémoire des faits et du droit après avoir obtenu les services d'un nouvel avocat. Si la question du délai de prescription n'avait effectivement pas fait l'objet de discussions par l'appelant et son avocat lors du procès, on se serait attendu à ce que l'appelant demande l'autorisation de présenter cette preuve à la Cour. Étant donné qu'il ne l'a pas fait, aucun élément de preuve ne réfute l'inférence que notre Cour est en mesure de tirer de l'ensemble des circonstances.

 

[50]           Par conséquent, je conclus que le présent moyen d'appel est sans fondement.

 

Le moyen d'appel contre la sentence

[51]           Le droit de l'appelant d'interjeter appel devant la Cour de la sévérité de la sentence qu'on lui a infligée découle de l'article 230 de la Loi sur la défense nationale :

230. Toute personne assujettie au code de discipline militaire peut, sous réserve du paragraphe 232(3), exercer un droit d'appel devant la Cour d'appel de la cour martiale en ce qui concerne les décisions suivantes d'une cour martiale :

 

a) avec l'autorisation de la Cour d'appel ou de l'un de ses juges, la sévérité de la sentence, à moins que la sentence n'en soit une que détermine la loi;

[.]

230. Every person subject to the Code of Service Discipline has, subject to subsection 232(3), the right to appeal to the Court Martial Appeal Court from a court martial in respect of any of the following matters:

 

 

(a) with leave of the Court or a judge thereof, the severity of the sentence, unless the sentence is one fixed by law;

 

 

.

 

 

[52]           Les pouvoirs de notre Cour dans le cadre d'un appel concernant la sévérité de la sentence sont prévus à l'article 240.1 de la Loi sur la défense nationale :

240.1 Si elle fait droit à un appel concernant la sévérité de la sentence, la Cour d'appel de la cour martiale considère la justesse de la sentence et peut, d'après la preuve qu'elle croit utile d'exiger ou de recevoir, substituer à la sentence infligée par la cour martiale la sentence qui est justifiée en droit.

240.1 On the hearing of an appeal respecting the severity of a sentence, the Court Martial Appeal Court shall consider the fitness of the sentence and, if it allows the appeal, may, on such evidence as it thinks fit to require or receive, substitute for the sentence imposed by the court martial a sentence that is warranted in law.

 

 

[53]           Les objectifs qui doivent être atteints lors de la détermination de la peine sont énoncés à l'article 718 du Code criminel, modifié au besoin pour respecter les exigences particulières des Forces canadiennes :

718. Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d'autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a) dénoncer le comportement illégal;

 

b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;

 

e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

718.The fundamental purpose of sentencing is to contribute, along with crime prevention initiatives, to respect for the law and the maintenance of a just, peaceful and safe society by imposing just sanctions that have one or more of the following objectives:

 

 

(a) to denounce unlawful conduct;

 

(b) to deter the offender and other persons from committing offences;

 

(c) to separate offenders from society, where necessary;

 

(d) to assist in rehabilitating offenders;

 

 

(e) to provide reparations for harm done to victims or to the community; and

 

(f) to promote a sense of responsibility in offenders, and acknowledgment of the harm done to victims and to the community.

 

 

[54]           Le principe fondamental de la détermination de la peine est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant : voir l'article 718.1 du Code criminel. Comme la Cour l'a noté aux paragraphes 14 et 15 de l'arrêt R. c. Ellis, 2010 CACM 3, l'article 112.48 des ORFC énonce différemment ce principe de proportionnalité : il tient compte des antécédents du contrevenant plutôt que de son degré de responsabilité dans l'infraction. Je souscris à l'avis exposé dans l'arrêt Ellis selon lequel la proportionnalité dans le cadre de la détermination de la peine doit témoigner du degré de responsabilité du contrevenant dans l'infraction dont il est accusé plutôt que de ses antécédents.

 

[55]           Le Code criminel prévoit également une série de principes dont il faut tenir compte dans la détermination de la justesse de la sentence : voir l'article 718.2. Deux de ces principes portent précisément sur l'emprisonnement :

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

 

[.]

 

d) l'obligation, avant d'envisager la privation de liberté, d'examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;

 

e) l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

718.2 A court that imposes a sentence shall also take into consideration the following principles:

 

.

