Cour d'appel de la cour martiale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20151221


Dossiers : CMAC-577

CMAC-581

Référence : 2015 CACM 2

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE DESCHÊNES

LE JUGE COURNOYER

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

ADJUDANT J.G.A. GAGNON

intimé

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

CAPORAL A.J.R. THIBAULT

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 12 juin 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE COURNOYER

Y SOUSCRIT :

LE JUGE DESCHÊNES

MOTIFS CONCORDANTS EN PARTIE:

LE JUGE EN CHEF BELL

 


Date : 20151221


Dossiers : CMAC-577

CMAC-581

Référence : 2015 CACM 2

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE DESCHÊNES

LE JUGE COURNOYER

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

ADJUDANT J.G.A. GAGNON

intimé

ET ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

CAPORAL A.J.R. THIBAULT

intimé

MOTIFS CONCORDANTS EN PARTIE

JUGE EN CHEF B. RICHARD BELL

[1]  J’ai lu les motifs de jugement rédigés par le juge Cournoyer. Bien que je souscrive à sa conclusion quant au rejet des requêtes pour l’annulation et le rejet des appels présentées par les intimées ainsi qu’à la déclaration d’invalidité de l’article 230.1 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5 [LDN], je ne partage pas son raisonnement et je crois devoir exposer mon opinion distincte portant sur l’interprétation de la jurisprudence relative au système de justice militaire au Canada et aux impacts de cette jurisprudence sur les modifications qui devront être effectuées à la LDN afin que l’article 230.1 respecte l’exigence constitutionnelle d’indépendance du poursuivant.

I.  Système de justice militaire du Canada

[2]  Je crois qu’il est important de d’abord comprendre les fondements juridiques et constitutionnels du système de justice militaire du Canada.

[3]  Le paragraphe 91(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde au Parlement du Canada le droit exclusif de légiférer relativement à « la milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays ». Ce pouvoir exclusif comprend le droit de légiférer en matière de justice militaire. Tel que confirmé dans l’arrêt MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370 à la p. 397 [MacKay] :

[le] pouvoir de permettre aux autorités militaires d’intenter des poursuites est un aspect nécessaire de la répression des infractions militaires que l’on a toujours considérées comme faisant partie du droit militaire.

[4]  En vertu de ce pouvoir exclusif, la LDN a été adoptée, laquelle crée un système de justice militaire. La légitimité juridique de ce système n’est plus en cause et ce, depuis plusieurs années. Ce système a d’abord été reconnu par la Cour suprême dans l’arrêt Mackay et l’arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259 [Généreux].

[5]  À cet effet, je crois important de reproduire ici un passage de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Généreux à la p. 261 :

Un système parallèle de tribunaux militaires, composés de militaires qui sont conscients des préoccupations des Forces armées et qui y sont sensibles, n'est pas intrinsèquement incompatible avec l'al. 11d).  L'existence d'un tel système, pour le maintien de la discipline dans les Forces armées, est profondément enracinée dans notre histoire et est justifiée par des principes impérieux.  Le droit de l'accusé d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial doit être interprété dans ce contexte et dans celui de l'al. 11f) de la Charte, qui prévoit l'existence d'un système de tribunaux militaires ayant compétence sur les affaires régies par le droit militaire.

[6]  De plus, la Cour suprême a récemment confirmé dans l’arrêt R. c. Moriarity, 2015 CSC 55 [Moriarity] que les dispositions du Code de discipline militaire [CDM], enchâssées dans la LDN, ont été adoptées par le législateur avec l’objectif d’établir un processus visant à assurer le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des troupes. La Cour suprême a affirmé que la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte] permet l'existence d'un système parallèle de justice tel que celui qui est établi en vertu du régime de la LDN, ce système étant justifié.

[7]  Le système de justice militaire canadien a également un rôle de nature publique puisque les dispositions du CDM portent non seulement sur le maintien de la discipline mais visent également à punir toute conduite qui menacerait l’ordre et l’intérêt public. Ce principe est défini aux pp. 281-282 de l’arrêt Généreux déjà cité par mon collègue mais que je crois utile de reproduire ici :

Il m'apparaît clair que l'art. 11 de la Charte est applicable aux procédures de la cour martiale générale en l'espèce pour les deux raisons énoncées par le juge Wilson dans l'arrêt Wigglesworth. Certes, le Code de discipline militaire porte avant tout sur le maintien de la discipline et de l'intégrité au sein des Forces armées canadiennes, mais il ne sert pas simplement à réglementer la conduite qui compromet pareilles discipline et intégrité. Le Code joue aussi un rôle de nature publique, du fait qu'il vise à punir une conduite précise qui menace l'ordre et le bien-être publics. Nombre des infractions dont une personne peut être accusée en vertu du Code de discipline militaire, qui constitue les parties IV à IX de la Loi sur la défense nationale, se rapportent à des affaires de nature publique. Par exemple, toute action ou omission punissable en vertu du Code criminel ou d'une autre loi du Parlement est également une infraction au Code de discipline militaire. En fait, trois des accusations portées contre l'appelant en l'espèce concernaient une conduite interdite par la Loi sur les stupéfiants. Les tribunaux militaires jouent donc le même rôle que les cours criminelles ordinaires, soit punir les infractions qui sont commises par des militaires ou par d'autres personnes assujetties au Code de discipline militaire. En effet, l'accusé qui est jugé par un tribunal militaire ne peut pas être jugé également par une cour criminelle ordinaire (art. 66 et 71 de la Loi sur la défense nationale). Pour ces raisons, je conclus que l'appelant, qui est accusé d'infractions au Code de discipline militaire et qui est justiciable d'une cour martiale générale, peut invoquer la protection de l'art. 11 de la Charte.

[8]  La justice militaire est donc soumise aux principes établis par la Charte dans le cadre de tout le déroulement du processus judiciaire. Ces principes incluent les garanties juridiques de l’article 7.

II.  Le droit constitutionnel à un procureur indépendant

[9]  Tout d’abord, je tiens à préciser que j’adhère à la conclusion de mon collègue selon laquelle le concept d’indépendance du poursuivant, par son pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite, constitue un principe de justice fondamentale. La jurisprudence de la Cour suprême à cet égard est claire et incontestée.

[10]  Toutefois, j’ai des réserves avec la décision de mon collègue selon laquelle la conclusion dans l’arrêt MacKay voulant que « le ministre de la Défense nationale joue le rôle du procureur général » n’ait pas survécue à l’arrêt Généreux. Bien que l’arrêt Généreux se soit prononcé sur l’indépendance institutionnelle concernant la fonction judiciaire des tribunaux militaires, et qu’une telle évaluation soit pertinente à l’analyse de l’indépendance du poursuivant dans le système de justice militaire, le rôle du ministre, similaire à celui du procureur général, reste le même, quoique limité par les principes constitutionnels. Je m’explique.

[11]  Les limites quant au rôle du procureur général, ou simplement d’un procureur de la Couronne, incluent le principe de justice fondamentale d’indépendance du poursuivant sous l’article 7 de la Charte (R. c. Regan, [2002] 1 RCS 297 aux paras. 157-58), et le concept d’indépendance du procureur général a fortement été enraciné dans l’exercice discrétionnaire en matière de poursuite pénale (Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 372).

[12]  Parallèlement, les inquiétudes voulant que les responsabilités politiques et partisanes du procureur général influencent ses fonctions quasi-judiciaires ont mené à la création du Directeur des poursuites pénales [DPP]. Aujourd’hui, bien que le procureur général, pour des raisons constitutionnelles, soit limité dans ses interventions au niveau des poursuites (voir à titre d’exemple la Loi sur le directeur des poursuites pénales, L.C. 2006, ch. 9, art. 121 aux articles 10, 14), il conserve tout de même son pouvoir de supervision des poursuites pénales. Je suis donc d’avis que le ministre de la Défense nationale, tout comme le procureur général, doit conserver ce même rôle au sein des poursuites pénales dans le système de justice militaire.

[13]  Bien que je reconnaisse que c’est « la coutume, la tradition et l’usage constitutionnel » (Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 43 au para. 35) qui donnent au procureur général ses fonctions quasi-judiciaires, et qu’il ne peut en être ainsi d’autres ministres du Cabinet, je suis d’avis que le rôle du ministre de la Défense nationale est particulier puisque le processus judiciaire militaire peut mener à l’emprisonnement de membres de son personnel. Tel que déjà élaboré, puisque le système de justice militaire canadien existe en parallèle au système de justice civile, le ministre de la Défense nationale a par conséquent un certain pouvoir de poursuite que d’autres ministères ne peuvent avoir.

[14]  La LDN, à l’article 4, prévoit expressément que le ministre de la Défense nationale est responsable des Forces canadiennes et compétent pour toutes les questions de défense nationale, tout comme le procureur général exerce son autorité sur tout ce qui touche l’administration de la justice au Canada (Loi sur le ministère de la Justice, LRC (1985), ch. J-2 à au paragr. 4 b)). L’importance à ce que le ministre de la Défense nationale garde son pouvoir de surveillance sur les poursuites est accru par le fait que, comme le procureur général, il a la responsabilité de rendre compte au public de par son rôle au Parlement. Il s’agit là d’une responsabilité essentielle qui assure un niveau de transparence intrinsèque au système de justice pénal, qu’il soit civil ou militaire. Ce niveau de transparence est également accru par le rôle du juge-avocat général qui, agissant à titre de conseiller juridique du ministre de la Défense nationale, procède de façon périodique à un examen de l’administration de la justice militaire en vertu des articles 9.1 et 9.2 de la LDN. Le rapport annuel sur l’administration de la justice militaire au sein des Forces canadiennes préparé par le juge-avocat général est de plus déposé au Parlement par le ministre de la Défense nationale. Tout comme le procureur général, l’autorité du ministre doit être préservée et il doit continuer d’être en mesure de donner des directives relativement à l’introduction ou à la conduite d’une poursuite, tel que prévu dans la Loi sur le directeur des poursuites pénales, selon les limites qui respectent les garanties constitutionnelles.

[15]  Selon cette logique, l’arrêt Généreux n’a pas eu pour effet d’anéantir le rôle que joue le ministre de la Défense nationale, similaire à celui du procureur général. C’est plutôt l’avènement de la Charte qui nécessite la délimitation des compétences du ministre, tout comme les conventions constitutionnelles ont su restreindre les fonctions du procureur général en tant que poursuivant et qu’a ainsi été créée la fonction de DPP.

III.  Conclusion

[16]  Cela dit, puisque l’intérêt de la société à ce que les appels soient entendus et évalués sur le fond l’emporte sur le droit des appelants à un poursuivant indépendant en matière de droit d’appel, j’adhère à la conclusion de mon collègue pour que l’invalidation de l’article 230.1 ait un effet suspensif plutôt qu’immédiat, et que les présentes requêtes pour l’annulation et le rejet des appels présentés par les intimés soient rejetées.

[17]  Je souscris aussi à ce qu’a énoncé mon collègue quant à la possibilité de confier au Directeur des poursuites militaires [DPM] les pouvoirs d’interjeter appel. Toutefois, j’irais même plus loin en affirmant que cette désignation au DPM semble être la seule solution envisageable dans les circonstances afin que l’article 230.1 de la LDN respecte l’exigence constitutionnelle d’indépendance du poursuivant ainsi que les décisions de la Cour suprême quant à la reconnaissance de la légitimité du système de justice militaire canadien.

[18]  Tout comme il a été confirmé dans le récent arrêt Moriarity, l’objet global du système de justice militaire vise à « assurer le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des troupes » à l’aide de dispositions générales jouant aussi un rôle de nature publique. L’arrêt Moriarity a de ce fait confirmé la légitimité qui doit être accordée au système de justice militaire, œuvrant en parallèle avec le système de justice pénale ordinaire (ou civile). Le système de justice militaire est pourvu d’une réalité qui lui est propre et exige que la désignation d’un poursuivant indépendant dans l’exercice du droit d’appel se fasse à l’intérieur même des Forces canadiennes.

[19]  Le rôle du DPM, à cet égard, se rapprocherait des fonctions liées au DPP dans le système de justice pénale civile, mais selon la réalité et la nature du système de justice militaire. En fait, je ne vois aucune autre charge que celle qu’occupe le DPM, membre des Forces canadiennes, pour exercer ce type de fonction. Celui-ci a les qualités, les compétences et l’expérience requises pour exercer la discrétion liées aux poursuites pénales dans le contexte militaire, tout en projetant une apparence d’indépendance.

