Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20140430


Dossier : CMAC-558

Référence : 2014 CACM 6

CORAM :

LE JUGE COURNOYER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DOYON

 

 

 

ENTRE :

SOLDAT RÉJEAN LAROUCHE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 novembre 2013 et le 24 janvier 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 30 avril 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE COURNOYER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DOYON

 


Date : 20140430


Dossier : CMAC-558

Référence : 2014 CACM 6

CORAM :

LE JUGE COURNOYER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DOYON

 

 

 

ENTRE :

SOLDAT RÉJEAN LAROUCHE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE COURNOYER

I.                   Introduction

[1]               L'appelant se pourvoit à l'encontre d'une décision rendue le 31 août 2012[1] par une cour martiale permanente qui le déclare coupable de voyeurisme (paragraphe 162(5) C.cr.) et de possession de pornographie juvénile (paragraphe 163.1(4) C.cr.)[2].

[2]               Il formule deux moyens d’appel : l'inconstitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale (« LDN ») et le refus du juge d'instance d'exclure la preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertésCharte »)[3].

[3]               Lors de l'audition tenue le 8 novembre 2013, l'appelant a été autorisé, conformément à la règle énoncée dans l'arrêt R. c. Wigman[4], à soulever le moyen relatif à la constitutionnalité de l'alinéa 130(1)a) de la LDN, car notre Cour devait trancher cette question dans l'affaire R. c. Moriarity/Hannah[5] qui avait été entendue le 27 septembre 2013. Dans la perspective d'une déclaration d'inconstitutionnalité, la déclaration de culpabilité de l'appelant n'aurait plus aucun fondement juridique[6]. De plus, il n'y a, en l'espèce, aucun préjudice pour l'intimée, le Directeur des poursuites militaires (« DPM »), qui n'a pas demandé qu'une preuve soit présentée sous l'article 1 de la Charte. Nous avons ajourné l'audition de cette question au 24 janvier 2014.

[4]               Il faut aussi préciser que quelques jours avant la deuxième journée d'audition du pourvoi, notre Cour a rendu l’arrêt Moriarity/Hannah c. Canada[7] où elle a conclu à la portée excessive de l'alinéa 130(1)a) de la LDN, mais en a confirmé la constitutionnalité en raison de l'application du critère du lien de connexité avec le service militaire (« military nexus test »).

[5]               Les parties ont reçu copie de cette décision de même qu'une directive de la Cour leur demandant leurs observations à propos de celle-ci, de la décision de la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Ionson[8], de l'application du stare decisis et de l’utilisation de l'interprétation large              (« reading in ») comme mesure corrective.

[6]               La constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) de la LDN est, selon l'article 112.24 des O.R.F.C.[9], une question de compétence, que j'aborderai en premier.

II.                Questions en litige

[7]               Les deux sujets suivants seront donc analysés tour à tour :

(1)               La constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) de la LDN, et

(2)               L’exclusion de la preuve sous le paragraphe 24(2) de la Charte.

III.             Analyse

A.                Le premier moyen d’appel : La constitutionalité de l’alinéa 130(1)a) de la LDN

(1)               L'arrêt Moriarity/Hannah

[8]               Je partage entièrement l'approche et les conclusions du juge en chef Blanchard dans l’arrêt Moriarity/Hannah au sujet de la portée excessive de l'alinéa 130(1)a) de la LDN et de la violation de l'article 7 et de l'alinéa 11f) de la Charte[10].

[9]               Je précise d'abord que l'appelant possède, comme l'affirme le juge en chef Blanchard, l'intérêt juridique requis au sens de l'arrêt R. c. Big M Drug Mart[11] pour soulever la question de la constitutionnalité de l'article 130 de la LDN, même si le lien de connexité avec le service militaire est établi dans son dossier. À cet égard, il faut rappeler que les circonstances de la perpétration des infractions sont sans importance, car  la Cour suprême a rejeté la théorie américaine de la « constitutionnalité du texte tel qu'appliqué » dans R. c. DeSousa[12] et R. c. Smith[13]. En effet, tout accusé peut « contester une accusation criminelle en faisant valoir que la loi en vertu de laquelle l'accusation est portée est inconstitutionnelle »[14].

[10]           L'alinéa 130(1)a) de la LDN prévoit :

Infractions de droit commun

Offences Punishable by Ordinary Law

Procès militaire pour infractions civiles

Service trial of civil offences

130. (1) Constitue une infraction à la présente section tout acte ou omission :

130. (1) An act or omission

a) survenu au Canada et punissable sous le régime de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale;

(a) that takes place in Canada and is punishable under Part VII, the Criminal Code or any other Act of Parliament, or

[…]

[…]

Quiconque en est déclaré coupable encourt la peine prévue au paragraphe (2).

is an offence under this Division and every person convicted thereof is liable to suffer punishment as provided in subsection (2).

[11]           L'article 7 et l'alinéa 11f) de la Charte énoncent ce qui suit :

Vie, liberté et sécurité

Life, liberty and security of person

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

[…]

[…]

Affaires criminelles et pénales

Proceedings in criminal and penal matters

11. Tout inculpé a le droit :

11. Any person charged with an offence has the right

[…]

[…]

f) sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d’un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave;

(f) except in the case of an offence under military law tried before a military tribunal, to the benefit of trial by jury where the maximum punishment for the offence is imprisonment for five years or a more severe punishment;

[…]

[…]

[12]           L'alinéa 130(1)a) de la LDN confère compétence aux tribunaux militaires à l’égard tant des infractions militaires contenues dans la LDN que des infractions pénales à la loi ordinaire. La question est de savoir s'il a une portée excessive et s'il prive les personnes assujetties à la LDN du droit de bénéficier d'un procès avec jury relativement à des infractions qui ne relèvent pas de la justice militaire au sens de l'alinéa 11f) de la Charte.

[13]           Dans l’arrêt Moriarity/Hannah, le juge en chef Blanchard fait une synthèse remarquable de la jurisprudence de notre Cour et de celle de la Cour suprême, de l'histoire législative de la LDN, son objet et son fonctionnement de même que de l'objet du Code de discipline militaire qu’il définit selon les termes utilisés par le juge en chef Lamer dans R. c. Généreux[15] : « [l]e but d'un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s'occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes ».

[14]           J'estime, comme lui, que la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) ne peut être préservée que si on l'interprète comme le juge en chef Mahoney l'a fait dans MacDonald v. R.[16] il y a plus de trente ans :

An offence that has a real military nexus and falls within the letter of subsection 120(1) [maintenant le paragraphe 130(1)] of the National Defence Act is an offence under military law as that term is used in paragraph 11(f) of the Charter of Rights.

[15]           Pour les motifs qui suivent, je conclus que le paragraphe 130(1) de la LDN viole l'article 7 et l'alinéa 11f) de la Charte, car il a une portée excessive qui est susceptible - sans l'application du critère du lien de connexité avec le service militaire - de priver les militaires canadiens de leur droit constitutionnel de bénéficier d'un procès par jury.

[16]           Je rejette aussi, tout comme le juge en chef Blanchard, la prétention selon laquelle la discrétion du DPM empêche la contestation de la portée excessive de l'article 130. Cette discrétion, qui doit s'exercer de manière autonome et indépendante et à l'abri de toute intervention de la chaîne de commandement[17], ne peut être invoquée pour sauvegarder la constitutionnalité de l'article 130[18].

[17]           L'article 130 n'est pas conforme aux principes de justice fondamentale, car il va trop loin en faisant tomber sous le coup de son application des comportements qui n’ont aucun lien avec son objectif[19].

[18]           L’arrêt Catudal v. R. fournit un tel exemple[20]. M. Catudal faisait l'objet de plusieurs chefs d'accusation d'incendies criminels, mais notre Cour a conclu que l'un d'entre eux n'avait aucun lien de connexité avec le service militaire puisqu’il avait été commis dans un motel durant son déplacement vers sa nouvelle affectation militaire[21].

[19]           En appliquant les principes formulés dans les arrêts Schachter c. Canada[22] et R. c. Ferguson[23], il est possible et constitutionnellement approprié d'adopter une interprétation atténuée (« reading down ») de cet article pour en restreindre la portée et d'y inclure à cette fin, par interprétation large (« reading in »), le critère du lien de connexité avec le service militaire formulé par le juge McIntyre dans son opinion concordante dans l'arrêt MacKay c. La Reine[24].

[20]           À mon avis, la manière dont se pose la question de la constitutionnalité de l'alinéa 130(1)a) de la LDN ressemble à celle de l'article 163.1 du Code criminel qui était en cause dans l'affaire R. c. Sharpe[25] et dont on contestait la portée excessive. Nous sommes ici aussi « [e]n présence d’une disposition législative substantiellement constitutionnelle et marginalement problématique »[26]. Dans Sharpe, la juge en chef McLachlin concluait que « la réparation qui convient en l’espèce consiste à exclure de la portée de l’art. 163.1, au moyen d’une interprétation large, les applications problématiques de cette disposition »[27]. Ce même raisonnement trouve application en l’espèce concernant l’article 130 de la LDN.

[21]           Une infraction prévue à l'article 130 de la LDN peut être jugée sous le Code de discipline militaire lorsqu'elle est à ce point reliée à la vie militaire, par sa nature et par les circonstances de sa perpétration, qu’elle est susceptible d’influer sur le niveau général de discipline et d’efficacité des Forces canadiennes. Une telle infraction relève de la justice militaire au sens de l'alinéa 11f) de la Charte et de la compétence des tribunaux militaires canadiens, car elle touche directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes.

[22]           Il s’agit là de l'interprétation adoptée par notre Cour durant les trente dernières années. On n'a fait valoir aucun motif impérieux de s'écarter de cette interprétation, qui a subi avec succès l'épreuve du temps.

[23]           Le critère du lien de connexité avec le service militaire fait partie de la « substantifique moelle » du droit militaire canadien. Il n'est pas opportun de procéder aujourd'hui à une nouvelle chirurgie constitutionnelle.

[24]           J'aborde maintenant les observations présentées par les parties au sujet de la décision rendue dans Moriarity/Hannah, car elles rendent nécessaires certaines remarques et précisions supplémentaires.

(2)               La position des parties

a)                  L'appelant

[25]           L'appelant prétend que la décision rendue dans Moriarity/Hannah ne doit pas être suivie en raison des nombreuses erreurs d’analyse qui ont été commises par notre Cour.

[26]           Premièrement, l'appelant soutient que la Cour a confondu l'analyse requise par l'article 7 de la Charte avec celle de l'article 1.

[27]           Deuxièmement, à son avis, la Cour usurpe la fonction du législateur en confirmant la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) par le biais d'une interprétation large qui inclut à cet article le critère du lien de connexité avec le service militaire.

[28]           Troisièmement, les critères des arrêts MacKay et Généreux auxquels réfère le juge en chef Blanchard dans sa décision seraient incompatibles entre eux.

[29]           Quatrièmement, il y aurait absence de preuve au sujet des préoccupations suffisamment urgentes et réelles pour justifier la restriction de ces droits ou libertés, de même qu'à l'égard de la mesure choisie par la Cour.

b)                  Le Directeur des poursuites militaires

[30]           La position du DPM est la suivante.

[31]           D'abord, il postule que l'opinion du juge McIntyre dans l'arrêt MacKay n'est pas contraignante, car il ne s'agit pas d'une décision de la Cour, mais plutôt d'une opinion concordante sur le résultat.

[32]           Invoquant l'arrêt Sellars c. La Reine[28], il enjoint notre Cour à adopter l'opinion incidente du juge en chef Strayer dans Reddick c. La Reine[29], suivie dans l'arrêt Lévesque c. La Reine[30], selon laquelle un lien de connexité avec le service militaire existe, mais sous la rubrique du partage des compétences. Cette décision aurait renversé la jurisprudence antérieure de notre Cour.

[33]           De plus, il estime que la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Ionson n'est pas un précédent contraignant.

(3)               Analyse

a)                  La réparation appropriée

[34]           L'appelant formule une préoccupation légitime au sujet de l'utilisation de l'interprétation large. Il estime que notre Cour doit déclarer l'article 130 inconstitutionnel et qu'il appartient au Parlement de déterminer la nature des amendements législatifs qui doivent, le cas échéant, être apportés à la LDN. Ces prétentions méritent d'être soigneusement analysées.

[35]           Il faut d'abord dire que notre Cour n'avait pas en 1983 le bénéfice de l'analyse nuancée formulée par le juge en chef Lamer dans Schachter au sujet de l'interprétation large comme mesure corrective en vertu de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, et celle plus récente de la juge en chef McLachlin dans Ferguson.

[36]           Par ailleurs, on ne peut nier que l'interprétation à la fois large et atténuée de l'article 130 adoptée par notre Cour depuis l'arrêt MacDonald a introduit à cet article un élément qui est absent du texte même de l'article 130 : l'analyse au cas par cas décrite par le juge McIntyre dans son opinion concordante dans l'arrêt MacKay.

[37]           Ce résultat pourrait être perçu comme la reconnaissance d'une discrétion qui n'existe pas à l'article et qui est, en apparence du moins, incompatible avec l'approche formulée par la Cour suprême dans les arrêts Schachter et Ferguson et encore plus récemment dans l'arrêt Bedford.

[38]           La juge en chef McLachlin a énoncé les principes pertinents dans Ferguson que je résume :

         Le paragraphe 52(1) de la Constitution donne ouverture à des solutions de rechange à l’invalidation de dispositions incompatibles avec celle-ci, notamment la dissociation, l’interprétation large et l’interprétation atténuée ;

         En examinant les solutions de rechange à l’invalidation, les tribunaux doivent vérifier attentivement si elles représentent un empiétement moins grave que l’invalidation sur les fonctions du législateur - c’est donc dire que les tribunaux sont guidés par le respect du rôle du législateur et des objectifs de la Charte dans le choix de la réparation ;

         Lorsqu’un tribunal choisit la dissociation ou l’interprétation large plutôt que l’invalidation, il part du principe que si le législateur avait su que la disposition était entachée d’un vice sur le plan constitutionnel, il l’aurait probablement édictée sous la forme modifiée que lui donne maintenant le tribunal en ayant recours à la dissociation ou à l’interprétation large ;

         S’il n’est pas clair que le législateur aurait édicté la disposition avec les modifications envisagées par le tribunal, ou encore s’il est probable qu’il ne l’aurait pas fait, le tribunal empiéterait de façon injustifiée sur le domaine législatif en les introduisant ; en pareil cas, la réparation qui constitue l’empiétement le moins grave consiste à invalider la disposition législative inconstitutionnelle, en application de l’article 52. Il revient alors au législateur de décider quelle doit être la solution législative appropriée, le cas échéant.

         La présence du paragraphe 52(1) et de son libellé obligatoire permet de croire que les rédacteurs de la Charte voulaient que les dispositions législatives inconstitutionnelles soient inopérantes dans la mesure de leur incompatibilité, et non qu’elles restent en vigueur sous réserve de l’octroi d’une réparation discrétionnaire accordée au cas par cas ;

         Lorsqu’il est satisfait aux conditions permettant la dissociation ou une interprétation large, les tribunaux peuvent corriger l’incompatibilité plutôt que d’invalider globalement la disposition contestée ; lorsque cela n’est pas possible, la disposition inconstitutionnelle doit être invalidée[31].

[39]           À la lumière de ces enseignements, la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si on peut conclure que le législateur aurait adopté l'article 130 sous la forme que lui a donnée la jurisprudence de notre Cour depuis plus de trente années et la Cour suprême dans l'arrêt Ionson.

[40]           Pour répondre à cette question, il faut examiner, dans un premier temps, le contexte historique dans lequel la jurisprudence de notre Cour s'est développée.

[41]           Dans un deuxième temps, je propose de procéder à l’analyse décrite par le juge en chef Lamer dans Schachter afin de déterminer si, comme le prétend l’appelant, notre Cour a confondu dans Moriarity/Hannah d’une part l'analyse requise en vertu de l'article 7, et d’autre part celle sous l'article 1, et si elle a également erré dans l’identification de l’objectif urgent et réel que poursuit l’article 130.

