Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20201231


Dossier : CMAC-602

Référence : 2020 CACM 8

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE RENNIE

LA JUGE PARDU

 

 

ENTRE :

LE CAPORAL C.R. MCGREGOR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 26 juin 2020.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 31 décembre 2020.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA COUR

 


Date : 20201231


Dossier : CMAC-602

Référence : 2020 CACM 8

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE RENNIE

LA JUGE PARDU

 

 

ENTRE :

LE CAPORAL C.R. MCGREGOR

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT


Table des matières

I. Aperçu  1

II. Les faits  6

III. La décision de la cour martiale  8

IV. Les thèses de l’appelant et de l’intimée  10

V. Analyse  13

A. L’application extraterritoriale de la Charte – principes de base  13

B. La preuve de l’acquiescement  15

C. L’incidence de la SOFA de l’OTAN  19

D. L’exigence relative à l’équité du procès  23

VI. Conclusion  30

LA COUR

I.  Aperçu

[1]  Le présent appel soulève une question qui n’a jamais été examinée, à savoir l’application extraterritoriale de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la Charte), lorsque la personne visée par une enquête criminelle était membre des Forces armées canadiennes et devait être à l’étranger.

[2]  Alors qu’il était en poste à Washington et qu’il habitait à Alexandria, en Virginie, l’appelant, le caporal McGregor, a fait l’objet d’une enquête criminelle menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (le SNEFC). Muni d’un mandat de perquisition délivré par un magistrat d’une cour de l’État de la Virginie, un agent du service de police d’Alexandria a fouillé la résidence et les ordinateurs du caporal McGregor. Lors de l’audience devant la cour martiale qui a suivi la perquisition, le caporal McGregor a cherché à faire exclure des éléments de preuve au motif qu’il y a eu violation de son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives garanti par l’article 8 de la Charte. Le juge militaire a conclu que la Charte ne s’appliquait pas à l’extérieur du Canada et que le fait d’admettre en preuve ces éléments ne violait pas le droit du caporal McGregor à un procès équitable reconnu par la common law.

[3]  Le juge militaire a déclaré le caporal McGregor coupable relativement à deux chefs d’accusation de voyeurisme, une infraction prévue au paragraphe 162(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 (le Code criminel), à un chef de possession d’un dispositif d’interception illégale, une infraction prévue au paragraphe 191(1) du Code criminel, à un chef d’agression sexuelle, une infraction prévue à l’article 271 du Code criminel, et à un chef de conduite déshonorante, une infraction prévue à l’article 93 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5 (la LDN). Bien que le caporal McGregor ait initialement indiqué dans son avis d’appel qu’il faisait appel des déclarations de culpabilité et de la peine, ni le caporal McGregor ni le ministère public n’ont examiné les questions liées à la peine dans leurs observations écrites, et le caporal McGregor a abandonné ce moyen d’appel au début de l’audience.

[4]  L’application extraterritoriale de la Charte fait l’objet de débat devant les tribunaux canadiens. Cela est fort compréhensible, étant donné le grand nombre de circonstances et des situations juridiques dans lesquelles la question peut se poser.

[5]  Dans les arrêts R. c. Harrer, [1995] 3 R.C.S. 562, 128 D.L.R. (4th) 98 [Harrer], R. c. Terry, [1996] 2 R.C.S. 207, 135 D.L.R. (4th) 214 [Terry], et Schreiber c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 841, 158 D.L.R. (4th) 577 [Schreiber], la Cour suprême du Canada a conclu que la Charte ne s’applique pas aux actes posés par des autorités étrangères. Le critère pour déterminer l’admissibilité d’éléments de preuve recueillis par des autorités étrangères à l’étranger n’est pas celui prescrit par la Charte; il est plutôt fonction de l’incidence de cette admissibilité sur l’équité du procès. En d’autres termes, il faut décider si l’admission des éléments de preuve constituerait-elle une « injustice criante au point de rejeter les valeurs qui sous‑tendent notre système judiciaire et de tolérer des procédures qui sont totalement condamnées au Canada » (Harrer, au par. 51).

[6]  La Cour suprême du Canada a appliqué de manières différentes le critère relatif à l’admissibilité des éléments de preuve recueillis par des autorités canadiennes agissant à l’étranger. Dans l’arrêt R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597, 164 D.L.R. (4th) 1 [Cook], qui portait sur l’admissibilité d’une déclaration obtenue à l’étranger par des policiers canadiens, la Cour a conclu que la Charte s’appliquait, à condition que cela ne produise pas un effet extraterritorial inacceptable. La Cour n’a toutefois pas défini l’expression « effet extraterritorial inacceptable ». Dans l’arrêt R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292 [Hape], le juge LeBel, s’exprimant au nom des cinq juges majoritaires, a infirmé l’arrêt Cook. Le juge LeBel a conclu que le seul fait d’appliquer la Charte à une enquête à l’étranger est en soi une application extraterritoriale inacceptable de la compétence d’exécution du Canada. Il convient de souligner que la question de l’application extraterritoriale de la Charte a également fait l’objet d’une analyse complète dans l’arrêt R. v. Tan, 2014 BCCA 9, [2014] B.C.J. no 26 (QL), dont les motifs ont été rédigés par la juge Bennett s’exprimant au nom de la Cour.

[7]  Bien que nous soyons d’accord avec le juge militaire que, conformément à l’arrêt Hape, la Charte ne s’appliquait pas à l’appelant lorsqu’il travaillait à l’étranger, cette conclusion ne scelle pas le sort de l’affaire. Suivant l’arrêt Hape, même dans les situations où la Charte ne s’applique pas, le juge du procès conserve le pouvoir discrétionnaire résiduel d’exclure les éléments de preuve qui rendraient inéquitable le procès instruit au Canada (au par. 109). Il incombait donc au juge militaire d’examiner la question de l’équité du procès avant d’admettre les éléments de preuve contestés.

[8]  Contrairement aux citoyens ordinaires à l’étranger, les militaires canadiens sont assujettis à l’application extraterritoriale du droit criminel canadien au moyen du code de discipline militaire, conformément à l’article 163.5 de la LDN. Toutefois, ils peuvent également bénéficier des conventions sur le « statut des forces », telles que la Convention entre les États parties au Traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, 19 juin 1951, R.T. Can. 1953, no 13 (entrée en vigueur le 23 août 1953) [la SOFA de l’OTAN]. Ces conventions précisent les circonstances dans lesquelles le droit canadien ou étranger s’applique aux militaires. Elles prévoient également, là encore uniquement en ce qui concerne les membres des Forces armées canadiennes, qu’ils peuvent être poursuivis et jugés à l’étranger en vertu du droit canadien. Nous soulignons, incidemment, qu’au cours des dernières années, des procès devant la cour martiale ont eu lieu à l’extérieur du Canada dans divers pays, dont la République fédérale d’Allemagne, la République de Croatie et la République islamique d’Afghanistan.

[9]  En conséquence, le militaire canadien en affectation à l’étranger est exceptionnellement assujetti à la fois au droit criminel canadien et, dans la plupart des cas, au droit criminel des États étrangers. Ce sont les autorités de ces États qui, généralement avec le soutien du SNEFC, mènent les enquêtes et recueillent les éléments de preuve à l’étranger. Le droit de fond en matière criminelle et la procédure pénale du pays régissent ces enquêtes, fouilles et perquisitions, et tout écart aux droits garantis la Charte lors de la collecte d’éléments de preuve par les autorités locales peut avoir une incidence sur l’équité du procès devant une cour martiale.

[10]  Les tribunaux doivent nécessairement être conscients du cadre juridique plus vaste qui détermine le statut des membres des Forces armées canadiennes à l’étranger, ainsi que des différences du droit de fond en matière criminelle et de la procédure pénale applicables à l’étranger, où les militaires sont également assujettis au droit canadien. Par conséquent, s’agissant des militaires, il convient de commencer l’analyse de l’équité du procès en se demandant s’il y a eu une atteinte aux droits garantis par la Charte, ou toute autre atteinte à l’équité du procès, pour ensuite déterminer si l’atteinte justifie le rejet des éléments de preuve.

