Cour d'appel de la cour martiale

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Date: 19991217

 

Dossier: CMAC-428

 

 

CORAM: LE JUGE EN CHEF STRAYER

LE JUGE WEILER

LE JUGE GOODWIN

 

 

E N T R E:

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

Appelante,

 

--et--

 

CAPORAL-CHEF J.P.P.D. LÉVESQUE

 

Intimé

 

 

 

 

 

 

 

Appel entendu à Ottawa, Ontario le lundi 29 novembre 1999

 

 

JUGEMENT prononcé à l'audience à Ottawa, le lundi 29 novembre 1999

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT prononcés par la Cour

 

 


 

Date: 19991217

 

Dossier: CMAC-428

 

 

CORAM: LE JUGE EN CHEF STRAYER

LE JUGE WEILER

LE JUGE GOODWIN

 

 

E N T R E:

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

Appelante,

 

--et--

 

CAPORAL-CHEF J.P.P.D. LÉVESQUE

 

Intimé

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l'audience à Ottawa

le lundi, 29 novembre 1999)

 

LA COUR

 

[1] Suite à son plaidoyer de culpabilité, l'intimé a été reconnu coupable des chefs d'accusation 1, 2, et 6 d'un acte d'accusation qui comportait dix chefs, c'est à dire,

 

 

(1) Article 130 de la Loi sur la Défense nationale (L.D.N.)

 

Un complot en vue de commettre une infraction, soit une fraude contrairement à l'article 465(1)(c) du Code Criminel.

 

 

(2) Article 130 de la L.D.N

 

Un méfait en détruisant ou détériorant, dans le dessein de frauder, les biens, contrairement à l'article. 430(3) du Code Criminel.

et

 

(6) Article 117 f) de la L.D.N.

 

A commis un acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la Défense nationale à savoir dans l'intention de frauder a soumis à un assureur une demande de dédommagement de $35,615.42.

 

[2] Le Président de la Cour martiale permanente condamna l'intimé à une réprimande sévère et à une amende de $4,000.

 

[3] La Couronne n'ayant présenté aucune preuve sur les autres chefs d'accusation, le Président le trouva non coupable.

 

[4] L'appelante demande l'autorisation d'en appeler et, si la permission est accordée, en appelle de la sentence imposée. L'appelante soutient que la peine n'est pas assez sévère et demande à la Cour d'appel de la Cour martiale du Canada ("CMAC") d'y substituer une peine d'emprisonnement de 6 mois. Cependant, à l'audition, le procureur a manifesté une certaine flexibilité quant à la peine suggérée.

 

[5] Les faits, présentés par voie d'une soumission conjointe des parties, se résument comme suit:

 

 

 

Le Caporal-chef Lévesque est avisé d'un transfert de la Base des

Forces canadiennes de Longue-Pointe à la Base de Bagotville, prenant effet le 31 août 1996.

 

Le 29 août 1996, des déménageurs de la compagnie Transport Royal se sont présentés à la résidence du Caporal-chef Lévesque afin d'emballer ses meubles et effets personnels. Durant le chargement du camion, le Caporal-chef Lévesque a lancé en l'air à M. Luc Jetté (chauffeur et déménageur) "Y'a ti des choses qui peuvent disparaître" ou des mot à cet effet. Le Caporal-chef Lévesque a reçu de M. Jetté la clé du camion afin d'en faire une copie et de la remettre à M. Jetté dans le but de faire disparaître les meubles durant la fin de semaine précédant leur transport à Bagotville. La disparition des meubles n'a pu s'effectuer comme prévu.

 

Le 2 septembre 1996, M. Jetté conduisit le camion jusqu'à Chicoutimi et, accompagné de deux déménageurs, logea à l'hôtel Le Montagnais. Par hasard, M. Jetté a rencontré le Caporal-chef Lévesque au bar de l'hôtel. Ils ont pris quelques consommations ensemble.

 

Le 3 septembre 1996, M. Jetté et les deux autre déménageurs de la

même compagnie se rendirent à la nouvelle résidence du Caporal-chef Lévesque afin de livrer les meubles. Celui-ci est arrivé 15 minutes plus tard.

 

Les trois déménageurs auraient témoigné que le Caporal-chef

Lévesque leur donna chacun la somme de $300. et ensemble, avec

l'aide du Caporal-chef Lévesque, ils ont détruit ou détérioré ses biens (énumérés à l'annexe A de l'acte d'accusation) pour permettre au Caporal-chef Lévesque de soumettre une réclamation frauduleuse à la compagnie d'assurance UNIRISC.

 

De fait, le Caporal-chef Lévesque a soumis une demande de dédommagement à la compagnie d'assurance réclamant la somme de $35,615.42. Celle-ci n'a rien déboursé.

 

 

Motifs d'appel

[6] L'appelante soulève les motifs d'appel suivants que nous résumons.

 

(1) Que la cour de première instance a erré en droit en appliquant les décisions Vanier et Legaarden de la CMAC au présent cas afin de déterminer la peine appropriée.