[42]           Finalement, il est nécessaire de décrire les nombreuses réformes législatives apportées à la LDN depuis l'adoption de la Charte afin de déterminer si, en raison de celles-ci, on peut conclure que le législateur aurait adopté l’article 130 en conformité avec l’interprétation de notre Cour.

[43]           Cet examen confirmera que l’opinion du juge McIntyre dans MacKay contient tous les éléments exigés par la grille d’analyse de l’arrêt Schachter et que notre Cour a eu raison d’adopter une interprétation restrictive ou atténuée de la portée de l'article 130 (« reading     down »), qui exige son interprétation large (« reading in ») afin d'y inclure le critère du lien de connexité avec le service militaire.

(i)                 Le contexte historique

[44]           Comme le note le juge en chef Blanchard, c'est en 1980, dans l'arrêt MacKay, que le juge McIntyre, avec l'appui du juge Dickson (tel était alors son titre), formule ses observations au sujet du lien de connexité avec le service militaire pour conférer aux tribunaux militaires la compétence pour juger d'une infraction visée à l'article 130.

[45]           Dans son opinion, il réfère au droit américain. Sans les identifier spécifiquement, il est raisonnable de penser que ce sont les décisions de la Cour suprême des États-Unis dans O'Callahan v. Parker[32] et Relford v. Commandant[33] qu'il a à l'esprit[34].

[46]           Dès l'adoption de la Charte et notamment son alinéa 11f), il est évident pour tout observateur du droit militaire canadien que le droit américain est, en partie du moins, une source d'inspiration de l'alinéa 11f) de la Charte. À mon avis, la contemporanéité des commentaires du juge McIntyre dans l'arrêt MacKay, l'état du droit américain sur la question du « service connection test » à ce moment et le texte même de l'alinéa 11f) le révèlent indubitablement.

[47]           Dans l'affaire O'Callahan, la Cour suprême des États-Unis devait interpréter le sens de l'expression « cases arising in the land or naval forces » que l'on trouve au Sixième Amendement de la Constitution américaine. Cette expression rappelle celle que l'on trouve à l'alinéa 11f) de la Charte, « une infraction relevant de la justice militaire » ou dans la version anglaise, « an offence under military law ».

[48]           Le juge Douglas écrit pour la majorité :

The Fifth Amendment specifically exempts "cases arising in the land or naval forces, or in the Militia, when in actual service in time of War or public danger" from the requirement of prosecution by indictment and, inferentially, from the right to trial by jury. (Emphasis supplied.) See Ex parte Quirin, 317 U. S. 1, 317 U. S. 40. The result has been the establishment and development of a system of military justice with fundamental differences from the practices in the civilian courts.

If the case does not arise "in the land or naval forces," then the accused gets first, the benefit of an indictment by a grand jury, and second, a trial by jury before a civilian court as guaranteed by the Sixth Amendment […][35].

[Je souligne] [L'italique est dans le jugement original]

[49]           Il conclut que la compétence des tribunaux militaires doit être liée au service militaire    (« service-connected »). Il écrit :

In the present case, petitioner was properly absent from his military base when he committed the crimes with which he is charged. There was no connection -- not even the remotest one -- between his military duties and the crimes in question. The crimes were not committed on a military post or enclave; nor was the person whom he attacked performing any duties relating to the military. Moreover, Hawaii, the situs of the crime, is not an armed camp under military control, as are some of our far-flung outposts.

Finally, we deal with peacetime offenses, not with authority stemming from the war power. Civil courts were open. The offenses were committed within our territorial limits, not in the occupied zone of a foreign country.

The offenses did not involve any question of the flouting of military authority, the security of a military post or the integrity of military property.

We have accordingly decided that, since petitioner's crimes were not service-connected, he could not be tried by court-martial, but rather was entitled to trial by the civilian courts[36].

[Je souligne] [Références omises]

[50]           Cette approche sera confirmée en 1970 dans l'arrêt Relford, mais infirmée en 1987 dans l’arrêt Solorio v. U.S.[37].

[51]           De ce côté-ci de la frontière, l’opinion du juge McIntyre dans MacKay a eu un impact considérable sur le développement du droit militaire canadien tel que le constate le colonel à la retraite R. Arthur McDonald dans son ouvrage Canada’s Military Lawyers lorsqu’il discute de l’arrêt MacKay :

Despite this seemingly strong support by the majority, the decision that was to have a greater future impact was the concurring opinion of Justice (later Chief Justice) Dickson and Justice McIntyre.

[…]

The McIntyre formula with respect to the jurisdiction of military tribunals over offences was the one most frequently cited by the lower courts in the years to follow[38].

[52]           C'est ainsi qu'à la lumière de l'opinion du juge McIntyre dans MacKay et peu de temps après l'adoption de la Charte, les professeurs Peter Hogg[39], André Morel[40] et Walter Tarnopolsky[41] identifient les problèmes associés à la portée excessive de l’alinéa 130(1)a).

[53]           Par exemple, le professeur Hogg formule l'avis que l’alinéa 130(1)a) doit faire l'objet d'une interprétation atténuée (« reading down ») :

Probably, as McIntyre J. has suggested in the context of the equality clause of the Canadian Bill of Rights, that definition should be read down to encompass only service-related offences (MacKay v. R. [1980] 2 S.C.R. 370, 408)[42].

[54]           Il maintiendra d'ailleurs cette opinion dans les éditions subséquentes de son traité classique de droit constitutionnel[43].

[55]           Je note aussi qu'avant de formuler sa conclusion dans l'affaire MacKay au sujet du critère du lien de connexité avec le service militaire, conclusion à laquelle réfère le juge en chef Blanchard dans Moriarity/Hannah[44], le juge McIntyre écrit ce qui suit :

Il ne faut cependant pas oublier que, puisqu’on doit respecter le principe de l’égalité devant la loi, on ne peut y déroger que lorsque cela est nécessaire pour accomplir des objectifs socialement souhaitables et, dans ce cas, seulement dans la mesure nécessaire pour y parvenir dans les circonstances. Il faut répondre aux besoins des forces armées, mais l’on ne doit pas déroger au principe de l’égalité devant la loi plus que cela n’est nécessaire. Le principe à respecter est celui de l’intervention la plus minime possible dans les droits d’un soldat en vertu du droit commun compte tenu des exigences de la discipline militaire et de l’efficacité des forces armées. Avec ce concept à l’esprit, je passe maintenant à la situation présente[45].

[Je souligne]

[56]           On reconnaîtra aisément ici une formulation qui présage du critère des préoccupations urgentes et réelles et de la proportionnalité des mesures législatives choisies qui sera finalement adopté en 1986 par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Oakes[46] et qui doit être appliqué, selon l'arrêt Schachter[47], lorsque le tribunal détermine s'il peut adopter une interprétation large d'une disposition législative.

[57]           À mon avis, compte tenu des observations du juge McIntyre dans MacKay inspirées par les décisions de la Cour suprême des États-Unis, de même que les commentaires des professeurs Hogg, Morel et Tarnopolsky, l'interprétation adoptée par notre Cour de l'alinéa 11f) de la Charte et de l'expression « une infraction relevant de la justice militaire » (« an offence under military law ») était tout à fait naturelle et justifiée sous le régime de la Charte plutôt que sous celui de la Déclaration canadienne des droits. Rappelons que la Cour suprême s'est elle aussi écartée de l'arrêt MacKay dans l'arrêt Généreux au sujet de l'indépendance des tribunaux militaires[48].

[58]           Toute dérogation au bénéfice d'un procès avec jury devant être interprétée restrictivement[49], l'interprétation de notre Cour est compatible avec le fait qu'il s'agit d'une exception au droit de bénéficier d'un procès avec jury, un droit dont le caractère fondamental ne nécessite pas une longue démonstration[50].

[59]           Dans l’arrêt MacKay, le juge McIntyre affirmait que les exigences de la discipline militaire ne justifient pas de priver les militaires du droit au procès par jury en toutes circonstances :

La portée exhaustive des dispositions en cause de la Loi sur la défense nationale dépasse toute limite raisonnable ou nécessaire. Le soldat inculpé d’une infraction criminelle est privé du bénéfice d’une enquête préliminaire ou du droit à un procès devant jury.

[…]

Bien que ces différences puissent être acceptables, compte tenu des besoins militaires, dans certains cas, on ne peut leur donner d’effet universel dans l’application du droit pénal canadien aux membres des forces armée en poste au Canada[51].

[60]           On ne peut que partager la sagesse de ces observations compte tenu de l’importance du droit de bénéficier d’un procès avec jury[52].

[61]           En conclusion, l'intégration à l'article 130 de la LDN du critère du lien de connexité avec le service militaire par le juge en chef Mahoney dans MacDonald était tout à fait justifiée. C'est ce que rappelait le juge Hugessen dans R. c. Brown[53] en référant notamment à la décision de la Cour suprême dans Ionson, de même que le juge en chef Blanchard dans Moriarity/Hannah.

[62]           Cela dit, demeure toute entière la question plus précise posée par l'appelant dans le présent pourvoi, celle de la réparation appropriée dans les circonstances. Notre Cour doit-elle déclarer l'article 130 inconstitutionnel ou peut-elle recourir à l'interprétation large?

(ii)               Le cadre d’analyse de l’arrêt Schachter

[63]           Bien que son application soit à mon avis implicite dans la jurisprudence de notre Cour, je me propose maintenant de procéder formellement à l'analyse formulée par le juge en chef Lamer dans l'arrêt Schachter.

[64]           Cet exercice est nécessaire afin de déterminer si, comme le prétend l'appelant, notre Cour usurpe la fonction du législateur en procédant à l'interprétation large de l'article 130 pour y incorporer le critère du lien de connexité avec le service militaire.

[65]           À mon avis, cela établira que notre Cour n'a pas confondu les critères des articles 1 et 7 de la Charte, qu'elle n'a pas identifié les préoccupations urgentes et réelles de l'article 130 en l'absence de preuve et qu'elle n'usurpe pas, dans le cas très particulier de l'espèce, la fonction législative du Parlement.

[66]           L'interprétation de l'article 130 de la LDN occupe une place qui peut être décrite comme unique dans la jurisprudence canadienne. En effet, afin d'éviter la portée excessive de cet article, notre Cour a intégré à l’article 130 dès 1983 le critère du lien de connexité avec le service militaire par le biais de l’interprétation large. Dans ce contexte très particulier, notre Cour a donc appliqué à la fois les techniques d'interprétation atténuée et d'interprétation large, mais il ne s'agit à mon avis que d'une « façon de déterminer la mesure de l'incompatibilité »[54] de l'article 130 avec la Charte.

1.         L’interprétation large

[67]           Selon le juge en chef Lamer, « l'interprétation large devrait être reconnue comme une mesure corrective légitime semblable à la dissociation et devrait pouvoir être utilisée en vertu de l'art. 52 dans les cas où elle constitue une technique appropriée pour satisfaire aux objets de la Charte et réduire au minimum l'ingérence judiciaire dans les parties de la loi qui en soi ne sont pas contraires à la Charte »[55].

[68]           La première étape de l'analyse de l'arrêt Schachter est de « déterminer l'étendue de l'incompatibilité qui doit être annulée »[56] ce qui exige « d'examiner de quelle façon la loi en question viole la Charte et pourquoi cette violation ne peut être justifiée en vertu de l'article premier »[57].

[69]           Cela requiert l'application du critère à deux volets de l'arrêt Oakes à l'article 130 : les préoccupations suffisamment urgentes et réelles et la proportionnalité des mesures choisies.

[70]           Ayant conclu à la portée excessive de l'article 130 de la LDN dans son analyse sous l'article 7 de la Charte, notre Cour doit décider si l'interprétation large est une mesure corrective acceptable sous l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. Puisque cette analyse applique le test de l'arrêt Oakes, je conclus qu'il n'y a pas de confusion possible entre l'analyse requise sous les articles 1 et 7 de la Charte, car la question de l'interprétation large ne se pose que si la Cour a déjà conclu que l'article 130 de la LDN viole l’article 7 et l'alinéa 11f) de la Charte.

2.         Les préoccupations urgentes et réelles

[71]           Il ne fait aucun doute que les exigences de la discipline dans les Forces canadiennes se rapportent à des préoccupations urgentes et réelles. L'appelant voit ici, à tort, un renversement du fardeau de la preuve sous l'article 1. Le but d'un système de tribunaux militaires et la nécessité que les Forces canadiennes soient prêtes à intervenir ont été reconnus tant par le juge McIntyre dans MacKay[58] que par le juge en chef Lamer dans Généreux[59].

[72]           Le juge en chef Blanchard a pris acte du fait que la Cour suprême a reconnu que le système de justice militaire répond à des préoccupations suffisamment urgentes et réelles.

[73]           Une conclusion distincte et différente ne s'impose pas à l'égard de l'article 130 en raison de l'adoption par le juge en chef Lamer dans Généreux des observations du juge Cattanach dans MacKay c. Rippon[60], notamment celles concernant la commission d'infractions au droit commun par un militaire[61].

[74]           À mon avis, une preuve spécifique n'était pas nécessaire, car il s'agit là de « certains éléments constitutifs d'une analyse en vertu de l'article premier [qui sont] manifestes ou évidents en soi »[62].

3.         La proportionnalité des mesures choisies

[75]           Il convient de se demander si l'article 130 de la LDN a un lien rationnel avec l'objectif législatif et s'il est conçu de manière à porter le moins possible atteinte au droit constitutionnel en cause.

[76]           Je n'hésite pas à conclure, comme le juge en chef Blanchard, que l'article 130 a un lien rationnel avec l'objectif de la discipline dans les Forces canadiennes[63].

[77]           Toutefois, c'est au niveau du critère de l'atteinte minimale que le bât blesse en raison de la portée excessive de l'alinéa 130(1)a).

[78]           Voici comment le juge en chef Lamer pose le problème dans Schachter :

Lorsqu'une loi ne satisfait pas au deuxième ou au troisième élément du critère de la proportionnalité, ou aux deux, on dispose d'une plus grande latitude pour déterminer quelles sont les dispositions incompatibles. Par exemple, si le texte législatif ne satisfait pas au critère parce qu'il n'est pas conçu de façon à porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté ou parce que ses effets sont disproportionnés à son objectif, on pourrait déterminer que l'incompatibilité consiste dans les dispositions non incluses dans la loi qui permettraient qu'elle soit bien conçue ou éviteraient que son effet soit disproportionné. Dans la logique du raisonnement exposé, cette incompatibilité pourrait être déclarée inopérante de sorte que la portée de la loi serait étendue par interprétation large[64].

[79]           Le défi est l'identification de la mesure corrective appropriée. Le juge en chef Lamer en décrit la teneur en ces termes :

Bien que l'interprétation large soit le pendant logique de la dissociation et serve la même fin, il importe de se rappeler qu'il existe une distinction importante entre les deux pratiques. En ce qui concerne la dissociation, la partie incompatible de la disposition législative peut être déterminée avec une certaine précision en fonction des exigences de la Constitution, ce qui ne sera pas toujours possible dans le cas de l'interprétation large. Dans certains cas, il ne sera pas possible, à partir d'une analyse fondée sur la Constitution, de déterminer avec suffisamment de précision dans quelle mesure il faut élargir la portée d'une loi pour la rendre compatible avec la Constitution. Il appartient alors aux législateurs et non aux tribunaux de combler les lacunes[65].

[80]           La prudence est de mise afin d’éviter une ingérence dans la fonction législative. C'est là l'objection principale de l'appelant.

[81]           Il estime que si l'article 130 est déclaré inconstitutionnel, le législateur pourrait soit décider de ne rien faire, soit adopter un article modifié qui comporterait une exigence de lien de connexité avec le service militaire, avec ou sans une liste de critères encadrant la décision qui doit être rendue, ou encore il pourrait choisir de circonscrire les crimes pouvant faire l'objet d'une poursuite en vertu de l'article 130. Il affirme finalement que l'approche au cas par cas n'est pas une réparation appropriée sous l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 selon les arrêts Ferguson et Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society[66].