[11]  En l’espèce, compte tenu des ressemblances entre le droit de fond et le droit procédural des États-Unis d’Amérique et ceux du Canada, qui protègent les accusés contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, nous ne modifierons pas la conclusion du juge du procès. Les actes des fonctionnaires canadiens et américains agissant aux États-Unis, tout comme les procédures suivies par ceux-ci, auraient été conformes à la Charte si elle s’était appliquée à eux. À moins que l’équité du procès soit compromise d’une autre manière, les actes de ces fonctionnaires n’ont aucunement nui à l’équité du procès ultérieur du caporal McGregor. Nous rejetterons l’appel.

II.  Les faits

[12]  D’août 2015 à mars 2017, le caporal McGregor, alors militaire du rang en service dans la force régulière des Forces armées canadiennes, a été affecté à l’État-major de liaison des Forces canadiennes à l’ambassade du Canada à Washington. Lorsqu’il était en poste à Washington, il était « agent diplomatique » au sens du paragraphe 1 de l’article 31 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, 18 avril 1961, 500 R.T.N.U. 95 (entrée en vigueur le 24 juin 1964) [la Convention de Vienne]. En cette qualité, il jouissait d’une immunité quant à sa personne, à ses biens et à sa demeure.

[13]  Le 28 janvier 2017, un autre membre des Forces armées canadiennes en poste à Washington a découvert un dispositif d’enregistrement audio dans sa résidence. Elle a porté plainte et le SNEFC a ouvert une enquête. L’enquêteur principal, le lieutenant Rioux, a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables et probables de croire que le caporal McGregor avait commis les infractions de possession d’un dispositif d’interception illégale et de voyeurisme. L’enquêteur a également conclu, à bon droit, qu’il ne pouvait pas en vertu du droit canadien obtenir un mandat de perquisition l’autorisant à fouiller la résidence du caporal McGregor en Virginie. Aux termes de l’article 106.05 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes [les ORFC], un commandant ne peut délivrer un mandat que pour des biens placés sous l’autorité des Forces armées canadiennes.

[14]  En conséquence, le lieutenant Rioux a demandé l’aide du service de police d’Alexandria afin d’obtenir un mandat de perquisition l’autorisant à pénétrer dans la résidence du caporal McGregor et à procéder à une fouille des lieux et de tout dispositif électronique s’y trouvant. Le service de police d’Alexandria a accepté d’aider le lieutenant, mais a indiqué qu’il ne pouvait pas demander un tel mandat en raison de l’immunité diplomatique dont bénéficiait le caporal McGregor. En conséquence, le Canada, au moyen de la note diplomatique WSHDC-4086, du 14 février 2017, envoyée par l’ambassade du Canada au secrétaire d’État américain, a renoncé à l’immunité du caporal McGregor relativement à sa demeure suivant l’article 30 de la Convention de Vienne. Le caporal McGregor a toutefois continué de jouir de l’inviolabilité de sa personne et de bénéficier de l’immunité en matière d’arrestation.

[15]  La renonciation en question a permis au service de police d’Alexandria d’obtenir un mandat de la cour de l’État de la Virginie. Voici le dispositif de ce mandat :

[traduction] Par la présente, vous êtes autorisés, au nom du Commonwealth, à procéder immédiatement à la fouille du lieu, de la personne ou des choses, de jour ou de nuit [...], à la recherche des biens, objets et/ou personnes qui suivent : appareil photo, caméra, autres dispositifs électroniques d’enregistrement audio/photo/vidéo, ordinateur, téléphone cellulaire, autres dispositifs d’accès à Internet, dispositifs de services Internet, dispositifs de stockage électronique externe, et à faire l’analyse des objets saisis. La photographie des locaux et/ou des objets saisis est autorisée.

[16]  Le 16 février 2017, trois membres du SNEFC et de la police d’Alexandria ont exécuté le mandat de perquisition à la résidence du caporal McGregor. Les policiers d’Alexandria ont forcé la porte et protégé les lieux, puis ont invité les agents du SNEFC à procéder à la perquisition. Deux enquêteurs spécialisés en criminalistique, l’un provenant du SNEFC et l’autre, de la police d’Alexandria, ont choisi les objets à saisir en fouillant la plupart des dispositifs électroniques afin de choisir les objets à saisir. Les dispositifs n’ont tous pas été triés sur place en raison des contraintes de temps prévues dans le mandat. Les enquêteurs ont saisi les dispositifs qu’ils n’ont pas pu trier sur place, ainsi que les dispositifs déjà choisis qui contenaient des éléments de preuve que les enquêteurs croyaient raisonnablement être visés par le mandat.

[17]  Un enquêteur du SNEFC a arrêté le caporal McGregor alors qu’il était encore à Washington et l’a informé de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat garanti par l’alinéa 10b) de la Charte. L’enquêteur pouvait faire l’arrestation à l’étranger conformément au paragraphe 155(1) de la LDN et l’a fait de la façon prévue par ce paragraphe. Comme l’exigeait le mandat initial, le service de police d’Alexandria a fait rapport des objets saisis à la cour de l’État de la Virginie, de façon semblable à celle prévue en droit pénal canadien. Le SNEFC a ensuite envoyé les dispositifs électroniques saisis au Canada, où il a obtenu des mandats canadiens auprès de la cour martiale afin de procéder à une analyse plus approfondie de ces dispositifs.

III.  La décision de la cour martiale

[18]  Le caporal McGregor a présenté au juge militaire une requête fondée sur le paragraphe 24(2) de la Charte visant à exclure les éléments de preuve obtenus lors de la fouille, la perquisition et la saisie des dispositifs électroniques trouvés dans sa demeure en Virginie. Il a invoqué son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives que lui garantit l’article 8 de la Charte. S’appuyant sur l’arrêt R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657 [Vu], il a fait valoir qu’il fallait obtenir un mandat distinct pour la fouille et la perquisition des dispositifs électroniques. Suivant l’arrêt Hape, le juge militaire a conclu que la Charte ne s’appliquait pas parce que le SNEFC ne pouvait pas obtenir son propre mandat de perquisition des lieux. Par conséquent, selon le juge militaire, le droit de la Virginie était le [traduction] « cadre juridique » applicable à l’enquête du SNEFC. Le juge militaire a fondé cette conclusion sur le paragraphe 104 de l’arrêt Hape : « Le Canada n’a pas compétence dans tous les domaines à l’égard des actes permis à l’agent dans l’autre État. Lorsque survient une telle limitation de la compétence du Canada, elle vaut aussi pour l’application de la Charte. »

[19]  Le juge militaire a ensuite précisé que même si la Charte s’était appliquée, il n’aurait pas conclu à la violation des droits que la Charte garantit au caporal McGregor. Il a tiré les conclusions de fait suivantes : i) la perquisition a été exécutée conformément au droit de l’État de la Virginie; ii) les motifs invoqués pour obtenir le mandat aux États-Unis auraient suffi au Canada; iii) la perquisition n’était pas abusive, car la doctrine et la jurisprudence américaines autorisent le processus de triage effectué à la résidence avant la saisie du matériel électronique. Pour illustrer le caractère non abusif de la perquisition, le juge militaire a souligné que tout dispositif contenant la preuve d’un acte criminel non visé par le mandat avait été mis de côté afin de faire l’objet d’une saisie, d’une fouille et d’une analyse plus approfondie au Canada.