 

(d) an offender should not be deprived of liberty, if less restrictive sanctions may be appropriate in the circumstances; and

 

 

(e) all available sanctions other than imprisonment that are reasonable in the circumstances should be considered for all offenders, with particular attention to the circumstances of aboriginal offenders.

 

 

[56]           Enfin, une cour d'appel doit faire preuve d'une grande retenue lors de l'examen de la justesse d'une sentence. Elle ne devrait intervenir que si elle est convaincue que la sentence n'est manifestement pas indiquée : voir R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500, p. 565, R. c. Dixon, [2005] A.C.A.C. no 2, paragraphe 18.

 

[57]           La question de la justesse de la sentence se pose à la lumière de l'arrêt R. c. Tupper, [2009] A.C.A.C. no 9, rendu par la Cour. Dans cette affaire, la Cour a examiné, lors de la détermination de la peine appropriée, l'effet de la libération administrative des Forces canadiennes d'un contrevenant. Elle a conclu que la libération administrative de l'appelant des Forces canadiennes l'emportait sur les peines de détention et de destitution ignominieuse infligées à l'appelant. La Cour a conclu que, en tant que civil, l'appelant n'était plus passible des sanctions réservées expressément aux soldats. En ce qui concerne la sentence prévoyant une peine de détention pour l'appelant, la Cour a mentionné ce qui suit : « on ne peut le réintégrer dans l'armée pour qu'il purge une peine de détention dans une caserne militaire »; voir R. c. Tupper, précité, paragraphe 67.

 

[58]           La peine dans l'arrêt Tupper comprenait une période de détention. Dans le contexte militaire, la détention est une forme d'incarcération ayant un objectif particulier, soit la réhabilitation du contrevenant en qualité de membre des Forces canadiennes. Les notes du paragraphe 104.09 des ORFC l'énoncent clairement de la façon suivante :

(A) Comme pour toute mesure disciplinaire, la détention est une punition qui vise à réhabiliter les détenus militaires et à leur redonner l'habitude d'obéir dans un cadre militaire structuré. Ces derniers seront donc soumis à un régime d'entraînement qui insiste sur les valeurs et les compétences propres aux membres des Forces canadiennes, pour leur faire voir ce qui les distingue des autres membres de la société. Des soins spécialisés et des programmes d'orientation seront offerts par ailleurs aux détenus militaires qui en auront besoin pour les aider à surmonter leur dépendance aux drogues et à l'alcool ou à régler des ennuis de santé analogues. Une fois la peine de détention purgée, le militaire retournera à son unité, en temps normal, sans que sa carrière n'en souffre à long terme

(A) In keeping with its disciplinary nature, the punishment of detention seeks to rehabilitate service detainees, by re-instilling in them the habit of obedience in a structured, military setting, through a regime of training that emphasizes the institutional values and skills that distinguish the Canadian Forces member from other members of society. Specialized treatment and counselling programmes to deal with drug and alcohol dependencies and similar health problems will also be made available to those service detainees who require them. Once the sentence of detention has been served, the member will normally be returned to his or her unit without any lasting effect on his or her career.

 

 

[59]           Par ailleurs, l'emprisonnement, dans le contexte militaire, est considéré comme précédant le retour du contrevenant dans la société civile. Encore une fois, les notes de la disposition pertinente des ORFC, soit l'article 104.04, le révèlent clairement :

(B) Les prisonniers et les condamnés militaires auront besoin le plus souvent d'un programme intensif de recyclage et de réadaptation en vue de se réinsérer dans la société au terme de leur incarcération. Les prisons et les pénitenciers civils possèdent les ressources voulues pour offrir ce genre de programme aux détenus. Dans le but de faciliter leur conversion à la vie civile, les prisonniers et les condamnés militaires qui sont censés être libérés des Forces canadiennes seront transférés, en règle générale, dans une prison ou un pénitencier civil le plus rapidement possible dans les 30 jours suivant la sentence. Le militaire sera d'ordinaire libéré des Forces canadiennes avant son transfert dans un établissement civil.

(B) Service prisoners and service convicts typically require an intensive programme of retraining and rehabilitation to equip them for their return to society following completion of the term of incarceration. Civilian prisons and penitentiaries are uniquely equipped to provide such opportunities to inmates. Therefore, to facilitate their reintegration into society, service prisoners and service convicts who are to be released from the Canadian Forces will typically be transferred to a civilian prison or penitentiary as soon as practical within the first 30 days following the date of sentencing. The member will ordinarily be released from the Canadian Forces before such a transfer is effected.