[20]  De plus et tel que déjà mentionné, je suis d’avis que le ministre de la Défense nationale doit conserver un pouvoir de supervision des poursuites dans le système de justice militaire canadien, pouvoir qui doit toutefois être limité par des paramètres semblables à ceux du Procureur général dans la Loi sur le directeur des poursuites pénales. Une telle solution assurerait au système de justice militaire la maîtrise et la gestion de sa sphère de compétence dans les limites garanties par la Charte.

« B. Richard Bell »

Juge en Chef


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE COURNOYER

I.  Aperçu

[21]  Le principe de l'indépendance du poursuivant au sujet des décisions concernant la nature et l’étendue des poursuites est fermement reconnu au Canada.

[22]  La décision d'interjeter appel est l'une de ces décisions.

[23]  L'article 230.1 de la Loi sur la défense nationale (« LDN ») confie le droit d'interjeter appel de la poursuite au Ministre de la Défense nationale (« Ministre »).

[24]  La question qui se pose dans les présents pourvois est de savoir si le principe de l'indépendance du poursuivant exige que le droit d'interjeter appel soit exercé par un poursuivant indépendant.

[25]  L'intimé Gagnon a été acquitté d'une accusation d'agression sexuelle. Dans le dossier de l'intimé Thibault, la Cour martiale a conclu qu'elle n'avait pas compétence à l'égard de l'accusation d'agression sexuelle en raison de l'absence d'un lien de connexité militaire suffisant. Le Ministre interjette appel de ces deux décisions.

[26]  Les intimés recherchent l'annulation et le rejet de l'appel du Ministre dans leur dossier, car ils estiment que le droit d'interjeter appel doit être attribué à un poursuivant indépendant et qu'il est contraire à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte ») de le confier au Ministre.

[27]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que l'article 7 de la Charte protège le droit constitutionnel d'un accusé à un poursuivant indépendant, c'est-à-dire un poursuivant qui est objectivement en mesure d'agir en toute indépendance, à toutes les étapes du processus judiciaire, dans la prise de décisions concernant la nature et l’étendue des poursuites et qui peut être raisonnablement perçu comme indépendant.

[28]  Le Ministre est responsable des Forces canadiennes et c'est sous son autorité que le chef d’état-major de la défense assure la direction et la gestion des Forces canadiennes.

[29]  Son rôle et ses fonctions en vertu de la LDN sont incompatibles avec l'exercice d'un pouvoir concernant la nature et l'étendue d'une poursuite contre l'un de ses propres employés dans le cadre d'un processus judiciaire pouvant conduire à son emprisonnement et, le cas échéant, à sa libération des Forces canadiennes.

[30]  Le Ministre ne peut être raisonnablement perçu comme un poursuivant indépendant qui peut agir d’une manière autonome et indépendante de la chaîne de commandement, car il est au sommet de celle-ci.

[31]  L'article 230.1 de la LDN, qui confère au Ministre le droit d'interjeter appel, ne respecte donc pas l'exigence constitutionnelle d'indépendance du poursuivant. Il est inopérant dans la mesure où son titulaire n'est pas indépendant. Cet article n’est pas une limite raisonnable qui puisse se justifier sous l’article premier de la Charte.

[32]  Toutefois, il n'est pas approprié d'accorder la requête des intimés pour l’annulation et le rejet des appels. Il s'agirait d'une conséquence disproportionnée à l'intérêt de la société d'avoir une décision sur le bien-fondé des appels.

[33]  La déclaration d'invalidité de l'article 230.1 doit être suspendue à partir de la date du présent jugement pour un délai de six mois. 

[34]  Dans les circonstances, il est possible d'accorder une réparation additionnelle juste et raisonnable aux intimés en ajournant l'audition des appels. La nouvelle audition des appels aura lieu après la période de suspension de l'effet de la déclaration d'invalidité de l'article 230.1.

[35]  On peut présumer que le Parlement aura modifié l'article 230.1 afin d'adopter les amendements jugés nécessaires à la LDN, et ainsi accorder aux intimés d'obtenir la réparation qu'ils réclament, soit un poursuivant indépendant pour la conduite des procédures d'appel.

II.  Contexte: objet des pourvois du Ministre

A.  L'adjudant Gagnon

[36]  L'adjudant Gagnon faisait l'objet d'une accusation d'agression sexuelle. La plaignante et lui ont présenté des versions contradictoires lors du procès. L'adjudant Gagnon a été acquitté. Le Ministre se pourvoit et il recherche la tenue d'un nouveau procès, car il estime que le juge militaire a erré en soumettant au comité de cinq membres de la Cour martiale générale la défense de croyance sincère mais erronée au consentement.

B.  Le caporal Thibault

[37]  Le caporal Thibault était accusé d'agression sexuelle. Lors du procès, il a présenté une fin de non-recevoir aux termes des sous-alinéas 112.24(1)a) et e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (« ORFC »). Il invoquait que la cause n’était pas de la compétence de la justice militaire, car l'infraction ne révélait pas un lien de connexité avec le service militaire. Les parties ont présenté un sommaire conjoint des faits au juge militaire. Ce dernier a accueilli la fin de non-recevoir. Il a conclu que le lien de connexité militaire n'a pas été établi [1] .

C.  Les requêtes pour l’annulation et le rejet des appels

[38]  Les intimés ont présenté une requête pour l’annulation et le rejet des appels du Ministre. Conformément à l'article 11.1 des Règles de pratique et de procédures de la Cour d'appel de la cour martiale, ils ont signifié un avis de question constitutionnelle au Procureur général du Canada et aux procureurs généraux des provinces. Aucun n'a jugé opportun d'intervenir.

[39]  Le Ministre a présenté une réponse à ces requêtes. Sauf dans le cahier de sources déposé au soutien de ses observations écrites et orales, le Ministre n'a formulé aucune demande visant l'audition de témoins ou la présentation de faits législatifs sous forme documentaire comme preuve de justification sous l'article premier de la Charte.

III.  La position des parties au sujet des requêtes pour l’annulation et le rejet des appels

A.  Les requérants/intimés

[40]  Dans leur requête pour l’annulation et le rejet des appels, les intimés prétendent qu'un accusé a un droit constitutionnel à un poursuivant indépendant, droit qui, à leur avis, est un principe de justice fondamentale reconnu et protégé par l'article 7 de la Charte. Selon eux, le Ministre n'est pas un poursuivant indépendant. 

[41]  Ils estiment que le rapport du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire intitulé Le rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale [2] (« deuxième rapport Dickson ») appuie la conclusion que le Ministre ne doit jouer aucun rôle quasi-judiciaire dans le système de justice militaire canadien, y compris celui d'interjeter appel.

[42]  Il est utile de préciser qu'initialement, dans son mémoire, l'intimé Gagnon faisait valoir que seul le Procureur général pouvait agir dans une poursuite criminelle, ce qui, selon lui, vise l'accusation déposée contre lui en vertu de l'article 130 de la LDN. Toutefois, au début de l'audition, il a restreint la portée de son argument au principe du poursuivant indépendant, tel qu'exposé dans le mémoire de l'intimé Thibault.

B.  Le Ministre (l'intimé/appelant)

[43]  L'argumentation du Ministre peut être résumée assez simplement.

[44]  Le principe de l'indépendance du poursuivant n'est pas un droit de l'accusé, mais plutôt une convention constitutionnelle qui lie le poursuivant. 

[45]  Les décisions concernant la nature et l’étendue des poursuites peuvent être confiées à d'autres ministres que le Procureur général qui, comme lui, doivent agir en toute indépendance. Les principes qui encadrent la discrétion du poursuivant s'appliquent aux autres ministres à qui des responsabilités similaires à celles du Procureur général sont attribuées en matière de poursuites.

[46]  La discrétion de la poursuite et le principe de l'indépendance du poursuivant sont liés à la fonction de poursuivant et non à l'identité du titulaire qui exerce cette fonction.

[47]  De plus, la légitimité du système de justice militaire canadien a été reconnue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Généreux [3] et elle est enchâssée à l'alinéa 11f) de la Charte. Ce système existe d'une manière indépendante et parallèle au système de justice criminelle ordinaire. Le Code de discipline militaire prévoit des infractions d'ordre militaire (« service offence ») et non des infractions criminelles. Le Parlement agit dans son champ de compétence lorsqu'il confie au Ministre un pouvoir en matière de poursuites, en l'occurrence, celui d'interjeter appel.

IV.  Analyse

A.  La disposition législative contestée: historique et objet

[48]  L'article 230.1 de la LDN prévoit :

Appel par le ministre

Appeal by Minister

230.1 Le ministre ou un avocat à qui il a donné des instructions à cette fin peut, sous réserve du paragraphe 232(3), exercer un droit d’appel devant la Cour d’appel de la cour martiale en ce qui concerne les décisions suivantes d’une cour martiale :

230.1 The Minister, or counsel instructed by the Minister for that purpose, has, subject to subsection 232(3), the right to appeal to the Court Martial Appeal Court from a court martial in respect of any of the following matters:

a) avec l’autorisation de la Cour d’appel ou de l’un de ses juges, la sévérité de la sentence, à moins que la sentence n’en soit une que détermine la loi;

(a) with leave of the Court or a judge thereof, the severity of the sentence, unless the sentence is one fixed by law;

a.1) la décision de ne pas rendre l’ordonnance visée au paragraphe 745.51(1) du Code criminel;

(a.1) the decision not to make an order under subsection 745.51(1) of the Criminal Code;

b) la légalité de tout verdict de non-culpabilité;

(b) the legality of any finding of not guilty;

c) la légalité de la sentence, dans son ensemble ou tel aspect particulier;

(c) the legality of the whole or any part of the sentence;

d) la légalité d’une décision d’une cour martiale qui met fin aux délibérations ou qui refuse ou fait défaut d’exercer sa juridiction à l’égard d’une accusation;

(d) the legality of a decision of a court martial that terminates proceedings on a charge or that in any manner refuses or fails to exercise jurisdiction in respect of a charge;

e) relativement à l’accusé, la légalité d’un verdict d’inaptitude à subir son procès ou de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux;

(e) the legality of a finding of unfit to stand trial or not responsible on account of mental disorder;

f) la légalité d’une décision rendue aux termes de l’article 201, 202 ou 202.16;

(f) the legality of a disposition made under section 201, 202 or 202.16;

f.1) la légalité d’une ordonnance de suspension d’instance rendue en vertu du paragraphe 202.121(7);

(f.1) the legality of an order for a stay of proceedings made under subsection 202.121(7);

g) la légalité de la décision prévue à l’un des paragraphes 196.14(1) à (3);

(g) the legality of a decision made under any of subsections 196.14(1) to (3); or

h) la légalité de la décision rendue en application du paragraphe 227.01(2).

(h) the legality of a decision made under subsection 227.01(2).

[49]  L'article 165.11 de la LDN prévoit :

165.11 Le directeur des poursuites militaires prononce les mises en accusation des personnes jugées par les cours martiales et mène les poursuites devant celles-ci; en outre, il représente le ministre dans les appels lorsqu’il reçoit des instructions à cette fin.

165.11 The Director of Military Prosecutions is responsible for the preferring of all charges to be tried by court martial and for the conduct of all prosecutions at courts martial. The Director of Military Prosecutions also acts as counsel for the Minister in respect of appeals when instructed to do so.

[Je souligne]

[Emphasis added]

[50]  Le paragraphe 245(2) de la LDN prévoit un droit d'appel similaire du Ministre à la Cour suprême.

[51]  Avant 1991, la poursuite n'avait aucun droit d'appel [4] . Lorsque celui-ci a été reconnu, il a été confié au Ministre dans le cadre du système de justice militaire alors en place.

[52]  L'article 230.1 est adopté en 1991 [5] . Il est utile de préciser le contexte entourant son adoption et de bien cerner l'intention du législateur [6] .

[53]  Depuis 1985, les amendements législatifs à la LDN ont été nombreux [7] .

[54]  Les réformes les plus importantes suivent l'adoption de la Charte [8]  : la décision de la Cour suprême dans R. c. Généreux [9] en 1992, une réforme majeure de la justice militaire à la suite des événements lors de l'intervention des Forces canadiennes en Somalie et le projet de loi C-25 entré en vigueur en septembre 1999 [10] .

[55]  L'adoption de l'article 230.1 s'intègre au sein d'une série de réformes du système de justice militaire canadien dans un processus de convergence avec le système de justice criminelle civil après l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982. 

[56]  Cette convergence est ainsi décrite par l'ancien Juge-avocat général Pitzul dans un texte dont il est le coauteur :

What followed was a relatively intense process of review, both internal and judicial, during which the Canadian Forces was called upon to reconcile its military justice provisions and processes with the constitutional protections embodied in the Charter. That process, which is still ongoing, resulted in an unprecedented series of amendments to the Code of Service Discipline and subordinate regulations and orders as well as what has been appropriately characterized as the “rapid convergence between military and civilian criminal justice processes.”