[20]  Enfin, le juge militaire a conclu que même s’il y avait eu une violation des droits que l’article 8 de la Charte garantit au caporal McGregor, les éléments de preuve ne devaient pas être exclus, car l’exclusion serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Le SNEFC avait agi de bonne foi et avait pris soin de limiter les incidences de la perquisition. La violation, à savoir l’absence d’un deuxième mandat comme l’exige l’arrêt Vu, n’est pas une violation parmi les plus graves. De plus, les éléments de preuve en question étaient fiables, par ailleurs susceptibles d’être découverts au Canada en vertu du droit canadien, et extrêmement importants à la poursuite relative à de graves allégations.

[21]  Après avoir déclaré le caporal McGregor coupable relativement aux différents chefs, le juge militaire l’a condamné à une peine d’emprisonnement de 36 mois et a prononcé sa destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. 

IV.  Les thèses de l’appelant et de l’intimée

[22]  Le caporal McGregor soutient que la SOFA de l’OTAN et l’article 31 de la Convention de Vienne permettent au SNEFC d’exercer sa compétence à l’étranger, et autorisent de ce fait l’application de la Charte.

[23]  Le caporal McGregor fait valoir qu’en vertu des alinéas 1a) et 3a) de l’article VII de la SOFA de l’OTAN, il était soumis à la compétence du Canada lorsqu’il était à l’étranger et qu’il jouissait de l’immunité diplomatique aux termes du paragraphe 1 de l’article 31 de la Convention de Vienne, de sorte qu’il bénéficiait d’une immunité, tant à l’égard de sa personne que de sa demeure, à laquelle seule l’autorité canadienne pouvait renoncer. Il soutient que la renonciation à son immunité par le Canada ne visait que sa demeure et n’avait aucune incidence sur la compétence du Canada à l’égard de ses dispositifs électroniques en vertu de la SOFA de l’OTAN.

[24]  En outre, le mandat de perquisition obtenu par les autorités américaines leur permettait simplement de prêter assistance aux acteurs canadiens pour leur enquête, comme le prévoit l’alinéa 6a) de l’article VII de la SOFA de l’OTAN, libellé en ces termes :

Les autorités des États de séjour et d’origine se prêtent mutuellement assistance pour la conduite des enquêtes, pour la recherche de preuves, y compris la saisie, et s’il y a lieu, la remise des pièces à conviction et des objets de l’infraction. La remise des pièces et objets saisis peut toutefois être subordonnée à leur restitution dans un délai déterminé par l’autorité qui procède à cette remise.

[25]  Le caporal McGregor soutient que le juge militaire a commis une erreur parce qu’il n’a pas appliqué la Charte aux actes des enquêteurs canadiens lors de la perquisition et de la saisie effectuées à son domicile. Il soutient que la renonciation à l’immunité diplomatique qui a conduit à la délivrance du mandat de perquisition n’emporte pas renonciation à l’immunité contre la fouille des dispositifs électroniques, puisque la renonciation à l’inviolabilité des biens d’un agent diplomatique ne vise pas expressément les renseignements sur support électronique. En s’appuyant sur l’arrêt Vu, il soutient que les enquêteurs canadiens étaient tenus d’obtenir un mandat et une renonciation à l’immunité diplomatique distincts autorisant la fouille de ses dispositifs électroniques et que, vu leur défaut, il a été victime d’une fouille sans mandat non autorisée. Il affirme que le juge du procès a accordé une importance excessive à la portée du mandat américain autorisant la fouille et qu’il aurait plutôt dû se fonder sur l’arrêt Vu.

[26]  Par ailleurs, le caporal McGregor soutient que la fouille a été effectuée de manière abusive. Il allègue que les enquêteurs étaient tenus, aussitôt qu’ils ont découvert des preuves de pornographie juvénile et d’agression sexuelle non visées par le mandat, de cesser la fouille et d’obtenir une nouvelle autorisation judiciaire avant de procéder à la fouille.

[27]  L’intimée fait valoir que le principe de la souveraineté territoriale empêche l’application de la Charte à l’étranger et que la preuve n’étaye pas l’existence de l’une des exceptions à ce principe, à savoir l’acquiescement de l’État étranger. Le fait que l’État étranger ait reconnu la compétence pénale et disciplinaire du Canada en raison de la SOFA de l’OTAN lors de l’enquête et de l’arrestation de l’appelant ne vaut pas consentement à l’application du droit canadien à la fouille d’une demeure située en sol américain.

[28]  L’intimée s’appuie sur le fait que le service de police d’Alexandria a demandé à la cour de l’État de la Virginie l’autorisation d’obtenir un mandat et qu’il a été tenu de faire rapport au magistrat concernant les objets saisis, pour démontrer que les États‑Unis ont affirmé leur souveraineté. Les États-Unis n’ont pas consenti à l’application du droit canadien à la fouille de la demeure du caporal McGregor.

[29]  Par ailleurs, l’intimée affirme qu’il existe une distinction entre la compétence à l’égard de la personne et la compétence à l’égard de la demeure privée de la personne. En tant que membre des Forces canadiennes, le caporal McGregor était justiciable du code de discipline militaire en tout temps, peu importe où il se trouvait (voir le paragraphe 60(1) de la LDN). Toutefois, selon la SOFA de l’OTAN, certaines matières relèvent tout de même de la compétence de l’État de séjour. En conséquence, les États-Unis conservent leur souveraineté et leur compétence sur leur territoire, y compris sur la demeure du caporal McGregor. L’intimée soutient que l’article 31 de la Convention de Vienne soustrait l’appelant à la compétence des États‑Unis et qu’il ne confère pas de compétence supplémentaire à l’État d’origine. Selon l’intimée, la demeure de l’appelant n’était pas visée par la compétence du Canada lorsque le Canada a partiellement renoncé à l’immunité du caporal McGregor. L’intimée affirme que lorsque le service de police d’Alexandria a obtenu un mandat conformément au droit de l’État de la Virginie il ne consentait pas à l’application des lois canadiennes, mais prêtait simplement assistance au sens de l’alinéa 6a) de l’article VII de la SOFA de l’OTAN lors de la conduite des enquêtes et la recherche de preuves relevant de l’autorité de l’État de séjour.

[30]  Les dispositions pertinentes des lois ainsi que des conventions et accords internationaux sont les suivantes : les paragraphes 1 et 3 de l’article 22, le paragraphe 1 de l’article 30, le paragraphe 1 de l’article 31, et les paragraphes 1 et 2 de l’article 32 de la Convention de Vienne, les alinéas 1a), 3a) et 6a) de l’article VII de la SOFA de l’OTAN, l’article 8 et les paragraphes 24(2) et 32(1) de la Charte, et l’article 106.05 des ORFC, qui figurent tous en annexe.

V.  Analyse

A.  L’application extraterritoriale de la Charte – les principes de base

[31]  L’exécution d’un mandat de perquisition visant des biens immeubles est l’exercice par excellence de l’autorité souveraine d’un État. L’arrêt Hape nous enseigne que « [s]eul l’État doté de la compétence territoriale peut autoriser » les perquisitions et que les principes de l’égalité souveraine, de la non‑intervention et de la courtoisie excluent l’application des normes et du droit canadiens aux fouilles, aux perquisitions et aux saisies effectuées à l’étranger. La Cour a donné des précisions sur les difficultés administratives et procédurales découlant de l’application de la Charte à une perquisition effectuée à l’étranger :

Sur le plan pratique, il appert également que la Charte ne peut s’appliquer à ces mesures. Comment au juste les exigences de la Charte pourraient‑elles alors avoir effet? Dans l’arrêt Schreiber, le juge en chef Lamer a laissé entendre qu’il suffisait, pour les besoins de la Charte, que ces mesures respectent le droit interne de l’État étranger puisque, en matière de vie privée, une personne ne peut raisonnablement s’attendre qu’à une protection équivalente à celle accordée dans cet autre pays. Si les policiers canadiens et leurs homologues étrangers n’avaient qu’à se conformer au droit étranger, on peut se demander quelle serait l’utilité d’appliquer la Charte puisqu’il n’en résulterait aucune protection supplémentaire dans le cas d’une fouille, d’une perquisition ou d’une saisie. De plus, dans certains cas, le respect du droit étranger irait directement à l’encontre du libellé exprès de la Charte garantissant les droits en cause.

