Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20211223


Dossier : CMAC-605

Référence : 2021 CACM 10

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE ROY

LA JUGE MCVEIGH

 

 

 

ENTRE :

LE CAPITAINE ÉRIC DUQUETTE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Québec (Québec), le 29 juin 2021.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA COUR

 


Date : 20211223


Dossier : CMAC-605

Référence : 2021 CACM 10

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE ROY

LA JUGE MCVEIGH

 

 

 

ENTRE :

LE CAPITAINE ÉRIC DUQUETTE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

I. Introduction et sommaire

[1] L’appelant, le capitaine (capt) Éric Duquette, fait appel du verdict et de la peine imposée par un juge militaire à la suite d’un procès au cours duquel il a été déclaré coupable de trois (3) infractions. L’une des peines infligées au capt Duquette a été la rétrogradation du grade de major à celui de capitaine.

[2] Les événements à la base des trois condamnations et à l’imposition de la peine remontent au 1er décembre 2018, date où l’unité à laquelle appartenait le capt Duquette tenait ses célébrations de Noël sur la base militaire de Bagotville, au Québec. C’est durant cette soirée, au cours de laquelle environ 200 personnes étaient présentes, que les faits reprochés au capt Duquette se seraient produits. Trois (3) chefs d’accusation ont été portés :

Premier chef d’accusation

Article 130 LDN (271(b) C.cr.)

INFRACTION PUNISSABLE SELON L’ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, SOIT L’AGRESSION SEXUELLE,

CONTRAIREMENT À L’ARTICLE 271(B) DU CODE CRIMINEL

Détails : En ce que, entre le 1er et le 2 décembre 2018, à ou près de la 2e Escadre de Bagotville, province de Québec, il a agressé sexuellement P.B.

Deuxième chef d’accusation

Article 129 LDN

COMPORTEMENT PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE

Détails : En ce que, entre le 1er et le 2 décembre 2018, à ou près de la 2e Escadre de Bagotville, province de Québec, il a harcelé sexuellement P.B. contrairement à la DOAD 5012-0.

Troisième chef d’accusation

Article 95 LDN

MAUVAIS TRAITEMENT À L’ÉGARD DE SUBALTERNES

Détails : En ce que, entre le 1er et le 2 décembre 2018, à ou près de la 2e Escadre de Bagotville, province de Québec, il a maltraité P.B. qui en raison de son grade et de son emploi lui était subordonné [sic] en lui touchant les fesses.

Les parties pertinentes de la Directive et ordonnance administrative de la défense (DOAD) 5012‑0, intitulée Prévention et résolution du harcèlement, sont reproduites en annexe.

[3] Pour les motifs qui suivent, nous ordonnons que les appels des déclarations de culpabilité relativement au premier et le troisième chefs d’accusation soient accueillis et qu’un nouveau procès ait lieu à leur égard; que l’appel de la déclaration de culpabilité relativement au deuxième chef d’accusation soit rejeté; et que l’appel de la peine concernant le deuxième chef d’accusation soit rejeté.

II. Question en litige et encadrement de la question à la lumière de la jurisprudence

[4] Essentiellement, la question qui se pose vise à déterminer si le verdict rendu peut être considéré comme un verdict adéquat (« safe verdict »), c’est-à-dire le verdict est-il raisonnable? Un verdict raisonnable constitue un verdict auquel un jury correctement instruit aurait pu arriver. (Voir R. c. R.P., 2012 CSC 22, [2012] 1 R.C.S. 746, au par. 9; R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168, à la p. 185, 1987 CanLII 17 (CSC); R. c. Biniaris, 2000 CSC 15, [2000] 1 R.C.S. 381, au par. 36 [Biniaris]). Une cour d’appel peut juger qu’un verdict est déraisonnable dans les circonstances où un juge a fait une inférence ou est arrivé à une conclusion de fait qui est contredite par la preuve, ou qui apparaîtrait incompatible avec la preuve reçue sans avoir été par ailleurs contredite ou rejetée par le juge de première instance. Dans Biniaris, précité, la Cour, sous la plume de la juge Arbour, déclare (au par. 37) :

[…] dans le cas d’un procès devant un juge seul, la cour d’appel peut souvent identifier les faiblesses de l’analyse qui ont amené le juge des faits à tirer une conclusion déraisonnable, et qu’elle devrait le faire. La cour d’appel est donc justifiée d’intervenir et d’annuler un verdict parce qu’il est déraisonnable, lorsqu’il ressort des motifs du juge du procès qu’il n’a pas tenu compte d’un principe de droit applicable ou qu’il a inscrit un verdict incompatible avec les conclusions de fait tirées. Ces faiblesses discernables s’apparentent parfois elles‑mêmes à une erreur de droit distincte et permettent donc facilement de conclure que le verdict déraisonnable auxquels elles ont donné lieu soulève également une question de droit.

[5] Il est possible qu’un verdict soit « déraisonnable même s’il s’appuie sur la preuve » (R. c. Sinclair, 2011 CSC 40, [2011] 3 R.C.S. 3, au par. 17, le juge Fish (dissident quant au résultat), citant R. c. Beaudry, 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190, au par. 57 (le juge Charron, motifs de jugement), par. 77-80 (le juge Binnie, motifs concordants pour l’essentiel), et par. 97 (le juge Fish, dissident quant au résultat)). De plus, comme le souligne le juge Fish dans Beaudry, le verdict d’un juge peut être déraisonnable s’il est « [u]n verdict auquel on est arrivé d’une façon illogique ou irrationnelle » (Beaudry, au par. 97). (Voir également Sinclair, précité, aux par. 4 et 15-17, le juge Fish (dissident quant au résultat), et par. 44, le juge LeBel). Comme l’explique la juge Abella dans R. c. C.P., 2021 CSC 19, au par. 29 :

[29] Les commentaires de la juge Arbour dans Biniaris ont mené à l’adoption, dans R. c. Beaudry, [2007] 1 R.C.S. 190, et dans R. c. Sinclair, [2011] 3 R.C.S. 3, à une deuxième voie d’examen, quelque peu élargie, du caractère déraisonnable. Le verdict d’un juge peut être déraisonnable, même s’il est étayé par la preuve, si le juge y arrive « d’une façon illogique ou irrationnelle » (Beaudry, par. 96‑97, le juge Fish (dissident quant au résultat); Sinclair, par. 4 et 15‑17, le juge Fish (dissident quant au résultat), et par. 44, le juge LeBel). Cela peut se produire si le juge du procès tire une inférence ou une conclusion de fait essentielle au verdict qui est clairement contredite par la preuve qu’il invoque à l’appui de cette inférence ou conclusion, ou dont on peut démontrer qu’elle est incompatible avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge du procès (Sinclair, par. 4, 16 et 19‑21; R. c. R.P., [2012] 1 R.C.S. 746, par. 9).

La question en litige est de déterminer si les motifs rendus par le juge militaire révèlent un fondement intelligible qui permettra un véritable examen en appel.

III. Analyse

[6] Trois (3) témoins ont témoigné pour la poursuite. Sept témoins ont été entendus pour la défense, dont l’accusé.

A. La sergente P.B.

[7] Le premier témoin entendu par la Cour martiale était la plaignante. Au moment des infractions alléguées, la sergente (sgt) P.B. détenait le grade de caporal-chef et le capt Duquette détenait celui de major – une différence de sept (7) grades. La promotion au grade de sergent a eu lieu avant le procès. Dans son témoignage, la sgt P.B. a relaté deux (2) incidents qui se sont produits le soir du 1er décembre 2018. Ces incidents ont eu lieu à près d’une heure d’intervalle.

[8] La sgt P.B. a témoigné que pendant qu’elle était sur la piste de danse entre 21 heures et 22 heures, elle a senti que quelqu’un lui touchait la fesse gauche. À ce moment, elle décrit la scène comme étant un cercle où les danseurs s’exécutaient. Au moment où elle se tournait d’environ 90 degrés pour changer de place, elle a senti ce contact. La sgt P.B. dit avoir senti cette main sur sa fesse gauche et elle s’est retournée pour constater que le bras droit du capt Duquette était en train de descendre. Elle indique de plus que celui-ci était à sa gauche, un peu derrière elle, à environ un mètre. La sgt P.B. a témoigné qu’il y avait une dizaine de personnes sur la piste de danse à ce moment.