Some of the more significant changes implemented between 1982 and 1992 include:

establishing a process under which an accused who had been found guilty at court-martial and sentenced to a term of incarceration could apply for judicial interim release;

developing a Charter-compliant scheme for dealing with mentally disordered accused;

creating a truly comprehensive civilian appellate review process in respect of both courts-martial findings and sentences accessible by both the Crown and the accused; and

enhancing the independence of courts-martial by (1) separating the functions of convening courts-martial and appointing judges and panel members; (2) adopting a random methodology for selecting courts-martial panel members; and (3) implementing reforms to ensure the security of tenure, financial security, and institutional independence of military judges, including appointing judges for fixed terms, adopting the civilian “cause-based” removal standard and discontinuing the use of career evaluations as a measure of judicial performance [11] .

[Je souligne]

[57]  Dans son ouvrage Canada’s Military Lawyers, le colonel à la retraite R. Arthur McDonald décrit les raisons du changement relatif au droit d'appel en ces termes :

One of the changes corrected a long-standing imbalance. For the first forty-three years of its existence, only the accused could appeal to the Court Martial Appeal Court. The prosecution had no right of appeal. This was in keeping with the paternalistic philosophy that the Forces, with its greater resources, should get it right the first time. Otherwise it might seem more like persecution than prosecution. However, as the legal rights of the individual expanded and the consequences of incorrect court martial decisions in favour of an accused became more serious, this philosophy changed to the civilian one of balanced rights of appeal. When the Généreux decision was released and the system had to be shut down until appropriate amendments were made, the decision was taken that this was the time to insert a right of appeal by the prosecution as well. Since 1993 the military appeal system has taken on most of the characteristics of the civilian system of appeal used for a criminal conviction. [12]

[Je souligne]

[58]  La création du droit d'appel de la poursuite découle de cette convergence accélérée et il était impératif de prévoir un droit d'appel pour la poursuite même si, au Canada, ce type de droit d'appel est restreint [13] . Le fait de confier ce droit d'appel au Ministre était tout naturel dans le cadre du système de justice militaire en place en 1991. En effet, la LDN prévoyait alors et conférait plusieurs pouvoirs quasi-judiciaires au Ministre [14] .

[59]  La décision de la Cour suprême dans Généreux – qui porte sur la constitutionnalité des procédures d'une cour martiale générale – et les événements entourant l'intervention des Forces canadiennes en Somalie déclenchent toutefois une réévaluation de l'ensemble des pouvoirs quasi-judiciaires attribués au Ministre.

[60]  En effet, dans son jugement, le juge en chef Lamer formule les observations suivantes :

Bon nombre des aspects de la cour martiale générale que le juge Décary, dissident en Cour d'appel de la cour martiale, a jugés inquiétants se rapportent à l'indépendance institutionnelle du tribunal.  Après avoir étudié attentivement les dispositions législatives pertinentes, le juge Décary fait observer (à la p. 372):

Cet exposé du déroulement d'une instance en Cour martiale générale révèle que le système mis sur pied par la Loi et par les O.R.F.C. crée de façon manifeste et objective des liens étroits de dépendance institutionnelle entre le Ministre de la défense nationale, le commandant qui signe l'acte d'accusation, ordonne la détention, reçoit le rapport d'enquête et décide de donner suite à l'accusation, l'autorité militaire qui convoque la Cour, en nomme les membres et décide de ses dates d'audience, les officiers qui composent la Cour et siègent à toutes fins utiles comme un jury, l'officier qui est procureur à charge et, bien sûr, l'accusé.  Je note que la Loi et les Ordonnances n'exigent pas expressément que le juge-avocat soit, lui aussi, membre des Forces canadiennes, encore qu'en l'espèce le dossier indique qu'il l'était.  Je n'en tiens pas moins compte de cet officier du tribunal, qu'il soit ou non officier des Forces canadiennes, dans la conclusion à laquelle j'en arrive de dépendance institutionnelle objective, puisque son rôle et ses fonctions l'amènent, de par la Loi et les Ordonnances, à entretenir des liens étroits avec les Forces canadiennes.

Je souscris, pour l'essentiel, aux observations du juge Décary. L'examen des lois régissant la cour martiale générale révèle que les officiers militaires, qui sont comptables à leurs supérieurs au ministère de la Défense, participent étroitement aux procédures du tribunal. Cette participation étroite est, à mon sens, incompatible avec l'al. 11d) de la Charte. Elle a pour effet de miner la notion d'indépendance institutionnelle que notre Cour a définie dans l'arrêt Valente. L'idée d'un système distinct de tribunaux militaires commande manifestement l'existence de liens importants entre la hiérarchie militaire et le système de justice militaire. Le principe de l'indépendance institutionnelle exige toutefois que la cour martiale générale soit à l'abri de toute ingérence extérieure relativement aux questions qui concernent directement la fonction judiciaire du tribunal. Il importe que les tribunaux militaires soient le plus possible à l'abri de l'ingérence des membres de la hiérarchie militaire, c'est-à-dire des personnes qui sont chargées du maintien de la discipline, de l'efficacité et du moral des Forces armées.

À mon avis, certaines caractéristiques du système des cours martiales générales seraient fort probablement susceptibles de compromettre l'indépendance institutionnelle du tribunal dans l'esprit d'une personne raisonnable et bien informée. Premièrement, l'autorité qui convoque la cour martiale (l'« autorité convocatrice ») peut être le Ministre, le chef de l'état-major de la défense, un officier commandant un commandement, à la réception d'une demande d'un commandant, ou les autres autorités militaires que peut désigner le Ministre (art. 111.05 O.R.F.C.). L'autorité convocatrice, qui fait partie intégrante de la hiérarchie militaire et donc de l'exécutif, décide s'il y a lieu de convoquer une cour martiale générale. Elle nomme le président et les autres membres de la cour martiale générale et décide du nombre de membres qui la composeront dans une affaire donnée. L'autorité convocatrice, ou l'officier désigné par celle-ci, nomme aussi, avec l'assentiment du juge-avocat général, le procureur à charge (art. 111.23 O.R.F.C.). Voilà encore un fait qui mine l'indépendance institutionnelle de la cour martiale générale. Il est inacceptable, selon moi, que l'autorité convocatrice, c'est-à-dire l'exécutif, qui est responsable de la nomination du procureur à charge, soit en outre investie du pouvoir de nommer les membres de la cour martiale qui remplissent la fonction de juge des faits. J'estime qu'à tout le moins, lorsque c'est ce même représentant de l'exécutif, l'« autorité convocatrice », qui nomme à la fois le procureur à charge et les juges des faits, les conditions de l'al. 11d) ne sont pas remplies.

Deuxièmement, la nomination du juge-avocat par le juge-avocat général (art. 111.22 O.R.F.C.) sape l'indépendance institutionnelle de la cour martiale générale. Les rapports étroits entre le juge-avocat général, qui est nommé par le gouverneur en conseil, et l'exécutif, sont évidents. Pour être conforme à l'al. 11d) de la Charte, la nomination d'un juge militaire pour occuper la charge de juge-avocat à une cour martiale générale donnée devrait incomber à un officier de justice indépendant et impartial. La nomination effective du juge-avocat par l'exécutif pourrait, objectivement, faire naître une crainte raisonnable quant à l'indépendance et à l'impartialité du tribunal. Toutefois, comme je l'ai conclu plus haut, je considère que les nouveaux art. 4.09 et 111.22 des O.R.F.C. ont remédié en grande partie à cette lacune dans la mesure où c'était nécessaire dans le contexte des tribunaux militaires [15] .

[J'ajoute le soulignement et les caractères gras]

[61]  Le 20 mars 1995, la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie est mise sur pied. Elle présente ses recommandations en 1997.

[62]  En janvier 1997, le Ministre de la Défense Douglas Young forme le Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire (« Groupe consultatif »).

[63]  Le Groupe consultatif est présidé par l'ancien juge en chef de la Cour suprême Brian Dickson, membre des Forces canadiennes durant la Seconde Guerre mondiale [16] . Les autres membres sont le lieutenant-général à la retraite Charles H. Belzile et J.W. Bud Bird, un ancien député fédéral.

[64]  En mars 1997, le Groupe consultatif énonce trente-cinq recommandations qui visent à améliorer l'efficacité et l'indépendance du système de justice militaire ainsi que de la police militaire. Plusieurs de ces recommandations font partie du projet de loi C-25 qui entre en vigueur le 1er septembre 1999.

[65]  Le ministre Young confie ensuite au Groupe consultatif le mandat d'examiner les pouvoirs quasi-judiciaires du Ministre au sens de la LDN, dont le pouvoir d'interjeter appel en vertu de l'article 230.1.

[66]  En juillet 1997, le Groupe consultatif présente son rapport intitulé Rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale (« deuxième rapport Dickson ») au nouveau Ministre, Arthur Eggleton.

[67]  La question constitutionnelle soulevée par la requête pour l’annulation et le rejet des appels justifie que l'on s'attarde d'abord soigneusement à l'analyse persuasive et convaincante du deuxième rapport Dickson.

B.  Le Rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la Défense nationale

[68]  Dans son rapport, le Groupe consultatif décrit son étude en ces termes :

Le but que nous avons visé en menant cette étude a été double essentiellement. Premièrement, nous avons examiné chacun des pouvoirs quasi-judiciaires dont dispose actuellement le ministre et nous nous sommes demandés s'il y a un avantage intrinsèque a ce que le ministre l'exerce, ou s'il est préférable qu'il soit exercé par une autre autorité. Deuxièmement, nous avons examiné la question de savoir si certains de ces pouvoirs quasi-judiciaires ou l'ensemble d'entre eux empêchent le ministre de s'acquitter de sa responsabilité à l'égard des Forces canadiennes. Lorsque nous avons estimé préférable qu'une autre autorité exerce le pouvoir en cause, ou lorsque le rôle exécutif du ministre pouvait être compromis, nous avons recommandé un transfert de ce pouvoir pour faire en sorte que le ministre dispose d'une flexibilité maximale dans la conduite des activités du ministère de la Défense nationale et pour assurer encore davantage l'impartialité du processus de la justice militaire [17] .

[69]  Le deuxième rapport Dickson souligne aussi que, même s'il n'avait plus de pouvoirs quasi-judiciaires, le Ministre doit être prudent dans ses déclarations publiques. Il mentionne :

Ainsi, même s'il ne dispose d'aucun des pouvoirs, tels que ceux dont il sera traité plus loin, lui permettant d'être un participant direct du système de justice militaire, le ministre devra s'assurer que soient mesurés ses propos et gestes publics se rapportant à des événements pouvant donner lieu à des accusations devant les tribunaux militaires. Outre ce conseil général de prudence, si le ministre prenait ses distances à l'égard du système de justice militaire, il disposerait de plus en plus de flexibilité pour s'acquitter de ses responsabilités exécutives en vertu de la Loi sur la défense nationale (la « LDN ») [18] .

[70]  Aux fins de son analyse, le Groupe consultatif étudie « la situation qui prévaut dans d'autres pays ayant des traditions militaires et juridiques semblables aux nôtres, à savoir l'Angleterre, l'Australie et les États-Unis, et [il a] pu constater que dans aucun de ces pays, le ministre ou le secrétaire responsable de la défense ne conserve autant de pouvoirs quasi-judiciaires que tel est le cas au Canada » [19] .

[71]  Le deuxième rapport Dickson examine aussi brièvement les pouvoirs quasi-judiciaires conférés à d'autres ministres et il constate la situation unique du Ministre de la Défense en ces termes :

Finalement, nous avons examiné les pouvoirs quasi-judiciaires conférés à des ministres par d'autres lois fédérales. En raison de contraintes de temps, une fois encore, cette question n'a pu faire l'objet d'une recherche exhaustive. Il est toutefois évident que divers autres ministres doivent assumer des rôles quasi-judiciaires, et que plusieurs d'entre eux sont responsables de tribunaux quasi-judiciaires. Nous ne croyons pas, cependant, qu'un autre ministre soit responsable d'un système de justice complet et distinct destiné à régir la conduite du personnel dont il a également la charge dans son ministère.

La situation du ministre de la Défense nationale est donc unique. Le ministre est responsable non seulement d'un ministère et des forces armées, mais aussi d'un système de justice militaire distinct et complet applicable à ces forces. La question fondamentale que soulève la réunion des pouvoirs exécutifs et quasi-judiciaires du ministre consiste à savoir si cela est appropriée et souhaitable en toutes circonstances [20] .