Inversement, il est dans les faits impossible d’appliquer toutes les exigences de la Charte aux fouilles, aux perquisitions et aux saisies effectuées en sol étranger. Reprenons à titre d’exemple le cas où la Charte exige l’obtention d’un mandat, alors que le droit étranger ne prévoit aucune procédure à cet égard. Le droit canadien ne peut obliger les autorités judiciaires de l’État étranger à établir une procédure spéciale pour les besoins d’une enquête menée en collaboration. Doit‑on alors interdire une fouille, une perquisition ou une saisie pour cette raison alors qu’elle est autorisée par le droit du ressort où elle serait effectuée? Il serait par ailleurs irréaliste d’exiger des différents participants à une enquête menée en collaboration qu’ils se conforment à des procédures et à des exigences juridiques différentes. Les fouilles, les perquisitions et les saisies requièrent une planification minutieuse. L’enquête menée en collaboration est vouée à l’échec si les participants n’observent pas tous les mêmes règles. Tel serait son sort si la Charte ne s’appliquait qu’aux policiers canadiens, et elle ne peut manifestement pas s’appliquer aux autorités étrangères : arrêts Harrer et Terry. (Hape, par. 88 et 89)

[32]  L’arrêt Hape établit que la Charte pourrait s’appliquer aux actes d’un acteur étatique canadien par dérogation au principe de la souveraineté lorsque le pays d’accueil y consent ou lorsqu’une règle de droit international permet l’exercice d’une compétence à l’étranger. Nous examinerons maintenant cette question.

B.  La preuve de l’acquiescement

[33]  Nous commençons notre analyse par un examen des éléments de preuve pertinents à la question de savoir si la Charte s’appliquait à la perquisition, et, plus précisément, si ceux-ci révèlent que le gouvernement américain a accepté l’application du droit canadien sur son territoire.

[34]  Ainsi que nous l’avons mentionné précédemment, les enquêteurs canadiens sont intervenus à la suite d’une plainte déposée par un membre des Forces armées canadiennes, qui alléguait que le caporal McGregor s’était livré à des activités de surveillance électronique clandestine chez elle. Les enquêteurs ont convenu qu’un mandat de perquisition canadien ne pouvait pas être délivré relativement à des biens immeubles situés aux États-Unis.

[35]  Les enquêteurs canadiens ont rencontré des policiers américains à Alexandria, en Virginie. Un inspecteur local a été affecté au dossier et les policiers américains ont mené leurs propres interrogatoires auprès de la plaignante. Les policiers américains ont informé les enquêteurs canadiens que sans renonciation, par le Canada, à l’immunité diplomatique du caporal McGregor, il leur était impossible d’agir.

[36]  Le 14 février 2017, l’ambassade du Canada à Washington a remis au gouvernement américain une note diplomatique dans laquelle le Canada renonçait à l’immunité diplomatique du caporal McGregor relativement à ses biens. Voici une partie du texte de cette note :

[traduction]

Le caporal McGregor est membre de l’état-major de liaison des Forces canadiennes (ELFC) à l’ambassade. Des allégations de nature criminelle ont été portées contre lui par un autre membre de l’ELFC. Le SNEFC a compétence pour enquêter sur les actes posés par le caporal McGregor étant donné qu’il est membre des Forces armées canadiennes, et l’enquête porte sur des allégations d’introduction par effraction, de méfaits, d’interception, de harcèlement et de voyeurisme. L’enquête vise à déterminer si le caporal McGregor fera l’objet d’accusations criminelles dans le système de justice militaire canadien.

Le SNEFC collabore avec les autorités locales en Virginie et souhaite demander un mandat de perquisition afin de pénétrer dans le logement du caporal McGregor en compagnie de policiers locaux dans le but de recueillir des éléments de preuve dans le cadre de leur enquête. À cette fin, l’ambassade a l’honneur de renoncer à l’inviolabilité de la demeure privée du caporal McGregor, ainsi qu’à l’inviolabilité de ses documents, de sa correspondance et de ses biens, prévues à l’article 30 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, dans le seul but d’exécuter un mandat de perquisition obtenu aux fins de l’enquête du SNEFC. De même, l’ambassade a l’honneur de renoncer à l’immunité du caporal McGregor de la juridiction pénale et criminelle des États-Unis d’Amérique, strictement dans la mesure nécessaire pour permettre au tribunal compétent de délivrer le mandat requis à cette seule fin. L’ambassade maintient expressément toutes les autres immunités applicables, y compris l’inviolabilité de sa personne et son immunité en matière d’arrestation ou de détention.

[37]  L’auteur de l’affidavit déposé à l’appui de la demande du mandat de perquisition a décrit les mesures prises par les policiers d’Alexandria lors de l’enquête pour interroger la plaignante et obtenir une preuve à charge. La Cour a délivré le mandat demandé afin de fouiller les biens suivants dans la demeure du caporal McGregor :

[traduction]

appareil photo, caméra, autres dispositifs électroniques d’enregistrement audio/photo/vidéo, ordinateur, téléphone cellulaire, autres dispositifs d’accès à Internet, dispositifs de services Internet, dispositifs de stockage électronique externe, et à faire l’analyse des objets saisis. La photographie des locaux et/ou des objets saisis est autorisée.

[38]  Outre la description des infractions fournie par la plaignante, le mandat de perquisition précisait qu’il était demandé relativement aux infractions [traduction] « d’interception, de divulgation, etc. de télécommunications ou des communications orales illégales ».

[39]  Le mandat a été exécuté le 16 février 2017 à la suite d’une réunion préparatoire dans les bureaux de la police d’Alexandria. Le juge du procès a décrit le déroulement des événements dans ses motifs [traduction] : « Des agents du service de police d’Alexandria ont frappé à la porte, puis, n’ayant obtenu aucune réponse, l’ont enfoncée et ont ensuite protégé les lieux avant d’inviter les trois membres du SNEFC dans la demeure. » Le lieutenant Rioux, l’officier canadien ayant des compétences spécialisées en informatique qui était chargé d’examiner les dispositifs, était :

[traduction]

[…] installé dans la cuisine, assisté d’un officier américain, et recevait le matériel informatique que lui apportaient les personnes effectuant la perquisition. À l’aide de leur équipement, le lieutenant Rioux et l’officier américain qui l’aidait ont procédé sur place à l’examen préalable ou au triage des dispositifs de stockage obtenus, pour éviter – comme il l’a expliqué – une saisie excessive et des désagréments inutiles à la personne visée par la perquisition et pour ne pas saisir une quantité excessive de matériel qu’on devait analyser par la suite. Il a fondé son examen préalable sur ce qu’il savait de l’objet du mandat et du dossier. Par exemple, un dossier ou un répertoire portant le nom d’une plaignante aurait attiré son attention. Il a également cherché des images puisqu’il y avait des allégations de voyeurisme. Si on trouvait un élément pertinent lors de l’examen ou du triage, le support physique sur lequel le dossier se trouvait était mis de côté en vue d’être saisi. Si on ne trouvait pas d’élément pertinent, l’objet n’était pas saisi. À un certain moment, toutefois, on a décidé de quitter les lieux. Il n’avait pas pu examiner certains appareils qui lui avaient été remis et ces appareils ont été saisis sans être triés. Le lieutenant de vaisseau Rioux a affirmé lors de son témoignage qu’on avait découvert lors de l’examen un dossier contenant des images vidéo d’une possible agression sexuelle ainsi qu’une vidéo mettant en scène des personnages de dessins animés vraisemblablement mineurs se livrant à des activités sexuelles.