[82]           Il est vrai que l'interprétation que notre Cour a donnée à l'article 130 a restreint sa portée, mais cela par le biais d'une interprétation large, qui ajoute une exigence qui était absente du texte de l'article 130, soit le critère du lien de connexité avec le service militaire.

[83]           Comme je le mentionnais précédemment, cette interprétation a cependant subi l'épreuve du temps. Celle-ci fait la démonstration qu'il était possible, « à partir d'une analyse fondée sur la Constitution, de déterminer avec suffisamment de précision dans quelle mesure il faut [restreindre] la portée d'une loi pour la rendre compatible avec la Constitution »[67]. Ainsi, afin d'empêcher la portée excessive de l'article 130, il fallait y intégrer le critère du lien de connexité avec le service militaire.

[84]           J'admets volontiers que si la contestation de la constitutionalité de l’article avait eu lieu pour la première fois en 1992, soit peu de temps après la décision de la Cour suprême dans Schachter, il aurait bien été possible que notre Cour annule purement et simplement l’article 130 tout en laissant le soin au législateur d’identifier les modifications devant être apportées à cet article.

[85]           En effet, on aurait pu prétendre à ce moment que l'utilisation du critère du lien de connexité avec le service militaire incorpore à l'article 130 « un élément que le législateur a spécifiquement choisi d’exclure, le pouvoir discrétionnaire du juge du procès », comme le faisait remarquer la juge McLachlin (tel était alors son titre) dans R. c. Seaboyer[68].

[86]           Toutefois, dans le contexte unique de l'article 130, cette prétention doit être rejetée pour les motifs invoqués par la juge en chef McLachlin dans Ferguson au sujet de la primauté du droit et des valeurs qui la sous-tendent : la certitude, l’accessibilité, l’intelligibilité, la clarté et la prévisibilité de la règle de droit[69]. À mon avis, l'application par notre Cour du critère du lien de connexité avec le service militaire respecte la primauté du droit et les valeurs qui la sous-tendent.

[87]           On ne nous a donc fait valoir aucune raison impérieuse de nous écarter de la jurisprudence de notre Cour[70]. Celle-ci tient compte de la décision rendue par la Cour suprême dans Ionson et elle intègre les exigences essentielles de l'arrêt Schachter, comme le démontre l’analyse du juge en chef Blanchard.

[88]           Au sujet de l'arrêt Ionson, le DPM soutient que la Cour suprême n’a pas formellement confirmé l’approche du juge McIntyre concernant le lien de connexité. Cette interprétation très limitée doit être rejetée.

[89]           Dans cette affaire, la principale question en litige était celle de la compétence du tribunal militaire à la lumière du critère du lien de connexité avec le service militaire[71]. Selon le DPM, la Cour suprême n'aurait fait que confirmer le résultat de la décision de la majorité de notre Cour[72], soit la condamnation de M. Ionson, sans plus. Avec respect, je ne peux interpréter la décision du juge en chef Dickson, qui concourait d’ailleurs à l'opinion du juge McIntyre dans MacKay, d'une manière si limitée[73].

[90]           Sans exagérer la portée de l'arrêt Ionson, il ne faut pas commettre l'erreur inverse et le considérer comme une décision sans importance. La Cour suprême a confirmé la décision de notre Cour qui avait analysé le critère du lien de connexité avec le service militaire et l'avait appliqué aux circonstances de l'affaire. Il s'agit d'un précédent que notre Cour doit respecter.

(iii)             Les nombreuses réformes législatives depuis l’adoption de la Charte

[91]           Les amendements législatifs à la LDN depuis 1985 ont été nombreux[74]. Peu d'aspects de celle-ci ont été négligés par ces réformes.

[92]           Les réformes les plus importantes suivent l'adoption de la Charte[75], la décision de la Cour suprême dans Généreux et une réforme majeure de la justice militaire à la suite des événements en Somalie, le projet de loi C-25 entré en vigueur le 1er septembre 1999[76].

[93]           En 2002, l'ancien juge-avocat général Jerry S.T. Pitzul en donne la description suivante :

What followed was a relatively intense process of review, both internal and judicial, during which the Canadian Forces was called upon to reconcile its military justice provisions and processes with the constitutional protections embodied in the Charter. That process, which is still ongoing, resulted in an unprecedented series of amendments to the Code of Service Discipline and subordinate regulations and orders as well as what has been appropriately characterized as the “rapid convergence between military and civilian criminal justice processes.”

Some of the more significant changes implemented between 1982 and 1992 include:

establishing a process under which an accused who had been found guilty at court-martial and sentenced to a term of incarceration could apply for judicial interim release;

developing a Charter-compliant scheme for dealing with mentally disordered accused;

creating a truly comprehensive civilian appellate review process in respect of both courts-martial findings and sentences accessible by both the Crown and the accused; and

enhancing the independence of courts-martial by (1) separating the functions of convening courts-martial and appointing judges and panel members; (2) adopting a random methodology for selecting courts-martial panel members; and (3) implementing reforms to ensure the security of tenure, financial security, and institutional independence of military judges, including appointing judges for fixed terms, adopting the civilian “cause-based” removal standard and discontinuing the use of career evaluations as a measure of judicial performance[77].

[Je souligne] [Références omises]

[94]           Le projet de loi C-25 entre en vigueur le 1 septembre 1999[78]. Le sommaire du projet de loi se lit :

Le texte vise à remanier et moderniser la Loi sur la défense nationale et, en particulier, le code de discipline militaire. Les points saillants en sont les suivants :

la clarification des rôles des principaux intervenants du système de justice militaire, y compris le ministre de la Défense nationale et le juge-avocat général, et l'établissement de normes de séparation institutionnelle entre les fonctions d'enquête, de poursuite et de défense et les fonctions judiciaires;

la création du poste de directeur des poursuites militaires chargé de prononcer les mises en accusation pour les personnes qui seront jugées par une cour martiale et de mener les poursuites devant les cours martiales;

la constitution du Comité d'examen des griefs des Forces canadiennes qui transmet ses conclusions et recommandations au Chef d'état-major de la défense en ce qui touche les griefs des membres des Forces canadiennes;

la constitution de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire responsable d'enquêter sur les allégations d'ingérence dans les enquêtes de la police militaire et sur les plaintes relatives à la conduite des policiers militaires;

l'abolition de la peine de mort et son remplacement par l'emprisonnement à perpétuité;

l'obligation accrue de faire rapport par l'établissement de rapports annuels par le Comité d'examen des griefs, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et le juge-avocat général.

[95]           Par la suite, le très honorable Antonio Lamer procède au premier examen indépendant de l'application du projet de loi C-25[79]. Plusieurs de ses recommandations donnent lieu à des propositions d'amendements législatifs, mais qui ne seront pas adoptées puisque les projets de loi C-7 (2006), C-45 (2008) et C-41 (2010) meurent au feuilleton[80].

[96]           En mai 2011, l'honorable Patrick J. LeSage, juge en chef à la retraite de la Cour supérieure de l'Ontario, sera chargé d'effectuer le deuxième examen indépendant du projet de loi C-25 et du projet de loi C-60, adopté en 2008. Il présente son rapport au ministre de la Défense nationale en décembre 2011[81].

[97]           Certaines réformes seront aussi apportées après les décisions de notre Cour dans R. c. Trépanier (J.S.K.T.)[82] au sujet de la constitutionnalité de l'article 165.14 et du paragraphe 165.19(1) (le choix du type de cour martiale) et dans R. c. Leblanc[83] (nomination des juges militaires et durée de leur mandat).

[98]           Finalement, le projet de loi C-15, la Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada[84], qui incorpore plusieurs éléments des projets de lois morts au feuilleton, sera sanctionné le 19 juin 2013[85].

[99]           Or, malgré les nombreuses décisions de cette Cour au sujet du critère du lien de connexité avec le service militaire, jamais un amendement n’a été proposé ou présenté à l'égard de l'article 130 de la LDN.

[100]       Ce panorama historique et cette effervescence législative m'amènent à la conclusion que le Parlement a laissé passer plusieurs occasions de modifier l'article 130, qui avait fait l'objet d'une interprétation constante par notre Cour[86].

[101]       Pour ces raisons, j'estime qu'il est raisonnable d'appliquer la présomption de connaissance du Parlement et de conclure que celui-ci savait que l'article 130 était entaché d'un vice constitutionnel et qu'il connaissait l'interprétation adoptée par notre Cour et confirmée par la Cour suprême dans l'arrêt Ionson.

[102]       Il s'agit là, je le répète, d'un cas de figure unique.

[103]       On peut dès lors affirmer et conclure que le Parlement aurait adopté l'article 130 sous la forme modifiée que lui a donnée notre Cour en ayant recours à l’interprétation large au cours des trente dernières années[87].

[104]       L'interprétation large de l'alinéa 130(1)a), tout comme l'article 163.1 C.cr. en cause dans l'arrêt Sharpe, permet d'éliminer les applications de cet article qui posent problème.

[105]       J'aborde maintenant quelques arguments subsidiaires présentés par les parties.

b)                  L’arrêt Reddick doit-il être suivi?

[106]       L'arrêt Reddick a été rendu moins de deux ans après l'arrêt Brown. Dans cette affaire, le juge en chef Strayer affirme que « [l]a théorie du lien est superflue et qu'elle risque d'induire en erreur dans le contexte du partage des pouvoirs »[88]. Il ajoute que cette approche « distrait de la véritable question, qui en est une de partage des pouvoirs »[89]. Ces propos ont été interprétés par certains comme signifiant soit l'abolition du critère du lien de connexité avec le service militaire en droit militaire canadien, soit que ce critère n'avait plus la même pertinence[90].

[107]       Si je comprends bien la prétention du DPM, il souhaite que notre Cour remplace le critère du lien de connexité avec le service militaire sous l'article 130 de la LDN par un critère similaire ou équivalent, mais dans le cadre d'une analyse de partage des pouvoirs.

[108]       Une telle approche n'est pas souhaitable, car il est préférable de conserver les distinctions qui s'imposent entre l'analyse du partage des pouvoirs et celle sous la Charte.

[109]       De plus, il me semble que cette approche est incompatible avec les propos tenus par la juge en chef McLachlin dans l'affaire PHS où elle écrit ce qui suit :

D’un point de vue plus général, le principe selon lequel une partie de la Constitution ne peut pas être abrogée ou atténuée par une autre partie de la Constitution n’est d’aucune utilité pour trancher les questions de partage des compétences et les questions relatives à la Charte. Il n’y a aucune contradiction entre affirmer qu’une loi fédérale a été validement adoptée en vertu de l’art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 et prétendre que cette même loi, par son objet ou ses effets, prive des personnes de leurs droits garantis par la Charte. La Charte s’applique à toutes les lois fédérales et provinciales valides. En fait, si la Loi outrepassait les pouvoirs fédéraux, elle n’existerait pas et ne pourrait donc pas être assujettie à la Charte. Les lois doivent être conformes à la fois au partage constitutionnel des compétences et à la Charte[91].

[110]       En l'espèce, il ne fait aucun doute que le Parlement a la compétence constitutionnelle pour adopter l'article 130[92]. Toutefois, la question est plutôt de savoir si cet article, par son objet ou ses effets, prive les militaires canadiens de leurs droits garantis par la Charte.

[111]       Le DPM invoque le principe de l'arrêt Sellars[93] de la Cour suprême et nous enjoint de l'appliquer et de suivre l'arrêt Reddick qui, à son avis, aurait renversé la jurisprudence antérieure de notre Cour.

[112]       L'arrêt Sellars a fait l'objet de commentaires de la Cour suprême dans R. c. Henry[94].

[113]       Le juge Binnie y souligne qu'on a interprété l'opinion du juge Chouinard dans l’arrêt Sellars « comme signifiant que les autres tribunaux sont liés par l’opinion que la Cour exprime sur un point de droit après l’avoir examiné attentivement, même lorsqu’il n’était pas nécessaire qu’elle l’examine pour rendre jugement »[95]. Il affirme que cela n'est pas le cas. Il écrit :

[57]      Pour reprendre la formulation du comte Halsbury, il faut se demander chaque fois quelles questions ont été effectivement tranchées. Au delà de la ratio decidendi qui est généralement ancrée dans les faits, comme l’a signalé le comte Halsbury, le point de droit tranché par la Cour peut être aussi étroit que la directive au jury en cause dans Sellars ou aussi large que le test établi par l’arrêt Oakes. Les remarques incidentes n’ont pas et ne sont pas censées avoir toutes la même importance. Leur poids diminue lorsqu’elles s’éloignent de la stricte ratio decidendi pour s’inscrire dans un cadre d’analyse plus large dont le but est manifestement de fournir des balises et qui devrait être accepté comme faisant autorité. Au delà, il s’agira de commentaires, d’exemples ou d’exposés qui se veulent utiles et peuvent être jugés convaincants, mais qui ne sont certainement pas « contraignants » comme le voudrait le principe Sellars dans son expression la plus extrême. L’objectif est de contribuer à la certitude du droit, non de freiner son évolution et sa créativité.  La thèse voulant que chaque énoncé d’un jugement de la Cour soit traité comme s’il s’agissait d’un texte de loi n’est pas étayée par la jurisprudence et va à l’encontre du principe fondamental de l’évolution de la common law au gré des situations qui surviennent[96].

[Je souligne]

[114]       Ces enseignements s'appliquent à l'arrêt Reddick.

[115]       Premièrement, je partage l'analyse du juge en chef Blanchard selon laquelle il est question de partage des compétences dans l'arrêt Reddick.

[116]       Deuxièmement, l'utilité de Reddick est considérablement réduite puisque la question de la portée excessive de l'article 130 n'est pas en cause dans cette décision.

[117]       Troisièmement, et de manière importante, l’arrêt Reddick n'examine pas la décision de la Cour suprême dans Ionson.

[118]       Par ailleurs, le DPM s'appuie sur l'arrêt R. v. Heyden[97] de la Cour d'appel de l'Alberta pour nous convaincre que les règles de la collégialité horizontale exigent que nous suivions l'arrêt Reddick.

[119]       Cette proposition ne peut être retenue.

[120]       En effet, l’arrêt Reddick ne pouvait avoir pour effet d’infirmer la jurisprudence antérieure de notre Cour - l’arrêt Brown ayant été rendu moins de deux ans auparavant - car selon une pratique bien reconnue au sein des cours d’appel canadiennes[98], seule une décision d’une formation de cinq membres de notre Cour aurait pu avoir cette portée et ce dans le cadre d’un pourvoi posant spécifiquement la question de la réévaluation de la jurisprudence antérieure de notre Cour au sujet du lien de connexité avec le service militaire sous l'article 7 et l’alinéa 11f) de la Charte[99].

[121]       Pour les motifs déjà évoqués, j'estime que, selon les règles de collégialité au sein d'une cour d'appel, nous sommes liés par l'analyse complète et persuasive du juge en chef Blanchard dans Moriarity/Hannah qui est conforme à l'approche constante de notre Cour au sujet du critère du lien de connexité avec le service militaire.

c)                  La formulation du critère du lien de connexité avec le service militaire

[122]       L'appelant soutient que notre Cour a adopté, dans sa récente décision, des critères du lien de connexité avec le service militaire incompatibles entre eux. À son avis, le critère énoncé par le juge McIntyre dans MacKay ne peut être réconcilié avec les observations du juge en chef Lamer dans Généreux.

[123]       Il faut d'abord préciser que l'interprétation de l'alinéa 11f) et la question du lien de connexité avec le service militaire n'étaient pas en cause dans Généreux, mais là n'est pas l'observation la plus fondamentale.

[124]       À mon avis, lorsqu'une « infraction est, par sa nature et par les circonstances de sa perpétration, à ce point reliée à la vie militaire qu’elle serait susceptible d’influer sur le niveau général de discipline et d’efficacité des forces armées »[100], elle « touche […] directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes »[101].