[Je souligne]

[72]  Le Groupe consultatif a été incapable de déterminer la raison d'être de l'ensemble des pouvoirs accordés au Ministre. Il écrit :

Il a été difficile d'établir avec grande précision quelle est la justification ou la raison d'être du très grand nombre de pouvoirs quasi-judiciaires prévus par la LDN. À vrai dire, notre recherche ne nous permet pas de déterminer catégoriquement pourquoi le ministre s'est vu octroyer des pouvoirs quasi-judiciaires particuliers. Nous pouvons seulement supposer que les rédacteurs de la loi, imprégnés de la tradition militaire britannique, ont tacitement présumé que l'organe exécutif et la chaîne de commandement constituaient les autorités compétentes pour superviser le système de justice militaire et, même, pour participer à la prise de décisions concernant des cas particuliers [21] .

[73]  Par ailleurs, le deuxième rapport Dickson note l'évolution législative et jurisprudentielle récente ayant conduit tant à des contestations judiciaires qu'à des réformes législatives :

Depuis l'adoption de la LDN, toutefois, la loi et la jurisprudence ont connu une évolution qui a entraîné une plus grande indépendance des tribunaux militaires à l'égard du pouvoir exécutif et de la chaîne de commandement, particulièrement en ce qui concerne les cours martiales. Ce processus a connu son apogée avec la décision Généreux de la Cour suprême prescrivant que les cours martiales se conforment à l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que chacun a le droit d'être jugé par « un tribunal indépendant et impartial » [22] . 

[…]

Ainsi, la réunion des fonctions exécutifs et quasi-judiciaires du ministre est devenue problématique, comme il faillait de plus en plus que le système de justice militaire soit indépendant et semble l'être de manière à ce qu'il tienne compte des valeurs du système judiciaire civil et de la nécessité pour le ministre d'exercer ses responsabilités de gestion [23] .

[Je souligne]

[74]  Le deuxième rapport Dickson considère tous les pouvoirs quasi-judiciaires du Ministre, tant les décisions préalables au procès que celles postérieures à celui-ci. Dans certains cas, il en recommande soit l'abolition pure et simple, ou le transfert à un titulaire comme un juge militaire ou au Directeur des poursuites indépendant.

[75]  Dans le cas de l'article 230.1, le Groupe consultatif recommande que ce pouvoir soit exercé par le Directeur des poursuites indépendant dont il avait recommandé la mise en place dans son premier rapport déposé en mars 1997. Il estime qu'un poursuivant indépendant est davantage compétent que le Ministre pour exercer des pouvoirs en matière de poursuites. 

[76]  Le deuxième rapport Dickson mentionne que le Ministre « devrait garder le plus possible ses distances vis-à-vis du système de justice militaire, à quelque étape que ce soit de son processus […] » [24] . L'indépendance du système de justice militaire et l'apparence de justice justifient de tenir le Ministre à l'écart de ce type de pouvoir quasi- judiciaire.

[77]  Le deuxième rapport Dickson confirme cette approche à plusieurs reprises. Selon ce rapport, « le ministre ne devrait pas prendre part aux décisions en matière de poursuite, qui devraient incomber au seul Directeur des poursuites indépendant » [25] , car il s'agit de décisions « qui appartien[nent] essentiellement à la poursuite » [26] .

[78]  Le deuxième rapport Dickson soutient donc l’idée selon laquelle la préservation de l'indépendance et de l'impartialité du système de justice militaire exige que le Ministre cesse d'exercer des pouvoirs quasi-judiciaires au sein d'un système de justice pouvant conduire à l'emprisonnement de l'un des membres de son personnel. Essentiellement, l'indépendance du système de justice militaire à l'égard du pouvoir exécutif et de la chaîne de commandement justifiait ces changements.

[79]  Ainsi, selon l'avis du Groupe consultatif, le Ministre pouvait pleinement s'acquitter des responsabilités de gestion sous la LDN tout en s'assurant que, selon la LDN, les pouvoirs autrefois exercés par lui, le soient par un juge ou un Directeur des poursuites indépendant, des titulaires plus compétents que le Ministre pour des fonctions de cette nature.

[80]  Les recommandations du deuxième rapport Dickson ne demeurent pas lettre morte. 

[81]  Le projet de loi C-25 intègre la plupart d'entre elles, mais celle visant le transfert du pouvoir du Ministre d'interjeter appel n'a jamais été mise en œuvre [27] .

[82]  Ce projet de loi entre en vigueur le 1er septembre 1999 [28] . Le sommaire se lit comme suit :

Le texte vise à remanier et moderniser la Loi sur la défense nationale et, en particulier, le code de discipline militaire. Les points saillants en sont les suivants :

la clarification des rôles des principaux intervenants du système de justice militaire, y compris le ministre de la Défense nationale et le juge-avocat général, et l'établissement de normes de séparation institutionnelle entre les fonctions d'enquête, de poursuite et de défense et les fonctions judiciaires;

la création du poste de directeur des poursuites militaires chargé de prononcer les mises en accusation pour les personnes qui seront jugées par une cour martiale et de mener les poursuites devant les cours martiales;

la constitution du Comité d'examen des griefs des Forces canadiennes qui transmet ses conclusions et recommandations au Chef d'état-major de la défense en ce qui touche les griefs des membres des Forces canadiennes;

la constitution de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire responsable d'enquêter sur les allégations d'ingérence dans les enquêtes de la police militaire et sur les plaintes relatives à la conduite des policiers militaires;

l'abolition de la peine de mort et son remplacement par l'emprisonnement à perpétuité;

l'obligation accrue de faire rapport par l'établissement de rapports annuels par le Comité d'examen des griefs, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et le juge-avocat général.

[Je souligne]

[83]  En 2003, l'ancien juge en chef Lamer est chargé de mener le premier examen indépendant des dispositions et de l’application du projet de loi C-25. Il formule trois observations au sujet de l'objectif poursuivi par le projet de loi C-25 quant à l'indépendance de la poursuite vis-à-vis de la chaîne de commandement :

L’un des principaux objets du projet de loi C-25 consistait à clarifier les rôles, les responsabilités et les fonctions des principaux intervenants du système de justice militaire, notamment en créant de nouveaux postes au sein de ce système afin d’accroître l’indépendance de la magistrature, de la poursuite et de la défense envers la chaîne de commandement [29] .

[…]

Afin de protéger davantage les décisions en matière de poursuites contre les influences extérieures et de réduire le risque de conflit d’intérêts, le projet de loi C-25 a établi plus solidement la séparation entre la fonction de poursuite et la chaîne de commandement. Ces changements font suite aux commentaires formulés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c. Généreux, qui a mis en lumière l’absence d’indépendance institutionnelle des cours martiales à l’époque [30] [.]

[…]

Le projet de loi C-25 visait à entourer le DPM des protections législatives nécessaires pour éviter que la chaîne de commandement militaire intervienne par mégarde dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites [31] .

[84]  L'ancien juge en chef Lamer ne formule aucune observation particulière au sujet de l'article 230.1.

[85]  Le dossier présenté par les parties ne comporte aucune source expliquant la décision de ne pas donner suite à la recommandation du deuxième rapport Dickson au sujet de l'article 230.1. Je n'ai été en mesure d'en trouver aucune.

[86]  Curieusement, le rapport final du Comité de surveillance des changements du rôle du Ministre au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, chargé de faire le suivi des réformes, donne lieu de croire qu'on devait donner suite à cette recommandation [32] .

[87]  C'est en ayant à l'esprit ce portrait historique que je procède maintenant à l'analyse des questions soulevées par les requêtes en rejet d'appel.

C.  Les questions en litige

[88]  Les questions en litige sont les suivantes :

  • 1) Est-ce que le droit à un poursuivant indépendant est un principe de justice fondamentale?

  • 2) Dans l'affirmative, est-ce que le pouvoir confié au Ministre d'interjeter appel est contraire à ce principe de justice fondamentale et constitue une violation de l'article 7 de la Charte?

  • 3) Si oui, s'agit-il d'une limite raisonnable qui se justifie dans le cadre d'une société libre et démocratique?

  • 4) Si non, est-ce qu'une déclaration d'invalidité de l'article 230.1 entraîne le rejet des appels du Ministre?

(1)  Le droit constitutionnel à un procureur indépendant est-il un principe de justice fondamentale protégé par l'article 7 de la Charte?

a)  Atteinte à un intérêt protégé par l'article 7

[89]  La première question qui se pose est celle de savoir si le droit à la liberté, à la sécurité et à la vie des intimés est en cause. La réponse à cette question est simple. La Cour suprême rappelle dans l'arrêt R. c. Malmo-Levine que « la possibilité d’emprisonnement […] suffit pour justifier un examen fondé sur l’art. 7 » [33] . Une telle possibilité existe selon l'article 139 de la LDN.

b)  Les principes de justice fondamentale

[90]  Depuis l'arrêt R. c. D.B. [34] , le cadre d'analyse pour identifier un principe de justice fondamentale est bien établi.

[91]  Le juge Cromwell le résume dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada [35] :

[87]  Le principe de justice fondamentale présente trois caractéristiques. Il doit s’agir d’un principe juridique à l’égard duquel il existe « un consensus substantiel dans la société » sur le fait que ce principe est « essentiel au bon fonctionnement du système de justice », et ce principe doit être suffisamment précis pour « constituer une norme fonctionnelle permettant d’évaluer l’atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne » (R. c. Malmo-Levine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571, par. 113, les juges Gonthier et Binnie; R. c. D.B., 2008 CSC 25, [2008] 2 R.C.S. 3, par. 46, la juge Abella; R. c. Anderson, 2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167, par. 29, le juge Moldaver).

[92]  Le pouvoir discrétionnaire de la poursuite en matière de poursuites et le principe de l'indépendance qu'il fait intervenir ont fait l'objet d'une série de décisions de la Cour suprême du Canada au cours des vingt-cinq dernières années : les arrêts Nelles c. Ontario [36] , R. c. T. (V.) [37] ; R. c. Cook [38] ; Krieger c. Law Society of Alberta [39] , Miazga c. Kvello (Succession) [40] ; R. c. Nixon [41] ; R. c. Anderson [42] , et plus récemment les arrêts Hinse c. Canada (Procureur général) [43] et Henry c. Colombie-Britannique (Procureur général) [44] .

[93]  Dans l'arrêt Hinse, les juges Wagner et Gascon décrivent le principe de l'indépendance dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites en ces termes :

[40]  Premièrement, si un procureur de la Couronne peut, dans des cas par ailleurs rares, être tenu responsable de poursuites criminelles abusives, des raisons de principe justifient qu’une telle action ne soit accueillie que si elle satisfait à un critère extrêmement strict : Miazga c. Kvello (Succession), 2009 CSC 51, [2009] 3 R.C.S. 339, par. 43; Proulx c. Québec (Procureur général), 2001 CSC 66, [2001] 3 R.C.S. 9, par. 4; Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170. En conséquence, le recours pour poursuites abusives doit être fondé sur la malveillance ou l’existence d’un but illégitime : Miazga, par. 56 et 81. La décision d’engager ou de continuer une poursuite criminelle est au cœur de l’exercice par le procureur de la Couronne de ses pouvoirs, et le principe de l’indépendance de sa fonction le protège contre l’influence de considérations politiques inappropriées : Miazga, par. 45; voir aussi Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 372. Le procureur doit pouvoir agir indépendamment de toute pression politique du gouvernement et être soustrait à tout contrôle judiciaire, sauf en cas d’abus de procédure. Cette indépendance est à ce point essentielle à l’intégrité et à l’efficacité du système de justice criminelle qu’elle est consacrée par la Constitution : Miazga, par. 46, Krieger, par. 30-32.

[Je souligne]

[94]  Dans l'arrêt Anderson, le juge Moldaver écrit :

[37]  Notre Cour a affirmé à maintes reprises que le pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites est un élément essentiel au bon fonctionnement de la justice criminelle : Beare, p. 410; R. c. T. (V.), [1992] 1 R.C.S. 749, p. 758-762; R. c. Cook, [1997] 1 R.C.S. 1113, par. 19.  Dans Miazga c. Kvello (Succession), 2009 CSC 51, [2009] 3 R.C.S. 339, par. 47, notre Cour a estimé que l’importance fondamentale du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites « tient à la défense de l’intérêt public, et non à la protection des droits individuels des procureurs de la Couronne, car elle permet à ces derniers de prendre des décisions discrétionnaires dans l’exécution de leurs obligations professionnelles sans craindre d’ingérence judiciaire ou politique et de s’acquitter ainsi de leur rôle quasi judiciaire de [traduction] “représentants de la justice” ».  Plus récemment, dans Sriskandarajah c. États-Unis d’Amérique, 2012 CSC 70, [2012] 3 R.C.S. 609, par. 27, la Cour a fait remarquer que « [l]e pouvoir discrétionnaire du poursuivant est non seulement conforme aux principes de justice fondamentale, mais il représente un mécanisme essentiel d’application efficace du droit criminel ».