[40]  Les objets ont été mis dans des sacs, placés dans des contenants et gardés sous le contrôle des enquêteurs canadiens. Toutefois, le sergent Partridge, l’enquêteur principal du SNEFC, a apporté les objets saisis au service de police d’Alexandria afin que les policiers de la Virginie puissent préparer la liste postérieure à la perquisition devant être présentée à la cour de l’État de la Virginie.

[41]  À son retour au Canada, le sergent Partridge a demandé et obtenu un mandat canadien autorisant l’analyse des dispositifs électroniques saisis. Ce mandat n’a pas été contesté devant le juge militaire et n’est pas visé par le présent appel.

[42]  Le mandat de la Virginie prévoyait expressément le droit de procéder à l’analyse des dispositifs électroniques saisis. De plus, le droit de l’État de la Virginie prévoit que tout mandat de perquisition autorisant une fouille de ce genre est réputé inclure l’autorisation de fouiller et de saisir les renseignements sur support électronique contenus dans ces dispositifs.

[43]  Toutes les personnes ayant participé à la perquisition ont reconnu qu’il fallait un mandat de perquisition délivré par une cour de la Virginie. Les policiers américains ont mené leur propre enquête, et ont notamment interrogé la plaignante avant de demander le mandat de perquisition. Ils ont enfoncé la porte du logement du caporal McGregor et ont permis aux policiers canadiens d’y entrer. Les policiers américains ont déposé un rapport auprès du tribunal local pour rendre compte de ce qui avait été saisi. L’ambassade du Canada a expressément souligné qu’il fallait nécessairement demander un mandat de perquisition américain. La fouille de biens immeubles autorisée par un mandat constituait un exercice du pouvoir souverain des États-Unis.

[44]  Par conséquent, nous concluons que l’exception fondée sur l’acquiescement n’est pas établie à la lumière de ces faits.

C.  L’incidence de la SOFA de l’OTAN

[45]  Les États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (l’OTAN), dont le Canada et les États-Unis, ont adhéré à la SOFA de l’OTAN. Cette convention prévoit des régimes de juridiction exclusive, de juridiction concurrente et de juridiction par priorité, tant en matière pénale que disciplinaire, qui s’appliquent en cas d’infractions commises par des membres des forces de l’État d’origine sur le territoire de l’État de séjour. En l’espèce, comme l’unique victime des infractions commises était un autre membre des Forces armées canadiennes, la juridiction par priorité en matière pénale et disciplinaire sur la personne du caporal McGregor revenait, selon la convention, au Canada.

[46]  L’article VII prévoit que l’État d’origine, en l’occurrence le Canada, a le droit d’exercer une juridiction pénale et disciplinaire sur toutes les personnes (je souligne) sujettes à la loi militaire du Canada :

Article VII

1. Sous réserve des dispositions du présent article :

a. Les autorités militaires de l’État d’origine ont le droit d’exercer sur le territoire de l’État de séjour les pouvoirs de juridiction pénale et disciplinaire que leur confère la législation de l’État d’origine sur toutes personnes [non souligné dans l’original] sujettes à la loi militaire de cet État;

[47]  Cette reconnaissance du pouvoir souverain du Canada sur la personne des membres des Forces armées canadiennes ne vaut pas renonciation à la souveraineté territoriale des États‑Unis sur la personne ou les biens immeubles de ces personnes aux États-Unis. Comme nous l’avons déjà indiqué, la compétence législative du Canada l’autorise à réglementer les actes des membres des Forces armées canadiennes dans le monde entier. La mesure dans laquelle le Canada peut exercer son pouvoir législatif dans un État étranger est à son tour limitée par les principes de la courtoisie internationale et du respect de la souveraineté de l’autre pays, et nécessite généralement le consentement de l’État étranger. Comme il a été souligné dans l’arrêt Hape :

Ni le Parlement ni les législatures provinciales n’ont le pouvoir d’autoriser l’application des lois canadiennes à des événements qui relèvent de la seule compétence territoriale d’un autre pays. À l’étranger, le Canada ne peut pas davantage dicter la procédure à suivre dans le cadre d’une enquête criminelle qu’il n’a la capacité d’y légiférer en matière de fiscalité. L’enquête criminelle met en jeu la compétence d’exécution et, selon les principes de droit international analysés précédemment, celle‑ci ne peut être exercée dans un autre pays sans que l’État étranger y consente ou qu’une autre règle du droit international le permette. (au par. 105)

[48]  Lorsque des membres des Forces armées canadiennes sont présents dans un autre pays, il n’y a aucune raison de croire que leur personne, ou leurs biens, bénéficient d’une immunité en cas de poursuites ou d’enquêtes criminelles dans ce pays en l’absence soit d’un accord par lequel l’État de séjour s’engage à ne pas entreprendre de poursuites ou d’enquêtes, soit d’une situation où la personne est protégée par l’immunité diplomatique, qui peut faire l’objet d’une renonciation.

[49]  En l’espèce, il n’y a aucune immunité en cas de poursuites ou d’enquêtes criminelles. Au contraire, l’article II de la SOFA de l’OTAN reconnaît explicitement que les membres de l’État d’origine sont tenus de respecter les lois en vigueur dans l’État de séjour. L’article VII prévoit en outre que les autorités de l’État de séjour ont le droit d’exercer leur juridiction en ce qui concerne les infractions commises sur le territoire de l’État de séjour et punissables par les lois de cet État. Considérées ensemble, ces deux dispositions constituent une reconnaissance explicite du fait que l’État de séjour, en l’occurrence les États-Unis, peut poursuivre des membres des Forces armées canadiennes et enquêter sur eux ou sur leurs biens immeubles se trouvant aux États-Unis en l’absence d’un accord quelconque sur l’immunité diplomatique. 

[50]  Dans les cas de juridiction concurrente, aux termes du paragraphe 3 de l’article VII, les autorités militaires de l’État d’origine ont le droit d’exercer par priorité leur juridiction et de poursuivre un membre de leur force. Les infractions commises par un membre de la force de l’État d’origine portant atteinte uniquement à la personne ou à la propriété d’un autre membre de la force de cet État d’origine constituent un exemple de cette juridiction concurrente. Si l’État d’origine choisit de ne pas engager de poursuites, le pays de séjour peut le faire relativement aux infractions commises sur son propre territoire. Là encore, cette disposition ne fait que donner aux autorités canadiennes le droit de poursuivre elles-mêmes le membre. Elle ne leur confère pas le droit unilatéral de mener une enquête relativement aux biens immeubles situés sur ce territoire étranger.

[51]  Dans la présente affaire, les infractions reprochées au caporal McGregor ont porté atteinte uniquement à un autre membre des Forces armées canadiennes. Selon la SOFA de l’OTAN, le Canada avait un pouvoir de juridiction pénale et disciplinaire par priorité sur la personne du caporal McGregor, mais non sur ses biens immeubles. Rien dans la SOFA de l’OTAN ne permet de réfuter la présomption énoncée dans l’arrêt Hape en ce qui concerne ses biens immeubles.

[52]  À la lumière de la SOFA de l’OTAN et des directives données dans l’arrêt Hape, le juge militaire n’a pas conclu à tort que la Charte ne s’appliquait pas aux actes des enquêteurs canadiens en ce qui concerne la fouille et la perquisition à la résidence du caporal McGregor. La délivrance et l’exécution du mandat de perquisition en Virginie étaient un exercice de l’autorité souveraine des États-Unis, tel qu’il est prévu. Les traités applicables en ce qui concerne le personnel militaire canadien en service à l’étranger ne changent rien à cette conclusion. Lorsque des membres des Forces canadiennes sont envoyées dans d’autres pays, il incombe au gouvernement canadien de négocier des accords visant à les protéger de la compétence pénale de ces États étrangers, s’il l’estime nécessaire.