[125]       L'appelant a tort de voir un critère substantiellement différent entre la formulation du juge McIntyre dans MacKay et celle du juge Lamer dans Généreux. Le juge en chef Blanchard réfère dans son jugement à ces deux formulations qui sont loin d'être incompatibles. En fait, elles sont complémentaires en ce sens qu'elles énoncent la même exigence de fond en utilisant une terminologie légèrement différente.

d)                 Impact sur les procès sommaires

[126]       L’appelant prétend aussi que l’application du critère du lien de connexité avec le service militaire dans le contexte des procès sommaires[102] est susceptible d’entrainer une application incohérente et divergente de ce critère parce que les commandants qui président les procès sommaires ne sont pas des tribunaux indépendants au sens de l’alinéa 11d) de la Charte, et qu'ils n’ont pas de formation juridique.

[127]       L'argument de l’appelant déborde le cadre du présent pourvoi, car il est fondé sur des motifs qui concernent la constitutionnalité des procès sommaires en vertu de la LDN[103]. Il n'est pas opportun d'aborder la question de la constitutionnalité des procès sommaires dans le cadre du présent pourvoi.

[128]       Par ailleurs, il faut souligner que l'accusé a le choix d'être jugé par une cour martiale, sauf pour cinq infractions précises[104].

[129]       De plus, les commandants qui président les procès sommaires reçoivent une « formation relative à l’application du code de discipline militaire selon un programme établi par le juge-avocat général » et une « attestation de leur qualification à appliquer le code »[105].

[130]       À mon avis, même s’ils ne sont pas des juges et même si nous devons aborder cet aspect avec la plus grande prudence, nous devons conclure que, sous réserve de questions constitutionnelles qui ne se posent pas dans le présent dossier, les commandants qui président des procès sommaires bénéficient de la présomption d'intégrité[106]. Pour cette raison, il faut présumer que le critère du lien de connexité avec le service militaire sera appliqué conformément aux enseignements de la jurisprudence de notre Cour, et non le contraire.

e)                  Conclusion

[131]       Je note en terminant qu'en 2010-2011, 96% des procédures disciplinaires tenues sous la LDN sont des procès sommaires[107]. Environ 48% des accusations portées mettaient en cause l'article 129 de la LDN, relativement à des actes, des comportements ou de la négligence préjudiciables au bon ordre et à la discipline, alors qu'environ 1,5% des accusations portées étaient fondées sur l'article 130[108].

[132]       Il serait nettement exagéré dans les circonstances de prétendre que la survie ou la pérennité de la discipline militaire est mise en péril au Canada en raison de l'interprétation adoptée par notre Cour. Il s'agit tout simplement de tracer, selon les exigences de la Constitution, « la ligne de démarcation entre les infractions militaires ou reliées aux forces armées et celles qui n’y sont pas nécessairement reliées »[109]. Rien de plus, rien de moins.

[133]       Pour tous ces motifs, l'alinéa 130(1)a) de la LDN doit faire l'objet d'une interprétation large qui exige l'application du critère du lien de connexité avec le service militaire formulé par le juge McIntyre dans l'arrêt MacKay.

[134]       L'alinéa 130(1)a) de la LDN doit donc maintenant se lire de la manière suivante:

130. (1) Constitue une infraction à la présente section tout acte ou omission, qui est à ce point relié à la vie militaire, par sa nature et par les circonstances de sa perpétration, qu’il est susceptible d’influer sur le niveau général de discipline et d’efficacité des Forces canadiennes:

130. (1) An act or omission which is so connected with the service in its nature, and in the circumstances of its commission, that it would tend to affect the general standard of discipline and efficiency of the service of the Canadian Forces

a) survenu au Canada et punissable sous le régime de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale;

(a) that takes place in Canada and is punishable under Part VII, the Criminal Code or any other Act of Parliament, or

[…]

[…]

Quiconque en est déclaré coupable encourt la peine prévue au paragraphe (2).

is an offence under this Division and every person convicted thereof is liable to suffer punishment as provided in subsection (2).

[135]       Lors de l'audition du pourvoi, l'appelant a convenu que ce critère est satisfait dans les circonstances de la présente affaire. Il n'est pas nécessaire de procéder à une analyse plus poussée dans ce contexte[110].

B.                 Le deuxième moyen d’appel : L'exclusion de la preuve sous le paragraphe 24(2) de la Charte

(1)               Introduction

[136]       L'appelant conteste la décision du juge militaire qui a refusé d'exclure la preuve recueillie à la suite de l'exécution de deux mandats de perquisition même s'il avait conclu que ces mandats n'auraient pas dû être délivrés.

[137]       Le premier mandat a été délivré le 20 janvier 2010 et exécuté le 21 janvier 2010 au domicile de l'appelant. Ce mandat visait l'obtention des ordinateurs, cellulaires, caméras digitales, tous les dispositifs de stockage et les impressions représentants les plaignantes nues.

[138]       À l'origine, l'enquêteur avait présenté une demande pour l'obtention d'un mandat de perquisition visant tant l'infraction de voyeurisme selon l'article 162 C.cr. que l'infraction d'avoir eu une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline selon l'article 129 de la LDN. Cependant, le juge autorisateur n'était pas familier avec la LDN et a demandé que l'enquêteur lui démontre qu'un mandat de perquisition pouvait être délivré pour cette infraction.

[139]       Après avoir reçu un avis juridique, l'enquêteur, préoccupé par la destruction possible d'éléments de preuve, choisit plutôt de demander un mandat uniquement pour l'infraction de voyeurisme. Copie de cette première dénonciation n'a pas été déposée au dossier du procès ou devant nous.

[140]       Le juge militaire décrit ainsi le déroulement de la perquisition :

[19]      La perquisition du domicile du soldat Larouche a débuté tôt le matin, soit vers 6 heures, et elle a durée environ 10 heures. Le caporal Gauvin a utilisé certains logiciels lui permettant de faire un survol des éléments électroniques et de stockage visés par le mandat de perquisition afin d’identifier ceux dont il procéderait à la saisie, ceci afin de minimiser le temps passé au domicile du soldat Larouche. L’idée était d’identifier les éléments pertinents qui devaient faire l’objet d’une analyse, de les saisir, et d’en faire une véritable analyse en laboratoire plus tard car cela prenait beaucoup de temps. Deux facteurs sont venus augmenter la complexité de la saisie : premièrement, le nombre d’items dont il devait faire un survol, soit environ 1800, et le fait que durant ce survol, il a identifié que certains de ces items contenaient un grand nombre de fichier pouvant constituer de la pornographie juvénile qu’il a saisie en plain view. À la fin de la perquisition, le soldat Larouche a été à nouveau rencontré à son domicile et les éléments saisis lui ont été identifiés.

[141]       Un deuxième mandat est délivré le 5 février 2010 et vise la possession de pornographie juvénile qui a été trouvée « accidentellement » lors de l'exécution du premier mandat, selon la description utilisée par l'enquêteur dans sa dénonciation.

[142]       La preuve recueillie permet d'établir la culpabilité de l'appelant à l'égard des deux chefs d'accusation. Dans le cas de l'infraction de voyeurisme, il s'agit d'un enregistrement vidéo qui fait la preuve que l'appelant a filmé une plaignante à son insu[111].

[143]       Dans le cas de l'infraction de possession de pornographie juvénile, l'appelant a admis, après le rejet de sa demande d'exclusion de la preuve sous le paragraphe 24(2), que les 1054 fichiers électroniques saisis et déposés en preuve par la poursuite constituent de la pornographie juvénile. Il a aussi reconnu, lors de la détermination de la peine, que les fichiers électroniques qui représentent de la pornographie juvénile sont des photographies ou des vidéos de deux jeunes filles de moins de 18 ans.

a)                  La norme d'intervention

[144]       La norme d'intervention d'une Cour d'appel en cette matière est stricte et exigeante. Le juge Cromwell la décrit dans l'arrêt R. c. Côté[112]:

[44]      La norme de contrôle applicable à la détermination, par le juge du procès, de ce qui, suivant le par. 24(2), est susceptible de déconsidérer l’administration de justice eu égard aux circonstances, n’est pas controversée. La Cour l’énonce dans Grant, puis la confirme dans R. c. Beaulieu, 2010 CSC 7, [2010] 1 R.C.S. 248.  Lorsque le juge du procès a pris en compte les considérations applicables et n’a tiré aucune conclusion déraisonnable, sa décision justifie une grande déférence en appel (Grant, par. 86, et Beaulieu, par. 5).

[145]       Le juge Fish apporte les précisions suivantes dans R. c. Cole[113]:

[82]      La norme de contrôle commande la retenue : « Lorsque le juge du procès a pris en compte les considérations applicables et n’a tiré aucune conclusion déraisonnable, sa décision justifie une grande déférence en appel » (R. c. Côté, 2011 CSC 46, [2011] 3 R.C.S. 215, par. 44). Cependant, lorsque les facteurs pertinents ont été négligés ou ignorés, une nouvelle analyse fondée sur l’arrêt Grant est nécessaire et opportune.

[Je souligne]

b)                  La validité des mandats de perquisition

[146]       Il convient de reproduire les principaux éléments de l'analyse du juge militaire qui l'amène à la conclusion que les deux mandats de perquisition n'auraient pas dû être délivrés. Il écrit :

[41]      En ce qui concerne l’affidavit à l’appui de la dénonciation qui a mené à l’obtention d’un mandat de perquisition le 20 janvier 2010 par le caporal Gauvin, force est d’admettre qu’à sa lecture même, et plus particulièrement  en ce qui concerne les paragraphes 3 et 4, il ne semble pas y avoir d’éléments de preuve crédibles et fiables permettant au juge de conclure que le soldat Larouche avait agi à l’insu des présumées victimes, et que par le fait même qu’il existait des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction de voyeurisme avait été commise.

[…]

[43]      L’enquêteur de la police militaire dans ce dossier, le caporal Gauvin a témoigné de manière claire, directe et cohérente. Il m’est apparu qu’il répondait correctement, en toute sincérité, sur la base de ses connaissances et expériences personnelles.

[44]      Le caporal Gauvin a affirmé à deux reprises lorsqu’il était interrogé par l’avocat du requérant, et à une autre reprise durant son contre-interrogatoire par l’intimé, qu’il faisait face à une situation où les deux victimes avaient consenti à la prise de photos ou vidéos par le caporal Larouche à la condition que tout cela soit détruit par la suite, et qu’en omettant d’agir ainsi, le requérant se trouvait dans une situation où il commettait l’infraction de voyeurisme.

[45]      Il est clair que l’affidavit rédigé par le caporal Gauvin à l’appui de la dénonciation reflète cet état de chose. Pour lui, les faits ne présentaient pas une situation où les victimes ont été photographiées ou filmées à leur insu, mais plutôt un cas où le soldat Larouche a conservé, à l’insu des victimes, le matériel qui aurait dû normalement être détruit. Tel qu’il l’a d’ailleurs relaté, c’est en raison du fait que le soldat Larouche avait conservé et probablement montré à d’autres personnes ce matériel, à l’insu des victimes, que ces dernières ont décidé de porter plainte à la police militaire, craignant que le tout reçoive une diffusion sur laquelle elles n’auraient eu aucun contrôle.

[46]      Cette constatation m’amène ainsi à conclure que le requérant n’a pas démontré par une prépondérance des probabilités que l’affidavit du caporal Gauvin était incomplet par ce qu’il comportait des inexactitudes et des omissions. Au contraire, à mon avis, l’affidavit est plutôt exact et reflète bien la compréhension des faits que le caporal Gauvin a décrits dans son témoignage à la cour et qu’il a tenté de résumer dans le document.

[47]      Par contre, je suis d’avis que le juge n’aurait pu décerner le mandat sur la base de la dénonciation du caporal Gauvin car la lecture de l’affidavit qu’il a présenté à l’appui ne révèle d’aucune manière, que ce soit directement ou par inférence, de motifs raisonnables et probables de croire que le soldat Larouche a pris, subrepticement, des photos ou vidéos des deux victimes, c’est-à-dire qu’il a agi à leur insu, et qu’il a ainsi commis l’infraction de voyeurisme. En conséquence, je me dois d’intervenir et de déclarer l’invalidité du mandat de perquisition émis dans cette affaire le 20 janvier 2010 par le juge Bédard.

[48]      Le requérant a aussi invoqué l’invalidité du deuxième mandat de perquisition émis au mois de février 2010 à l’effet que les motifs justifiant sont émission avaient été obtenus illégalement. Sur ce point, je me dois de lui donner raison et de déclarer aussi l’invalidité de ce mandat de perquisition.

[49]      Puisque le mandat de perquisition du 20 janvier 2010 n’aurait pas dû être décerné, et le fait que celui du mois de février a été émis sur la base de motifs qui ont été obtenus illégalement, le tout fait en sorte que les deux perquisitions qui en ont découlé on enfreint l’article 8 de la Charte, au motif qu’elles étaient par leur effet combiné, abusives.

[50]      En ce qui a trait à l’exécution de la perquisition découlant du mandat du 20 janvier 2010, je ne souscris pas à l’argument de l’avocat du requérant concernant la nécessité de préciser sur le mandat les données recherchées sur les ordinateurs. Tel que l’a révélé la preuve soumise à la cour, le caporal Gauvin a effectué la perquisition en ayant à l’esprit d’avoir toujours un impact minimal sur le caporal Larouche. Il a survolé à l’aide de logiciels les 1800 items faisant l’objet de la perquisition afin d’éviter de faire de longues analyses sur place et pour amener seulement les items, au nombre de 18, requérant une analyse, laissant ainsi en possession du soldat Larouche tous les items qui auraient pu faire l’objet de la saisie mais pour lesquels cela n’était nullement pertinent.

[51]      Je conclus donc que le soldat Larouche a établi, par prépondérance de preuve, que les élément énumérés au tableau de la pièce R1-VD1-17 ont été obtenus dans des conditions qui portent atteintes à son droit d’être protégé contre les saisies abusives, tel que prévu à l’article 8 de la Charte.

[147]       Les mandats de perquisition ont donc été déclarés invalides car le policier n'avait pas de motifs raisonnables qui établissaient la commission de l'infraction de voyeurisme. Il ne s'agit pas ici d'un cas de motifs insuffisants, mais plutôt d'une absence totale de motifs établissant la commission d'une infraction criminelle.

(2)               Analyse du juge militaire sous le paragraphe 24(2)

a)                  Gravité de la conduite attentatoire

[148]       Le juge militaire réfère aux critères de l'arrêt R. c. Grant[114] et il évalue la gravité de la conduite attentatoire de l'État en ces termes :

[56]      Tout d’abord, soyons clair. Il existe un lien indéniable entre les éléments de preuve obtenus et la violation du droit de l’accusé contre les saisies abusives. En effet, si l’enquêteur n’avait pas obtenu le premier mandat de perquisition, il n’aurait pas pu avoir accès aux photos et vidéos sur lesquels se retrouvaient les plaignantes, mais il n’aurait jamais eu aussi accès à l’ensemble ou à une partie des fichiers sur lesquels il est prétendu qu’il y a de la pornographie juvénile.

[57]      Ceci dit, comment doit-on qualifier la conduite du policier militaire dans ces circonstances? Il m’apparaît évident de l’ensemble de la preuve que le caporal Gauvin n’a jamais tenté d’induire en erreur qui que ce soit durant le processus d’obtention du mandat de perquisition. Déterminé et persévérant, il a présenté le dossier à un juge pour l’obtention d’un mandat de perquisition sur la base de sa compréhension des éléments essentiels de l’infraction de voyeurisme. Il était préoccupé par le fait que les plaignantes avaient fourni un consentement conditionnel à la prise de photos et de vidéos, mais qu’à la fin, c’est à leur insu et sans leur consentement que le requérant a utilisé les photos et vidéos qui auraient dû normalement ne plus exister. Il a tenté dans un premier temps d’obtenir un mandat de perquisition qui couvrait à la fois l’aspect de voyeurisme et d’inconduite, mais suite à un premier refus en raison du manque de familiarité du juge avec l’infraction de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, il s’est adapté et il a présenté le dossier sur la base des faits qu’il avait recueillis durant son enquête.