[9] La sgt P.B. ne pouvait pas préciser exactement la pression qu’elle a ressentie lors du toucher parce qu’elle était trop sous le choc. Elle a témoigné : « Y’a eu contact avec ma fesse, j’ai figé, j’me suis retourné [sic] pis j’l’ai vu qu’y’était d’retirer sa main » (p. 38, dossier d’appel). Elle témoigne que le capt Duquette a continué son chemin et qu’ils ne se sont pas parlé.

[10] La sgt P.B. a aussi témoigné que Mmes M.E.T. et K.J., deux (2) de ses amies, qui étaient alors sur la piste de danse, ont vu le geste. Elle fait cette constatation parce que, quant à elle, les trois (3) en ont parlé le soir même (p. 40, dossier d’appel).

[11] La sgt P.B. a aussi témoigné d’un deuxième incident qui s’est produit un peu avant 23 heures. Elle a témoigné ainsi :

Q. Qu’est-ce qui s’est passé?

R. Vers un peu avant 11 h, 23 h dans l’fond, j’étais de dos au DJ et le major Duquette y’est venu se coller de tout son long sur moi, devant moi, et y m’a dit à l’oreille : « T’es fucking hot. »

(p. 41, dossier d’appel.)

[…]

Q. Pouvez-vous m’décrire, là – j’comprends qu’vous dites, là, qu’y’était collé, là, mais pouvez-vous décrire, là, quelle partie du corps vous touchait?

R. Toute la poitrine, les cuisses; y’avait vraiment aucune [sic] espace, là, entre les deux corps.

Q. Vous dites qu’y vous a dit quelque chose à l’oreille. Y’était à quelle distance de votre oreille?

R. Une couple de pouces.

Q. Combien d’temps ça a duré ce toucher-là?

R. Le temps qu’y s’installe devant moi pis qu’y m’parle. Peut-être un cinq à dix secondes au total.

Q. Pis vous avez fait quoi?

R. J’l’ai pris par les épaules. J’l’ai repoussé à une longueur de bras pis j’suis partie.

Q. Pouvez-vous m’décrire, là, avec quel niveau d’force vous l’avez repoussé?

R. J’l’ai poussé à distance de bras, mais pas – j’ai pas donné d’poussée, j’l’ai juste reculé à distance de mes bras, pis après ça j’suis partie.

Q. Ça a été quoi sa réaction?

R. Y’est resté – y’a reculé, évidemment, pis y me regardait, ou, en tout cas, y’était – son visage était vers moi. Pis moi j’suis partie. (p. 42, dossier d’appel.)

[12] En réinterrogatoire, l’avocate de la poursuite a ramené la sgt P.B. au deuxième incident reproché au capt Duquette. Elle lui a fait confirmer que le défendeur était collé de tout son long contre elle. La procureure a aussi attiré spécifiquement l’attention de la plaignante sur l’utilisation par le défendeur de ses mains au cours de l’incident. La plaignante n’a pas élaboré, malgré l’invitation à le faire. La sgt P.B. n’a pas référé à quiconque lui ayant touché au postérieur, ou même une fesse, lors du deuxième incident.

B. Madame K.J.

[13] Le deuxième témoin de la poursuite était Mme K.J., une amie de la plaignante. Le témoignage de Mme K.J. ne fait référence qu’à un seul incident auquel elle aurait assisté. La sgt P.B. témoigne que ses deux (2) amies ont assisté aux deux (2) incidents. Mme K.J. n’a témoigné que d’un seul incident qui correspond au premier des deux incidents, que Mme K.J. situe entre 21 heures et 22 heures (p. 146, dossier d’appel), le 1er décembre 2018. Cela correspond à la période durant laquelle le premier incident se serait produit selon la sgt P.B. De plus, Mme K.J. dit qu’il s’agissait là du seul incident dont elle ait été témoin (p. 163, dossier d’appel). Le deuxième incident aurait eu lieu un peu avant 23 heures.

[14] Quant aux gestes posés auxquels Mme K.J. réfère, il s’agit d’un attouchement sur une fesse. Mais le témoin dit que le capt Duquette aurait touché la fesse droite de la sgt P.B. avec sa main gauche. De fait, c’est l’opposé de ce que la sgt P.B. a dit lors de son témoignage. Elle dit avoir été touchée à la fesse gauche par la main droite du capt Duquette.

[15] Mme K.J. est plutôt précise quant à son souvenir alors qu’elle indique à la cour de première instance qu’elle était en diagonale, à la droite de la sgt P.B. Elle aurait donc vu, de cette position, l’attouchement sur la fesse droite. De plus, Mme K.J. indique que le contact aurait été sans équivoque, avec une certaine vigueur, puisqu’elle parlait, comme elle l’a décrit dans son témoignage, de se faire « ramasser une fesse ».

C. Madame M.E.T.

[16] Le troisième témoin de la poursuite était Mme M.E.T. Elle ne parle que d’un incident qu’elle situe un peu avant 23 heures. Elle décrit l’incident, dans un premier temps, de la façon suivante, aux pages 184-185 du dossier d’appel :

Q. Pis qu’est-ce que vous avez remarqué? Qu’est-ce qui s’est passé ensuite, quand vous étiez sur l’plancher d’danse?

R. On avait beaucoup d’plaisir, pis un moment donné, ben, y’a un homme qui s’est approché. Et puis y’a commencé à danser de façon plus suggestive à la recherche de plus que juste danser. Et puis à un moment donné, ben, y’a attrapé [P.]. Y’a sacré un très gros malaise pour tout l’monde.

[…]

Q. Pis là vous avez dit qu’y’avait attrapé [P.]. Pouvez-vous m’expliquer qu’est-ce que vous voulez dire par là?

R. Ben y tournait beaucoup autour d’elle, pis – un peu d’tout l’monde, mais plus d’elle. Pis a un moment donné, ben, c’est ça, y’était trop proche d’elle, là. Elle s’est retournée. Pis là, ben, c’est là qu’y l’a pognée. Il y a pogné le derrière comme faut.

Q. Pis là vous dite [sic] que y s’est approché d’elle à quelle distance?

R. Collé sur elle.

Q. Pis y’était positionné comment par rapport à elle?

R. Au début on dansait toutes face à face, pis à un moment donné, à force de tourner autour, elle a fini par se retourner face à lui. Pis c’est là qu’y l’a agrippée. Quand y l’a agrippée, elle elle était dos à moi.

Q. Vous dites qu’il l’a agrippée. Il l’a agrippée où?

R. Sur les fesses.

Q. Avec quoi ?

R. Ses deux mains.

Q. Pis c’est avec quelle force que ça – quelle force y’a employée?

R. Une bonne force qui portait pas à confusion.

Q. Quand vous dites, là, « qui portait pas à confusion », qu’est-ce que vous voulez dire par là?

R. Ben en voulant dire que c’était pas juste : ah ma main a glissé sans faire exprès, là. Non, non. Y l’a – c’était ça. Y l’a vraiment agrippée.

Q. Pis ça a été quoi, là, à ce moment-là la réaction du sergent [P.B.]?

R. Elle s’est dégagée. Elle était visiblement pas de bonne humeur. Pis c’est à c’moment-là qu’on l’a vue quitter l’plancher d’danse.

Q. Qui ça? Vous avez dit : « On l’a vue quitter l’plancher d’danse. »

R. Ben les filles qui étaient dans l’rond pour danser.

Q. Non, non, mais j’voulais dire qui a quitté l’plancher d’danse?

R. Ah, [P.]

Q. Là vous avez dit que elle s’est dégagée. Comment elle a fait ça?

R. Elle a tassé ses mains, elle s’est reculée et elle est partie.

Q. Elle a tassé ses mains, les mains de qui?

R. De l’homme qui y a agrippé les fesses.

[17] On ne peut que constater que cette description présentée par Mme M.E.T. n’est pas conforme ni à celle de la sgt P.B. ni à celle de Mme K.J. La sgt P.B. ne témoigne en aucune façon qu’elle a été saisie lors du deuxième incident, malgré la tentative de la procureure de la Couronne de l’inciter en ce sens. C’est pourtant le témoignage de Mme M.E.T. au sujet de ce qui est le deuxième incident. Mme K.J. ne parle pas non plus d’une empoignade à deux mains.