[53]  Toutefois, notre conclusion selon laquelle la Charte n’avait pas d’application extraterritoriale en Virginie ne met pas fin à l’examen de la question. À notre avis, il incombait au juge militaire non seulement d’examiner si la Charte s’appliquait, mais également de déterminer, avant que les éléments de preuve contestés soient admis lors d’un procès canadien, si leur admission porterait atteinte au droit de l’appelant à un procès équitable.

D.  L’exigence relative à l’équité du procès

[54]  Les considérations relatives à l’équité du procès découlent et s’inspirent de la common law ainsi que de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la Charte. Le fait qu’il soit nécessaire, à la deuxième étape de l’analyse, de tenir compte de ces considérations découle non seulement de la jurisprudence, mais inévitablement des divers instruments internationaux ratifiés par le Canada et des dispositions de la LDN. Notre raisonnement est le suivant.

[55]  Premièrement, il est bien établi que les éléments de preuve obtenus à l’étranger, que ce soit par des fonctionnaires canadiens ou par d’autres personnes, peuvent être écartés lors d’un procès au Canada. Dans l’arrêt Terry, la juge McLachlin, s’exprimant au nom de la Cour, a réaffirmé et expliqué davantage ce principe lorsqu’elle a conclu qu’un élément de preuve recueilli à l’étranger peut être écarté lorsque la façon dont il a été obtenu compromet l’équité du procès garantie par l’alinéa 11d) de la Charte ou viole les principes de justice fondamentale garantis par l’article 7 (Hape, au par. 72). Les éléments de preuve obtenus à l’étranger par des enquêteurs canadiens ou étrangers peuvent être écartés s’ils ont été obtenus de manière abusive (voir p. ex., États-Unis d’Amérique c. Shulman, 2001 CSC 21, [2001] 1 R.C.S. 616, au par. 56; United States v. Khadr, 2010 ONSC 4338, [2010] O.J. no 3301(QL), aux par. 162 et 163).

[56]  Dans l’arrêt Hape, les juges majoritaires ont semblé rassurés, lorsqu’ils ont conclu que la Charte n’avait pas d’application extraterritoriale, par le fait que l’équité du procès est une deuxième étape importante de l’analyse, ce qui permet de tenir compte des techniques d’enquête inappropriées ou de la collecte abusive d’éléments de preuve. Le juge LeBel, rédigeant pour la majorité, s’est exprimé comme suit :

[…] Le tribunal saisi d’une allégation de violation de la Charte par un acteur étatique doit pouvoir tenir compte de la possibilité qu’avait cet acteur étatique de respecter les exigences de la Charte. L’impossibilité de respecter la Charte pendant […] l’enquête, parce qu’elle se déroulait à l’étranger, indique nettement que la Charte ne s’applique pas dans les circonstances. Quoi qu’il en soit, l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte, qui disposent qu’un élément de preuve peut être écarté pour préserver l’équité du procès, assurent après coup le contrôle de l’enquête. […] (par. 91)

[…]

Même si le droit à un procès équitable s’applique seulement dans notre pays après l’enquête menée en collaboration à l’étranger, il incite le policier canadien à encourager son homologue étranger à observer des normes rigoureuses afin d’éviter l’exclusion d’un élément de preuve ou l’arrêt des procédures : Terry, par. 26. Dans le même ordre d’idées, la juge L’Heureux‑Dubé a opiné que lors d’une enquête à l’étranger, le policier canadien doit, dans la mesure du possible, s’efforcer de respecter la lettre et l’esprit de la Charte même lorsque les droits qu’elle garantit ne s’appliquent pas directement : Cook, par. 103. (par. 112)

[Non souligné dans l’original]

[57]  On a interprété de façon libérale le droit d’être traité en conformité avec les principes de justice fondamentale reconnus à l’article 7 de la Charte lorsque le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne est en jeu; il ne se limite pas aux droits énoncés aux articles 8 à 14 de la Charte. Cela dit, ces violations constituent en elles-mêmes des atteintes précises au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, qui contreviennent aux principes de justice fondamentale (voir Marie Henein, 2021 Martin’s Annual Criminal Code, Judicial Edition, Thompson Reuters Canada Ltd, 2020, à la p. 1913). Les préoccupations liées au respect des principes de justice fondamentale en ce qui concerne les moyens utilisés par la police pour qu’une personne fasse une déclaration incriminente, telles qu’elles ont été énoncées dans l’arrêt R. c. Hart, 2014 CSC 52, [2014] 2 R.C.S. 544, s’appliquent à la violation perçue d’autres droits énumérés dans la Charte.

[58]  Deuxièmement, le paragraphe 32(1) de la Charte exige que l’activité d’un acteur étatique relève de la compétence du Parlement ou de la législature d’une province. Nul ne conteste que l’adoption de la LDN relève de la compétence du Parlement. Nul ne conteste non plus que le pouvoir d’enquêter sur des militaires des Forces armées canadiennes ou de les poursuivre prend sa source dans la LDN, ou encore que le pouvoir du Canada d’enquêter sur ces militaires ou de les poursuivre est de nature extraterritoriale. En vertu de l’article 68 et du paragraphe 235(1) de la LDN, une cour martiale peut être convoquée à l’étranger et notre Cour peut aussi entendre des appels à l’étranger. À mon avis, ces facteurs démontrent tous que l’enquête et la poursuite subséquente contre le caporal McGregor relevaient clairement de la compétence du Parlement, faisant ainsi entrer en jeu l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte puisque ces dispositions se rapportent à l’équité des procès.

[59]  Troisièmement, contrairement à la situation dans l’affaire Hape, les membres des Forces armées canadiennes ne choisissent pas de se rendre à l’étranger. Ils sont affectés à divers endroits dans le monde selon les ordres qu’ils reçoivent. De plus, contrairement à la situation dans l’arrêt Hape, et en raison de leur statut particulier, les membres des Forces canadiennes peuvent être poursuivis au Canada pour des infractions commises n’importe où au monde. Compte tenu du droit du Canada d’appliquer son droit criminel interne aux militaires canadiens servant à l’étranger, nous estimons qu’il y a une responsabilité corollaire d’évaluer le caractère équitable des procès des militaires en fonction des normes canadiennes, comme celles énoncées dans la Charte. Cette prise en compte des droits garantis par la Charte dans l’examen de l’équité des procès renforce les valeurs de la cohérence et de la prévisibilité dans les procès des membres des Forces armées canadiennes, quel que soit leur lieu d’affectation ou l’endroit où l’infraction a été commise. Il s’agit d’une approche raisonnable qui constitue un léger prolongement du principe adopté par la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Cook et approuvé par la majorité des juges dans l’arrêt Hape.

[60]  Ces observations conduisent inexorablement à la conclusion que la recevabilité des éléments de preuve recueillis aux États-Unis par les autorités américaines et canadiennes doit être évaluée selon leur incidence sur l’équité du procès lorsque des militaires canadiens sont jugés au Canada. Si l’admission des éléments de preuve rend le procès inéquitable, ils doivent être exclus. Par exemple, si un justicier américain extorquait par la violence des aveux à un militaire canadien, sans la participation de policiers canadiens, on ne saurait raisonnablement dire qu’il s’agit d’un cas de violation de la Charte, mais l’admission de cet élément de preuve rendrait sûrement le procès inéquitable, et l’élément de preuve serait exclu.

[61]  Cela dit, nous estimons qu’il n’est ni opportun ni nécessaire de définir la portée de ce qui constitue l’équité du procès, puisque le fait de déterminer si les exigences relatives à l’équité du procès ont été respectées est éminemment factuel. Il suffit de dire que s’agissant de l’équité du procès, il peut être pertinent de tenir compte, entre autres choses, de considérations analogues aux facteurs énoncés dans l’arrêt Grant, comme la gravité de la conduite des enquêteurs locaux, l’ampleur des dérogations aux normes canadiennes et à la Charte, l’incidence de l’admission des éléments de preuve sur l’accusé et l’intérêt du public à la tenue d’un procès relativement à l’infraction reprochée (R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353 [Grant], au par. 71).