[Je souligne]

[95]  À mon avis, ces deux passages suffisent à établir que l'indépendance du poursuivant est un principe de justice fondamentale.

[96]  En effet, il s'agit d'un principe juridique, qui est suffisamment précis, et à l'égard duquel il existe un consensus substantiel dans la société sur le fait que ce principe est essentiel au bon fonctionnement du système de justice criminelle.

[97]  Les grands principes dégagés par la Cour suprême au sujet de l'indépendance dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la poursuite peuvent être résumés ainsi :

  • 1) Les larges pouvoirs attribués à la poursuite sont au cœur même du processus contradictoire [45] ;

  • 2) Le fait que la poursuite doive disposer d'un assez large pouvoir discrétionnaire est un principe général de bon fonctionnement du système de justice criminelle. Ce pouvoir discrétionnaire est une caractéristique essentielle de la justice criminelle [46] ;

  • 3) Le pouvoir discrétionnaire de la poursuite ne porte pas atteinte aux principes de justice fondamentale [47] ;

  • 4) Le principe de l’indépendance du poursuivant protège contre l’influence de considérations politiques inappropriées [48] ou partisanes [49] ou de toute pression politique du gouvernement [50] ;

  • 5) L'indépendance du poursuivant est à ce point essentielle à l’intégrité et à l’efficacité du système de justice criminelle qu’elle est consacrée par la Constitution [51] ;

  • 6) Le devoir d’un procureur de la poursuite de s’acquitter de ses obligations d’objectivité et d’indépendance de « représentant de la justice » est fondamental. Il constitue, pour le citoyen, une protection essentielle contre l’exercice parfois excessif et mal fondé du pouvoir de l’État. C’est l’un des mécanismes les plus importants de freins et contrepoids de notre système de justice pénale [52] .

[98]  L'ensemble de ces principes fortifie la conclusion que l'indépendance dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites est un principe de justice fondamentale [53] .

[99]  Il est aussi essentiel que le poursuivant puisse être raisonnablement perçu comme indépendant.

[100]  Bien que ce critère ait été formulé au sujet de l'indépendance judiciaire [54] , l'indépendance du poursuivant serait un principe de justice fondamentale vide de sens s'il ne devait pas, lui aussi, être évalué selon le point de vue objectif d'une personne raisonnable et bien informée de l'ensemble des circonstances.

[101]  Dans leur étude au sujet de l'indépendance des poursuites au sein des Forces canadiennes, les professeurs James W. O'Reilly et Patrick Healy soulignent cette perspective :

Les caractéristiques du décideur sont importantes aussi. Cela signifie que le poste du décideur doit lui permettre d'agir de façon indépendante.

[102]  Ils notent l'importance de considérer « l'ensemble des attributs définissant le poste de procureur » de la poursuite [55] .

[103]  La question de savoir si un poursuivant peut être perçu comme indépendant requiert une analyse de ses attributs et caractéristiques. Sa fonction doit lui permettre d'agir en toute indépendance.

[104]  Le critère de la perception d'une personne raisonnable a été appliqué récemment dans un autre contexte par la Cour suprême dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada [56] .

[105]  Dans cette affaire, la constitutionnalité de certaines dispositions de la législation canadienne visant à lutter contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes faisait l'objet de contestations. Le juge Cromwell y examine le devoir de dévouement de l'avocat à la cause de son client. Il écrit :

[97]  Le devoir de dévouement à la cause du client ne s’attache donc pas seulement à la justice pour les clients; il est aussi réputé nécessaire pour préserver la confiance du public dans l’administration de la justice. Cette confiance est tributaire non seulement des faits, mais aussi d’une perception raisonnable. Par conséquent, nous devons nous préoccuper non seulement de savoir s’il y a effectivement entorse au devoir, mais aussi de la perception d’une personne raisonnable et bien informée des circonstances pertinentes qui étudierait la question en profondeur. Le caractère fondamental de ce devoir de dévouement trouve appui dans de nombreuses affirmations plus larges et générales au sujet de l’importance primordiale, pour le système juridique, du fait que les avocats soient à l’abri de l’ingérence de l’État lorsqu’ils s’acquittent de leurs obligations envers leurs clients. […]

[Je souligne]

[106]  Le critère de la perception d’une personne raisonnable et bien informée des circonstances pertinentes est parfaitement adapté et bien conçu pour être utilisé dans l'analyse de la question de l'indépendance d'un poursuivant, comme en l'espèce, celle du Ministre.

[107]  La question de la protection constitutionnelle accordée à l'indépendance du poursuivant exige deux précisions.

[108]  Premièrement, il est vrai que dans la jurisprudence de la Cour suprême, on réfère principalement à l'indépendance du Procureur général. On peut se demander si ce principe s'étend à tout poursuivant dans le système de justice pénale [57] , et si la protection de cette indépendance est restreinte au Procureur général et à ceux qui agissent en son nom.

[109]  Il suffit d'abord de dire que la terminologie employée par la Cour suprême réfère non seulement à la discrétion du Procureur général, mais aussi à la discrétion de la poursuite [58] ou au pouvoir discrétionnaire du poursuivant [59] . La terminologie utilisée est de peu d'importance, car le principe de l'indépendance s'applique à tous les poursuivants.

[110]  J'y reviendrai plus loin en examinant certains arguments présentés par le Ministre.

[111]  Deuxièmement, le fondement de cette protection constitutionnelle doit être identifié.

[112]  Voici la description qu'en donne la juge Charron dans l'arrêt Miazga :

[46] L’indépendance du procureur général est si essentielle à l’intégrité et à l’efficacité du système de justice criminelle qu’elle est consacrée par la Constitution. Le principe de l’indépendance veut que le procureur général agisse indépendamment de toute pression politique du gouvernement et il soustrait à tout contrôle judiciaire l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites, sous réserve uniquement de l’application de la règle de l’abus de procédure. Dans l’arrêt Krieger, notre Cour explique en quoi le principe de l’indépendance revêt la forme d’une valeur constitutionnelle (par. 30-32) :

Dans notre pays, un principe constitutionnel veut que le procureur général agisse indépendamment de toute considération partisane lorsqu’il supervise les décisions d’un procureur du ministère public. Voir, à l’appui de ce point de vue : Commission de réforme du droit du Canada [Document de travail 62, Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la Couronne (1990)], p. 9‑11. Voir également le juge Binnie (dissident sur un autre point) dans l’arrêt R. c. Regan, [2002] 1 R.C.S. 297, 2002 CSC 12, par. 157‑158.

Cet aspect de l’indépendance du procureur général se reflète également dans le principe selon lequel les tribunaux n’interviennent pas dans la façon dont celui-ci exerce son pouvoir exécutif, comme l’illustre le processus décisionnel en matière de poursuites. . .

. . .

La reconnaissance par la cour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire du procureur général en matière de poursuites ne peut pas faire l’objet d’un contrôle judiciaire repose avant tout sur le principe fondamental de la primauté du droit consacré par notre Constitution. Sous réserve de la règle de l’abus de procédure, il ne relève pas de la compétence légitime du tribunal de superviser le processus décisionnel d’une partie plutôt que la conduite des parties comparaissant devant lui. [. . .] La fonction quasi judiciaire du procureur général ne saurait faire l’objet d’une ingérence de la part de parties qui ne sont pas aussi compétentes que lui pour analyser les divers facteurs à l’origine de la décision de poursuivre. Assujettir ce genre de décisions à une ingérence politique ou à la supervision des tribunaux pourrait miner l’intégrité de notre système de poursuites. Il faut établir des lignes de démarcation constitutionnelles claires dans des domaines où un conflit aussi grave risque de survenir. [Je souligne.]

Voir aussi R. c. Regan, 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297, par. 166, le juge Binnie, dissident sur un autre point.

[Le soulignement est celui de la juge Charron]

[113]  Dans ce passage, la juge Charron fonde le principe de l'indépendance dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites à la fois sur la primauté du droit et la séparation des pouvoirs.

[114]  De plus, elle renvoie à l'opinion formulée par le juge Binnie dans sa dissidence dans l'arrêt Regan.

[115]  Dans l'affaire Regan, le juge Binnie écrit ce qui suit aux paragraphes 157-158 :

157   Dans l’arrêt R. c. G.D.B., [2000] 1 R.C.S. 520, 2000 CSC 22, par. 24, nous avons statué que « [le] droit à l’assistance effective d’un avocat » dans le système de justice pénale correspond à un principe de justice fondamentale au sens de l’art. 7 de la Charte. Le devoir d’un procureur de la Couronne de s’acquitter de ses obligations d’objectivité et d’indépendance de « représentant de la justice » est tout aussi fondamental. Il constitue, pour le citoyen, une protection essentielle contre l’exercice parfois excessif et mal fondé du pouvoir de l’État. C’est l’un des mécanismes les plus importants de freins et contrepoids de notre système de justice pénale et il satisfait aisément au critère énoncé pour la première fois dans le Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.‑B., [1985] 2 R.C.S. 486, p. 513 :

La question de savoir si un principe donné peut être considéré comme un principe de justice fondamentale au sens de l’art. 7 dépendra de l’analyse de la nature, des sources, de la raison d’être et du rôle essentiel de ce principe dans le processus judiciaire et dans notre système juridique à l’époque en cause.

158  Ces exigences établissent une norme élevée. Les tribunaux présument avec raison, étant donné la haute tradition du service du ministère public au Canada, que ces exigences sont respectées dans les milliers de décisions prises chaque jour qui ont une incidence si vitale sur la vie des personnes qui, à tort ou à raison, ont des démêlés avec la justice. Les allégations dénuées de fondement ou frivoles sont expédiées promptement. En l’espèce toutefois, le juge du procès a conclu que la dérogation à la norme prévue n’était ni dénuée de fondement, ni frivole. L’ampleur de cette dérogation était profondément troublante. Le juge du procès a beaucoup d’expérience en ce qui a trait aux aspects pratiques des poursuites pénales. C’est donc un ensemble de faits très exceptionnels qui nous est soumis.

[Je souligne]

[116]  À mon avis, il ressort d'une manière assez limpide des commentaires du juge Binnie dans l'arrêt Regan que l'indépendance du poursuivant est un principe de justice fondamentale au sens de l'article 7 de la Charte.

[117]  Cette interprétation est adoptée par la Cour suprême dans plusieurs décisions même si la Cour n'a pas, jusqu'à ce jour, formellement décrit le principe de l'indépendance du poursuivant comme un principe de justice fondamentale selon l'article 7 de la Charte.

[118]  À cet égard, la juge Charron fait bien ressortir dans l'arrêt Miazga le lien qui existe entre le principe de l'indépendance et l'exercice du pouvoir discrétionnaire :

[47] L’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites relève d’une fonction inhérente à la charge de procureur général qui fait intervenir le principe de l’indépendance. L’importance fondamentale de l’indépendance du ministère public tient à la défense de l’intérêt public, et non à la protection des droits individuels des procureurs de la Couronne, car elle permet à ces derniers de prendre des décisions discrétionnaires dans l’exécution de leurs obligations professionnelles sans craindre d’ingérence judiciaire ou politique et de s’acquitter ainsi de leur rôle quasi judiciaire de [traduction] « représentants de la justice » : Boucher c. The Queen, [1955] R.C.S. 16, p. 25, le juge Locke. 

[Je souligne]

[119]  Dans l'arrêt R. c. Gill, le juge Doherty de la Cour d'appel de l'Ontario exprime aussi l'opinion que l'indépendance du poursuivant est un principe de justice fondamentale. Il écrit :

57  The distinction between prosecutorial decisions that engage the core prosecutorial discretion and other prosecutorial decisions is important because the former are reviewable only for abuse of process. Thus, if an accused challenges a prosecutorial exercise of discretion under s. 7 of the Charter, and that decision is said to go to the core prosecutorial power, it can offend the principles of fundamental justice only if it constitutes an abuse of process. Put in a more positive way, prosecutorial independence, itself a principle of fundamental justice, forecloses judicial review of core decisions under s. 7 for anything other than abuse of process [60] .

[Je souligne]

[120]  Il est vrai que le juge Moldaver dans l'arrêt Anderson n'adopte pas le critère de contrôle judiciaire formulé par le juge Doherty dans l'arrêt Gill. Il affirme en effet : « il n’y a pas lieu de retenir le critère énoncé dans Gill dans la mesure où il laisse entendre qu’une conduite qui ne va pas jusqu’à l’abus de procédure peut justifier le contrôle judiciaire du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites » [61] .