[18] Mme K.J. parle de la main gauche sur la fesse droite. Mais cela ne correspond pas non plus au témoignage de la plaignante selon lequel ce serait la fesse gauche qui aurait été touchée lors d’un premier incident. Il n’est certes pas question d’une action telle celle décrite par Mme M.E.T., où c’est le postérieur entier qui est saisi par les deux mains de l’accusé. En plus, lorsque la sgt P.B. éloigne le capt Duquette, elle n’a pas dit qu’elle l’a saisi par les mains, mais plutôt par les épaules. La sgt P.B. a témoigné ne rien savoir des mains du capt Duquette lors du deuxième incident.

[19] Mme M.E.T. déclare avoir discuté de cette affaire avec Mme K.J. au cours des journées qui ont suivi et insiste sur le fait que tout le monde a vu la même chose au même moment. Résumant ce qu’elle a vu, Mme M.E.T. témoigne « [d]e voir un individu prendre les fesses pis de s’coller sur une autre personne sur la piste de danse, on s’attendait pas à ça c’te soir-là » (p. 188, dossier d’appel).

IV. Les motifs et le verdict sur les chefs d’accusation 1 et 3

[20] Le juge militaire fait un bref sommaire de la preuve :

[…] La plaignante a raconté deux incidents distincts à la Cour. Le premier incident aurait eu lieu vers 22 h, alors qu’elle était dans un cercle de danse sur l’plancher de danse et qu’elle-même dansait. Elle s’est tournée vers sa droite pour changer de position et elle a été touchée à la fesse gauche. Lorsqu’elle se retourne, elle constate que l’bras droit du major Duquette descend, qu’il se retire alors qu’il est positionné un peu en arrière à sa gauche. Il est clair qu’il y a eu un contact, mais elle a été incapable d’en expliquer la nature exacte à la Cour, car elle a été surprise et elle a figé, ce qui explique qu’elle ne se rappelle pas de la nature du toucher. Quant au major Duquette, il aurait simplement continué à danser comme si de rien n’était. La plaignante a mentionné qu’l’épouse du major Duquette était dans le cercle de danse et qu’à son avis, elle aurait vu l’incident, car son visage exprimait une émotion de colère. (p. 460, dossier d’appel.)

[21] Le juge ne relate pas en quoi consistait le témoignage de Mme K.J., alors même que les heures concordent et que la description générale de l’incident suggère que Mme K.J. discutait du premier incident. Les motifs continuent :

Elle a quitté la piste de danse et elle est allée voir son copain à qui elle a raconté c’qui venait de se passer. Il a réagi d’une manière signifiant de ne pas trop s’en faire avec cela et de retourner danser.

[…]

Elle est retournée danser par la suite. Un peu plus tard dans la soirée, un peu avant 23 heures, un deuxième incident impliquant le major Duquette se serait produit. Le major Duquette aurait dansé près d’elle, il se serait positionné directement devant elle. Par la suite, il se serait collé sur elle et il lui aurait agrippé les deux fesses avec ses deux mains en lui disant à l’oreille, « T’es fucking hot. » Elle l’aurait alors repoussé, puis il serait reparti danser. Cela aurait duré en tout de cinq à dix secondes. Selon les témoins de la poursuite, il y aurait eu un malaise parmi les gens qui auraient assisté à la scène.

La plaignante a alors quitté la piste de danse et elle est allée voir son copain. Ce dernier lui aurait dit quelque chose signifiant simplement de ne pas retourner danser. Elle a dit qu’elle ne se sentait pas bien à c’moment-là, qu’elle était choquée et déconcertée par ce qui venait d’arriver.

Par la suite, elle a rencontré son amie. Cette dernière était un peu plus loin et positionnée en diagonale au moment de cet incident, et elle aurait assisté à la scène. Une amie de cette amie aurait vu la même chose. (pp. 460–461, dossier d’appel.)

[22] De fait, la Cour martiale conclura, comme on verra plus tard, que les témoignages de Mme K.J. et de Mme M.E.T. relatent les faits du deuxième incident, mais sans une explication. Celle-ci était nécessaire vu la teneur des deux (2) témoignages. La sgt. P.B., quant à elle, n’a pas témoigné ni quant au premier incident, ni quant au deuxième que ses deux fesses ont été « agrippées ».

[23] Sans jamais référer au contenu du témoignage de Mme K.J., qui semble décrire le premier incident, le juge militaire déclare que le premier incident était accidentel. Il déclare :

Essentiellement, la plaignante a témoigné qu’elle avait été touchée par quelqu’un une première fois. Elle a donc établi qu’elle avait fait l’objet d’un contact. L’admission d’l’accusé quant à l’identité, combinée au fait qu’elle a identifié que l’accusé était sur place, fait en sorte qu’il est clair que la Cour aurait conclu que le major Duquette aurait été l’auteur de c’contact.

Par contre, dans cette perspective, la preuve de l’intention d’avoir un tel contact n’aurait pas convaincu la Cour de cet aspect hors de tout doute raisonnable. Tel qu’établi par certains témoins, un plancher d’danse peut entraîner un contact accidentel avec d’autres personnes. Cette possibilité existe et il aurait été très difficile pour la Cour de conclure qu’une telle chose n’aurait pas pu arriver. En conséquence, même si la Cour avait conclu que l’témoignage de l’accusé n’était pas fiable et crédible, et qu’il ne soulevait aucun doute raisonnable même une fois écarté par la Cour, la poursuite n’aurait quand même pas réussi à convaincre la Cour hors de tout doute raisonnable quant à l’intention d’l’accusé de toucher ou de commettre les infractions alléguées, car il est possible que ce 1er premier [sic] incident découle tout simplement d’un acte accidentel alors qu’l’accusé dansait près d’la plaignante. (pp. 473-474, dossier d’appel.)

[24] Par ailleurs, il semble bien que le juge militaire ait fait un amalgame des témoignages de Mme K.J. et de Mme M.E.T. pour conclure qu’elles ont témoigné au sujet du même incident, le deuxième. Le problème avec cette approche est évident. La cour de première instance ne fait pas une analyse de la preuve offerte avant de conclure que les deux témoins traitaient du même incident. Or, objectivement, les témoignages ne correspondent pas ni quant aux heures, ni quant aux faits relatés. Mme K.J. situe l’heure de l’incident dont elle a été témoin entre 21 heures et 22 heures. C’est aussi l’heure où le premier incident s’est produit selon la plaignante. La description de l’incident ressemble aussi à celle de la plaignante. Elle parle d’une main entrant en contact avec une fesse. Avant d’amalgamer les versions de Mme K.J. et de Mme M.E.T., le juge militaire aurait dû examiner leur témoignage de près pour tirer ses conclusions de fait, basées sur la preuve, afin d’éviter l’amalgame. En l’espèce, il devait accepter ou rejeter des preuves avant d’arriver à la conclusion. Comme il a été noté plus haut, les détails de l’incident diffèrent entre Mme K.J. et la plaignante, mais il y a une certaine ressemblance qui laisse croire que le témoignage de Mme K.J. semble se rapporter au premier incident, celui de l’attouchement jugé accidentel. La question n’est pas de douter de l’honnêteté des témoins. C’est plutôt que l’absence d’analyse de ceux-ci par la cour de première instance suggère un amalgame de témoignages. Les divergences entre les témoignages sont telles que le juge de première instance devait expliquer comment il était arrivé aux conclusions qu’il a tirées malgré trois versions différentes.

[25] Le juge militaire voit une similarité entre les témoignages de Mme K.J. et de Mme M.E.T., qu’il dit relatifs au deuxième incident, sans aucune explication. Il ne parle pas des différences dans leurs témoignages. Il ne parle pas des heures différentes. Il ne parle pas des gestes différents – une fesse contre deux (2) fesses agrippées. Il eût fallu que le juge militaire indique clairement les parties du témoignage de Mme K.J. qu’il accepte ou non, afin d’arriver à sa conclusion en ce qui concerne le deuxième incident.