[62]  Le caporal McGregor soutient que la perquisition était illégale et qu’elle a été effectuée de manière abusive. Premièrement, il affirme que la perquisition dépassait les limites de la renonciation à l’immunité, qui ne concernait que sa demeure. Il affirme que la fouille de ses dispositifs électroniques excédait la renonciation à l’immunité et, s’appuyant sur l’arrêt Vu, il ajoute que, même si la renonciation s’appliquait aux dispositifs électroniques, le SNEFC avait besoin d’un mandat distinct autorisant la fouille de ces dispositifs. Subsidiairement, le caporal McGregor soutient que même si le SNEFC a agi dans les limites de la renonciation à l’immunité et a été autorisé à fouiller ses dispositifs, la perquisition a été effectuée de manière abusive parce que la police n’a pas limité ses recherches aux éléments de preuve des actes criminels visés par le mandat. Le caporal McGregor se fonde sur l’arrêt R. v. Jones, 2011 ONCA 632, 107 O.R. (3d) 241, au paragraphe 42, pour affirmer que le SNEFC a élargi la portée de la recherche d’éléments de preuve de voyeurisme et de possession d’un dispositif d’interception illégale lorsqu’il a inclus la recherche d’éléments de preuve d’agression sexuelle et de pornographie juvénile.

[63]  Nous ne souscrivons pas aux arguments du caporal McGregor.

[64]  Tout d’abord, le mandat était légal, car il a été exécuté conformément à l’autorisation d’un magistrat de l’État de la Virginie et après la renonciation, par le Canada, à l’immunité diplomatique du caporal McGregor à l’égard de sa demeure et de ses biens. Le mandat autorisait également la fouille, et la saisie des dispositifs électroniques trouvés dans la demeure du caporal McGregor. Nous avons déjà reproduit ci-dessus le dispositif du mandat, mais par souci de commodité, nous le reproduisons à nouveau :

[traduction] Par la présente, vous êtes autorisés, au nom du Commonwealth, à procéder immédiatement à la fouille du lieu, de la personne ou des choses, de jour ou de nuit [...], à la recherche des biens, objets et/ou personnes qui suivent : appareil photo, caméra, autres dispositifs électroniques d’enregistrement audio/photo/vidéo, ordinateur, téléphone cellulaire, autres dispositifs d’accès à Internet, dispositifs de services Internet, dispositifs de stockage électronique externe, et à faire l’analyse des objets saisis. La photographie des locaux et/ou des objets saisis est autorisée.

[65]  Au Canada, la saisie et la fouille de dispositifs électroniques peuvent être autorisées dans un seul mandat (R. v. Crawley, 2018 ONCJ 394, [2018] O.J. no 3080 (QL); R. v. KZ, 2014 ABQB 235, [2014] A.J. no 413; R. v. Villaroman, 2018 ABCA 220, [2018] A.J. no 760 (QL)). Cette approche est conforme à celle qui a été adoptée dans l’arrêt Vu. Nous sommes d’avis qu’en l’espèce, les enquêteurs avaient l’autorisation judiciaire préalable de fouiller les dispositifs électroniques. La fouille n’a donc pas été effectuée sans mandat.

[66]  S’agissant de l’allégation selon laquelle la fouille a été effectuée de manière abusive, nous soulignons que l’examen préalable visait justement à repérer rapidement les éléments de preuve de possession de dispositif d’interception et de voyeurisme. Le SNEFC n’a pas modifié la portée de sa recherche après avoir découvert des éléments de preuve d’autres actes criminels. Ainsi, la présente affaire se distingue de celle de l’arrêt Jones, où un mandat délivré pour rechercher des preuves de fraude a été utilisé pour recueillir des preuves de pornographie juvénile et d’agression sexuelle. Dans l’affaire Jones, les enquêteurs ont modifié la portée de leur recherche sans obtenir un second mandat. En l’espèce, dès la découverte d’éléments de preuve d’autres actes criminels, les dispositifs visés ont été immédiatement mis de côté et aucune autre fouille de leur contenu n’a été entreprise jusqu’à ce qu’un mandat canadien puisse être obtenu. Nous estimons que la fouille n’a pas été effectuée de manière abusive, et que si elle avait été entièrement menée au Canada sous l’autorité d’un mandat canadien, elle aurait été conforme aux exigences de la Charte.

[67]  Même si nous avons tort et que les acteurs étatiques canadiens ont porté atteinte au droit du caporal McGregor garanti par l’article 8 de la Charte, nous ferions néanmoins nôtre la décision du juge militaire d’admettre les éléments de preuve contestés. Dans l’arrêt Grant, la Cour suprême a énoncé le critère permettant de déterminer s’il y a lieu d’exclure des éléments de preuve en application du paragraphe 24(2) de la Charte. Le juge de première instance doit examiner la gravité de la conduite attentatoire de l’État, l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte et l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.

[68]  Nous sommes d’avis que les trois facteurs de l’arrêt Grant militent en faveur de l’admission des éléments de preuve. Premièrement, les agents du SNEFC ont agi de bonne foi et n’ont pas volontairement négligé les droits que la Charte garantit au caporal McGregor, et leurs actes ne traduisent pas non plus un mépris flagrant de ses droits. Les enquêteurs se croyaient légalement autorisés à fouiller les dispositifs électroniques sur place et estimaient qu’ils avaient obtenu ce pouvoir par les moyens appropriés. Deuxièmement, l’effet de la violation sur les droits du caporal McGregor est négligeable, voire inexistant, puisqu’elle était simplement de nature technique. Le mandat de perquisition délivré par l’État de la Virginie était, sur le plan pratique, équivalent à un mandat canadien. En outre, la perquisition n’aurait pas été effectuée différemment si elle avait eu lieu au Canada. Les preuves d’agression sexuelle et de pornographie juvénile étaient susceptibles d’être découvertes et auraient certainement été trouvées lors d’une perquisition des dispositifs autorisée en sol canadien. Troisièmement, l’intérêt de la société à ce que cette affaire soit jugée au fond demeure important compte tenu de la gravité des infractions.

VI.  Conclusion

[69]  Pour tous ces motifs, nous rejetons l’appel et confirmons les déclarations de culpabilité du caporal McGregor.

« B. Richard Bell »

juge en chef

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

 « Gladys I. Pardu »

j.c.a.

 

 


 

ANNEXE

Convention de Vienne sur les relations diplomatiques

Vienna Convention on Diplomatic Relations

Article 22

Article 22

1. Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État accréditaire d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission.

1. The premises of the mission shall be inviolable. The agents of the receiving State may not enter them, except with the consent of the head of the mission.

3. Les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution.

3. The premises of the mission, their furnishings and other property thereon and the means of transport of the mission shall be immune from search, requisition, attachment or execution.

Article 30

Article 30

1. La demeure privée de l’agent diplomatique jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les locaux de la mission.

1. The private residence of a diplomatic agent shall enjoy the same inviolability and protection as the premises of the mission.

Article 31

Article 31

1. L’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’État accréditaire. Il jouit également de l’immunité de sa juridiction civile et administrative, sauf s’il s’agit :

1. A diplomatic agent shall enjoy immunity from the criminal jurisdiction of the receiving State. He shall also enjoy immunity from its civil and administrative jurisdiction, except in the case of:

a) d’une action réelle concernant un immeuble privé situé sur le territoire de l’État accréditaire, à moins que l’agent diplomatique ne le possède pour le compte de l’État accréditant aux fins de la mission;

(a) A real action relating to private immovable property situated in the territory of the receiving State, unless he holds it on behalf of the sending State for the purposes of the mission;

b) d’une action concernant une succession, dans laquelle l’agent diplomatique figure comme exécuteur testamentaire, administrateur, héritier ou légataire, à titre privé et non pas au nom de l’État accréditant;

(b) An action relating to succession in which the diplomatic agent is involved as executor, administrator, heir or legatee as a private person and not on behalf of the sending State;

c) d’une action concernant une activité professionnelle ou commerciale, quelle qu’elle soit, exercée par l’agent diplomatique dans l’État accréditaire en dehors de ses fonctions officielles.

