Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20170519


Dossiers : CACM-566

CACM-567

CACM-577

CACM-581

Référence : 2017 CACM 1

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE COURNOYER

LA JUGE GLEASON

 

 

CACM-566

ENTRE :

LE SOLDAT DÉRY, J.-C.

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

CACM-567

ET ENTRE :

LE CAPORAL-CHEF C.J. STILLMAN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

CACM-577

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

L’ADJUDANT J.G.A. GAGNON

intimé

CACM-581

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

LE CAPORAL A.J.R. THIBAULT

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 26 avril 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 mai 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF B. RICHARD BELL

Y ONT SOUSCRIT :

le juge cournoyer

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20170519


Dossiers : CACM-566

CACM-567

CACM-577

CACM-581

Référence : 2017 CACM 1

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE COURNOYER

LA JUGE GLEASON

 

 

CACM-566

ENTRE :

LE SOLDAT DÉRY, J.-C.

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

CACM-567

ET ENTRE :

LE CAPORAL-CHEF C.J. STILLMAN

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

CACM-577

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

L’ADJUDANT J.G.A. GAGNON

intimé

CACM-581

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

LE CAPORAL A.J.R. THIBAULT

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF B. RICHARD BELL

I.  Contexte

A.  Le soldat Déry

[1]  Le soldat Déry a été accusé d’une infraction d’ordre militaire punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5 [la Loi] pour avoir commis une agression sexuelle contrairement à l’article 271 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 [le Code criminel]. Il a été déclaré coupable par une cour martiale permanente. L’incident s’est produit à la Base des Forces canadiennes Wainwright, en Alberta, dans la tente où la victime dormait, à la suite d’une célébration marquant la fin d’un exercice. Le soldat Déry a interjeté appel de la décision au motif que l’alinéa 130(1)a) de la Loi porte atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte] et qu’il devrait être déclaré invalide conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

B.  Le caporal-chef Stillman

[2]  Le caporal-chef Stillman a été accusé d’infractions d’ordre militaire punissables en vertu de l’article 130 de la Loi et a été déclaré coupable par une cour martiale permanente de cinq chefs d’accusation. Ces accusations sont mentionnées à l’annexe A ci-jointe. Le caporal-chef Stillman a tiré dans la cuisse de la victime à l’aide d’un pistolet semi-automatique de calibre .45 sur la Base des Forces canadiennes Shilo. Tandis qu’il s’éloignait de la scène de l’incident et qu’il était poursuivi, il s’est retourné et a tiré une autre balle, qui a manqué de justesse la deuxième victime. Le caporal-chef Stillman a interjeté appel de la décision au motif que l’alinéa 130(1)a) de la Loi porte atteinte à l’article 7 de la Charte et qu’il devrait être déclaré invalide conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

C.  L’adjudant Gagnon

[3]  L’adjudant Gagnon a été accusé d’une infraction d’ordre militaire en vertu de l’article 130 de la Loi pour avoir commis une agression sexuelle contrairement à l’article 271 du Code criminel. Il a été acquitté par une cour martiale permanente. Le ministère public a interjeté appel au motif que le juge militaire a commis une erreur dans les directives qu’il a données sur la défense de croyance erronée au consentement.

D.  Le caporal Thibault

[4]  Enfin, le caporal Thibault a été accusé d’une infraction d’ordre militaire en vertu de l’article 130 de la Loi pour avoir commis une agression sexuelle contrairement à l’article 271 du Code criminel. Le juge militaire a mis fin au procès lorsqu’il a conclu que l’infraction n’était pas suffisamment liée au service militaire, par sa nature et les circonstances de sa perpétration, au point où le niveau général de discipline et d’efficacité des Forces canadiennes serait compromis. Le ministère public a interjeté appel au motif que le juge militaire a commis une erreur dans son analyse sur l’exigence d’une connexité avec le service militaire.

II.  Nature des appels et questions en litige

[5]  Le 30 septembre 2014, l’adjudant Gagnon a déposé un avis d’appel incident. Le 25 février 2015, le caporal Thibault a fait la même chose. Les deux ont fait valoir que l’alinéa 130(1)a) de la Loi est inconstitutionnel et qu’il devrait être déclaré invalide conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, au motif qu’il porte atteinte à l’article 7 de la Charte.