 

(2) Que dans l'affaire Vanier, la CMAC n'a pas établi une règle de droit à l'effet qu'une peine de prison ne peut être infligée dans une affaire de fraude.

 

Dans l'affaire Legaarden, bien que la Cour ait mentionné qu'il n'y a pas de règle de droit à l'effet qu'une fraude contre son employeur mérite nécessairement une peine de prison, la Cour n'a pas d'avantage établi de règle à l'effet contraire.

 

Vanier et Legaarden se distinguent parce qu'il s'agit de fraude contre l'employeur. Ce sont des cas d'espèce tenant compte de faits particuliers. En l'instance, ici, il s'agit d'une fraude envers une compagnie d'assurance. En plus, il existe des éléments de planification et de préméditation par le Caporal-chef Lévesque.

 

(3) Que le Président de la Cour martiale permanente a erré en droit dans son appréciation du délai pouvant être considéré comme une circonstance atténuant la sentence, et en considérant le temps écoulé avant la mise en accusation, contrairement à une jurisprudence constante.

 

Le temps écoulé avant l'accusation ne doit pas être pris en considération dans le calcul du délai a être jugé dans un délai raisonnable (R.c. Morin [1992] 1 R.C.S. 78). La période antérieure à l'accusation ou à la dénonciation pourrait être prise en considération, mais seulement si le droit à une défense pleine et entière était compromis ou si l'intégrité et l'équité du procès étaient affectées. (R. c. Finn [1997] 1 R.C.S. 10).

(4) Que la sentence est trop clémente eu égard au montant impliqué, à la nature et à la gravité des infractions et aux circonstances entourant la commission des infractions et à la jurisprudence des cours d'appel canadiennes en la matière.

[7] Nous sommes d'accord qu'il n'existe aucune règle de droit précisant qu'une peine d'emprisonnement est ou n'est pas imposée automatiquement pour une fraude envers son employeur. Chaque cas repose sur ses faits particuliers.

 

[8] Néanmoins, il existe dans ce dossier un lien avec les arrêts Vanier et LeGaarden. En effet, lorsqu'une fraude est commise auprès de son employeur le lien de confiance est rompu. Une certaine similitude existe avec une fraude envers un assureur. Tous les deux impliquent une violation de la relation de confiance et de bonne foi qui doit régner. L'abus de confiance du Caporal-chef Lévesque aurait pu entraîner une période d'emprisonnement. Cependant, tenant compte des faits particuliers, le Président a choisi de ne pas prononcer une telle sentence.

 

[9] Dans le pourvoi R. c. Shropshire, [1995] 4 R.C.S. 227, la Cour suprême du Canada a formulé la norme de contrôle que doit appliquer une cour d'appel. La cour ne devrait pas modifier une ordonnance relative à la détermination de la peine que «. . . si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable ».

 

[10] Compte tenu de plusieurs facteurs, notamment que l'intimé a plaidé coupable à trois accusations, qu'il n'y a eu aucune perte financière encourue par la compagnie d'assurance, que le Caporal-chef Lévesque n'a aucun casier judiciaire, nous sommes d'avis que la peine imposée n'est pas «nettement déraisonnable».

 

[11] L'autorisation d'en appeler est accordée mais l'appel de la sentence est rejeté.

 

[12] Quant à l'appel incident, nous sommes tous d'avis que la Cour martiale avait compétence pour juger les infractions visées dans les circonstances données.

 

[13] Nous sommes d'avis que les principes exposés dans l'arrêt Reddick ((1996) 12 C.C.C.(3d) 491) s'appliquent en l'instance. À la lumière des accusations et des circonstances les entourant, ce dossier est du champ de compétence du Parlement fédéral sous l'article 91(7) de la Loi Constitutionnelle de 1867 et en conséquence les accusations visées relèvent de la justice militaire.

 

[14] L'appel incident est rejeté.

 

[15] Nous confirmons les trois verdicts de culpabilité.

(s) B.L. Strayer

 

Juge en chef

(s) K.M. Weiler

 

J.C.A.

(s) Ross Goodwin

 

J.C.A.

 

(s) B.L. Strayer

Juge en chef

 

 

(s) K.M. Weiler

J.C.A.

 

 

(s) Ross Goodwin

J.C.A.

 


COUR D'APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER : CACM-423

 

INTITULÉ : Sa Majesté la Reine c. Caporal-Chef J.P.P.D. Lévesque

 

LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE : le 29 novembre 1999

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR: (Strayer C.J., Weiler, Goodwin JJA.)

 

PRONONCÉ À L'AUDIENCE PAR LA COUR : le 29 novembre 1999

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lieutenant-Colonel Benoît Pinsonneault

 

POUR L'APPELANT

Lieutenant-Colonel D. Couture

 

POUR L'INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet du juge-avocat général

Ottawa, Ontario

 

POUR L'APPELANT

Cabinet du juge-avocat général

Ottawa, Ontario

 

POUR L'INTIMÉE

 

 

 

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