[58]      Quant à la perquisition, comme je l’ai déjà mentionné, elle s’est déroulée de manière à minimiser l’impact sur le requérant. Rien dans la preuve n’indique que l’enquêteur et son équipe se sont comportés incorrectement dans les circonstances.

[59]      En ce sens, nul ne peut reprocher au policier d’avoir persévéré dans son enquête. Au contraire, souvent, c’est l’attitude à laquelle s’attend toute personne dans notre société. Il a considéré le respect des droits du requérant en procédant à l’obtention d’une autorisation judiciaire avant d’investir la sphère privée de ce dernier.

[60]      Ainsi, je conclus que la conduite du policier était tout à fait correcte dans les circonstances qu’il n’y a pas eu de conduite répréhensible de la part des autorités étatiques concernant le respect des droits du requérant garantis par la Charte.

b)                  Incidence de la violation sur les droits de l'accusé

[149]       Le juge militaire qualifie ainsi l'incidence de la violation de la manière suivante :

[61]      Maintenant, quel est l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte? À mon avis, elle est très importante. Comme clairement exprimé par la cour suprême dans Morelli, difficile d’imaginer quelque chose de plus grave en termes d’atteinte à la vie privée qu’une perquisition à 6 heures du matin de son domicile et de tous ses ordinateurs, appareils électroniques et équipements de stockage de données par un policier, particulièrement où on procède à votre arrestation et où on vous confine loin de chez vous durant cette perquisition. En ce sens, cela démontre toute l’importance de l’obtention par les autorités policières d’une autorisation judiciaire avant d’envahir la sphère privée de tout individu.

c)                  Intérêt de la société à ce que l'affaire soit jugée au fond

[150]       Le juge militaire s'exprime ainsi au sujet du troisième volet de l'analyse requise par l’arrêt Grant:

[62]      Finalement, quel est l’intérêt de la société à ce que cette affaire soit jugée au fond? D’entrée de jeu, disons que les éléments de preuve en cause dans cette requête sont tout à fait fiables. L’appartenance des items saisis chez le requérant ne semble pas être en cause. Ils ont été saisis chez lui et l’analyse qui en a suivi apparaît avoir été faite selon un processus auquel on peut se fier. En conséquence, la fiabilité des éléments de preuve est élevée.

[63]      Il est clair que cette preuve est centrale pour la poursuite, particulièrement en ce qui a trait aux accusations de voyeurisme et de possession de pornographie juvénile. Sans cette preuve, la poursuite a déclaré être dans l’impossibilité de poursuivre l’affaire, à l’exception d’un seul chef d’accusation, soit celui de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

[64]      Il est important de rappeler que les infractions dont est accusé le soldat Larouche sont graves. Elles font l’objet d’une réprobation sociale, particulièrement en ce qui concerne la possession de pornographie juvénile. De plus, il est important de rappeler que cette preuve est constituée d’un très grand nombre de fichiers qui ont été saisis en relation avec cette infraction, soit plus de 1000, ce qui en soi constitue aussi un indicateur quant à la gravité de cette infraction.

[65]      Il s’agit ici d’un contexte qui met en jeu l’intégrité physique et psychologique de plusieurs présumées victimes. En effet, cela implique plusieurs personnes de l’entourage ou milieu de travail du requérant, qui sont aussi des militaires. De plus, les infractions sont objectivement graves et elles se sont présumément déroulées sur une longue période de temps à plus d’un endroit.

[66]      Considérant cela, la perception à long terme du publique dont jouit le système de justice militaire, et plus particulièrement la cour martiale, pourrait être fortement ébranlée et érodée si la preuve visée par la présente requête était exclue. En effet, en procédant à l’exclusion de cette preuve, le public pourrait croire à long terme que la cour martiale n’est pas en mesure d’exercer correctement sa fonction de recherche de la vérité lorsqu’elle doit traiter des causes de nature criminelle grave. En fait, à long terme, le public pourrait croire que la cour martiale n’est pas en mesure d’apprécier et de traiter correctement les infractions de nature criminelle, qui constituent d’abord des infractions d’ordre militaire en vertu de la Loi sur la défense nationale, non seulement en raison de leur gravité, mais aussi en raison de sa capacité à apprécier correctement la gravité du contexte dans lequel elles ont été présumément commises.

[67]      Dans le présent cas, je suis d’avis qu’une personne raisonnable au fait de l’ensemble des circonstances pertinentes et des valeurs sous-jacentes de la Charte, conclurait que l’utilisation d’éléments de preuve donnés ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[68]      En effet, l’obtention des deux mandats de perquisition dans cette affaire ne résulte pas d’une conduite ou de pratiques policières inacceptables, mais plutôt d’une autorisation judiciaire qui a été accordée sur la base d’une croyance sincère d’un policier que l’utilisation à l’insu des victimes, qui ont été posées ou filmées totalement nue ou en train de performer un acte sexuel avec le requérant, constituait en soi la commission d’une infraction de voyeurisme. Dans ce cas ci, la démonstration véritable de motifs considérés erronément sur un aspect particulier de l’infraction de voyeurisme, probables et raisonnables, autant par le policier que par l’autorité judiciaire, a donné lieu à une atteinte à la vie privée du requérant. Cependant, le fait d’écarter la preuve dans les circonstances de l’espèce minerait, à mon avis, la confiance du public.

[69]      En conséquence, je suis tout à fait convaincu que l’exclusion de la preuve identifiée au tableau de la pièce R1-VD1-17 déconsidérerait l’administration de la justice.

(3)               Analyse

a)                  Introduction

[151]       Le DPM admet que le juge militaire a commis une erreur au sujet du premier élément de l'analyse de Grant, la gravité de la conduite attentatoire de l'État, lorsqu'il affirme « qu'il n’y a pas eu de conduite répréhensible de la part des autorités étatiques concernant le respect des droits du requérant garantis par la Charte »[115]. En effet, cette conclusion est incompatible avec l'absence totale de motifs raisonnables établissant la commission d'une infraction criminelle.

[152]       Le DPM concède que cette erreur exige que la Cour procède à une nouvelle analyse fondée sur le paragraphe 24(2)[116].

[153]       Je me propose de procéder maintenant à cette nouvelle analyse.

[154]       En raison de son importance pour l'analyse de ce moyen, je reproduis d'abord le texte des paragraphes (1) et (2) de l'article 162 du Code criminel :

Voyeurisme

Voyeurism

162. (1) Commet une infraction quiconque, subrepticement, observe, notamment par des moyens mécaniques ou électroniques, une personne — ou produit un enregistrement visuel d’une personne — se trouvant dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée, dans l’un des cas suivants :

162. (1) Every one commits an offence who, surreptitiously, observes — including by mechanical or electronic means — or makes a visual recording of a person who is in circumstances that give rise to a reasonable expectation of privacy, if

a) la personne est dans un lieu où il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne soit nue, expose ses seins, ses organes génitaux ou sa région anale ou se livre à une activité sexuelle explicite;

(a) the person is in a place in which a person can reasonably be expected to be nude, to expose his or her genital organs or anal region or her breasts, or to be engaged in explicit sexual activity;

b) la personne est nue, expose ses seins, ses organes génitaux ou sa région anale ou se livre à une activité sexuelle explicite, et l’observation ou l’enregistrement est fait dans le dessein d’ainsi observer ou enregistrer une personne;

(b) the person is nude, is exposing his or her genital organs or anal region or her breasts, or is engaged in explicit sexual activity, and the observation or recording is done for the purpose of observing or recording a person in such a state or engaged in such an activity; or

c) l’observation ou l’enregistrement est fait dans un but sexuel.

(c) the observation or recording is done for a sexual purpose.

Définition de « enregistrement visuel »

Definition of “visual recording”

(2) Au présent article,              « enregistrement visuel » s’entend d’un enregistrement photographique, filmé, vidéo ou autre, réalisé par tout moyen.

(2) In this section, “visual recording” includes a photographic, film or video recording made by any means.

[Je souligne]

[Emphasis added]

b)                  La gravité de la conduite attentatoire

[155]       Les principes pertinents à la détermination du critère de la gravité de la conduite attentatoire sont décrits dans les arrêts Grant[117] et R. c. Harrison[118].

[156]       Dans Grant, la Cour suprême (motifs conjoints de la juge en chef McLachlin et de la juge Charron), écrit :

[75]      Il se peut que des circonstances atténuantes, telle la nécessité d’empêcher la disparition d’éléments de preuve, réduise la gravité d’actions policières contraires à la Charte : R. c. Silveira, [1995] 2 R.C.S. 297, le juge Cory. De même, le tribunal aura moins à se dissocier de la conduite de la police lorsque celle ci a agi de « bonne foi », quoiqu’il soit impératif de ne pas récompenser ou encourager l’ignorance des règles établies par la Charte et de ne pas assimiler la négligence ou l’aveuglement volontaire à la bonne foi : R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59, p. 87, le juge en chef Dickson; R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3, p. 32 33, le juge Sopinka; R. c. Buhay, 2003 CSC 30, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 59. Le non respect délibéré ou manifeste de la Charte de la part de ceux là mêmes qui sont chargés du maintien des droits qui y sont garantis peut dicter au tribunal de se dissocier d’une telle conduite. Il s’ensuit que des gestes policiers contrevenant délibérément aux règles établies par la Charte tendront à fonder l’exclusion des éléments de preuve. Il faut également garder à l’esprit que pour chaque violation de la Charte qui aboutit devant les tribunaux, il en existe un grand nombre qui ne sont ni révélées ni corrigées parce qu’elles n’ont pas permis de recueillir d’éléments de preuve pouvant mener à des accusations. Compte tenu de la nécessité que les tribunaux se distancient de tels comportements, la preuve que des actes portant atteinte à la Charte s’inscrivent dans un contexte d’abus tend à fonder l’exclusion.

[157]       Dans l'affaire Harrison, la juge en chef McLachlin formule les précisions suivantes:

[22]      À ce stade, le tribunal saisi de l’affaire examine la nature de la conduite de la police qui a porté atteinte aux droits protégés par la Charte et mené à la découverte des éléments de preuve. S’agit-il d’une inconduite dont le tribunal devrait souhaiter se dissocier? C’est le cas si la dérogation aux normes prescrites par la Charte était flagrante, ou si le policier savait (ou aurait dû savoir) que sa conduite ne respectait pas la Charte. En revanche, si la violation ne consiste qu’en une simple irrégularité ou résulte d’une erreur compréhensible, il n’est pas aussi crucial de s’en dissocier.

[23]      Le juge de première instance a conclu que l’inconduite du policier en l’espèce était [TRADUCTION] « éhontée »,                 « flagrante » et « extrêmement grave ». La métaphore du spectre des comportements employée par le juge Doherty dans R. c. Kitaitchik (2002), 166 C.C.C. (3d) 14 (C.A. Ont.), peut être utile pour qualifier la conduite de la police dans le cadre de l’analyse de ce facteur dont il faut tenir compte pour l’application du par. 24(2):

[TRADUCTION] La conduite de la police peut couvrir tout le spectre des comportements, de la conduite irréprochable à la conduite démontrant un mépris flagrant des droits garantis par la Charte en passant par la conduite négligente. [. . .] Ce qui importe, c’est de positionner correctement la conduite de la police sur ce spectre plutôt que de s’arrêter à sa qualification juridique. [Renvoi omis; par. 41.]

[24]      En l’espèce, le juge de première instance a manifestement estimé que les violations de la Charte se situaient à l’extrémité du spectre où l’on trouve les atteintes graves. D’après les faits qu’il a constatés, cette conclusion était raisonnable. La volonté tenace du policier de découvrir des éléments de preuve incriminants lui a fait perdre de vue les exigences constitutionnelles relatives aux motifs raisonnables. Bien qu’il soit possible que les violations n’aient pas été « délibérées » — au sens où elles n’ont pas été commises dans le but de contrevenir à la Charte —, elles relevaient de l’imprudence et témoignaient d’un manque de respect à l’égard des droits garantis par la Charte. Qui plus est, la dérogation aux normes prescrites par la Charte était flagrante, puisqu’absolument aucun motif raisonnable ne permettait au policier d’intercepter initialement le véhicule de l’appelant.

[158]       Le juge militaire a retenu que le policier avait la conviction sincère que la conservation par l'appelant des photographies des plaignantes, prises avec le consentement de celles-ci, constituait l'infraction criminelle de voyeurisme.

[159]       Or, l'infraction de voyeurisme est commise lorsque l'accusé observe subrepticement une personne qui se trouve dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de vie privée et non lorsqu'il conserve sans autorisation des photographies qui ont été prises à la connaissance et avec le consentement de cette personne.

[160]       Les auteurs Manning et Sankoff décrivent cet élément essentiel de l'infraction de la manière suivante dans leur ouvrage Manning, Mewett and Sankoff : Criminal Law :

The key element of the offence is the 'surreptitious' observation or recording of another person in circumstances where that other person has a reasonable expectation of privacy. Observation includes the use of electronic or mechanical means. The offence thus covers the classic case of the 'peeping Tom' who looks through the blinds, and also the modern high-tech version, where web-cams or other recording devices are used. An absence of consent at the time of the observation or recording is not an element of the offence, but it is difficult to imagine that an act would ever be 'surreptitious' where the person being observed was aware that he or she was being watched or recorded, and consented to it[119].

[Je souligne]

[161]       Je partage cette interprétation.

[162]       Bien que le juge militaire ait retenu la sincérité du policier quant aux exigences de l'article 162 du Code criminel, le dossier ne contient aucun élément de preuve qui nous permette de comprendre véritablement comment le policier a tiré cette conclusion, qui ne trouve aucune assise dans le texte même de l'infraction de voyeurisme.

[163]       Le passage le plus pertinent du témoignage de l'enquêteur pour comprendre comment il est parvenu à la conclusion qu'il s'agissait d'une infraction de voyeurisme est le suivant:

Q. Quand vous dites "répéter deux fois la même chose" je ne comprends pas tellement à quoi vous faites référence? R. Je voulais qu'il [n'y ait pas][120] de l'ambiguïté lors de ma dénonciation afin de dire que oui elle était consentante sur un point puis elle ne l'était plus à l'autre. C'était clair suite aux entrevues que j'ai fait avec [les deux plaignantes] qu'effectivement oui les deux étaient consentantes - ben, si vous me permettez, je vais me concentrer sur [la première plaignante] dans ce cas-ci, [la première plaignante] était consentante pour les photos à la condition que les photos soient effacées. Donc aucune photo n'aurait dû être mise en circulation ou avoir été observé par [la première plaignante] à la résidence de monsieur Larouche. C'est pour ça qu'on n'a pas, afin d'éviter la confusion dans ma dénonciation, j'ai juste tenu compte de ce qui semble être juste ma partie de mon entrevue puisqu'à ce moment elle était complémentaire à la première déclaration de [la première plaignante].

Q. Oui mais là le fait que les photos étaient en circulation, je comprends, mais on s'entend que c'était une dénonciation où vous affirmiez que vous aviez des motifs raisonnables de croire que l'infraction de voyeurisme avait été commise. C'est exact? R. Oui, Votre Honneur. Étant donné que -

Q. Oui. Allez-y? R. - Étant donné que oui effectivement il y a eu consentement mais il y a eu un désaccord au sujet de l'entente. Les deux dames avaient été convaincues de pouvoir prendre les photos à condition que les photos soient effacées immédiatement après ce que monsieur Larouche leur a laissé comprendre que les photos allaient être détruites. On a constaté que ce n'étaient pas le cas étant donné que des photos de [la deuxième plaignante] circulaient puis suite aux entrevues, on a obtenu l'information à la déclaration de [la première plaignante] qu'elle aussi avait -  que des photos avaient été observées d'elle chez monsieur Larouche. Donc monsieur Larouche a, si vous permettez, menti aux deux personnes en leur faire croire que les photos avaient été détruites. Donc les deux personnes devaient s'attendre à ce qu'il n'ait plus aucune photo mais sans leur consentement il avait gardé ou il avait obtenu une copie desdites photos ce qui revient à voir à la description de voyeurisme, Votre Honneur.