[6]  Le 11 mars 2015, le caporal Thibault et l’adjudant Gagnon ont déposé et signifié un avis de question constitutionnelle, dans lequel ils contestaient la validité constitutionnelle du droit d’appel conféré au ministre de la Défense nationale [le ministre] en matière criminelle au titre de l’article 230.1 de la Loi. Dans l’affaire R. c. Gagnon, 2015 CACM 2, la Cour a déclaré inconstitutionnel l’article 230.1 de la Loi. Le ministre a interjeté appel de cette décision de la Cour auprès de la Cour suprême du Canada. Jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans cet appel, la Cour a ordonné l’ajournement de l’affaire intéressant le caporal Thibault et l’adjudant Gagnon. Le 22 juillet 2016, la Cour suprême a rendu son jugement, dans lequel elle a infirmé la décision de la Cour et conclu que l’article 230.1 est constitutionnellement valide.

[7]  Le 19 novembre 2015, la Cour suprême a rendu la décision R. c. Moriarity, 2015 CSC 55, R c Moriarity, 2015 CSC 55, [2015] 3 RCS 48 [Moriarity], dans laquelle elle a conclu que l’alinéa 130(1)a) ne porte pas atteinte à l’article 7 de la Charte. Suite à l’affaire Moriarity, l’adjudant Gagnon et le caporal Thibault ont déposé, le 22 décembre 2015, des avis modifiés d’appel incident auprès de cette Cour au motif que l’alinéa 130(1)a) de la Loi porte atteinte à l’alinéa 11f) de la Charte.

[8]  Le 4 décembre 2015, les appelants, le soldat Déry et le caporal-chef Stillman, ont signifié et déposé un avis de requête afin de présenter des observations à la lumière de l’arrêt Moriarity, conformément à l’article 24 et à l’alinéa 28(1)f) des Règles de la Cour d’appel de la cour martiale, DORS 86/-959 [les Règles de la CACM], concernant la question relative à l’alinéa 130(1)a) et celle de savoir s’il porte atteinte à l’alinéa 11f) de la Charte.

[9]  Les appelants, le soldat Déry et le caporal-chef Stillman, et les appelants au pourvoi incident, l’adjudant Gagnon et le caporal Thibault, font valoir que l’alinéa 130(1) a) de la Loi porte atteinte à l’alinéa 11f) de la Charte, dans la mesure où l’exigence d’un lien de connexité avec le service militaire ne constitue plus une réparation à l’exception au droit de bénéficier d’un procès avec jury. Ils soutiennent que cette Cour a toujours considéré cette exception comme étant liée à la nature de l’infraction plutôt qu’au statut de l’accusé, et qu’elle n’a pas modifié sa décision dans l’affaire R. c. Larouche, 2014 CACM 6 et dans l’affaire R. c. Moriarity, 2014 CACM 1. Ils ont soulevé la question relative à l’alinéa 11f) à la suite de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Moriarity et de son refus d’examiner la portée de l’exception au droit de bénéficier d’un procès avec jury garanti par l’alinéa 11f) de la Charte. Les appelants soutiennent que la Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire afin d’accueillir une telle requête, en se fondant sur l’article 29 des Règles de la CACM.

[10]  Le ministère public s’est opposé aux requêtes visant à modifier les avis d’appel et d’appel incident. À l’audience, cette Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire et a accueilli, en application de l’alinéa 28(1)f) des Règles de la CACM, les requêtes en modification des avis d’appel et les requêtes en modification des avis d’appel incident, en précisant que les motifs seraient rendus plus tard. Ces motifs sont les suivants.

III.  Analyse

[11]  Premièrement, je tiens à souligner que la question constitutionnelle liée à l’alinéa 11f) de la Charte présentée par le soldat Déry, le caporal-chef Stillman, l’adjudant Gagnon et le caporal Thibault constitue un nouveau moyen d’appel, puisque ces parties n’avaient pas initialement invoqué une atteinte à l’alinéa 11f) dans leur contestation de la validité constitutionnelle de l’alinéa 130(1)a) de la Loi. Ces requêtes en modification font suite à la décision dans Moriarity, dans laquelle on a conclu que l’alinéa 130(1)a) de la Loi ne porte pas atteinte à l’article 7 de la Charte. La décision dans Moriarity a modifié la jurisprudence établie par cette Cour relativement à  l’application du critère de la « connexité avec le service militaire » à l’application de l’article 7 de la Charte. Dans l’arrêt R. c. Royes, 2016 CACM 1, cette Cour a conclu que, par suite de la conclusion de la Cour suprême dans l’arrêt Moriarity, le fait d’interpréter l’article 130 de la Loi sans une exigence de connexité avec le service militaire ne porte pas atteinte à l’alinéa 11f) de la Charte. La méthode d’interprétation utilisée par la Cour suprême, différente de celle adoptée précédemment par cette Cour, a motivé le soldat Déry et le caporal-chef Stillman, ainsi que les appelants au pourvoi incident, l’adjudant Gagnon et le caporal Thibault, à modifier leur appel afin d’y ajouter une contestation sur le fondement de l’alinéa 11f) de la Charte.