 

[60]           La décision de la Cour dans l'affaire Tupper reflète le fait que la peine de détention ne servait plus un objectif militaire une fois que le contrevenant était libéré des Forces canadiennes. Pour des motifs qui leur étaient propres, les Forces canadiennes avaient conclu que le contrevenant était inapte à continuer son service militaire. La peine ne détention devenait alors sans objet.

 

[61]           Par ailleurs, une peine d'emprisonnement a un autre objectif, mais, encore une fois, on doit tenir compte de la libération du contrevenant des Forces canadiennes lorsqu'il faut déterminer si la peine d'emprisonnement servait un objectif militaire ou correctionnel. Dans les affaires où la personne visée a été libérée des Forces canadiennes avant qu'on lui inflige une peine, il me semble que l'accent ne devrait pas seulement reposer sur la question du statut - c'est‑à‑dire sur la question de savoir si la sanction pourrait être infligée à un civil - mais également sur la question de savoir si le changement de statut du contrevenant nuit aux objectifs militaires et correctionnels de la peine infligée.

 

[62]           En l'espèce, le juge militaire a mis grandement l'accent sur les facteurs liés à la dissuasion générale et particulière dans le contexte des Forces canadiennes. Ce faisant, il a été influencé par l'attitude impénitente du demandeur en ce qui a trait à sa consommation de drogue et à son attitude laissant à désirer à l'égard de l'autorité. Si l'appelant devait retourner dans son unité après avoir purgé sa peine, on pourrait comprendre que son emprisonnement servirait d'avertissement aux autres membres de son unité qui pourraient être tentés d'adopter une attitude semblable. Cependant, étant donné que l'appelant reprendra simplement sa vie dans la société civile exactement où il l'avait quittée avant sa période d'emprisonnement, l'effet dissuasif de son emprisonnement sur les membres des Forces canadiennes sera grandement atténué. De façon semblable, vu que l'appelant est maintenant un civil, l'objectif lié à la dissuasion particulière dans le contexte militaire est simplement sans fondement. Le fait que l'appelant continue de consommer de la drogue en tant que civil n'a absolument aucun effet sur la discipline militaire.

 

[63]           Le juge militaire a également fondé sa décision visant la détermination de la peine sur la combinaison de l'infraction criminelle de possession de marijuana ainsi que des quatre infractions disciplinaires dont l'appelant a été accusé. Il convient de rappeler quelles étaient ces infractions disciplinaires : deux chefs d'accusation pour acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline pour sa consommation de marijuana et de méthamphétamine, un chef d'accusation de possession sans autorisation de munitions, ainsi qu'un chef d'accusation pour insubordination parce que l'appelant avait proféré des menaces à un supérieur. Le juge militaire était d'avis que, vu la combinaison des infractions et compte tenu des facteurs aggravants et atténuants qu'il avait mentionnés précédemment, de concert avec l'attitude de l'appelant envers les infractions qu'il avait commises, seule une peine d'emprisonnement serait appropriée pour veiller à la protection du public et au maintien de la discipline.

 

[64]           Si les Forces canadiennes constituaient le public en l'espèce, il est clair que l'objectif de protéger le public a été en grande partie atteint quand l'appelant a été écarté du public par voie de libération administrative. En outre, si l'un des objectifs de l'emprisonnement est de préparer le contrevenant à son retour dans la société civile, une peine d'emprisonnement ne sert à rien si le contrevenant a déjà été renvoyé dans la société civile au moment où la peine a été infligée. Il peut y avoir des cas où la conduite du contrevenant est si répréhensible que les objectifs de dénonciation et de punition doivent prédominer; alors, l'infliction et l'exécution d'une peine d'emprisonnement après que le contrevenant eut fait l'objet d'une libération administrative des Forces canadiennes seraient justifiées, mais, dans ces cas, les objectifs militaires et correctionnels de la sentence seraient atteints malgré la libération administrative du contrevenant.