[26] Quant à ce deuxième incident, le juge de première instance pose la question à résoudre en ces termes :

La Cour doit maintenant déterminer si les gestes allégués concernant le 2e deuxième [sic] incident décrit par la plaignante et qui a fait l’objet d’une corroboration par deux témoins ont été commis par le major Duquette – a été commis par le major Duquette. (p. 474, dossier d’appel.)

[27] On se demande en quoi consiste la corroboration : Mme K.J. décrit ce qui aurait pu être semblable au premier incident relaté par la plaignante, outre les éléments discordants, mais certainement pas le second incident, et Mme M.E.T. décrit un incident dont la plaignante n’aura jamais parlé : que l’accusé l’avait empoignée de ses deux mains. Ce peut difficilement constituer de la corroboration du témoignage de la plaignante qui n’a jamais été fourni. Le juge militaire n’essaie pas non plus d’expliquer le fait que la sgt P.B. a senti un glissement sur une fesse entre 21 heures et 22 heures, mais ne témoigne d’aucun agrippement vigoureux de son postérieur, un peu avant 23 heures, comme le décrit Mme M.E.T.

V. Application de la jurisprudence aux motifs du juge militaire

[28] La présentation de la preuve par le juge militaire correspond mal, à notre avis, à ce qui a été relaté par les trois (3) témoins. On ne saurait passer des témoignages rendus au verdict sans déclarer la preuve qui est acceptée, la preuve qui est rejetée, et pour quelles raisons. Comme le déclare l’ancienne juge Arbour dans Biniaris, précité, il faut qu’un juge de première instance détermine quelle preuve est fiable, crédible et admise pour en tirer les conclusions de fait. Cela n’a pas été fait ici. Or, ce qu’on aura vu plutôt est un amalgame malheureux de trois témoignages dont l’honnêteté n’est pas mise en doute, mais qui reste inexpliqué.

[29] La tâche difficile du juge de première instance est de faire une analyse rigoureuse de la preuve pour en arriver à un verdict qui soit hors de tout doute raisonnable. La qualité d’un verdict réside, entre autres, dans cette analyse rigoureuse. Ici, il ne fait pas de doute, à notre avis, qu’il s’agit du résultat d’un amalgame de témoignages disparates non expliqué.

[30] Comme nous avons tenté de le démontrer, le verdict en l’espèce est apparu sans qu’il y ait une analyse de la preuve offerte. Comme le note la Cour suprême du Canada dans R. c. R.E.M, 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3 [R.E.M.], au par. 57, « [p]our procéder à un véritable examen en appel, la cour doit pouvoir discerner le fondement de la déclaration de culpabilité ».

[31] Depuis R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869 [Sheppard], le droit a pris un tournant au sujet de la nécessité pour les cours de première instance de justifier leurs décisions. Il continue d’exister une préoccupation de ne pas surcharger ces cours déjà trop occupées, si bien qu’il y a lieu de circonscrire les cas où des motifs plus élaborés sont requis. Ainsi, comme la Cour le notait dans Sheppard, au paragraphe 4, « il n’existe aucune obligation générale de prononcer des motifs lorsque la décision est par ailleurs appuyée par la preuve ou lorsque le fondement de la décision est évident compte tenu des circonstances (R. c. Barrett, [1995] 1 R.C.S. 752, p. 753) ». [En italique dans l’original.] Ce n’était pas le cas en l’espèce.

[32] Comme le disait la Cour suprême dans Sheppard, précité, le critère pour déterminer si un verdict est déraisonnable en appel vaut autant pour un procès avec jury que pour un procès devant un juge siégeant seul (par. 34). Il importe donc pour le juge de première instance « d’exprimer ses motifs sur une question clé dans des circonstances qui exigeaient une explication » (par. 39). Une omission pourrait être considérée comme une erreur de droit qui donnera ouverture à nouveau procès. Ainsi, est une erreur de droit le prononcé « des motifs insuffisants au point de priver une partie de son droit de faire examiner valablement la justesse de la décision de première instance par une cour d’appel » (Sheppard, au par. 40).

[33] Depuis Sheppard, précité, le droit a évolué. Dans R.E.M., précité, la Cour suprême a confirmé « sans l’ombre d’un doute que le juge qui préside un procès criminel, où l’innocence de l’accusé est en jeu, a l’obligation de motiver sa décision » (au par. 14). La même constatation avait été faite quelques mois plus tôt dans R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, [2008] 1 R.C.S. 788 [Dinardo], au paragraphe 24. Ce qui reste plus difficile est la détermination de ce qui constitue des motifs suffisants.

[34] Tant Sheppard, précité, (au par. 25) que Dinardo, précité, (au par. 25) établissent que la suffisance des motifs est fonction du fait que les lacunes des motifs font obstacle à un examen valable en appel. La Cour d’ajouter dans Dinardo :

[27] Les motifs « revêtent une importance particulière » lorsque le juge doit « démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires sur une question clé, à moins que le fondement de la conclusion du juge de première instance ressorte du dossier » (Sheppard, par. 55). En l’espèce, non seulement le témoignage de la plaignante était confus, mais il a été contredit par l’accusé. J’examinerai maintenant l’erreur que le juge du procès a commise, à mon avis, en n’expliquant pas comment il a concilié les déclarations contradictoires de la plaignante sur la possibilité qu’elle ait inventé une histoire. Je conclus en outre que le défaut du juge de fournir cette explication a causé un préjudice à l’accusé dans l’exercice du droit d’appel que lui confère la loi.

Il s’agit d’une erreur de droit (Sheppard, précité, au par. 28, et R.E.M., précité, au par. 52).

[35] Le rôle d’une cour d’appel n’est évidemment pas de déterminer si la cour de première instance s’est mal exprimée. Il est plutôt de rechercher si les motifs qui sous-tendent le verdict révèlent un fondement intelligible qui permettra un véritable examen en appel. Comme la Cour suprême le dit dans R.E.M., précité, au paragraphe 55, « Si les éléments de preuve sont embrouillés ou contradictoires, la cour d’appel doit se demander si le juge du procès a manifestement relevé et résolu les contradictions ».

[36] En l’espèce, le juge du procès n’a ni relevé ni résolu ce qu’il a conclu des trois témoignages traitant peut-être du même incident. Les incohérences entre les témoignages se devaient d’être résolues de façon à déterminer les preuves qui sont acceptées et les preuves qui sont rejetées. La preuve était embrouillée et ne concordait pas sur une question clé, soit les circonstances du second incident. En outre, selon les conclusions factuelles auxquelles le juge des faits en arrivera, on devrait établir s’il y a eu agression sexuelle et ce en quoi elle consistait. Il ne faisait guère de doute qu’un incident où le postérieur d’une plaignante aurait été empoigné constitue une agression sexuelle. Mais, si après une analyse rigoureuse de la preuve, les circonstances de l’incident sont différentes, le juge du procès devra déterminer si celles-ci suffisent pour constater hors de tout doute raisonnable la commission d’une agression sexuelle.

[37] La Cour suprême disait dans Sheppard, précité, au paragraphe 15 :

15 Les motifs de jugement constituent le principal mécanisme par lequel les juges rendent compte aux parties et à la population des décisions qu’ils prononcent. Les tribunaux disent souvent qu’il faut non seulement que justice soit rendue, mais qu’il soit manifeste qu’elle a été rendue, ce à quoi les critiques répondent qu’il est difficile de voir comment il pourrait être manifeste que justice a été rendue si les juges n’exposent pas les motifs de leurs actes. Les tribunaux de première instance, à qui il revient de tirer les conclusions de fait et les inférences essentielles, ne s’acquittent convenablement de leur obligation de rendre compte que si les motifs de leurs décisions sont transparents et accessibles au public et aux tribunaux d’appel.

[En italique dans l’original]

Cela dit avec égards, les motifs en l’espèce font défaut. On appelle d’un verdict, pas des motifs. Mais lorsque ceux-ci sont déficients au point de ne pas permettre un véritable examen du verdict, une cour d’appel se doit d’intervenir face à ce qui constitue alors une erreur de droit.