Q. Donc ça pour vous le fait qu'il ait gardé des photos alors qu'elles avaient dit qu'elles voulaient clairement qu'il les efface là, ça pour vous ça constitue du voyeurisme. Est-ce que c'est ça que vous dites aujourd'hui? R. Ce que je veux dire, c'est que les photos ont été prises sans - les photos auraient dû être détruites. Le fait qu'il ait menti, qu'il ait caché le fait qu'il ait conservé les photos, oui, à ce moment-là les photos ont été pris - ça revient à dire que les photos ont été prises sans le consentement des personnes étant donné qu'elles ont été conservées par monsieur Larouche.

[Je souligne]

[164]       À mon avis, l'enquêteur a commis une erreur de droit que le juge militaire a jugée sincère, mais celle-ci était déraisonnable.

[165]       Pour cette raison, avec beaucoup de respect pour le juge militaire, j'estime qu'il a omis de compléter l'analyse qui était requise dans les circonstances au sujet de la gravité de la conduite attentatoire de l'État. Sa conclusion au sujet de la sincérité de la croyance de l'enquêteur n'était que la première étape; il devait aussi déterminer si celle-ci était raisonnable dans les circonstances.

[166]       L'interprétation du mot « subrepticement », qui peut être défini comme « en cachette, à l'insu de quelqu'un », « clandestinement », « d'une manière dissimulée », n'était pas susceptible de soulever un grand problème d'interprétation dans le cadre de l'enquête. En effet, selon les conclusions du juge militaire qui nous lient, le policier savait que les photos avaient été prises par l'appelant avec le consentement des plaignantes. Seule la conservation des photos n'était pas autorisée par celles-ci.

[167]       L'erreur de l'enquêteur ne peut être que déraisonnable, car il « aurait dû savoir » que l'appelant n'avait commis aucune infraction criminelle selon les faits qu'il avait en sa possession.

[168]       Je m'explique.

[169]       Les tribunaux ne s'attendent pas à ce que les policiers anticipent ou prévoient l'évolution de la jurisprudence, car, comme le juge Sopinka l'a bien précisé dans R. c. Kokesch, les policiers n'ont pas « l'obligation d'interpréter instantanément les décisions judiciaires »[121]. De plus, on ne s'attend pas à ce qu'ils entreprennent « une réflexion juridique au sujet de précédents contradictoires », même s'ils doivent « cependant connaître l’état du droit »[122].

[170]       Par contre, le juge Sopinka formule les commentaires suivants dans cette même affaire :

Ou bien les policiers savaient que c'était une intrusion, ou bien ils auraient dû le savoir. Dans l'un ou l'autre cas, on ne peut pas dire qu'ils ont agi "de bonne foi", au sens où on l'entend dans la jurisprudence fondée sur le par. 24(2). Pour arriver à cette conclusion, je m'appuie sur l'arrêt R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59, où le juge en chef Dickson, au nom de notre Cour, a jugé que la poursuite ne pouvait pas prétendre que les policiers avaient par inadvertance omis de reconnaître les vices évidents dans un mandat de perquisition. Même en l'absence d'une preuve de mauvaise foi, la gravité de la violation de la Charte dans ce cas était augmentée du fait que "les vices que comportait le mandat de perquisition étaient graves et les policiers auraient dû les remarquer" (je souligne, p. 87); et plus loin: "Ils n'ont pas tenu compte des restrictions bien établies que la common law impose aux pouvoirs de perquisition de la police" (p. 91). […]

[La police] a le droit, et même l'obligation, de présumer que les pouvoirs de perquisition qui lui sont conférés par le Parlement sont constitutionnels, et d'agir en conséquence. On ne peut pas s'attendre à ce que la police prédise le résultat des contestations judiciaires en vertu de la Charte de pouvoirs de perquisition qui lui sont conférés par la loi, et le succès de la contestation d'un tel pouvoir n'enlève rien à la bonne foi des policiers qui ont effectué une perquisition en vertu de ce pouvoir. Mais, lorsque les pouvoirs de la police sont déjà limités par une loi ou par des décisions judiciaires, il n'est pas loisible à un agent de police de tester ces limites en n'en tenant pas compte et en prétendant par la suite avoir été "dans l'exercice de ses fonctions". Cette excuse ne peut plus être invoquée depuis au moins la décision de notre Cour dans l'arrêt Colet (voir le juge Ritchie à la p. 9)[123].

[Je souligne] [C'est le juge Sopinka qui souligne le passage de l'arrêt Genest]

[171]       Dans le passage de Grant[124] que j'ai reproduit au paragraphe 156 du présent jugement, la Cour suprême réfère tant aux observations du juge Sopinka qu'aux propos suivants de la juge Arbour dans l'arrêt R. c. Buhay[125] où elle écrit :

59        Il convient de signaler tout d’abord que la croyance subjective de l’agent qu’il n’y avait pas d’atteinte aux droits de l’appelant ne diminue pas la gravité de l’atteinte, à moins que sa croyance n’ait été raisonnable (voir p. ex. Mercer, précité, p. 191). Comme Sopinka, Lederman et Bryant le signalent dans leur ouvrage, op. cit., p. 450, [TRADUCTION] « la bonne foi ne peut être invoquée lorsqu’une atteinte à la Charte découle d’une erreur déraisonnable d’un agent de police ou de la méconnaissance de l’étendue de son pouvoir ». Puisque le casier avait été loué pour un usage privé et était verrouillé, et vu l’interprétation libérale par la Cour du droit à la vie privée, je ne pense pas que la perception de l’agent selon laquelle l’appelant avait « renoncé » au respect de sa vie privée était de quelque façon raisonnable[126].

[Je souligne]

[172]       Comment donc évaluer la conduite du policier en l'espèce?

[173]       Même si, comme le mentionne le juge militaire, l'infraction a été adoptée en 2005, il est difficile de comprendre comment le policier a pu commettre une erreur sur une question aussi simple que l'exigence du caractère subreptice de l'observation. Le caractère subreptice est évidemment lié à l'observation des plaignantes et non à la conservation des photographies prises à cette occasion.

[174]       Même en tenant pour acquis la sincérité du policier, j'estime qu'il s'agit d'une erreur qui aurait dû être évidente pour lui et pour le juge qui a autorisé le mandat. Il ne s'agit pas d'une question complexe ou controversée qui permettrait de conclure que le policier a agi de bonne foi, sans mépris flagrant ou méconnaissance des droits garantis par la Charte ou qui atténuerait la gravité de la violation[127].

[175]       La sincérité de la méconnaissance flagrante du policier n'atténue aucunement la gravité de la violation et je n'ai aucune difficulté à conclure que l'erreur du policier était déraisonnable, tout comme celle d’ailleurs du juge qui a délivré le mandat. Conformément à l'analyse retenue dans les arrêts R. c. Mann[128], Buhay et Grant, je ne peux conclure à la bonne foi du policier, car il ne s'agit pas « d'une méprise tout à fait raisonnable quant aux exigences de la loi »[129].

[176]       Je suis bien conscient toutefois qu'une autorisation judiciaire a été décernée et qu'il faut en tenir compte dans l'évaluation de la gravité de la violation. Voici ce qu'écrit à ce sujet le juge Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. Rocha[130]:

28        Applying for and obtaining a search warrant from an independent judicial officer is the antithesis of wilful disregard of Charter rights. The search warrant process is an important means of preventing unjustified searches before they happen. Unless, the applicant for exclusion of evidence can show that the warrant was obtained through use of false or deliberately misleading information, or the drafting of the ITO in some way subverted the warrant process, the obtaining of the warrant generally, as I explain below, tells in favour of admitting the evidence. In this case, the police submitted the fruits of their investigation to a justice of the peace who granted the warrants. I have held that the warrant was properly granted in relation to the restaurant. The warrant should not have been granted in relation to the house, but it must be remembered that an independent judicial officer did authorize the search.

[177]       Par ailleurs, l'analyse de l'auteur Scott Hutchison dans son ouvrage Canadian Search Warrant Manual 2005: A Guide to Legal and Practical Issues Associated with Judicial Pre-Authorization of Investigative Techniques, au sujet de la raison d'être du système d'autorisation judiciaire préalable, me semble pertinente à la question qui nous est présentée :

As already noted, Hunter v. Southam Inc. set down the “bedrock” principles related to search and seizure. At the core of those principles is the concept of judicial pre-authorization as the key protection against unjustified state intrusions before they happen. Meaningful judicial pre-authorization requires a neutral third party capable of acting as a true intermediary between the interests of the state and the individual.

The Australian High Court has captured this important role in its judgment in Parker v. Churchill. The process is “not some quaint ritual of the law, requiring a perfunctory scanning of the right formal phrases, perceived but not considered, and followed by an inevitable signature.” The judicial officer must “stand between the police and the citizen to give real attention to the question whether the information proffered by the police does justify the intrusion they desire to make into the privacy of the citizen and the inviolate security of his personal and business affairs.

Most of the substantive and constitutional rules related to Informations to Obtain and warrant drafting arise from the function of the independent judicial officer. At the core of these requirements is the insistence that the justice be placed in a position to independently determine how persuasive the evidence already gathered is. This requires the search warrant applicant to set out his or her sources of information and evidence. In those cases where the source cannot be named (tipsters and confidential informers), the Information to Obtain must put the judicial officer in a position to make an assessment of the source before any weight can be attached to that evidence[131].

[Je souligne]

[178]       À mon avis, l'autorisation judiciaire n'aurait jamais dû être accordée, car elle ne révélait pas la commission de quelque infraction criminelle que ce soit. Le système d'autorisation judiciaire préalable n'a pas ici joué son rôle constitutionnel. La violation porte sur une exigence constitutionnelle de fond[132].

[179]       J'ajoute en terminant que bien que je ne sois pas enclin à réviser la conclusion du juge militaire lorsqu'il affirme que la dénonciation de l'enquêteur reflétait fidèlement sa compréhension de la situation, je ne peux m'empêcher de constater que, même si l'enquêteur n'a pas voulu tromper le juge autorisateur, la rédaction choisie n'était pas aussi limpide qu'on aurait pu le souhaiter.

[180]       En effet, il n'affirmait pas clairement que les plaignantes avaient consenti à la prise de photos et que cela n'avait pas été fait à leur insu. Il avait l'obligation d'énoncer les faits d'une manière claire et non équivoque[133]. Cela ne pouvait que confondre le juge autorisateur. Le juge autorisateur doit « connaître tous les faits nécessaires à une décision éclairée et qui permettent un véritable contrôle »[134].

[181]       La présente affaire se distingue donc de plusieurs cas de figure où la Cour suprême a décidé que la gravité d'une violation constitutionnelle était atténuée lorsqu'un policier avait une croyance raisonnable en raison de l'apparente constitutionnalité d'une loi, la validité apparente d'une autorisation judiciaire, un précédent jurisprudentiel écarté ou nuancé ou l'évolution des pouvoirs policiers[135].

[182]       Je dois aussi traiter de la question de la possibilité de découvrir légalement la preuve, une question qui selon l'analyse du juge Cromwell dans l'arrêt Côté est pertinente à l'égard des deux premiers volets de l'analyse de l'arrêt Grant[136].

[183]       Le DPM soutient que l'enquêteur avait des motifs raisonnables de croire que la politique des Forces canadiennes sur le harcèlement, à la DOAD 5012 – 0 (Prévention et résolution du harcèlement)[137] avait été transgressée par l'appelant : le fait de montrer des photos de l’une des plaignantes nue à des collègues de travail à la clinique médicale, en affirmant que ces photos lui avaient été envoyées de plein gré par une amoureuse éconduite, est une violation potentielle de cette politique et cela peut constituer une infraction de « Conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline » en vertu de l'article 129 de la LDN.

[184]       Je note d'abord que nous n'avons pas la dénonciation originale devant nous, celle où l'enquêteur alléguait une infraction à l'article 129 de la LDN.

[185]       De plus, la dénonciation ne fournit aucun indice que l'enquêteur avait l’infraction à la DOAD 5012 – 0 à l'esprit. Certes, « le juge de paix saisi de la demande d’autorisation peut tirer des inférences raisonnables de la preuve présentée dans la dénonciation; l’auteur de la dénonciation n’est pas tenu de souligner à grands traits ce qui est par ailleurs évident »[138], mais il est loin d'être clair que l'enquêteur avait à l'esprit l'infraction qui nous est suggérée aujourd'hui ex post facto par le DPM.

[186]       À mon avis, le DPM nous invite à nous « livrer à des conjectures » proscrites par l'arrêt Côté[139].

[187]       Dans la mesure où je ne peux « déterminer avec certitude que la preuve aurait été découverte même sans l’atteinte à la Charte, la possibilité de découvrir la preuve n’a aucune incidence sur l’analyse que requiert le par. 24(2) »[140].

[188]       Le présent dossier révèle une méconnaissance flagrante de la part du policier et du juge autorisateur[141] des éléments essentiels, je dirais élémentaires et simples à déterminer, de l'infraction de voyeurisme.

[189]       Pour cette raison, j'estime qu'il est « impératif de ne pas récompenser ou encourager l’ignorance des règles établies par la Charte et de ne pas assimiler la négligence ou l’aveuglement volontaire à la bonne foi »[142]. Il y a ici un non-respect « manifeste de la Charte de la part de ceux-là mêmes qui sont chargés du maintien des droits qui y sont garantis »[143] qui exige « de se dissocier d’une telle conduite »[144].

[190]       La gravité de la violation favorise l'exclusion de la preuve.

c)                  Incidence de la violation sur les droits garantis par la Charte

[191]       Dans l'arrêt Grant, l'analyse de l'incidence de la violation est ainsi décrite :

[76]      L’examen de cette question met l’accent sur l’importance de l’effet qu’a la violation de la Charte sur les droits qui y sont garantis à l’accusé, et il impose d’évaluer la portée réelle de l’atteinte aux intérêts protégés par le droit en cause. Cet effet peut être passager ou d’ordre simplement formel comme il peut être profondément attentatoire. Plus il est marqué, plus l’utilisation des éléments de preuve risque de donner à penser que les droits garantis par la Charte, pour encensés qu’ils soient, ne revêtent pas d’utilité réelle pour les citoyens, ce qui engendrerait le cynisme et déconsidérerait l’administration de la justice.

[77]      Pour juger de la gravité de la violation dans cette perspective, nous examinons les intérêts protégés par le droit transgressé, puis évaluons l’ampleur des conséquences de la violation sur ces intérêts. Par exemple, les intérêts mis en jeu par une déclaration obtenue en violation de la Charte comprennent le droit de garder le silence ou de décider de parler ou non aux autorités garanti à l’art. 7 (Hebert) — qui découlent tous du principe interdisant l’auto incrimination : R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417, par. 44.  Le risque que l’utilisation des éléments de preuve déconsidère l’administration de la justice augmente en fonction de la gravité de l’empiétement sur ces intérêts.

[78]      De la même façon, une fouille ou perquisition abusive contraire à l’art. 8 de la Charte peut avoir une incidence sur les intérêts protégés se rattachant à la vie privée et, plus généralement, à la dignité humaine. La fouille ou perquisition abusive qui est effectuée dans un contexte d’attente raisonnablement élevée en matière de vie privée ou qui porte atteinte à la dignité individuelle est plus grave.

[Je souligne]

[192]       À la lumière des arrêts Morelli, Cole et Vu, plus particulièrement en matière de respect de la vie privée, le juge militaire a eu raison de considérer que la portée de la violation en l'espèce est très importante et très grave. Il s'agit d'une perquisition du domicile et de l'ordinateur personnel de l'appelant qui a duré plusieurs heures en l'absence de motifs raisonnables qu'une infraction criminelle a été commise. J'estime de plus que « l’incidence de la perquisition sur les droits de l’accusé garantis par la Charte est accrue par le fait que [la perquisition] n’aurait pu intervenir s’il y avait eu respect de la loi »[145].