 

[65]           En l'espèce, je conclus que le juge militaire n'a pas établi qu'une peine d'emprisonnement constituait la sanction la plus appropriée et la moins contraignante, étant donné que l'appelant avait déjà été libéré des Forces canadiennes pour des motifs administratifs. À mon avis, la peine imposée n'était manifestement pas indiquée.

 

[66]           J'accorderais donc à l'appelant l'autorisation d'interjeter appel de la sévérité de la sentence infligée et j'accueillerais son appel.

 

[67]           Vu l'analyse précédente, je suis d'avis que la peine la plus appropriée et la moins contraignante est une amende de 3 000 $, payable par versements de 300 $ par mois, à compter du 1er septembre 2010. Je substituerais donc cette amende à la peine d'emprisonnement. En vertu du paragraphe 145(2) de la Loi sur la défense nationale, en cas de défaut de paiement, les articles 734 et 734.6 du Code criminel s'appliqueront.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

« Je suis d'accord :

Johanne Trudel j.c.a. »

 


LE JUGE COURNOYER (Motifs dissidents)

 

INTRODUCTION

 

[68]           J'ai pris connaissance de l'opinion de mon collègue le juge Pelletier. Je rejetterais, comme lui, l'appel à l'encontre de la condamnation à l'égard du deuxième chef d'accusation. Par ailleurs, je suis d'avis, avec respect, que notre Cour ne doit pas intervenir à l'encontre de la sentence imposée par le juge militaire.

 

LA PRESCRIPTION

[69]           Je partage la conclusion du juge Pelletier que l'appelant ne peut prétendre au bénéfice de la prescription du par. 786(2) du Code criminel à l'égard du deuxième chef d'accusation. J'arrive à cette conclusion pour un motif légèrement différent.

 

[70]           Le deuxième chef d'accusation reproche à l'appelant d'avoir commis une infraction punissable selon l'article 130 de la Loi sur la défense nationale contrairement au paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[71]           Conformément au paragraphe 112.51(3) des ORFC, la poursuite a lu le sommaire des circonstances. Le sommaire établit que l'appelant a eu en sa possession, entre les mois de juillet 2005 et le mois de novembre 2006, une once de marihuana à tous les deux mois. L'appelant a admis ces faits.

[72]           Lorsqu'il a prononcé et fixé la sentence, le juge militaire a affirmé que l'appelant avait été trouvé coupable de possession de moins de 30 g de marihuana, contrairement au paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[73]           Le dossier ne contient aucun document ou affirmation à cet effet et la certification du juge militaire ne l'établit pas non plus.

 

[74]           Les échanges entre le juge militaire et les parties lors de la détermination de la peine révèlent qu'on semble avoir crû, à tort, que la quantité de stupéfiants en possession de l'appelant durant la période de temps visée par le deuxième chef d'accusation était inférieure à 30 g.

 

[75]           Or, le procureur de la poursuite a rappelé à plusieurs reprises, avec raison, au juge militaire que la quantité en cause était de 28 g à tous les deux mois. La quantité de marihuana en possession de l'appelant entre les mois de juillet 2005 et novembre 2006 était nécessairement supérieure à 30 g, soit plus de 200 g. Je rappelle que l'appelant a admis ces faits.

 

[76]           L'aveu de culpabilité et les admissions de l'appelant n'étaient pas restreints, en droit ou en faits, à une quantité de stupéfiants inférieure à 30 g.

 

[77]           Si l'affirmation du juge militaire, dans sa décision sur la peine, au sujet de la quantité de stupéfiants doit être considérée comme une conclusion factuelle, j'estime que le juge militaire commet, à cet égard, une erreur manifeste et dominante. De toute façon, l'appelant ne peut maintenant prétendre que la quantité de stupéfiants en sa possession durant la période visée par le deuxième chef est inférieure à 30 g après avoir admis une quantité supérieure à 30 g lors de la détermination de la peine.

 

[78]           Dans les circonstances, l'appelant ne peut plaider que «l'expiration du délai de prescription interdit de façon absolue le dépôt d'une poursuite à l'égard d'une infraction qui ne peut être poursuivie que par procédure sommaire» R. c. Dudley, [2009] 3 R.C.S. 570, par. 31.

 

[79]           L'argument de l'appelant est sans fondement.