[12]  Deuxièmement, dans le cadre de la requête en modification, cette Cour a également tenu compte du fait que la question de l’application de l’alinéa 11f) de la Charte lui avait dûment été soumise dans plusieurs autres appels. En outre, les parties ont informé la Cour qu’elles n’avaient pas l’intention de produire des éléments de preuve à l’égard de cette question. Compte tenu de toutes les circonstances, nous avons conclu que, malgré la disjonction de l’appel et le manque de preuve, nous autoriserions la modification des avis d’appel et des avis d’appel incident en nous fondant sur les principes énoncés dans l’arrêt R. c. Wigman, [1987] 1 R.C.S. 246. Les parties à un appel peuvent soulever de nouvelles questions de droit, pourvu que la partie adverse en soit informée dans un délai raisonnable et qu’elle ait une possibilité raisonnable d’y répondre. Ces conditions ont été respectées dans la présente affaire lorsque les parties aux appels respectifs ont déposé et signifié leurs avis de requête visant à modifier les avis d’appel et les avis d’appel incident en décembre 2015. Le ministère public a donc disposé de quatre mois pour formuler une réponse avant la tenue de l’audience en avril 2016. J’estime que ce délai est suffisant dans les circonstances.

IV.  Conclusion

[13]  J’accueillerais la motion pour modifier l’avis d’appel et les avis d’appel incidents.

« B. Richard Bell »

juge en chef

« Je suis d’accord.

 

Guy Cournoyer

 

j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

 

Mary J.L. Gleason

 

j.c.a. »

 


ANNEXE A

Le caporal-chef Stillman a été accusé d’infractions d’ordre militaire punissables en vertu de l’article 130 de la Loi et a été déclaré coupable par une cour martiale permanente des cinq chefs d’accusation suivants :

Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : art. 130 LDN, décharger une arme à feu avec une intention particulière (art. 244 C.cr.).

Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3 : art. 130 LDN, décharger une arme à feu avec insouciance (art. 244.2 C.cr.).

Chef d’accusation 5 : art. 130 LDN, voies de fait graves (art. 268 C.cr.).

Chef d’accusation 6 : art. 130 LDN, usage d’une arme à feu lors de la perpétration d’une infraction (par. 85(1) C.cr.).

Chef d’accusation 9 : art. 130 LDN, possession d’une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions (art. 95 C.cr.).

 


COUR D’APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

CACM-566

 

 

INTITULÉ :

LE SOLDAT DÉRY, J.-C. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACM-567

 

 

INTITULÉ :

LE CAPORAL-CHEF C.J. STILLMAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACM-577

 

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. L’ADJUDANT J.G.A. GAGNON

 

 

ET DOSSIER :

CACM-581

 

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. LE CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 AVRIL 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF BELL

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LE JUGE COURNOYER

 

DATE DES MOTIFS :

19 mai 2017

 

COMPARUTIONS :

Capitaine de Corvette Mark Létourneau

Lieutenant-Colonel Jean-Bruno Cloutier

 

POUR LES APPELANTS

LE SOLDAT DÉRY, J.-C.

L’ADJUDANT J.G.A. GAGNON

LE CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

Major Dylan Kerr

Major Gabriel Roy

 

POUR LES INTIMÉS

 

Capitaine de Corvette Mark Létourneau

 

POUR L’APPELANT

LE CAPORAL-CHEF C.J.

STILLMAN)

 

Lieutenant-colonel David Anthonyshyn

 

POUR L’INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Service d’avocats de la défense

Gatineau (Québec)

 

POUR LES APPELANTS

 

Service canadien des poursuites militaires

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

 

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