[121]  Cependant, cela ne remet pas en cause l'opinion formulée par le juge Doherty selon laquelle l'indépendance de la poursuite est un principe de justice fondamentale. Le passage de l'arrêt Anderson que je cite au paragraphe 94 de mes motifs me semble le confirmer.

[122]  L'indépendance dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites est un principe de justice fondamentale au sens de l'article 7 de la Charte.

[123]  J’aborde malgré tout certains arguments présentés par le Ministre. Si je comprends bien ceux-ci, même si on conclut que l'indépendance du poursuivant est un principe de justice fondamentale, ce principe est inapplicable au système de justice militaire canadien pour plusieurs raisons.

c)  Le principe de l'indépendance du poursuivant est-il simplement une convention constitutionnelle qui vise uniquement le procureur général?

[124]  Le Ministre fait d'abord valoir que le principe de l'indépendance du poursuivant est une convention constitutionnelle qui protège le Procureur général et qui n'est pas susceptible de sanction par les tribunaux.

[125]  Sur cette question, il se fonde sur l'opinion formulée à ce sujet dans le rapport publié en 1990 par la Commission de réforme du droit intitulé Poursuites pénales : les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la Couronne [62] .

[126]  L'indépendance du poursuivant en matière de poursuites n'est pas qu'une convention constitutionnelle [63] , car le respect de ce principe peut faire l'objet d'un débat judiciaire pouvant conduire, dans certaines circonstances, à un arrêt des procédures fondé sur un abus de procédures ou une poursuite civile pour procédure abusive [64] .

[127]  Tel que je l'ai précédemment indiqué, plusieurs décisions de la Cour suprême, postérieures au rapport de la Commission de réforme du droit, établissent que le principe de l'indépendance du poursuivant est protégé par la Constitution.

[128]  La poursuite doit objectivement être en mesure d'agir d'une manière indépendante à l'abri de toute influence, politique ou autre.

[129]  Historiquement, c'est l'indépendance du Procureur général qui assurait le respect de ce principe.

[130]  Le fait que le Procureur général soit membre du cabinet ne réduit pas l'importance du principe de l'indépendance comme le font observer les juges Iacobucci et Major dans l'arrêt Krieger [65] :

29  L’importance du pouvoir d’intenter et de gérer des poursuites, ainsi que d’y mettre fin, qui est au cœur du rôle du procureur général, fait en sorte que l’on s’attend à ce qu’il soit libre, à cet égard, de toute pression politique de la part du gouvernement. Au Royaume-Uni, cette préoccupation est à l’origine de la longue tradition voulant que le procureur général ne fasse pas partie du cabinet. Voir Edwards, op. cit., p. 174-176. Ce n’est pas le cas au Canada. Cependant, la préoccupation demeure la même et est accentuée par le fait que le procureur général est non seulement membre du cabinet, mais aussi ministre de la Justice, et qu’il occupe, à ce titre, un poste comportant des aspects politiques partisans. Le fait que le procureur général soit membre du cabinet rend le principe de l’indépendance dont il doit jouir dans l’exercice de ses fonctions en matière de poursuites peut-être encore plus important au Canada qu’au Royaume-Uni.

[131]  À cet égard, le parallèle proposé par le Ministre entre le rôle du Procureur général en matière de poursuites et les autres ministres du Cabinet lorsque de tels pouvoirs en matière de poursuites leur sont confiés est inadéquat.

[132]  Bien que le Procureur général ne dispose pas d'une charge inamovible en raison du fait qu'il est un membre du Parlement et qu'il puisse être démis de ses fonctions par le Premier ministre, c'est « la coutume, la tradition et l’usage constitutionnel » qui ont chargé le Procureur général de l’administration de la justice à titre de fonction principale [66] .

[133]  Cependant, même si des pouvoirs en matière de poursuites sont confiés à d'autres ministres, il n'en découle pas que les attributs d'indépendance reconnus au Procureur général leur sont conférés et qu'ils font l'objet de la même protection constitutionnelle.

[134]  Dans l'arrêt Krieger, la Cour suprême a reconnu « le rôle unique et important du procureur général » [67] et le fait que « la charge de procureur général comporte une dimension constitutionnelle » [68] . De plus, l'une des attributions du Procureur général est de « conseille[r] les chefs des divers ministères sur toutes les questions de droit qui concernent ceux-ci » [69] .

[135]  L'ensemble de ces facteurs établit que le Procureur général peut être raisonnablement perçu comme indépendant aux yeux d'une personne raisonnable.

[136]  Il n'y a tout simplement aucune équivalence possible entre la protection constitutionnelle accordée à l'indépendance du Procureur général à l'égard des pouvoirs en matière de poursuites et celle qui est reconnue aux autres ministres du Cabinet [70] .

[137]  Formulé avant l'adoption de la Charte à titre de convention constitutionnelle relative à l'indépendance du Procureur général [71] , le principe de l'indépendance du poursuivant fait maintenant l'objet d'un consensus qui en permet la reconnaissance comme un principe de justice fondamentale selon l'article 7 de la Charte.

[138]  La création de postes de procureurs indépendants dotés d'une inamovibilité de fonction pendant une période déterminée est la preuve de l'existence de ce consensus. C'est le cas, par exemple, dans le système de justice militaire canadien, du Directeur des poursuites militaires qui est nommé à titre inamovible pour un mandat maximal de quatre ans et qui est renouvelable [72] . Le Directeur des poursuites pénales du Canada est nommé à titre inamovible pour un mandat de sept ans [73] tout comme le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec [74] .

[139]  Je souligne que le principal objectif de la Loi sur le directeur des poursuites pénales [75] est « de faire en sorte que les poursuites intentées en vertu des lois fédérales soient indépendantes du procureur général du Canada et du processus politique » [76] . Cette loi a été édictée par la partie III de la Loi fédérale sur la responsabilité [77] .

[140]  Les auteures Sylvestre et Lapointe décrivent cette évolution en ces termes :

12 . Création de services de poursuite indépendants — La création du [Service des poursuites pénales du Canada] et du [Directeur des poursuites criminelles et pénales], qui remonte respectivement à 2006 et 2007, est le fruit d'une réflexion, menée dans plusieurs juridictions de common law, sur les effets du cumul des fonctions de procureur général et de ministère de la Justice sur l'indépendance de la poursuite. Les deux organismes sont chapeautés par une loi-cadre et des politiques propres. Les directeurs du SPPC et du DCPC ont le mandat d'agir comme poursuivant pour le compte de leur procureur général respectif. Certains liens institutionnels entre les directeurs des services de poursuite et leur procureur général respectif demeurent, notamment sur le plan budgétaire et en ce qui a trait au devoir d'information. De plus, le procureur général a le pouvoir d'émettre des directives générales ou particulières à l'endroit d'un dossier, applicables au directeur des poursuites pénales. Ces directives devront être rendues par écrit et publiées [78] .

[141]  Le principe de l'indépendance du poursuivant fait l'objet d'un consensus jurisprudentiel ferme et d'une cristallisation législative contemporaine dans toutes les lois qui ont créé des postes indépendants de procureurs de la poursuite.

[142]  Ce développement fait voir qu'il existe non seulement un consensus au sujet de la reconnaissance du principe de l'indépendance du poursuivant en tant que composante essentielle au système de justice criminelle ou pénale, c'est-à-dire un principe de justice fondamentale, mais aussi que le respect de ce principe a favorisé l'adoption de lois qui offrent dorénavant une garantie objective d'inamovibilité pour une période déterminée afin d'assurer la protection de cette indépendance.

[143]  L'existence du consensus selon lequel l'indépendance du poursuivant doit être protégée par une fonction à titre inamovible pendant une période déterminée, à tout le moins lorsque celui-ci n'est pas le Procureur général, est une question qui déborde largement l'objet des requêtes pour l’annulation et le rejet des appels devant nous qui portent sur l'indépendance du Ministre dans le cadre de la LDN à l'égard de son pouvoir d'interjeter appel.

[144]  Je formule ces observations simplement pour confirmer l'importance qu'on accorde au principe de l'indépendance du poursuivant dans la législation récente au Canada. Il n'est pas essentiel de résoudre la question de savoir si la protection du principe de l'indépendance du poursuivant exige une inamovibilité de fonction pour une période déterminée. Il est plus prudent de respecter « la règle de conduite qui dicte la retenue dans les affaires constitutionnelles » [79] .

d)  La compétence législative de conférer au Ministre le pouvoir d'interjeter appel

[145]  Le Ministre insiste sur le fait que la LDN et le Code de discipline militaire relèvent de la compétence législative du Parlement selon le par. 91(7) dans les domaines suivants : « la milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays » et non celle en matière de droit criminel. Il affirme aussi que les infractions au sens de la LDN sont des infractions d'ordre militaire et non des infractions criminelles.

[146]  Ces arguments sont sans pertinence dans l'identification de l'existence d'un principe de justice fondamentale garantissant l'indépendance du poursuivant applicable au système de justice militaire canadien.

[147]  La question n'est pas de savoir si le Parlement possède la compétence législative de confier au Ministre le pouvoir d'interjeter appel. Celle-ci ne fait pas de doute [80] . Il s'agit de savoir si cela respecte l'article 7 de la Charte.

[148]  Il n'est pas inutile de rappeler qu'il s'agit de questions distinctes. La juge en chef McLachlin l’expliquait dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society [81] où elle écrit :

D’un point de vue plus général, le principe selon lequel une partie de la Constitution ne peut pas être abrogée ou atténuée par une autre partie de la Constitution n’est d’aucune utilité pour trancher les questions de partage des compétences et les questions relatives à la Charte. Il n’y a aucune contradiction entre affirmer qu’une loi fédérale a été validement adoptée en vertu de l’art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 et prétendre que cette même loi, par son objet ou ses effets, prive des personnes de leurs droits garantis par la Charte. La Charte s’applique à toutes les lois fédérales et provinciales valides. En fait, si la Loi outrepassait les pouvoirs fédéraux, elle n’existerait pas et ne pourrait donc pas être assujettie à la Charte. Les lois doivent être conformes à la fois au partage constitutionnel des compétences et à la Charte.

[Je souligne]

e)  Infraction d'ordre militaire ou infraction criminelle

[149]  Le Ministre insiste aussi sur l'existence d'une distinction entre une infraction d'ordre militaire et une infraction criminelle.

[150]  Si je comprends bien l'argument présenté par le Ministre, le principe de l'indépendance du poursuivant ayant été formulé dans le contexte du droit criminel, il ne serait pas applicable dans le contexte de la justice militaire.

[151]  La dichotomie ou l'opposition proposée par le Ministre ne tient pas adéquatement compte de la nature publique du Code de discipline militaire.

[152]  Le juge en chef Lamer souligne cet aspect dans Généreux :

Il m'apparaît clair que l'art. 11 de la Charte est applicable aux procédures de la cour martiale générale en l'espèce pour les deux raisons énoncées par le juge Wilson dans l'arrêt Wigglesworth. Certes, le Code de discipline militaire porte avant tout sur le maintien de la discipline et de l'intégrité au sein des Forces armées canadiennes, mais il ne sert pas simplement à réglementer la conduite qui compromet pareilles discipline et intégrité. Le Code joue aussi un rôle de nature publique, du fait qu'il vise à punir une conduite précise qui menace l'ordre et le bien-être publics. Nombre des infractions dont une personne peut être accusée en vertu du Code de discipline militaire, qui constitue les parties IV à IX de la Loi sur la défense nationale, se rapportent à des affaires de nature publique. Par exemple, toute action ou omission punissable en vertu du Code criminel ou d'une autre loi du Parlement est également une infraction au Code de discipline militaire. En fait, trois des accusations portées contre l'appelant en l'espèce concernaient une conduite interdite par la Loi sur les stupéfiants. Les tribunaux militaires jouent donc le même rôle que les cours criminelles ordinaires, soit punir les infractions qui sont commises par des militaires ou par d'autres personnes assujetties au Code de discipline militaire. En effet, l'accusé qui est jugé par un tribunal militaire ne peut pas être jugé également par une cour criminelle ordinaire (art. 66 et 71 de la Loi sur la défense nationale). Pour ces raisons, je conclus que l'appelant, qui est accusé d'infractions au Code de discipline militaire et qui est justiciable d'une cour martiale générale, peut invoquer la protection de l'art. 11 de la Charte [82] .

[Je souligne]

[153]  Dans l'arrêt récent R. c. Moriarity [83] , la Cour suprême confirme le rôle de nature publique du CDM. Ceci répond complètement à l'objection formulée par le Ministre.