[38] Étant donné les témoignages rendus par la plaignante, et par Mmes K.J. et M.E.T., il eût fallu que le juge les examine et tire des conclusions de fait après avoir accepté ou rejeté certains éléments de preuve. Il nous semble déraisonnable de conclure sans analyse des témoignages que les deux témoins témoignaient du même incident. À la lumière des différences sur les faits relatés dans leurs témoignages, il aurait fallu que le juge se prononce sur quel témoignage il se base pour tirer ses conclusions. La superposition des témoignages sans explication rend le verdict déraisonnable, au point où on ne peut déterminer comment la cour de première instance en est arrivée à son verdict. Il n’appartient pas à la cour d’appel de peser leurs témoignages.

[39] Le verdict sur les chefs d’accusation 1 et 3 constitue un amalgame qui ne saurait tenir sans l’examen des témoignages qui mènerait à une explication, car les faits sont embrouillés et les témoignages ne concordent pas. Le point majeur dans cette affaire consiste en trois (3) versions différentes de deux (2) incidents. Nous acceptons qu’il n’est pas nécessaire qu’un juge concilie toutes les preuves; souvent, c’est impossible. Il ou elle peut n’accepter aucune preuve d’un témoin, accepter une partie de la preuve ou la totalité de la preuve (R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, [2008] 2 R.C.S. 152, au par. 10; R. c. Clark, 2012 CACM 3, au par. 42). Mais, dans un cas semblable, il faut dire ce qui est accepté et ce qui est rejeté, et il faut dire pourquoi. Par exemple, pour conclure que Mme K.J. témoignait du deuxième incident, le juge devait rejeter clairement sa preuve concernant l’heure de l’incident et la nature des actions posées. De fait, le juge du procès a conclu au caractère accidentel du premier incident. Si Mme K.J. avait raison concernant l’heure de l’incident qu’elle a vu, le geste qu’elle a vu faisait partie de « l’accident » sur la piste de danse et ne constitue pas de la preuve concernant le deuxième incident.

[40] Après examen du verdict rendu et des motifs à l’appui, nous devons conclure que les motifs au sujet du deuxième incident sont nettement insuffisants, voire essentiellement inexistants. Quant au premier incident, la Cour martiale a conclu à un contact accidentel, conclusion qui n’a pas fait l’objet d’un appel.

VI. Les motifs et le verdict sur le chef d’accusation 2

[41] Le harcèlement, ce qui comprend le harcèlement sexuel, est défini dans la DOAD 5012-0 comme suit :

Comportement inopportun d’une personne qui offense une autre personne en milieu de travail, y compris pendant toute activité ou dans tout lieu associé au travail, et dont l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser ou causer préjudice.[…]

La DOAD 5012-0 identifie également six (6) critères qui doivent être remplis pour qu’il ait eu harcèlement :

  1. comportement inopportun d’une personne;

  2. l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser ou causer un préjudice;

  3. si le harcèlement n’est pas lié aux motifs de discrimination prévus par la Loi canadienne sur les droits de la personne, le comportement doit viser le plaignant;

  4. le comportement doit avoir été offensant pour le plaignant;

  5. le comportement peut être une série d’incidents ou un seul incident grave qui a eu un impact durable sur le plaignant;

  6. le comportement doit avoir eu lieu en milieu de travail.

[42] Les difficultés rencontrées quant aux chefs 1 et 3 ne sont pas présentes quant au chef 2. Il y a moins de confusion et l’amalgame de témoignages concernant le verdict sur le deuxième chef d’accusation n’est pas problématique. Le juge militaire a accepté la preuve de la sgt P.B. selon laquelle le capt Duquette a dit « T’es fucking hot », alors qu’il se trouvait très près de (« collé sur ») la plaignante. Le juge militaire a aussi conclu que le capt Duquette « trouvait la plaignante sexuellement attirante » (p. 479, dossier d’appel). Finalement, le juge militaire a conclu que « le comportement était préjudiciable au bon ordre et à la discipline, car l’existence de cette norme [du non-harcèlement] a été établie, que l’accusé a admis connaître le contenu d’cette norme et que ses agissements étaient contraires au contenu d’la DOAD 5012-0, et l’état d’esprit blâmable de l’accusé » (ibid). Le juge militaire a parlé des différences de rang entre les deux. Il a accepté la preuve que le capt Duquette s’est approché de la plaignante au point d’être collé sur elle au milieu de collègues. Un tel comportement est inapproprié et inopportun. Il est offensant pour qui le subit et il ne peut qu’avoir un impact durable. À notre avis, un tel comportement sur une base militaire, à une fête militaire, a lieu en milieu de travail.

[43] À la lumière de tout ce qui précède, nous sommes persuadés que le verdict de culpabilité sur le deuxième chef d’accusation ne recèle aucune erreur de la part du juge militaire. (Voir R. c. Williams, 2017 CM 4017, au par. 58; R. c. Renaud, 2020 CACM 5.)

VII. Appel de la peine

[44] Le juge militaire a imposé une peine de rétrogradation au rang de capitaine à l’issue des condamnations. Le comportement du capt Duquette, qui constitue le harcèlement dont il a été reconnu coupable, était hautement répréhensible. Même si la peine résulte d’un verdict de culpabilité sur les trois chefs d’accusation, nous ne voyons aucun motif pour nous ingérer dans la décision d’imposer la peine de rétrogradation sur le deuxième chef d’accusation. Le juge militaire a bien expliqué son raisonnement, y compris l’impact d’une telle conduite sur le moral des troupes en général et de la victime en particulier. Il a tenu compte de la dissuasion, de la réinsertion dans la société et a bien considéré les facteurs aggravants et atténuants. Voir : R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, [2015] 3 R.C.S. 1089, aux par. 56-58; R. c. Hoekstra, 2017 CACM 5, au par. 25; R. c. Cardinal, 2012 QCCA 1838, au par. 62, [2012] CarswellQue 10406; R. c. McClelland, 2017 QCCS 2735, aux par. 82–83; Williams, précité; Renaud, précité.

[45] Le juge militaire a aussi ordonné à l’appelant de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, L.C. 2004, ch. 10, pour une période de 20 ans en vertu de l’alinéa 227.02(2)b) de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5 (LDN). Selon les articles 227 et 227.01 de la LDN, une telle ordonnance ne peut être rendue que pour certaines infractions visées au paragraphe 490.011(1) du Code criminel. En l’espèce, cette ordonnance ne peut qu’être en lien avec la condamnation pour agression sexuelle. Vu notre décision sur le premier chef d’accusation, l’ordonnance ne tient plus à ce stade. La question est devenue théorique.

[46] Le juge militaire a aussi rendu une ordonnance autorisant le prélèvement sur l’appelant d’échantillons de substances corporelles jugés nécessaires pour analyse génétique, en vertu de l’article 196.14 de la LDN. Selon l’article 196.11 de la LDN, comme pour l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, une telle ordonnance se doit d’être liée aux premier et troisième chefs. Vu notre décision sur les premier et troisième chefs d’accusation, cette ordonnance est devenue non avenue. La question est devenue théorique.

VIII. Conclusion

[47] Nous accueillons l’appel quant aux verdicts sur les premier et troisième chefs d’accusation. Nous rejetons l’appel du verdict sur le deuxième chef d’accusation, ainsi que l’appel de la peine de rétrogradation infligée.

[48] La réparation appropriée quant aux chefs 1 et 3 dépend de la nature du verdict déraisonnable. Si le verdict est déraisonnable parce qu’un jury ayant reçu des directives appropriées (ou un juge siégeant seul) ne pourrait conclure à la culpabilité, la réparation appropriée est normalement l’acquittement (Sinclair, précité, au par. 23, le juge Fish dissident quant au résultat). Or, « si la preuve est susceptible d’appuyer une condamnation » mais que le verdict est déraisonnable parce qu’« on [y] est arrivée d’une façon illogique ou irrationnelle » (Beaudry, précité, au par. 97, le juge Fish dissident quant au résultat), la réparation appropriée est la tenue d’un nouveau procès (Sinclair, précité, au par. 23, le juge Fish dissident ; R. v. Wright, 2013 MBCA 109 aux par. 53-54, [2013] M.J. No. 435; R. c. César-Nelson, 2014 QCCA 1129 au par. 107, [2014] JQ no 532; R. v. Lee, 2015 BCCA 512 au par. 48, [2015] B.C.J. No. 2748).