[193]       Ce critère favorise aussi l'exclusion de la preuve.

d)                 L'intérêt de la société à ce que l'affaire soit jugée au fond

[194]       Dans son analyse, le juge militaire retient cinq facteurs sous cette rubrique : la fiabilité de la preuve, l'importance de la preuve pour la poursuite, la gravité des infractions, les circonstances de leur commission - contexte de travail, identité des personnes en cause et durée - et finalement, la perception du public du système de justice militaire quant à sa capacité de traiter des causes de nature criminelle grave.

[195]       Je conviens avec le juge militaire que la preuve est fiable et qu'elle est importante, voire indispensable pour la poursuite.

[196]       Les infractions sont extrêmement graves. Les circonstances de leur commission le révèlent clairement.

[197]       Cependant la gravité de l'infraction est un facteur qui est susceptible de favoriser l'exclusion de la preuve dans certaines circonstances comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt Grant :

[84]      D’aucuns font valoir que la gravité de l’infraction reprochée doit également être prise en considération. La juge Deschamps estime d’ailleurs qu’il s’agit d’un élément important de l’analyse et que plus l’infraction est grave plus la société a intérêt à ce qu’il y ait un procès (par. 226). Nous estimons pour notre part que s’il peut effectivement s’agir d’un facteur valide, c’en est un qui peut jouer dans les deux sens. L’exclusion d’éléments de preuve qui empêche l’examen judiciaire d’une infraction grave peut avoir un effet immédiat sur la perception publique du système de justice, mais nous le répétons, c’est la considération dont il jouit à long terme qui importe pour l’application du par. 24(2). Comme la Cour l’a indiqué dans Burlingham, les objectifs visés par le par. 24(2) « s’appliquent indépendamment du genre de crime reproché à l’accusé » (par. 51). Le juge Lamer a également fait remarquer, dans Collins, que « [l]a Charte vise à protéger l’accusé contre la majorité, donc la mise en application de la Charte ne doit pas être laissée à cette majorité » (p. 282). La clameur publique immédiate exigeant une condamnation ne doit pas faire perdre de vue au juge appelé à appliquer le par. 24(2) la réputation à plus long terme du système de justice. En outre, si la gravité d’une infraction accroît l’intérêt du public à ce qu’il y ait un jugement au fond, l’intérêt du public en l’irréprochabilité du système de justice n’est pas moins vital, particulièrement lorsque l’accusé encourt de lourdes conséquences pénales.

[Je souligne]

[198]       Avec respect pour le juge militaire, il a omis de considérer que la gravité de l'infraction peut jouer dans les deux sens dans l'analyse du paragraphe 24(2). En effet, le caractère exemplaire du système de justice est particulièrement important en l'espèce, car c'est l'intégrité du système d'autorisation judiciaire préalable qui est en cause.

[199]       Il faut avoir à l'esprit que plus l'incidence de la violation des droits de l'accusé est grande, « plus l’utilisation des éléments de preuve risque de donner à penser que les droits garantis par la Charte, pour encensés qu’ils soient, ne revêtent pas d’utilité réelle pour les citoyens, ce qui engendrerait le cynisme et déconsidérerait l’administration de la justice »[146].

[200]       Je rappelle à nouveau qu'en raison de l'absence de motifs raisonnables qu'une infraction criminelle avait été commise, aucun mandat de perquisition ne pouvait être délivré[147].

[201]       Par ailleurs, le juge militaire a considéré que « le public pourrait croire à long terme que la cour martiale n'est pas en mesure d'exercer correctement sa fonction de recherche de la vérité lorsqu'elle doit traiter des causes de nature criminelle grave » et que « la cour martiale n'est pas en mesure d'apprécier et de traiter correctement les infractions de nature criminelle »[148].

[202]       Ce facteur, lié à la confiance des citoyens à l'égard des tribunaux militaires de juger des infractions criminelles ordinaires lorsque le critère du lien de connexité avec le service militaire est satisfait, n'a pas sa place dans l'analyse sous le paragraphe 24(2) de la Charte.

[203]       Le caractère spécifique et distinct des tribunaux militaires de même que leur vigilance à l'égard des infractions de nature criminelle ne doivent pas faire l'objet d'une évaluation autonome, car c'est « l’optique du maintien à long terme de l’intégrité du système de justice et de la confiance à son égard »[149] en général qui est en cause, et non celle du système de justice militaire en particulier dans les affaires mettant en cause des infractions criminelles. C’est particulièrement vrai dans le présent dossier où l'intégrité du système d'autorisation judiciaire préalable est mise en péril.

[204]       En formulant ainsi cette préoccupation à l'égard du maintien à long terme de la confiance envers le système de justice militaire, le juge militaire donne à penser qu'il accorde plus d’importance à celle-ci par opposition à celle de l'administration de la justice en général. Dans la mesure où les raisons qu'il invoque « sont présumées refléter le raisonnement l’ayant conduit à cette décision »[150], c'est la conclusion que je tire de son affirmation.

[205]       Il doit être clair que la protection de l'article 8 ou l’analyse du paragraphe 24(2) de la Charte ne doivent pas faire l'objet d'une pondération distincte devant les tribunaux militaires canadiens.

[206]       L'intérêt de la société à ce que cette affaire soit jugée au fond est indéniable, mais le juge militaire a omis de se livrer à une analyse globale de l'élément relatif à la gravité de l'infraction et il a accordé une importance indue à la protection du système de justice militaire par rapport à l'administration de la justice en général, ce qui affecte l'exercice de pondération final.

e)                  L'exercice de pondération

[207]       Avant de procéder à la pondération finale des différents facteurs sous le paragraphe 24(2), je crois utile d'en rappeler l'objet tel qu'il a été identifié par l'arrêt Grant:

[67]      Le libellé du par. 24(2) en exprime bien l’objet : préserver la considération dont jouit l’administration de la justice. L’expression « administration de la justice » est souvent employée pour désigner les processus d’enquête, d’accusation et de jugement qui entrent en jeu en cas de non-respect de la loi. Toutefois, elle englobe de façon plus générale le maintien des droits garantis par la Charte et du principe de la primauté du droit dans l’ensemble du système de justice.

[68]      L’expression « déconsidérer l’administration de la justice » doit être prise dans l’optique du maintien à long terme de l’intégrité du système de justice et de la confiance à son égard. Certes, l’exclusion d’éléments de preuve qui aboutit à un acquittement peut provoquer des critiques sur le coup. Il n’en demeure pas moins que les réactions immédiates, dans des cas particuliers, ne sont pas visées par l’objet du par. 24(2). Cette disposition concerne plutôt l’appréciation de l’effet à long terme de l’utilisation d’éléments de preuve sur la considération globale dont jouit le système de justice et suppose un examen de nature objective, qui vise à déterminer si une personne raisonnable, au fait de l’ensemble des circonstances pertinentes et des valeurs sous-jacentes de la Charte, conclurait que l’utilisation d’éléments de preuve donnés serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[69]      L’objet du par. 24(2) n’est pas seulement à long terme, il est également prospectif. L’existence d’une violation de la Charte signifie que l’administration de la justice a déjà été mise à mal.  Le paragraphe 24(2) part de là et vise à faire en sorte que les éléments de preuve obtenus au moyen de cette violation ne déconsidèrent pas davantage le système de justice.

[70]      Enfin, le par. 24(2) a un objet sociétal. Il ne vise pas à sanctionner la conduite des policiers ou à dédommager l’accusé, il a plutôt une portée systémique. Il se rapporte aux importantes répercussions de l’utilisation d’éléments de preuve sur la considération à long terme portée au système de justice.

[208]       Dans Harrison, la juge en chef McLachlin décrit l'exercice de pondération auquel il faut se livrer :

[36]      L’exercice de mise en balance que commande le par. 24(2) est de nature qualitative et il ne peut être effectué avec une précision mathématique. Il ne s’agit pas simplement de savoir si, dans un cas en particulier, la majorité des facteurs pertinents milite en faveur de l’exclusion. La preuve à l’égard de chacune de ces questions doit être soupesée afin de déterminer si, eu égard aux circonstances, l’utilisation des éléments de preuve serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. La nécessité pour le système de justice de se dissocier de l’inconduite de la police ne l’emporte pas toujours sur les intérêts de recherche de la vérité du système de justice pénale. L’inverse est tout aussi vrai. Dans tous les cas, c’est la considération à long terme pour l’administration de la justice qui doit être examinée[151].

[209]       L'analyse requise ne doit pas être « une simple mise en opposition entre la gravité de l’inconduite du policier et celle de l’infraction »[152].

[210]       La gravité de la violation était grande en raison de l'erreur déraisonnable de l'enquêteur et du juge autorisateur. Il n'y avait aucun motif raisonnable de croire qu'une infraction criminelle avait été commise. Une autorisation judiciaire a été délivrée alors que la dénonciation ne précisait pas clairement que les plaignantes savaient qu'elles avaient été prises en photos et qu'elles y avaient consenti. Cette autorisation a donné lieu à l'exécution d'un mandat de perquisition au domicile de l'appelant et dans son ordinateur pendant plus d'une dizaine d'heures. L'intégrité du système d'autorisation judiciaire préalable est au cœur de la présente affaire.

[211]       À mon avis, le juge militaire « a accordé trop de poids à [une] question tout en négligeant l’importance des autres questions, particulièrement de celle relative à la nécessité pour le système de justice de se dissocier des violations flagrantes des droits protégés par la Charte »[153].

[212]       L'importance de se dissocier des violations de la Charte doit l'emporter sur la recherche de la vérité si nous souhaitons véritablement protéger la réputation à long terme de l'administration de la justice et du système d'autorisation judiciaire préalable[154].

[213]       Pour ces motifs, je propose d'accueillir l'appel, d'annuler les condamnations à l'égard des deux chefs d'accusation dont l'appelant a été déclaré coupable et d'inscrire un verdict d'acquittement à l'égard de ces chefs.

« Guy Cournoyer »

j.c.a.

«Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

François Doyon, j.c.a. »


COUR D’APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

CMAC-558

 

INTITULÉ :

SOLDAT RÉJEAN LAROUCHE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 novembre 2013,

LE 24 janvier 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE COURNOYER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DOYON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 avril 2014

 

COMPARUTIONS :

Capitaine de corvette Mark Létourneau

Lieutenant-colonel Jean-Bruno Cloutier

 

Pour l'appelant

 

Capitaine de frégate Martin Pelletier

 

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Service d'avocat de la défense

Gatineau (Québec)

 

Pour l'appelant

 

Directeur adjoint des poursuites militaires

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'intimée

 

 



[1]               2012 CM 3009.

[2]               L'appelant fait aussi l'objet d'accusations criminelles selon les articles 139, 151, 152, 212(4), 153(1)a), 153(1)b), 163.1(2)a) et 163.1(4)a) du Code criminel devant les tribunaux criminels ordinaires (150-01-038423-126).

[3]               2012 CM 3008.

[4]               [1987] 1 R.C.S. 246.

[5]               2014 CACM 1, paragr. 25-26 [Moriarity/Hannah].

[6]               R. c. Brown, [1993] 2 R.C.S. 918, à la p. 924.

[7]               2014 CACM 1.

[8]               [1989] 2 R.C.S. 1073 [Ionson].

[9]               « Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes ».

[10]             Voir aussi R. v. Vezina, 2014 CMAC 3, paragr. 11-15.

[11]             [1985] 1 R.C.S. 295.

[12]             [1992] 2 R.C.S. 944, à la p. 955

[13]             [1987] 1 R.C.S. 1045, à la p. 1078.

[14]             R. c. Big M Drug Mart, [1985] 1 R.C.S. 295, aux pp. 313-314.

[15]             [1992] 1 R.C.S. 259, à la p. 293 [Généreux].

[16]             (1983), 6 C.C.C. (3d) 551, 4 C.M.A.R. 277 [MacDonald].

[17]             Voir la décision récente dans Canada c. Wehmeier, 2014 CMAC 5, paragr. 31. Je n'exprime ici aucune opinion sur la portée des instructions qui peuvent être données par le juge-avocat général au DPM selon l'article 165.17 de la LDN. Cette question déborde le cadre du pourvoi et soulève des questions d'interprétation législatives et constitutionnelles distinctes. Voir R. c. Trépanier (J.S.K.T.) (2008), 232 C.C.C. (3d) 498, 2008 CACM 3, paragr. 98.

[18]             R. c. Smith (Edward Dewey), [1987] 1 R.C.S. 1045, à la p. 1078.

[19]             Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, paragr. 117 [Bedford].

[20]             (1985), 18 C.C.C. (3d) 189, 4 C.M.A.R. 338.

[21]             Dans MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370, à la p. 410, le juge McIntyre affirme que le militaire qui, accusé de négligence alors qu'il conduit son propre véhicule pendant une permission, hors de sa base et de toute autre installation militaire, ne doit pas être assujetti à la compétence des tribunaux militaires. Il s'agit certainement d'une hypothèse raisonnable au sens des arrêts R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761 et R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, paragr. 112.

[22]             [1992] 2 R.C.S. 679 [Schachter].

[23]             [2008] 1 R.C.S. 96, 2008 CSC 6 [Ferguson].

[24]             [1980] 2 R.C.S. 370 [MacKay].

[25]             [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2 [Sharpe].

[26]             [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, paragr. 111.

[27]             Ibid., paragr. 114.

[28]             [1980] 1 R.C.S. 527 [Sellars].

[29]             (1996), 112 C.C.C. (3d) 491, [1996] C.M.A.J. No. 9 [Reddick].

[30]             [1999] C.M.A.J. No. 7.

[31]             [2008] 1 R.C.S. 96, 2008 CSC 6, paragr. 49-51, 65.

[32]             395 U.S. 258 (1969) [O’Callahan].

[33]             397 U.S. 934 (1970) [Relford].

[34]             Voir l'opinion du juge Brooke de notre Cour dans R. v. Sullivan, (1986), 4 C.M.A.R. 414, aux pp. 419-423; autorisation d'appel refusée [1986] 2 R.C.S. ix; Rubsun Ho, « A World That Has Walls: A Charter Analysis of Military Tribunals » (1996) 54 U.T. Fac. L. Rev. 149 à la p. 152; Ronald D. Lunau, « Military Tribunals Under the Charter » (1992) 2 N.J.C.L. 197 aux pp. 201-203.

[35]             395 U.S. 258 (1969), aux pp. 261-262.

[36]             395 U.S. 258 (1969), aux pp. 273-274.

[37]             483 U.S. 435 (1986).

[38]             Colonel (Retired) R. Arthur McDonald, Canada's Military Lawyers, Ottawa, The Office of the Judge Advocate General, 2002 à la p. 120. Voir aussi Andrew D. Heard, « Military Law and the Charter of Rights » (1987-88) 11 Dalhousie L.J. 514 aux pp. 532-533; Rubsun Ho, « A World That Has Walls: A Charter Analysis of Military Tribunals » (1996) 54 U.T. Fac. L. Rev. 149 aux pp. 152-153; Ronald D. Lunau, « Military Tribunals Under the Charter » (1992) 2 N.J.C.L. 197 aux pp. 200-209.

[39]             Peter W. Hogg, Canada Act 1982 Annotated, Toronto, Carswell, 1982.

[40]             André Morel, « Les garanties en matière de procédure et de peines » dans Gérald-A. Beaudoin et Walter S. Tarnopolsky, dir., Charte canadienne des droits et libertés, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982 à la p. 459; André Morel, « Certain Guarantees of Criminal Procedure » dans Walter S. Tarnopolsky et Gérald-A. Beaudoin, dir., The Canadian Charter of Rights and Freedoms - Commentary, Toronto, Carswell, 1982 à         la p. 367.

[41]             Walter S. Tarnopolsky, « The New Canadian Charter of Rights and Freedoms as Compared and Contrasted With the American Bill of Rights » (1983) 5 Hum. Rts. Q. 5, 227, à la p. 244, note 89.