 

LA SÉVÉRITÉ DE LA SENTENCE

[80]           Le juge Pelletier propose d'accueillir l'appel à l'encontre de la sentence imposée par le juge militaire. Il estime que la peine la plus appropriée et la moins contraignante est une amende de 3 000 $. Pour les motifs qui suivent, j'estime que nous ne pouvons pas intervenir.

 

[81]           Il faut d'abord rappeler que la détermination de la peine est «[l]oin d'être une science exacte ou une procédure inflexiblement prédéterminée», elle « relève d'abord de la compétence et de l'expertise du juge du procès. Ce dernier dispose d'un vaste pouvoir discrétionnaire en raison de la nature individualisée du processus »: R. c. L.M., [2008] 2 R.C.S. 163, para. 17.

 

[82]           La Cour suprême a d'ailleurs récemment résumé dans l'arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, les principes qui encadrent la détermination de la peine de même que le pouvoir d'intervention des tribunaux d'appel en cette matière.

 

[83]           Pour la bonne compréhension de ma conclusion, j'estime essentiel de reproduire intégralement, malgré sa longueur, un long extrait de la synthèse du juge Lebel dans l'arrêt Nasogaluak sur ces questions.

 

[84]           Le juge Lebel écrit ce qui suit aux paragraphes 39 à 46 :

Les objectifs et principes de détermination de la peine ont récemment été énoncés aux art. 718 à 718.2 du Code criminel dans le but d'assurer la cohérence et la clarté des décisions rendues en la matière. L'article 718 exige que les juges prennent en compte l'objectif essentiel du prononcé des peines, à savoir contribuer, parallèlement à d'autres initiatives de prévention du crime, « au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre ». Un tel objectif est réalisé par l'infliction de « sanctions justes » adaptées aux objectifs suivants de détermination de la peine énoncés dans la disposition : la dénonciation des comportements illégaux, la dissuasion générale et individuelle, l'isolement des délinquants, leur réinsertion sociale, la réparation des torts causés et, objectif ajouté récemment, la prise de conscience par le délinquant de ses responsabilités et la reconnaissance des torts qu'il a causés à la victime et à la collectivité.

 

L'article 718.1 précise les objectifs de la détermination de la peine. Il prescrit que la peine doit être « proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant ». Ainsi, indépendamment du poids que le juge souhaite accorder à l'un des objectifs susmentionnés, la peine doit respecter le principe fondamental de proportionnalité. De plus, l'art. 718.2 comporte une liste non exhaustive de principes secondaires, notamment l'examen des circonstances aggravantes ou atténuantes, les principes de parité et de totalité et la nécessité d'examiner « toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances », plus particulièrement lorsqu'il s'agit de délinquants autochtones.

 

Il ressort clairement de ces dispositions que le principe de proportionnalité constitue un élément central de la détermination de la peine (R. c. Solowan, 2008 CSC 62, [2008] 3 R.C.S. 309, par. 12). L'importance fondamentale accordée à ce principe ne découle pas des modifications apportées au Code en 1996; mais témoigne plutôt du fait qu'il joue depuis longtemps un rôle de principe directeur en matière de détermination de la peine (p. ex. R. c. Wilmott (1966), 58 D.L.R. (2d) 33 (C.A. Ont.)). Ce principe possède une dimension constitutionnelle, puisque l'art. 12 de la Charte interdit l'infliction d'une peine qui est exagérément disproportionnée au point de ne pas être compatible avec le principe de la dignité humaine propre à la société canadienne. Mais qu'entend-on par proportionnalité dans le contexte de la détermination de la peine?

 

D'une part, ce principe requiert que la sanction n'excède pas ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l'infraction. En ce sens, le principe de la proportionnalité joue un rôle restrictif. D'autre part, à l'optique axée sur l'existence de droits et leur protection correspond également une approche relative à la philosophie du châtiment fondée sur le « juste dû ». Cette dernière approche vise à garantir que les délinquants soient tenus responsables de leurs actes et que les peines infligées reflètent et sanctionnent adéquatement le rôle joué dans la perpétration de l'infraction ainsi que le tort qu'ils ont causé (R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 81; Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486, p. 533-534, motifs concordants de la juge Wilson). Sous cet angle, la détermination de la peine représente une forme de censure judiciaire et sociale (J. V. Roberts et D. P. Cole, « Introduction to Sentencing and Parole », dans Roberts et Cole, dir., Making Sense of Sentencing (1999), 3, p. 10). Toutefois, sans égard au raisonnement servant d'assise au principe de la proportionnalité, le degré de censure requis pour exprimer la réprobation de la société à l'égard de l'infraction demeure dans tous les cas contrôlé par le principe selon lequel la peine infligée à un délinquant doit correspondre à sa culpabilité morale et non être supérieure à celle-ci. Par conséquent, les deux optiques de la proportionnalité confluent pour donner une peine qui dénonce l'infraction et qui punit le délinquant sans excéder ce qui est nécessaire.