(c) An action relating to any professional or commercial activity exercised by the diplomatic agent in the receiving State outside his official functions.

Article 32

Article 32

1. L’État accréditant peut renoncer à l’immunité de juridiction des agents diplomatiques et des personnes qui bénéficient de l’immunité en vertu de l’article 37.

1. The immunity from jurisdiction of diplomatic agents and of persons enjoying immunity under article 37 may be waived by the sending State.

2. La renonciation doit toujours être expresse.

2. Waiver must always be express.

Convention entre les États parties au Traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces

Agreement between the Parties to the North Atlantic Treaty regarding the Status of their Forces

Article VII

Article VII

1. Sous réserve des dispositions du présent article :

1. Subject to the provisions of this Article,

  a.  Les autorités militaires de l’État d’origine ont le droit d’exercer sur le territoire de l’État de séjour les pouvoirs de juridiction pénale et disciplinaire que leur confère la législation de l’État d’origine sur toutes personnes sujettes à la loi militaire de cet État;

  a. the military authorities of the sending State shall have the right to exercise within the receiving State all criminal and disciplinary jurisdiction conferred on them by the law of the sending State over all persons subject to the military law of that State;

3. Dans le cas de juridiction concurrente, les règles suivantes sont applicables :

3. In case where the right to exercise jurisdiction is concurrent the following rules shall apply:

  a. Les autorités militaires de l’État d’origine ont le droit d’exercer par priorité leur juridiction sur le membre d’une force ou d’un élément civil en ce qui concerne :

  a. The military authorities of the sending State shall have the primary right to exercise jurisdiction over a member of a force or of a civilian component in relation to

  i. les infractions portant atteinte uniquement à la sûreté ou à la propriété de cet État ou les infractions portant atteinte uniquement à la personne ou à la propriété d’un membre de la force, ou d’un élément civil de cet État ainsi que d’une personne à charge;

  i. offences solely against the property or security of that State, or offences solely against the person or property of another member of the force or civilian component of that State or of a dependent;

  ii. les infractions résultant de tout acte ou négligence accomplis dans l’exécution du service.

  ii. offences arising out of any act or omission done in the performance of official duty.

6.a. Les autorités des États de séjour et d’origine se prêtent mutuellement assistance pour la conduite des enquêtes, pour la recherche de preuves, y compris la saisie, et s’il y a lieu, la remise des pièces à conviction et des objets de l’infraction. La remise des pièces et objets saisis peut toutefois être subordonnée à leur restitution dans un délai déterminé par l’autorité qui procède à cette remise.

6.a. The authorities of the receiving and sending States shall assist each other in the carrying out of all necessary investigations into offences, and in the collection and production of evidence, including the seizure and, in proper cases, the handing over of objects connected with an offence. The handing over of such objects may, however, be made subject to their return within the time specified by the authority delivering them.

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11

Canadian Charter of Rights and Freedoms, Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act 1982 (UK), 1982, c 11

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

24.(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s’il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

24.(2) Where, in proceedings under subsection (1), a court concludes that evidence was obtained in a manner that infringed or denied any rights or freedoms guaranteed by this Charter, the evidence shall be excluded if it is established that, having regard to all the circumstances, the admission of it in the proceedings would bring the administration of justice into disrepute.

32.(1) La présente charte s’applique :

32. (1) This Charter applies

a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement, y compris ceux qui concernent le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest;

(a) to the Parliament and government of Canada in respect of all matters within the authority of Parliament including all matters relating to the Yukon Territory and Northwest Territories; and

b) à la législature et au gouvernement de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature.

(b) to the legislature and government of each province in respect of all matters within the authority of the legislature of each province.

ORFC : Volume II - Chapitre 106 - Enquête sur les infractions d’ordre militaire

QR&O: Volume II – Chapter 106 Investigation Of Service Offences

106.05 – DÉLIVRANCE D’UN MANDAT DE PERQUISITION PAR UN COMMANDANT

106.05 – ISSUANCE OF A SEARCH WARRANT BY A COMMANDING OFFICER

(1) L’article 273.3 de la Loi sur la défense nationale prescrit :

(1) Section 273.3 of the National Defence Act provides:

« 273.3 Sous réserve des articles 273.4 et 273.5, le commandant qui conclut, sur la foi d’une dénonciation faite sous serment, à la présence dans les logements, cases, espaces de rangement ou biens meubles ou personnels visés à l’article 273.2 de tout objet répondant à l’un des critères ci-dessous peut signer un mandat autorisant l’officier ou le militaire du rang qui y est nommé, aidé au besoin d’autres officiers ou militaires du rang se trouvant sous son autorité, ou un agent de la paix, à perquisitionner dans ces lieux ou biens, afin de trouver, saisir et lui apporter l’objet :

“273.3 Subject to sections 273.4 and 273.5, a commanding officer who is satisfied by information on oath that there is in any quarters, locker, storage space or personal or movable property referred to in section 273.2

a) soit parce que celui-ci a ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il aurait servi ou donné lieu à une infraction à la présente loi;

(a) anything on or in respect of which any offence against this Act has been or is believed on reasonable grounds to have been committed,

b) soit parce qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il servira à prouver la perpétration d’une telle infraction;

(b) anything that there are reasonable grounds to believe will afford evidence with respect to the commission of an offence against this Act, or

c) soit parce qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il est destiné à servir à la perpétration d’une infraction contre une personne, infraction qui peut donner lieu à une arrestation sans mandat. »

(c) anything that there are reasonable grounds to believe is intended to be used for the purpose of committing any offence against the person for which a person may be arrested without warrant,

En blanc

may issue a warrant authorizing any officer or non-commissioned member named in the warrant, assisted by such other officers and non-commissioned members as are necessary, or a peace officer, to search the quarters, locker, storage space or personal or movable property for any such thing, and to seize and carry it before that commanding officer.”

(2) L’article 273.4 de la Loi sur la défense nationale prescrit :

(2) Section 273.4 of the National Defence Act provides;

« 273.4 Le commandant qui mène ou supervise directement une investigation ne peut, relativement à celle-ci, délivrer de mandat en application de l’article 273.3 que s’il a des motifs raisonnables de croire :

“273.4 The commanding officer who carries out or directly supervises the investigation of any matter may issue a warrant pursuant to section 273.3 in relation to that investigation only if that commanding officer believes on reasonable grounds that

a) à l’existence des conditions préalables à sa délivrance;

(a) the conditions for the issuance of the warrant exist; and

b) qu’il n’y a aucun autre commandant en mesure de décider sans délai de l’opportunité de le délivrer. »

(b) no other commanding officer is readily available to determine whether the warrant should be issued.”

(3) L’article 273.5 de la Loi sur la défense nationale prescrit :

(3) Section 273.5 of the National Defence Act provides:

« 273.5 Les dispositions de l’article 273.3 ne s’appliquent pas au commandant d’une unité de la police militaire. »

“273.5 Section 273.3 does not apply to a commanding officer of a military police unit.”


COUR D’APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

CMAC-602

 

INTITULÉ :

LE CAPORAL C.R. MCGREGOR c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 JUIN 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE RENNIE

LA JUGE PARDU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 DÉCEMBRE 2020

COMPARUTIONS :

Le capitaine Diana Mansour

 

POUR L’Appelant

 

Le major Stephan Poitras

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Service d’avocats de la défense

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’Appelant

 

Service canadien des poursuites militaires

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

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