[154]  Je reconnais aussi d'emblée, comme le faisait le juge en chef Lamer dans l'arrêt Généreux, que le contenu d'une garantie constitutionnelle « peut très bien différer selon qu'il s'agit du contexte militaire ou de celui d'un procès criminel ordinaire » [84] . Le juge en chef Lamer, souligne aussi que « [l]'idée d'un système distinct de tribunaux militaires commande manifestement l'existence de liens importants entre la hiérarchie militaire et le système de justice militaire » [85] . Toutefois, comme lui, j'estime que si l'organisation du système de justice militaire canadien mine les principes fondamentaux de l'article 7 de la Charte, « il ne peut survivre à moins que les atteintes soient justifiables en vertu de l'article premier » [86] .

[155]  L'indépendance du poursuivant est un principe de justice fondamentale qui s'applique au système de justice militaire canadien.

[156]  En fait, il serait plus juste de dire que ce principe est déjà largement reconnu et respecté dans la LDN depuis la création du poste de Directeur des poursuites militaires en 1999, mais que la question est de déterminer spécifiquement si ce principe devrait s'appliquer au pouvoir d'interjeter appel prévu à l'article 230.1 de la LDN.

[157]  Qu'en est-il de l'indépendance du Ministre de la Défense nationale lorsqu'il exerce ce pouvoir?

(2)  Le Ministre est-il un poursuivant indépendant?

[158]  Selon l'article 4 de la LDN, le Ministre est responsable des Forces canadiennes; il est compétent pour toutes les questions de défense nationale. Il occupe sa charge à titre amovible [87] .

[159]  Sous l’autorité du Ministre, le chef d’état-major de la défense assure la direction et la gestion des Forces canadiennes [88] . Les ordres et directives adressés aux Forces canadiennes pour donner effet aux décisions et instructions du gouvernement fédéral ou du Ministre émanent, directement ou indirectement, du chef d’état-major de la défense [89] .

[160]  Le Ministre est au sommet de la chaîne de commandement des Forces canadiennes [90] .

[161]  Dans l'arrêt Anderson, le juge Moldaver dresse un inventaire de décisions qui relèvent de la nature et de l’étendue des poursuites et il affirme que la décision d'interjeter appel est l'une de ces décisions [91] .

[162]  Quelle que soit la manière d’aborder la question, la direction et la gestion des Forces canadiennes sont incompatibles avec la prise de décisions concernant la nature et l’étendue des poursuites au sein du système de justice militaire, un processus judiciaire qui peut conduire à l’emprisonnement d’un employé du Ministre.

[163]  Dans l'arrêt Larouche, notre Cour a souligné que la discrétion du DPM « doit s'exercer de manière autonome et indépendante et à l'abri de toute intervention de la chaîne de commandement » [92] . Cette conclusion s'oppose au fait de confier l'exercice d'une discrétion en matière de poursuites, comme le pouvoir d'interjeter appel, au Ministre.

[164]  L’incompatibilité entre le pouvoir d’interjeter appel à l’encontre d’un acquittement ou d'une ordonnance d'arrêt des procédures ressort encore plus nettement lorsqu’on considère le pouvoir d’enclencher le processus de libération du service militaire d’un officier ou d’un militaire du rang dans le cas, notamment, d’une inconduite liée au service militaire [93] . Bien que ce pouvoir ne soit pas attribué au Ministre spécifiquement, c’est sous son autorité ultime qu’il peut être exercé.

[165]  Dans l’affaire R. c. Tupper [94] , la juge Trudel écrit :

[68]  Les membres des Forces canadiennes sont passibles à la fois de sanctions administratives et de sanctions disciplinaires. Si un militaire est accusé d'une infraction en vertu de la LDN, du Code criminel ou d'une autre loi fédérale, et quel qu'en soit l'aboutissement, la chaîne de commandement peut prendre des mesures administratives pour traiter tout manquement à la conduite ou au rendement émanant des mêmes circonstances (DAOD 5019-0, Manquement à la conduite et au rendement).

[69]  Selon M. Chris Madsen (Military Law and Operations, feuilles mobiles, Aurora : Canada Law Book, 2008, à la page 2:20.40), il est possible de prendre des mesures administratives à l'encontre de soldats condamnés, tout particulièrement dans le cas de récidivistes chroniques. Il fait remarquer ce qui suit :

La libération pour inaptitude au service militaire est une issue courante, qui complète la peine imposée au procès ou l'emporte sur celle-ci.

[166]  Le système de justice militaire doit être indépendant de la chaîne de commandement [95] .

[167]  Je rappelle l'observation suivante contenue dans le deuxième rapport Dickson au sujet de la situation unique du Ministre :

Nous ne croyons pas, cependant, qu'un autre ministre soit responsable d'un système de justice complet et distinct destiné à régir la conduite du personnel dont il a également la charge dans son ministère.

La situation du ministre de la Défense nationale est donc unique. Le ministre est responsable non seulement d'un ministère et des forces armées, mais aussi d'un système de justice militaire distinct et complet applicable à ces forces.

[168]  Même si les réformes mises en place par le projet de loi C-25 abolissent la plupart des pouvoirs quasi-judiciaires du Ministre, cette description de la situation inusitée du Ministre à l'égard du système de justice militaire qui encadre la conduite des membres de son personnel est toujours aussi juste.

[169]  Le Ministre suggère qu’il est lié par le principe de l’indépendance du poursuivant lorsqu’il exerce sa décision d’interjeter appel.

[170]  Il rappelle les propos du juge Ritchie en 1980 dans l'arrêt Mackay c. La Reine alors qu'il écrivait, au sujet des accusations portées devant un tribunal militaire : « dans ce contexte, le ministre de la Défense nationale joue le rôle du procureur général » [96] .

[171]  J'estime que cette conclusion n'est plus applicable et qu'elle n'a pas survécu à l'arrêt Généreux [97] et aux réformes mises en œuvre depuis cette décision.

[172]  Bien que la question examinée dans l'arrêt Généreux concerne le processus de constitution de la Cour martiale générale, les observations générales du juge en chef Lamer au sujet du rôle de l'exécutif et de la hiérarchie militaire dans le système de justice militaire sont toujours aussi pertinentes. La sagesse de ses conclusions s'applique au pouvoir d'interjeter appel.

[173]  Je souligne que le système de justice militaire en place aujourd'hui est profondément différent de celui qui se présentait à la Cour suprême dans l'arrêt MacKay. À cet égard, j'estime prudent de restreindre mes observations à la seule question en litige devant nous [98] , soit celle de la constitutionnalité de l'article 230.1. Je ne formule donc aucune observation à l'égard de questions que ne soulève pas la présente affaire.

[174]  Par ailleurs, le Ministre invoque la décision de la Cour fédérale d'appel dans Quebec North Shore & Labrador Railway Co. c. Canada (ministre du Travail) [99] afin de faire la démonstration qu'il est un poursuivant indépendant et qu'il agira ainsi.

[175]  Dans cette affaire, la Cour d'appel conclut que le consentement du Ministre du Travail sous l'article 148 du Code canadien du travail à ce que des poursuites pénales soient engagées est une « décision d'ordre préliminaire qui s'apparente à celle du procureur général d'autoriser une poursuite » [100] .

[176]  Il ne suffit pas, comme le suggère le Ministre, de conclure qu'il doit respecter les principes d’indépendance du poursuivant lorsqu’il exerce le pouvoir d’interjeter appel.

[177]  Il faut convenir que si on confie à d'autres ministres ou titulaires que le Procureur général des pouvoirs discrétionnaires en matière de poursuites, toute question relevant de l'exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire que dans la mesure reconnue par la Cour suprême.

[178]  Plus particulièrement, à l'égard du DPM, notre Cour écrit dans l'arrêt Wehmeier ce qui suit :

[31]  Bien que la justice militaire pénale possède son propre régime de poursuites, de défense et de tribunaux, le rôle du DPM est semblable à celui du procureur général. Au vu du dossier dont nous sommes saisis, nous sommes convaincus que, malgré les différences existant entre la position du procureur général et celle du DPM (voir R. c. JSKT, 2008 CACM 3, [2008] A.C.A.C. n° 3, au paragraphe 98), ces différences ne permettent pas en soi de conclure que la portée du pouvoir discrétionnaire du DPM en matière de poursuite est différente. Les principes articulés dans la jurisprudence susmentionnée au sujet de la nature et du rôle du procureur de la poursuite, du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite et des circonstances pouvant justifier le contrôle d’une décision de la poursuite s’appliquent au DPM et à l’exercice par celui-ci du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite [101] .

[179]  Toutefois, la question de l'indépendance des ministres ou d'autres titulaires qui agissent à titre de poursuivant est une question distincte qui s'évalue en fonction de leurs caractéristiques propres, de leurs responsabilités législatives spécifiques, de leur capacité d'agir en toute indépendance et de la conclusion qu'ils peuvent être raisonnablement perçus comme étant indépendants dans le cadre de la loi au sein de laquelle ils exercent des pouvoirs en matière de poursuites.

[180]  Sur cette question, j'estime utiles les observations du juge Cory dans l'arrêt R. c. Bain [102] où le droit de la poursuite de mettre à l'écart des candidats jurés faisait l'objet d'une contestation constitutionnelle.

[181]  L'intérêt de cette décision réside dans le fait qu'on a aussi fait valoir dans cette affaire que le rôle quasi-judiciaire de la poursuite protégeait l'accusé contre l'utilisation inéquitable du pouvoir de mise à l'écart des jurés, pouvoir alors prévu au Code criminel.

[182]  Le juge Cory formule l'observation suivante au nom du juge en chef Lamer et du juge LaForest :

Malheureusement, il semblerait que, chaque fois que le ministère public se voit accorder par la loi un pouvoir qui peut être utilisé de façon abusive, il le sera en effet à l'occasion.  La protection des droits fondamentaux ne devrait pas être fondée sur la confiance à l'égard du comportement exemplaire permanent du ministère public, chose qu'il n'est pas possible de surveiller ni de maîtriser.  Il serait préférable que la disposition législative incriminée soit abolie [103] .

[183]  Dans la décision récente de la Cour suprême dans R. c. Nur [104] , la juge en chef McLachlin cite avec approbation l'opinion formulée par le juge Cory dans l'arrêt Bain. Elle écrit que « [l]a constitutionnalité d’une disposition législative ne saurait non plus dépendre de la confiance qu’on peut avoir que le ministère public agira convenablement » [105] .

[184]  Compte tenu de l'arrêt Nur, la décision de la Cour d'appel fédérale dans Quebec North Shore & Labrador Railway Co. n'est pas déterminante dans l'évaluation de la constitutionnalité de l'article 230.1 et de l'indépendance du Ministre lorsqu’il exerce le pouvoir d’interjeter appel.

[185]  Au sujet de la compatibilité entre la fonction du Ministre et le pouvoir d'interjeter appel, je reproduis à nouveau un passage de l'opinion du juge en chef Lamer dans l'arrêt Généreux :

Je souscris, pour l'essentiel, aux observations du juge Décary. L'examen des lois régissant la cour martiale générale révèle que les officiers militaires, qui sont comptables à leurs supérieurs au ministère de la Défense, participent étroitement aux procédures du tribunal. Cette participation étroite est, à mon sens, incompatible avec l'al. 11d) de la Charte, Elle a pour effet de miner la notion d'indépendance institutionnelle que notre Cour a définie dans l'arrêt Valente. L'idée d'un système distinct de tribunaux militaires commande manifestement l'existence de liens importants entre la hiérarchie militaire et le système de justice militaire. Le principe de l'indépendance institutionnelle exige toutefois que la cour martiale générale soit à l'abri de toute ingérence extérieure relativement aux questions qui concernent directement la fonction judiciaire du tribunal. Il importe que les tribunaux militaires soient le plus possible à l'abri de l'ingérence des membres de la hiérarchie militaire, c'est-à-dire des personnes qui sont chargées du maintien de la discipline, de l'efficacité et du moral des Forces armées [106] .

[Je souligne]

[186]  Bien que dans ce passage, l'analyse du juge en chef Lamer porte sur l'indépendance institutionnelle liée à la fonction judiciaire, ces observations sont tout aussi pertinentes à l'évaluation de l'indépendance du poursuivant dans le système de justice militaire. 

[187]  En effet, le principe de l'indépendance à l'égard des décisions en matière de poursuite exige que celles-ci soient aussi le plus possible à l'abri de l'ingérence des membres de la hiérarchie militaire. Or, lorsque ce type de décisions est confié à un membre de la hiérarchie militaire, comme le Ministre, le problème est complet et entier.