 

Les articles 718 à 718.2 du Code sont rédigés de manière suffisamment générale pour conférer aux juges chargés de déterminer les peines un large pouvoir discrétionnaire leur permettant de façonner une peine adaptée à la nature de l'infraction et à la situation du délinquant. Sous réserve de certaines règles particulières prescrites par la loi, le prononcé d'une peine « juste » reste un processus individualisé, qui oblige le juge à soupeser les objectifs de détermination de la peine de façon à tenir compte le mieux possible des circonstances de l'affaire (R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309; M. (C.A.); R. c. Hamilton (2004), 72 O.R. (3d) 1 (C.A.)). Aucun objectif de détermination de la peine ne prime les autres. Il appartient au juge qui prononce la sanction de déterminer s'il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs, compte tenu des faits de l'espèce. La peine sera par la suite ajustée - à la hausse ou à la baisse - dans la fourchette des peines appropriées pour des infractions similaires, selon l'importance relative des circonstances atténuantes ou aggravantes, s'il en est. Il découle de ce pouvoir discrétionnaire du juge d'arrêter la combinaison particulière d'objectifs de détermination de la peine et de circonstances aggravantes ou atténuantes devant être pris en compte que chaque affaire est tranchée en fonction des faits qui lui sont propres, sous réserve des lignes directrices et des principes fondamentaux énoncés au Code et dans la jurisprudence.

 

Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l'esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu'elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n'est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l'infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l'infraction a été commise.

 

La loi restreint aussi le pouvoir discrétionnaire du juge de la peine, non seulement par l'adoption de principes et objectifs généraux de détermination de la peine consacrés aux art. 718 à 718.2, qui ont été exposés précédemment, mais aussi par l'existence d'autres dispositions du Code écartant certaines sanctions. À titre d'exemple, l'art. 732 interdit aux tribunaux d'ordonner qu'une peine d'emprisonnement de plus de 90 jours soit purgée de façon discontinue. Des restrictions similaires visent des sanctions comme les absolutions (art. 730), les amendes (art. 734), les ordonnances de sursis (art. 742.1) et les ordonnances de probation (art. 731). Le législateur a également jugé bon de réduire l'étendue des châtiments possibles à l'égard de certaines infractions en établissant des peines minimales obligatoires. Phénomène relativement nouveau en droit canadien, la peine minimale est l'expression claire d'une politique générale dans le domaine du droit pénal. Certaines peines minimales ont été invalidées sur le fondement de l'art. 12 de la Charte au motif qu'elles constituaient des châtiments exagérément disproportionnés eu égard aux circonstances de l'affaire (R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045; R. c. Bill (1998), 13 C.R. (5th) 125 (C.S.C.-B.)), alors que d'autres ont été maintenues (R. c. Morrisey, 2000 CSC 39, [2000] 2 R.C.S. 90). À moins qu'elles n'aient été déclarées inconstitutionnelles, les peines minimales prévues au Code sont obligatoires. Le pouvoir discrétionnaire d'un juge n'est pas si large qu'il lui permette de déroger à cette expression claire de la volonté du législateur.

 

Les tribunaux d'appel font preuve d'une grande déférence à l'égard des décisions des juges prononçant les peines. Dans l'arrêt M. (C.A.), le juge en chef Lamer a rappelé qu'une peine ne peut être modifiée que si elle n'est « manifestement pas indiquée » ou si elle découle d'une erreur de principe, de l'omission de prendre en considération un facteur pertinent ou d'une insistance trop grande sur un facteur approprié (par. 90; voir également R. c. L.M., 2008 CSC 31, [2008] 2 R.C.S. 163, par. 14-15; R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61, par. 123-126; R. c. McDonnell, [1997] 1 R.C.S. 948, par. 14-17; R. c. Shropshire, [1995] 4 R.C.S. 227). Toutefois, comme l'a expliqué le juge Laskin dans R. c. McKnight (1999), 135 C.C.C. (3d) 41 (C.A. Ont.), au par. 35, cela ne signifie pas que les tribunaux d'appel peuvent modifier une peine simplement parce qu'ils auraient accordé un poids différent aux facteurs pertinents :