[49] L’appel sur le deuxième chef d’accusation est rejeté. L’appel sur les premier et troisième chefs d’accusation est accueilli. L’amalgame des témoignages sans explication et l’omission du juge militaire de tirer des inférences et des conclusions de fait logiques quant à la preuve par ailleurs embrouillée requièrent que l’appel soit accueilli. Des motifs insuffisants pour permettre qu’une cour d’appel puisse procéder à un véritable appel constituent une erreur de droit qui mérite intervention en appel. Par conséquent, selon la Cour, il est approprié d’accueillir l’appel et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès sur les premier et troisième chefs d’accusation.

« B. Richard Bell »

Juge en chef

« Yvan Roy »

j.c.a.

« Glennys McVeigh »

j.c.a.


ANNEXE

 

DOAD 5012-0, Prévention et résolution du harcèlement

DAOD 5012-0, Harassment Prevention and Resolution

1. Introduction

1. Introduction

Date de publication : 2000‑12-20

Date of Issue: 2000-12-20

Date de la dernière modification : 2020-03-24

Date of Last Modification: 2020-03-24

Application : La présente DOAD est une directive qui s’applique aux employés du ministère de la Défense nationale, ci-après nommés « employés du MDN », et une ordonnance qui s’applique aux officiers et aux militaires du rang des Forces armées canadiennes (FAC), ci‑après nommés « militaires ».

Application: This DAOD is a directive that applies to employees of the Department of National Defence (DND employees) and an order that applies to officers and non-commissioned members of the Canadian Armed Forces (CAF members).

Documents annulés :

OAFC 19-39, Harcèlement

OAPC 7.18, Harcèlement

Supersession:

CFAO 19-39, Harassment

CPAO 7.18, Harassment

[…]

[…]

2. Définitions

2. Definitions

agent responsable (responsible officer)

harassment (harcèlement)

• un directeur général au Quartier général de la Défense nationale;

Improper conduct by an individual, that offends another individual in the workplace, including at any event or any location related to work, and that the individual knew or ought reasonably to have known would cause offence or harm. It comprises objectionable act(s), comment(s) or display(s) that demean, belittle, or cause personal humiliation or embarrassment, and any act of intimidation or threat. It also includes harassment within the meaning of the Canadian Human Rights Act (i.e. based on race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, gender identity or expression, marital status, family status, genetic characteristics, disability, or conviction for an offence for which a pardon has been granted or in respect of which a record suspension has been ordered). Harassment is normally a series of incidents but can be one severe incident which has a lasting impact on the individual. Harassment that is not related to grounds set out in the Canadian Human Rights Act must be directed at an individual or at a group of which the individual is known by the harassing individual to be a member. (Defence Terminology Bank record number 19050)

un supérieur de directeur général au Quartier général de la Défense nationale dans le cadre d’une plainte de harcèlement concernant un directeur général ou un supérieur d’un directeur général;

• un officier commandant un commandement ou une formation;

• un chef d’état-major ou un officier équivalent à un commandement ou à une formation à la demande du commandant concerné;

• un commandant du quartier général de formation, à la demande du commandant de la formation, dans le cas d’une plainte de harcèlement qui a été déposée par un militaire;

• tout autre commandant;

• un cadre supérieur civil à la tête d’une unité hébergée ou intégrée dans une région ou une formation. (Banque de terminologie de la défense, fiche numéro 43231)

harcèlement (harassment)

responsible officer (agent responsable)

Comportement inopportun d’une personne qui offense une autre personne en milieu de travail, y compris pendant toute activité ou dans tout lieu associé au travail, et dont l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser ou causer préjudice. Il comprend tout acte, propos ou exhibition qui diminue, rabaisse, humilie ou embarrasse une personne, ou tout acte d’intimidation ou de menace. Il comprend également le harcèlement au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (c.-à-d. en raison de la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, la déficience ou l’état de personne graciée). Le harcèlement est normalement constitué d’une série d’incidents, mais peut être constitué d’un seul incident grave lorsqu’il a un impact durable sur la personne. Le harcèlement qui n’est pas lié à des motifs prévus par la Loi canadienne sur les droits de la personne doit viser une personne ou un groupe dont l’auteur du harcèlement sait que la personne harcelée fait partie. (Banque de terminologie de la défense, fiche numéro 19050)

• a director general at National Defence Headquarters;

• a superior of a director general at National Defence Headquarters in the case of a complaint of harassment involving a director general or superior of a director general;

• an officer commanding a command or formation;

• a chief of staff or equivalent officer at a command or formation if directed by the applicable commander;

• a commanding officer of a formation headquarters if directed by the formation commander in the case of any complaint of harassment made by a CAF member;

• any other commanding officer; or

• a senior civilian manager who is a head of a lodger or integral unit in a region or formation. (Defence Terminology Bank record number 43231)

milieu de travail (workplace)

workplace (milieu de travail)

• Tout lieu ou environnement de travail où s’exercent des fonctions et autres activités professionnelles et où des relations de travail entrent en jeu, notamment :

• Any location where work-related functions and other activities take place and work relationships exist, such as:

• pendant un déplacement;

• on travel status;

• dans le cadre d’une conférence où la présence est sanctionné par le MDN ou les FAC;

• at a conference where the attendance is sanctioned by the DND or the CAF;

• dans le cadre d’activités d’instruction ou de formation sanctionnées par le MDN ou les FAC, ou dans le cadre de séances d’information;

• at DND or CAF sanctioned instruction or training activities, or information sessions; or

• dans le cadre d’activités sanctionnées par le MDN ou les FAC, y compris des activités sociales. (Banque de terminologie de la défense, fiche numéro 43176)

• at DND or CAF sanctioned events, including social events. (Defence Terminology Bank record number 43176)

3. Orientation de la politique

3. Policy Direction

Interprétation

Interpretation

3.1 Dans la présente DOAD :

3.1 In this DAOD:

le « harcèlement » peut inclure l’abus ou l’exercice inapproprié de l’autorité qui est inhérente au poste d’une personne;

“harassment” may include the abuse or misuse of authority inherent in the position of an individual;

le « harcèlement » est également tout acte commis à la suite d’une coercition explicite ou implicite et qui diminue, rabaisse ou humilie ou embarrasse une personne lors de toute cérémonie ou de tout autre événement, tel qu’un rite d’initiation;

“harassment” is also any act that involves participation as a result of expressed or implied coercion, and that demeans, belittles or causes personal humiliation or embarrassment at any ceremony or other event, such as an initiation rite;

l’« abus de pouvoir » peut signifier : profiter d’un poste d’autorité pour exploiter, compromettre ou maltraiter autrui; faire l’usage inapproprié du pouvoir ou de l’autorité pour mettre en péril l’emploi d’une personne ou menacer le moyen de subsistance d’une personne ou pour nuire ou influencer la carrière d’une personne; intimidation, menaces, chantage et coercition. L’abus de pouvoir peut inclure des comportements tels que les cris, la dépréciation du travail d’une personne, le favoritisme ou la désapprobation, la retenue injustifiée des renseignements dont une personne a besoin pour exécuter son travail et le recours à des subordonnés pour exécuter des tâches personnelles. Toutefois, si une personne est en position d’autorité par rapport à une autre personne dans une situation en vertu de la loi, du grade militaire, de la classification ou d’une nomination civile, l’exercice opportun de ce pouvoir ne constitue pas du harcèlement. Cela comprend le bon exercice des pouvoirs relatifs à la prestation de conseils, à l’attribution du travail, au counseling, à l’évaluation du rendement, à la discipline et à d’autres fonctions de supervision et de leadership.

“abuse of authority” may mean: taking advantage of a position of authority to exploit, compromise or mistreat others; the improper use of power or authority to endanger a person’s job or threaten a person’s economic livelihood, or to interfere with or influence the career of an individual; intimidation, threats, blackmail and coercion. Abuse of Power may include behaviour such as shouting, belittling a person’s work, favouritism/disfavourtism, unjustifiably withholding information that a person needs to perform their work and asking subordinates to take on personal errands. However, if an individual has authority over another individual in a situation by virtue of law, military rank, civilian classification or appointment, the proper exercise of that authority is not harassment. This includes the proper exercise of authority related to the provision of advice, the assignment of work, counselling, performance appraisal, discipline, and other supervisory and leadership functions.

le « milieu de travail » dans le contexte du MDN et des FAC englobe des lieux comme les mess, les clubs situés à la base, les quartiers d’habitation, les salles à manger, les gymnases et les activités sanctionnées comme les rassemblements des fêtes et les fêtes de classe de même que les bureaux, les salles de classe, les garnisons, les navires, les hangars, les véhicules, les aéronefs, les forums en ligne, etc.