[42]             Peter W. Hogg, Canada Act 1982 Annotated, Toronto, Carswell, 1982 à la p. 42.

[43]             Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 2e éd., Toronto, Carswell, 1985 à la p. 774, voir la note 193; Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 5e éd. supp. (feuilles mobiles), vol. 2 (2013, mise à jour 1) à la p. 51-30, voir la note 143.

[44]             2014 CACM 1, voir paragr. 48-50, 63-64.

[45]             [1980] 2 R.C.S. 370, à la p. 408.

[46]             [1986] 1 R.C.S. 103 [Oakes]. Au sujet de l'article 1 et de l'opinion du juge McIntyre dans MacKay c. La Reine, voir Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 2e éd., Toronto, Carswell, 1985 à la p. 794. Au sujet du critère de proportionnalité, voir Aharon Barak, Proportionality: Constitutional Rights and Their Limitations, New York, Cambridge University Press, 2012 aux pp. 175-210.

[47]             [1992] 2 R.C.S. 679, aux pp. 702-703.

[48]             [1992] 1 R.C.S. 259, à la p. 293.

[49]             R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, à la p. 1314; André Morel, « Les garanties en matière de procédure et de peines » dans Gérald-A. Beaudoin et Walter S. Tarnopolsky, dir., Charte canadienne des droits et libertés, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982 à la p. 473; André Morel, « Certain Guarantees of Criminal Procedure » dans Walter S. Tarnopolsky et Gérald-A. Beaudoin, dir., The Canadian Charter of Rights and Freedoms - Commentary, Toronto, Carswell, 1982 à la p. 376.

[50]             R. c. Trépanier (J.S.K.T) (2008) 232 C.C.C. (3d) 498, 2008 CACM 3, paragr. 75-80; R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509; R. c. Davey, [2012] 3 R.C.S. 828, paragr. 30; R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296.

[51]             [1980] 2 R.C.S. 370, à la p. 409.

[52]             R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509 aux pp. 523-524.

[53]             (1995), 35 C.R. (4th) 318 (C.A.C.M.), à la p. 327 [Brown].

[54]             Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, à la p. 698.

[55]             Ibid., à la p. 702.

[56]             Ibid.

[57]             Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, à la p. 702.

[58]             [1980] 2 R.C.S. 370, aux pp. 407-411.

[59]             [1992] 1 R.C.S. 259, à la p. 293.

[60]             [1978] 1 C.F. 233, aux pp. 235-236.

[61]             [1992] 1 R.C.S. 259, à la p. 294.

[62]             R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, à la p. 138; Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [2002] 3 R.C.S. 519, 2002 CSC 68, paragr. 18; R. c. Bryan, [2007] 1 R.C.S. 527, paragr. 100-103 (le juge Fish).

[63]             2014 CACM 1, paragr. 44.

[64]             [1992] 2 R.C.S. 679, aux pp. 704-705.

[65]             [1992] 2 R.C.S. 679, à la p. 705.

[66]             [2011] 3 R.C.S. 134, 2011 CSC 44 [PHS].

[67]             [1992] 2 R.C.S. 679, à la p. 705.

[68]             [1991] 2 R.C.S. 577, à la p. 628. La juge en chef McLachlin y réfère dans R. c. Ferguson, [2008] 1 R.C.S. 96, 2008 CSC 6, paragr. 45.

[69]             [2008] 1 R.C.S. 96, 2008 CSC 6, paragr. 69.

[70]             R. c. Bernard, [1988] 2 S.C.R. 833. Voir aussi Canada. c. Craig, [2012] 2 R.C.S. 489, 2012 CSC 43.

[71]             La dissidence du juge Heald était à l'égard de cette question.

[72]             Ionson v. R., (1987), 120 N.R. 82, 4 C.M.A.R. 433.

[73]             J. Walker, « Military Justice: From Oxymoron to Aspiration » (1994) 32 Osgoode Hall L.J. 1. L'auteure, qui critique l'analyse du juge McIntyre dans MacKay c. La Reine, écrit ce qui suit aux pages 13-14: « Following this decision, the elusive "military nexus" doctrine developed ». À la note en bas de page 44, elle réfère à la décision de la Cour suprême dans Ionson. Voir R. v. Brown (1995), 35 C.R. (4th) 318 (C.A.C.M.), à la p. 327.

[74]             Voir Jerry S.T. Pitzul et John C. Maguire, « A Perspective on Canada's Code of Service Discipline » dans Evolving Military Justice, E. R. Fidell et D.H. Sullivan, Annapolis, Naval Institute Press, 2002 aux pp. 239       à 245.

[75]             Modifications à la Loi sur la défense nationale, Annexe 1 de la Loi modifiant certaines lois eu égard à la Charte canadienne des droits et libertés, L.R.C. 1985, 1er supplément, c. 31; Andrew D. Heard, « Military Law and the Charter of Rights » (1987-88) 11 Dalhousie L.J. 514 aux pp. 532-533.

[76]             L.C. 1998, c. 35.

[77]             Jerry S.T. Pitzul et John C. Maguire, « A Perspective on Canada's Code of Service Discipline » (2002) 52 A.F.L. Rev. 1 à la p. 8; Jerry S.T. Pitzul et John C. Maguire, « A Perspective on Canada's Code of Service Discipline » dans Evolving Military Justice, E. R. Fidell et D.H. Sullivan, Annapolis, Naval Institute Press, 2002 à la p. 239.

[78]             L.C. 1998, c. 35.

[79]             Le très honorable Antonio Lamer, Le premier examen indépendant par le très honorable Antonio Lamer C.P., C.C., C.D., des dispositions et de l’application du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35, présenté au ministre de la Défense nationale le 3 septembre 2003.

[80]             Voir l'excellent résumé des recommandations et réformes récentes dans le système de justice militaire   canadien : Erin Shaw et Dominique Valiquet, Résumé législatif du projet de loi C-15 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, Publication n° 41-1-C15-F, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, Service d’information et de recherche parlementaires, 24 avril 2012, révisé le 2 mai 2013, aux      pp. 2-8.

[81]             L’honorable Patrick J. Lesage, Rapport final de l'autorité indépendante chargée du deuxième examen à l'honorable Peter G. MacKay Ministre de la Défense nationale, présenté au ministre de la Défense nationale en décembre 2011.

[82]             (2008), 232 C.C.C. (3d) 498, 2008 CACM 3. Voir la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale (cour martiale) et une autre loi en conséquence, L.C. 2008, c. 29, ayant reçu la sanction royale le 18 juin 2008.

[83]             (2011), 281 C.C.C. (3d) 451, 2011 CACM 2, paragr. 55. Voir la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale (juges militaires), L.C. 2011, c. 22, ayant reçu la sanction royale le 29 novembre 2011.

[84]             L.C. 2013, c. 24.

[85]             Entrée en vigueur le 19 juin 2013, à l'exception des articles 17, 97 et 104, entrés en vigueur le 18 octobre 2013 (décret), (2013), 147 Gaz. Can. II, 2337, et des articles 2(1) et (5), 4 à 9, 12 à 16, 18, 20 à 40, 46 à 67, 69 à 96, 98 à 103, 105, 107, 108, 129 et 131 voir paragr. 135(1), non en vigueur, et 19 à 68 voir paragr. 135(2), non en vigueur.

[86]             ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140, 2006 CSC 4, paragr. 59; P.-A. Côté, S. Beaulac et M. Devinat, Interprétation des lois, 4e éd., Montréal, Thémis, 2009 à la p. 624, paragr. 1946; Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., Markham, Ont, LexisNexis, 2008 à la p. 205.

[87]             R. c. Ferguson, [2008] 1 R.C.S. 96, 2008 CSC 6, paragr. 51.

[88]             (1996), 112 C.C.C. (3d) 491, à la p. 487.

[89]             Ibid.

[90]             Halsbury’s Laws of Canada : Mental Health, Military, Mines and Minerals, 1ère éd., Markham, Ont, LexisNexis, 2011, à la p. 397; David McNairn, « Introduction au système de justice militaire » (2002), 7 Rev. can. D.P. 299, aux pp. 320-321.

[91]             [2011] 3 R.C.S. 134, 2011 CSC 44, paragr. 82.

[92]             MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370; David McNairn, « Introduction au système de justice militaire » (2002), 7 Rev. can. D.P. 299, à la p. 301.

[93]             [1980] 1 R.C.S. 527.

[94]             [2005] 3 R.C.S. 609, 2005 CSC 76.

[95]             Ibid., paragr. 54.

[96]             [2005] 3 R.C.S. 609, 2005 CSC 76, paragr. 54.

[97]             (1997), 200 A.R. 279, [1997] A.J. No. 712.

[98]             Murphy v. Welsh (1991), 81 D.L.R. (4th) 475, à la p. 480 (C.A. Ont.) ; Thomson v. Nova Scotia (Workers' Compensation Appeals Tribunal), 205 N.S.R. (2d) 55, 2002 NSCA 58, paragr. 7-9 (C.A. N.-É.) ; R. v. Arcand (2010), 264 C.C.C. (3d) 134 (C.A. Alta.), paragr. 185-207. Cette approche est conforme à la décision récente de la Cour suprême dans Canada. c. Craig, [2012] 2 R.C.S. 489, 2012 CSC 43, paragr. 25-27.

[99]             Comme le souligne le juge en chef Blanchard dans Moriarity/Hannah, paragr. 61, notre Cour avait bien souligné dans R. c. Nystrom, [2005] C.M.A.J. no. 8, 2005 CACM 7 et R. c. Trépanier (J.S.K.T.) (2008), 232 C.C.C. (3d) 498, 2008 CACM 3 que l'arrêt Reddick n'avait pas la portée que certains semblaient lui prêter.

[100]            MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370, à la p. 410, repris dans R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la       p. 291.

[101]            R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la p. 293.

[102]            Voir la description des procès sommaires dans Halsbury’s Laws of Canada : Mental Health, Military, Mines and Minerals, 1ère éd., Markham, Ont, LexisNexis, 2011 aux pp. 424-429.

[103]            Voir par exemple : Patrick Cormier, La Justice militaire canadienne : le procès sommaire est-il conforme à l'article 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés? (2000) 45 McGill L.J. 209.

[104]            Art. 162.1 de la LDN; art. 108.17 des O.R.F.C.

[105]            Art. 101.09(1) des O.R.F.C. Voir David McNairn, « Introduction au système de justice militaire »              (2002) 7 Rev. can. D.P. 299.

[106]            R. c. Teskey, [2007] 2 R.C.S. 267, 2007 CSC 25; Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, [2013] 2 R.C.S. 357, 2013 CSC 30, paragr. 14-22.

[107]            Cabinet du juge-avocat général, Rapport annuel du juge-avocat général sur l’administration de la justice militaire au sein des Forces canadiennes de 2010-2011, Annexe : Statistiques sur la justice militaire, à la p. 23.

[108]            Selon les Rapports annuels du juge-avocat général sur l’administration de la justice militaire au sein des Forces canadiennes, ce pourcentage se chiffrait à 0,76% en 2007-2008 (Rapport annuel de 2008-2009), à 0,91% en 2008-2009 (Rapport annuel de 2009-2010), à 1,6% en 2009-2010 (Rapport annuel de 2010-2011), et à 1,48% en 2010-2011 (Rapport annuel de 2010-2011).

[109]            MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370, à la p. 410 (le juge McIntyre).

[110]            Voir les commentaires du juge militaire lors de la détermination de la peine: R. c. Larouche, 2012 CM 3023, paragr. 23, 41, 48-49.

[111]            R. c. Larouche, 2012 CM 3009, paragr. 83-93.

[112]            [2011] 3 R.C.S. 215, 2011 CSC 46.

[113]            [2012] 3 R.C.S. 34, 2012 CSC 53.

[114]            [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32 [Grant].

[115]            2012 CM 3008, paragr. 60.

[116]            R. c. Cole, [2012] 3 R.C.S. 34, 2012 CSC 53, paragr. 82; R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, 2013 CSC 60,      paragr. 67.

[117]            [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32.

[118]            [2009] 2 R.C.S. 494, 2009 CSC 34 [Harrison].

[119]            Morris Manning et Peter Sankoff, Manning, Mewett & Sankoff : Criminal Law, 4e éd., 2009, Markam, Ont. à la p. 932. Voir par exemple R. v. Keough (2011), 267 C.C.C. (3d) 193 (C.B.R. Alta.).

[120]            Dans la transcription, la réponse du témoin est: « Je voulais qu'il y ait de l'ambiguïté ». Il est évident compte tenu de sa réponse et du contexte de son témoignage qu'il voulait dire: « Je voulais qu'il n'y ait pas de l'ambiguïté ».

[121]            [1990] 3 R.C.S. 3, à la p. 33.

[122]            R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32, paragr. 133.

[123]            R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3, aux pp. 32-34.

[124]            [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32, paragr. 75.

[125]            [2003] 1 R.C.S. 631, 2003 CSC 30 [Buhay].

[126]            Voir aussi R. c. Mann, [2004] 3 R.C.S. 59, 2004 CSC 52, paragr. 55.

[127]            R. c. Aucoin, [2012] 3 R.C.S. 408, 2012 CSC 66, paragr. 50; R. c. Cole, [2012] 3 R.C.S. 34, 2012 CSC 53, paragr. 86.

[128]            [2004] 3 R.C.S. 59, 2004 CSC 52.

[129]            R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, à la p. 60.

[130]            (2012), 292 C.C.C. (3d) 325, paragr. 28.

[131]            Scott C. Hutchison, Canadian Search Warrant Manual 2005: A Guide to Legal and Practical Issues Associated with Judicial Pre-Authorization of Investigative Techniques, 2e éd., Toronto, Carswell, 2004 à la p. 23.

[132]            R. v. Dombrowski (1985), 18 C.C.C. (3d) 164, à la p. 16 (C.A. Sask.).

[133]            R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253, 2010 CSC 8, paragr. 43-44; Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, 2002 CSC 75, paragr. 27.

[134]            Restaurant Le Clémenceau Inc. c. Drouin, [1987] 1 R.C.S. 706, à la p. 709.

[135]            P. Béliveau et M. Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 20e éd., Montréal, Yvon Blais, 2013, paragr. 687, aux pp. 296-297; S. Penney, V. Rondirelli et J. Stribopoulos, Criminal Procedure in Canada, LexisNexis, 2011, § 10.110-10.114.

[136]            R. c. Côté, [2011] 3 R.C.S. 215, 2011 CSC 46, paragr. 64-74.

[137]            « Directives et ordonnances administratives de la Défense ».

[138]            R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, 2013 CSC 60, paragr. 16 [Vu].

[139]            R. c. Côté, [2011] 3 R.C.S. 215, 2011 CSC 46, paragr. 70.

[140]            Ibid.

[141]            Voir R. v. Pastro (1988), 42 C.C.C. (3d) 485 (C.A. Sask.), aux pp. 522-523 (le juge Sherstobitoff).

[142]            R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32, paragr. 75.

[143]            Ibid.

[144]            Ibid.

[145]            R. c. Côté, [2011] 3 R.C.S. 215, 2011 CSC 46, paragr. 73; voir aussi paragr. 53.

[146]            R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32, paragr. 76.

[147]            R. c. Côté, [2011] 3 R.C.S. 215, 2011 CSC 46, paragr. 73.

[148]            R. c. Larouche, 2012 CM 3008, paragr. 66.

[149]            R. c. Grant, [2009] 2 R.C.S. 353, 2009 CSC 32, paragr. 68

[150]            R. c. Teskey, [2007] 2 R.C.S. 267, 2007 CSC 25, paragr. 19.

[151]            [2009] 2 R.C.S. 494, 2009 CSC 34, paragr. 36.

[152]            R. c. Harrison, [2009] 2 R.C.S. 494, 2009 CSC 34, paragr. 37.

[153]            Ibid.

[154]            R. c. Boudreau-Fontaine, 2010 QCCA 1108, paragr. 71; R. v. Rocha (2012), 292 C.C.C. (3d) 325, paragr. 41-43 (C.A. Ont.).

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