 

[traduction] Suggérer que le juge de première instance a commis une erreur de principe parce que, de l'avis du tribunal d'appel, il a accordé trop de poids à un facteur pertinent ou trop peu à un autre équivaut à faire fi de toute déférence. La pondération des facteurs pertinents, le processus de mise en balance, voilà l'objet de l'exercice du pouvoir discrétionnaire. La déférence dont il faut faire preuve à l'égard des décisions prises par le juge dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire commande qu'on évalue la façon dont il a soupesé ou mis en balance les différents facteurs au regard de la norme de contrôle de la raisonnabilité. Ce n'est que si le juge du procès a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, en insistant trop sur un facteur ou en omettant d'accorder suffisamment d'importance à un autre, que le tribunal d'appel pourra modifier la peine au motif que le juge a commis une erreur de principe.

 

(Le soulignement est ajouté)

 

 

[85]           Le corridor d'intervention d'un tribunal d'appel en matière de détermination de la peine est donc très étroit. La raison d'être de cette règle est énoncée en ces termes par le juge Lebel dans l'arrêt R. c. L.M., [2008] 2 R.C.S. 163, para. 15 :

La nature profondément contextuelle du processus de détermination de la peine, qui laisse une large discrétion au juge du fait, justifie une norme de contrôle fondée sur une exigence de retenue de la part des juridictions d'appel. En effet, le juge infligeant la peine « sert en première ligne de notre système de justice pénale » et possède des qualifications uniques sur les plans de l'expérience et de l'appréciation des commentaires formulés par le ministère public et le contrevenant (M. (C.A.), par. 91). En somme, en l'espèce, la Cour d'appel était tenue de conserver une attitude de respect à l'égard de la sentence prononcée par la première juge, et ce pour des raisons fonctionnelles, la juge du fait restant la mieux placée pour évaluer la peine que méritait L.M.

 

 

[86]           C'est en ayant à l'esprit ces principes qu'il faut aborder l'appel à l'encontre de la sentence.

 

[87]           Mon collègue conclut que la peine d'emprisonnement imposée ne sert pas les objectifs de détermination de la peine établis par le Code criminel et les Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Selon lui, le juge militaire a accordé un poids démesuré à la dissuasion générale et spécifique, compte tenu de l'ensemble des circonstances et notamment sa libération administrative des Forces canadiennes.

 

[88]           J'estime que nous ne devons pas intervenir. Même en tenant compte de la libération administrative des Forces canadiennes de l'appelant, l'analyse de mon collègue ne m'a pas convaincu que le juge militaire a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière déraisonnable ou qu'il a commis une erreur de principe.

 

[89]           La sentence proposée par mon collègue, tout comme celle imposée par le juge militaire, sont des peines justes et appropriées. J'estime toutefois que nous ne pouvons pas intervenir parce que notre pondération des facteurs aurait été différente de celle du juge militaire. Pour ce motif, il me semble, pour reprendre l'expression du juge Lebel dans L.M., que des raisons fonctionnelles nous interdisent de modifier la sentence imposée par le juge militaire.

 

[90]           Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter l'appel à l'encontre de la sentence.

 

 

 

« Guy Cournoyer »

j.c.a.

 

 


COUR D'APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER : CMAC-517

 

INTITULÉ : EX-SOLDAT D. ST-ONGE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE : QUÉBEC (QUÉBEC)

 

DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 FÉVRIER 2010

 

MOTIF DU JUGEMENT : LE JUGE PELLETIER

Y A SOUSCRIT : LA JUGE TRUDEL

MOTIFS DISSIDENTS : LE JUGE COURNOYER

 

 

DATE DES MOTIFS : LE 20 AOÛT 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Henri Bernatchez

 

POUR L'APPELANT

Marylène Trudel

 

POUR L'INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bernatchez associés

Donnacona (Québec)

 

POUR L'APPELANT

Directeur des poursuites militaires

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉE

 

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