“workplace” in the DND and CAF context can include places such as messes, on-base clubs, quarters, dining halls, gyms, and sanctioned events such as holiday gatherings and course parties as well as office spaces, classrooms, garrisons, ships, hangars, vehicles, aircraft, online forums, etc.

Énoncé de politique

Policy Statement

3.2 Le harcèlement sous toutes ses formes, y compris dans l’utilisation des médias sociaux, constitue une conduite inacceptable et ne sera pas toléré au MDN et dans les FAC. Il est interdit à tout employé du MDN ou militaire de faire subir du harcèlement à toute personne en milieu de travail.

3.2 Harassment in any form, including in the use of social media, constitutes unacceptable conduct and will not be tolerated in the DND and the CAF. It is prohibited for any DND employee or CAF member to subject any person in the workplace to harassment.

3.3 Le MDN et les FAC s’engagent à offrir un milieu de travail respectueux par les moyens suivants :

3.3 The DND and the CAF are committed to providing a respectful workplace through:

a. prévenir le harcèlement en :

a. prevention of harassment by:

i. assurant la promotion d’une politique globale en matière de prévention et de sensibilisation au harcèlement;

i. establishing the promotion of a comprehensive harassment prevention and awareness policy;

ii. veillant à ce que tous les employés du MDN et les militaires aient le droit d’être traités avec respect et dignité dans un milieu de travail exempt de harcèlement;

ii. ensuring that all DND employees and CAF members have the right to be treated respectfully and with dignity in a workplace free of harassment; and

iii. s’assurant que les gestionnaires, les superviseurs et les leaders à tous les niveaux prennent des mesures immédiates, qu’une plainte ait été déposée ou non, pour mettre un terme à tout harcèlement :

iii. ensuring that managers, supervisors and leaders at all levels take immediate steps, whether or not a complaint has been submitted, to stop any harassment that:

 

• dont ils sont témoins;

• they witness; or

• qui leur est signalé;

• is brought to their attention;

b. résoudre le harcèlement en :

b. resolution of harassment by:

i. établissant des processus efficaces de résolution des plaintes de harcèlement, y compris des activités de rétablissement du milieu de travail;

i. establishing efficient harassment complaint resolution processes, including workplace restoration activities;

ii. offrant une résolution informelle des conflits, en temps opportun, le cas échéant;

ii. offering informal conflict resolution, in a timely fashion, if appropriate;

iii. prenant des mesures en milieu de travail lorsqu’il a été établi qu’il n’y a pas eu de harcèlement, mais qu’un conflit en milieu de travail existe;

iii. taking steps in the workplace when it has been determined that harassment has not occurred but that a workplace conflict exists; and

c. surveiller l’efficacité de la présente DOAD et des autres politiques et instructions applicables.

c. monitoring of the effectiveness of this DAOD and other applicable policies and instructions.

 

3.4 Le MDN et les FAC affirment qu’un environnement qui favorise le travail d’équipe et encourage les personnes à faire de leur mieux pour atteindre les objectifs de défense du Canada est essentiel. La confiance et le soutien mutuels, de même que le respect de la dignité et des droits de chacun, sont des caractéristiques essentielles d’un tel environnement et sont directement liés au premier principe éthique (Respecter la dignité de toute personne) dans le Code de valeurs et d’éthique du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.

3.4 The DND and the CAF affirm that a work environment that fosters teamwork and encourages individuals to contribute their best effort in order to achieve the defence objectives of Canada is essential. Mutual trust, support and respect for the dignity and rights of every person are essential characteristics of this environment and are directly linked to the first ethical principle (Respect the Dignity of all Persons) in the Department of National Defence and Canadian Forces Code of Values and Ethics.

3.5 Le harcèlement sous certaines formes est non seulement illégal, mais il mine également la confiance mutuelle et le respect d’autrui et peut empoisonner le milieu de travail. Par conséquent, l’efficacité opérationnelle, la productivité, la cohésion et le moral de l’équipe peuvent en pâtir.

3.5 Harassment in certain forms is not only against the law, but also erodes mutual confidence and respect for individuals and can lead to a poisoned work environment. As a result, operational effectiveness, productivity, team cohesion and morale are placed at risk.

3.6 Les six critères suivants, tels qu’énoncés dans la définition de harcèlement à la section 2 de cette DOAD, doivent être présents pour qu’il y ait eu harcèlement :

3.6 The following six criteria, as set out in the definition of harassment in section 2 of this DAOD, must be met for harassment to have occurred:

a. comportement [inopportun] d’une personne;

a. improper conduct by an individual;

b. l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser ou causer un préjudice;

b. individual knew or ought reasonably to have known that the conduct would cause offence or harm;

c. si le harcèlement n’est pas lié aux motifs de discrimination prévus par la Loi canadienne sur les droits de la personne, le comportement doit viser le plaignant;

c. if the harassment does not relate to a prohibited ground of discrimination under the Canadian Human Rights Act, the conduct must have been directed at the complainant

d. le comportement doit avoir été offensant pour le plaignant;

d. the conduct must have been offensive to the complainant;

e. le comportement peut être une série d’incidents ou un seul incident grave qui a eu un impact durable sur le plaignant;

e. the conduct may consist of a series of incidents, or one severe incident which had a lasting impact on that complainant; and

f. le comportement doit avoir eu lieu en milieu de travail.

f. the conduct must have occurred in the workplace.

Obligations

Obligations

3.7 Le MDN et les FAC doivent fournir aux employés du MDN et aux militaires :

3.7 The DND and the CAF must provide DND employees and CAF members with:

a. des renseignements sur ce qui suit :

a. information about:

i. le comportement qui constitue du harcèlement;

i. conduct that constitutes harassment;

ii. leurs droits et leurs responsabilités à l’égard de la prévention et de la résolution du harcèlement;

ii. their rights and responsibilities in respect of harassment prevention and resolution;

iii. les manières de faire face au harcèlement;

iii. ways of dealing with harassment; and

iv. les ressources qui sont mises à leur disposition;

iv. the resources available to them;

b. des activités de prévention du harcèlement pour favoriser un milieu de travail respectueux;

b. ongoing prevention activities to promote a respectful workplace;

c. une connaissance des différents mécanismes de résolution informels en cas de harcèlement;

c. knowledge of the various informal resolution mechanisms in the case of harassment;

d. l’accès à des processus efficaces, rapides et confidentiels de résolution de plaintes de harcèlement, sans crainte de représailles;

d. access, without fear of reprisal, to effective, timely and confidential harassment complaint resolution processes;

e. une définition claire des rôles et des responsabilités des agents responsables (AR), des conseillers et enquêteurs en matière de harcèlement, des conseillers en relations de travail et des autres personnes qui occupent des postes clés à l’appui de la prévention et de la résolution du harcèlement;

e. clear roles and responsibilities for responsible officers (RO), harassment advisors and investigators, labour-relations officers and other persons in key positions in support of harassment prevention and resolution; and

f. une orientation, du soutien et de la formation pour les AR et les superviseurs afin de s’acquitter de leurs responsabilités visant à prévenir le harcèlement et à résoudre le harcèlement et les situations conflictuelles qui peuvent survenir.

f. guidance, support and training for ROs and supervisors to carry out their responsibilities to prevent harassment and resolve harassment and conflict situations that may occur.

Nota 1 – Toutes les parties qui prennent directement part à la résolution d’une plainte de harcèlement ou d’un conflit en milieu de travail doivent limiter les discussions portant sur la plainte à ceux et celles qui en ont besoin.

Note 1 All parties directly involved in the resolution of a complaint of harassment or workplace conflict are expected to limit the discussions pertaining to the complaint to those who need to know.

Nota 2 – Tous les décideurs impliqués dans la résolution d’une plainte de harcèlement doivent respecter les principes d’équité procédurale et de justice naturelle. Cela comprend :

Note 2All decision-makers involved in the resolution of a complaint of harassment must adhere to the principles of procedural fairness and natural justice. This includes:

• la notification aux parties concernées qu’une plainte a été déposée et des allégations formulées;

• notice to affected parties that a complaint has been submitted and of the allegations;

• la divulgation des renseignements qui seront utilisés pour rendre une décision;

• disclosure of information to be used in rendering a decision;

• la possibilité de présenter des observations;

• an opportunity to make representations;

• le droit à une décision juste et impartiale;

• the right to a fair and unbiased decision; and,

• les motifs écrits de la décision.

• written reasons for the decision.

En plus d’un rapport d’enquête final, les décisions comprennent également l’évaluation de la situation. Tout AR qui est en situation réelle ou perçue de conflit d’intérêts ou qui est partial d’une façon quelconque doit se retirer d’un dossier, notamment aux étapes préliminaires et avant le déroulement d’une évaluation de la situation.

In addition to a final investigative report, decisions also include the Situational Assessment. Any RO that is in a real or perceived conflict of interest or is biased in any way must recuse themselves from a file, including at the initial stages and prior to conducting a Situational Assessment.

3.8 La capacité du MDN et des FAC de fournir des processus confidentiels de résolution des plaintes de harcèlement peut être limitée par toute obligation qui incombe à un militaire de signaler à une autorité compétente une infraction aux lois, aux règlements, aux règles, aux ordres et aux directives pertinents qui régissent la conduite de toute personne assujettie au Code de discipline militaire. Les autorités de l’unité doivent consulter le représentant local du Juge-avocat général, au besoin.

3.8 The ability of the DND and the CAF to provide confidential harassment complaint resolution processes may be limited by any obligation on a CAF member to report to the proper authority an infringement of the pertinent statutes, regulations, rules, orders and instructions that govern the conduct of any person subject to the Code of Service Discipline. Unit authorities should consult with the local representative of the Judge Advocate General as appropriate.

3.9 Lorsque le harcèlement, tel que défini à la section 2 de cette DOAD, est considéré comme n’ayant pas eu lieu mais qu’un conflit en milieu de travail existe, l’AR doit prendre des mesures pour le résoudre.

3.9 When harassment, as defined in section 2 of this DAOD, is considered not to have occurred but a workplace conflict exists, the RO must take steps to address the conflict.

3.10 Des instructions détaillées de mise en œuvre sont énoncées dans les Lignes directrices sur la prévention et la résolution du harcèlement connexes.

3.10 Detailed implementing instructions are set out in the associated Harassment Prevention and Resolution Instructions.

4. Conformité et conséquences

4. Compliance and Consequences

Conformité

Compliance

4.1 Les employés du MDN et les militaires doivent se conformer à la présente DOAD. Si des éclaircissements sur les politiques ou les instructions énoncées dans la présente DOAD sont nécessaires, les employés du MDN et les militaires peuvent demander des directives par l’entremise de leur voie de communication ou de la chaîne de commandement, selon le cas. Les gestionnaires et les supérieurs militaires sont les principaux responsables, et détiennent les principaux moyens, d’assurer que les employés du MDN et les militaires qui relèvent d’eux se conforment à la présente DOAD.

4.1 DND employees and CAF members must comply with this DAOD. Should clarification of the policies or instructions set out in this DAOD be required, DND employees and CAF members may seek direction through their channel of communication or chain of command, as appropriate. Managers and military supervisors have the primary responsibility for and means of ensuring the compliance of their DND employees and CAF members with this DAOD.

Conséquences d’une non-conformité

Consequences of Non-Compliance

4.2 Les employés du MDN et les militaires sont tenus de rendre compte respectivement à leur gestionnaire ou à leur supérieur militaire de tout cas de non-conformité aux directives énoncées dans la présente DOAD. La non-conformité à la présente DOAD peut entraîner des conséquences tant pour le MDN et les FAC, en tant qu’institutions, que pour les employés du MDN et les militaires, en tant qu’individus. Tout cas de non-conformité soupçonnée pourrait faire l’objet d’une enquête. Les gestionnaires et les supérieurs militaires doivent prendre ou imposer les mesures correctives appropriées dans le cas où la non-conformité à la présente DOAD entraîne des conséquences pour le MDN ou les FAC. La décision d’un conseillers de niveau un (N1) ou d’un autre haut fonctionnaire de prendre des mesures ou d’intervenir dans un cas de non-conformité, sauf en ce qui concerne une décision prise en vertu du Code de discipline militaire à l’égard d’un militaire, dépendra du niveau de risque évalué en fonction des incidences et de la probabilité d’un résultat défavorable découlant du cas de non-conformité et des autres circonstances entourant ce cas.

4.2 DND employees and CAF members are accountable to their respective managers and military supervisors for any failure to comply with the direction set out in this DAOD. Non-compliance with this DAOD may have consequences for both the DND and the CAF as institutions, and for DND employees and CAF members as individuals. Suspected non-compliance may be investigated. Managers and military supervisors must take or direct appropriate corrective measures if non-compliance with this DAOD has consequences for the DND or the CAF. The decision of an L1 or other senior official to take action or to intervene in a case of non-compliance, other than in respect of a decision under the Code of Service Discipline regarding a CAF member, will depend on the degree of risk based on the impact and likelihood of an adverse outcome resulting from the non-compliance and other circumstances of the case.

4.3 La nature et la gravité des conséquences découlant d’une non-conformité devraient être proportionnelles aux circonstances entourant le cas de non-conformité et aux autres circonstances pertinentes. Une non-conformité pourrait entraîner une ou plusieurs des conséquences suivantes :

4.3 The nature and severity of the consequences resulting from non-compliance should be commensurate with the circumstances of the non-compliance and other relevant circumstances. Consequences of non-compliance may include one or more of the following:

a. l’ordre de suivre l’apprentissage, la formation, l’instruction ou le perfectionnement professionnel approprié;

a. the ordering of the completion of appropriate learning, training or professional development;

b. l’inscription d’observations dans l’évaluation du rendement individuel;

b. the entering of observations in individual performance appraisals;

c. le renforcement des mesures de suivi et de contrôle du rendement;

c. increased reporting and performance monitoring;

d. la révocation, en partie ou en totalité, de l’autorité qu’accorde la présente DOAD à un employé du MDN ou à un militaire;

d. the withdrawal of any authority provided under this DAOD to a DND employee or CAF member;

e. le signalement des infractions soupçonnées aux autorités chargées de l’application de la loi;

e. the reporting of suspected offences to responsible law enforcement agencies;

f. l’imposition des conséquences particulières énoncées dans les lois et les codes de conduite applicables ainsi que les politiques et directives du MDN ou des FAC;

f. the application of specific consequences as set out in applicable laws, codes of conduct, and DND and CAF policies and instructions;

g. l’application de toute autre mesure administrative, incluant l’imposition de mesures disciplinaires, à l’endroit d’un employé du MDN;

g. other administrative action, including the imposition of disciplinary measures, for a DND employee;

h. l’application de toute autre mesure administrative ou disciplinaire, ou les deux, à l’endroit d’un militaire;

h. other administrative or disciplinary action, or both, for a CAF member; and

i. l’imposition de la responsabilité de Sa Majesté du chef du Canada, des employés du MDN ou des militaires.

i. the imposition of liability on the part of Her Majesty in right of Canada, DND employees and CAF members.

Nota – En ce qui concerne la conformité des employés du MDN, voir le Cadre stratégique sur la gestion de la conformité du Conseil du Trésor pour de plus amples informations.

Note In respect to the compliance of DND employees, see the Treasury Board Framework for the Management of Compliance for additional information.

[…]

[…]


COUR D’APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

CMAC-605

 

 

INTITULÉ :

CAPITAINE ÉRIC DUQUETTE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 juin 2021

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE ROY

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE :

LE 23 décembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Me Charles Cantin

Me Sylvain Morissette

 

Pour l’appelant

 

Maj Patrice Germain

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cantin Boulianne Avocats

Saguenay (Québec)

 

Pour l’appelant

 

Service canadien des poursuites militaires

Quartier général de la défense nationale

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimée

 

 

 

 

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