[188]  Puisque la discrétion du DPM doit s'exercer de manière autonome et indépendante et à l'abri de toute intervention de la chaîne de commandement, ce principe ne peut être respecté si l'exercice d'une discrétion en matière de poursuites, comme le pouvoir d'interjeter d'appel, est confié à un titulaire comme le Ministre qui est au sommet de la chaîne de commandement.

[189]  Les réformes apportées au système de justice militaire canadien ont favorisé la création du poste de Directeur des poursuites militaires dont l'indépendance est garantie par une période d'inamovibilité de quatre ans.

[190]  Je tiens à préciser que bien que ce ne soit pas le cas du Ministre, je ne fonde pas ma conclusion selon laquelle le Ministre n'est pas un poursuivant indépendant sur le fait qu'il ne dispose pas d'une inamovibilité de fonction semblable à celle du DPM.

[191]  Il est plus prudent de respecter « la règle de conduite qui dicte la retenue dans les affaires constitutionnelles » [107] et de nous en tenir plutôt à la conclusion plus restreinte selon laquelle les fonctions du Ministre en vertu de la LDN et le fait qu'il soit l'autorité finale de la chaîne de commandement sont incompatibles avec quelque rôle que ce soit en matière de poursuites sous la LDN.

[192]  J'ajoute deux commentaires avant de conclure.

[193]  Le fait que le Ministre soit représenté aux fins d'un appel par le DPM, un poursuivant indépendant, ne change rien à ma conclusion.  L'indépendance du Ministre n'est pas accrue ou mieux protégée par le fait qu'il soit représenté par un procureur indépendant.  Dans ce rôle, le DPM n'est que l'alter ego du Ministre.

[194]  Par ailleurs, la possibilité pour le Ministre de consulter le Procureur général à l'égard d'une question de droit [108] ou le juge-avocat général [109] ne change rien au fait que la fonction du Ministre est incompatible avec le rôle de poursuivant.

[195]  Le Ministre ne dispose tout simplement pas de l'indépendance institutionnelle objective requise pour exercer en toute indépendance une fonction qui peut conduire à l'emprisonnement d'un de ses employés, voire son congédiement. Il ne peut être perçu comme un poursuivant indépendant. En conséquence, l'article 230.1 enfreint l'article 7 de la Charte.

(3)  Est-ce que l'article 230.1 de la LDN est une limite raisonnable qui se justifie dans le cadre d'une société libre et démocratique? 

[196]  Avant de répondre à cette question, soulignons d'emblée qu'il est difficile de justifier une loi qui va à l’encontre des principes de justice fondamentale [110] .

[197]  J'examine maintenant les critères formulés par l'arrêt R. c. Oakes : a) l’objectif que vise la restriction est-il urgent et réel? b) Le moyen choisi pour atteindre l’objectif est-il proportionné : 1- la restriction a-t-elle un lien rationnel avec l’objectif?; 2- La restriction porte-t-elle le moins possible atteinte au droit?; et 3- La mesure législative est-elle proportionnée dans ses effets?

a)  L’objectif que vise la restriction est-il urgent et réel?

[198]  Dans Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony [111] , la juge en chef McLachlin précise qu'il ne faut pas surestimer l'objectif qui justifie l'atteinte au droit. Elle écrit :

[137]  À la première étape de l’analyse, le gouvernement doit démontrer qu’il poursuit un objectif « urgent et réel » qui justifie l’atteinte au droit. Dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, la juge McLachlin a souligné qu’il « faut veiller à ne pas surestimer l'objectif. Aux fins d’une analyse fondée sur l’article premier, l’objectif pertinent est l’objectif de la mesure attentatoire [. . .] Si l’on formule l’objectif d’une façon trop large, on risque d’en exagérer l’importance et d’en compromettre l’analyse » (par. 144 (souligné dans l’original)).

[199]  Dans la présente affaire, l'identification de l'objectif de la mesure attentatoire, l'article 230.1, se pose dans un contexte plutôt inhabituel.

[200]  En effet, tel que je l'ai mentionné plus tôt dans mes motifs, l'adoption de l'article 230.1 en 1991 vise la création d'un droit d'interjeter appel pour le poursuivant. Ce pouvoir a été confié au Ministre, compte tenu des multiples pouvoirs quasi-judiciaires qu’il exerçait dans le cadre du système de justice militaire alors en place. Cela était naturel.

[201]  Cependant, lors de l'adoption du projet de loi C-25, de son entrée en vigueur en 1999 et la création du poste de Directeur des poursuites militaires, tous les pouvoirs en matière de poursuites sont confiés au DPM, sauf celui d'interjeter appel.

[202]  Les intimés observent avec raison que l'intention législative à ce moment, celle de conserver au ministre ce pouvoir, est claire.

[203]  Ils font aussi valoir que le droit d'appel du ministre n'existe pas avant 1991. À leur avis, ce fait supporte la conclusion que ce droit d'appel ne répondait à aucun objectif urgent et réel. Je ne partage pas cette opinion.

[204]  Je me propose d'examiner, dans un premier temps, la question de savoir si la création du droit d'interjeter appel répondait à un objectif urgent et réel et, dans un deuxième temps, de déterminer si la même démonstration a été faite au sujet du choix en 1999, de laisser au Ministre ce pouvoir.

[205]  Deux remarques s'imposent.

[206]  Premièrement, le Ministre n'a présenté aucune observation par écrit pour justifier la violation de l'article 7 sous l’article premier. Lors de l'audition, il ne s'est pas non plus réellement livré à l'exercice de justifier cette violation. Il s'en est tenu essentiellement à faire valoir qu'une violation de l'article 7 n'avait pas été établie et que l'adoption de l'article 230.1 est un choix qui s'offrait au législateur.

[207]  Deuxièmement, le dossier ne contient aucune information qui nous permette de comprendre vraiment pourquoi on a jugé important en 1999 de laisser au Ministre le pouvoir d'interjeter appel. L'intention législative de le faire est limpide, mais pas l'objectif urgent et réel à atteindre.

[208]  À cette étape de l'analyse sous l'article 1 de la Charte, il ne faut pas confondre le bien-fondé du pouvoir d'interjeter appel avec la question de l'identité de celui qui l'exerce.

[209]  J'ai déjà identifié le contexte d'adoption de l'article 230.1, celui d'une convergence entre le système de justice militaire et le système de justice criminelle ordinaire. Cette convergence explique en grande partie, la reconnaissance d'un droit d'appel à la poursuite afin d'assurer l'uniformité du développement du droit militaire canadien.

[210]  L'objectif de la mise en place du droit d'appel à l'article 230.1 ressort avec plus de clarté lorsqu'on examine la contestation constitutionnelle du droit d'appel de la poursuite au Code criminel dans l'affaire Morgentaler [112] .

[211]  Dans cette affaire, la Cour d'appel de l'Ontario devait déterminer si le droit d'appel de la poursuite à l'égard d'un acquittement pour un motif de droit seulement était incompatible avec les articles 7, 11d), 11f) et 11h) de la Charte. Après avoir examiné la question soulevée, la Cour d'appel conclut qu'il existe des raisons de politique judiciaire justifiant la reconnaissance d'un tel droit d'appel. Elle écrit :

There are valid policy reasons for permitting the Crown to appeal from an acquittal on questions of law alone to ensure the correct and uniform interpretation of the criminal law.

Accordingly, in our view, s. 605(1)(a) of the Code conferring on the Crown the right of appeal on a question of law alone from an acquittal does not contravene the Charter [113] .

[212]  La Cour suprême a confirmé le jugement de la Cour d'appel de l'Ontario sur la question du droit d'appel :

On a soutenu que l'al. 605(1) a), qui habilite le ministère public à interjeter appel contre un verdict d'acquittement prononcé par une cour de première instance, pour tout motif comportant une question de droit seulement, est contraire à l'art. 7 et aux al. 11d), f) et h) de la Charte. C'est principalement sur l'al. 11h) qui a été invoqué. Or, la réponse à cet argument est simple. Les expressions "définitivement acquitté" et "définitivement déclaré coupable" employées à l'al. 11h) doivent s'interpréter comme signifiant après que toutes les procédures d'appel sont terminées, sinon le mot "définitivement" serait inutile ou dénué de tout sens. Ce moyen n'est donc pas fondé. Je suis d'avis de trancher cette question en adoptant les motifs donnés par la Cour d'appel [114] .

[213]  Le droit d'appel prévu à l'article 230.1 est justifié par la même volonté d'assurer une application uniforme du droit militaire canadien.

[214]  Il me paraît répondre, dans ce contexte, à un objectif urgent et réel qui n'exige pas la présentation d'une preuve complexe. En effet il s'agit là de « certains éléments constitutifs d'une analyse en vertu de l'article premier [qui sont] manifestes ou évidents en soi » [115] .

[215]  La création de ce droit d'appel s'explique aisément par le processus de convergence en cours entre le système de justice militaire canadien et le système de justice criminel de droit commun ainsi que la reconnaissance de nouveaux droits aux militaires assujettis au Code de discipline militaire.

[216]  Cependant, cela ne résout pas la question posée par la décision de conserver l'attribution du pouvoir d'interjeter appel au Ministre. Comme l'observe la juge en chef McLachlin dans l'arrêt Hutterian Brethren, c'est l'objectif poursuivi par la mesure attentatoire qui importe.

[217]  Puisque c'est le fait de confier le pouvoir d’interjeter appel au Ministre qui enfreint l'article 7, c'est l'objectif de cette mesure qui doit être un objectif urgent et réel.

[218]  Comme je l'ai déjà indiqué, nous n'avons aucune information à ce sujet. La lecture de la LDN n'offre aucune explication évidente, non plus que l'histoire législative.

[219]  Au mieux, peut-on rappeler la conclusion du deuxième rapport Dickson selon lequel « [n]ous pouvons seulement supposer que les rédacteurs de la loi, imprégnés de la tradition militaire britannique, ont tacitement présumé que l'organe exécutif et la chaîne de commandement constituaient les autorités compétentes pour superviser le système de justice militaire et, même, pour participer à la prise de décisions concernant des cas particuliers ».

[220]  Il est d'ailleurs très difficile de réconcilier l'attribution du pouvoir d'interjeter appel au Ministre avec l'intention législative entourant les réformes mises en œuvre en 1999, celle d'assurer l'indépendance du système de justice militaire à l'égard de la chaîne de commandement.

[221]  À mon avis, nous sommes en présence d'une situation extrêmement rare, semblable à celle à laquelle la Cour suprême était confrontée dans l'arrêt Vriend c. Alberta [116] . Dans cette affaire, dans le cadre de l'analyse sous l'article premier, la Cour a considéré que les explications au sujet du choix du législateur d'exclure l'orientation sexuelle de la portée de la loi des protections des droits de la personne en cause, ne fournissaient pas la preuve d'un but ou d'un objectif à atteindre [117] qui, de plus, étaient à « première vue l’antithèse des principes qu’incarne le texte dans son ensemble » [118] . Outre la volonté claire et manifeste de maintenir le pouvoir d'interjeter appel au niveau du sommet de la chaîne de commandement, il n'est pas possible d'identifier l'objectif urgent et réel qui explique pourquoi ce choix a été fait dans le contexte des réformes mises en place par le projet de loi C-25.

[222]  Puisque l'identification de l'objectif urgent et réel poursuivi n'est pas possible, je conclus que confier l'exercice du pouvoir d'interjeter appel au Ministre ne répondait pas à un objectif urgent et réel identifiable.

b)  Le moyen choisi pour atteindre l’objectif est-il proportionné?

[223]  J'aborde quand même sommairement la question de la proportionnalité pour constater que le moyen choisi n'est pas proportionnel.

[224]  Essentiellement, il ne s'agit pas du moyen le moins attentatoire. Le législateur peut confier le pouvoir d'interjeter appel au DPM, au Directeur des poursuites pénales du Canada ou au Procureur général du Canada. Ce choix lui incombe.

[225]  Le Ministre n'a pas fait la preuve que des pays ayant des traditions militaires et juridiques semblables aux nôtres confient le pouvoir d'interjeter appel à leur ministre de la défense. Une telle preuve n'aurait pas été possible compte tenu de la convergence observée en Angleterre et en Australie entre la justice militaire et la justice criminelle ordinaire [119] . Par exemple, en Angleterre, le Service Prosecution Authority agit sous l'autorité du Procureur général et il est totalement indépendant de la chaîne de commandement [120] .

[226]  Le Ministre n'a pas satisfait à son fardeau de faire la démonstration que de lui confier le pouvoir d'interjeter appel est une limite raisonnable qui se justifie dans une société libre et démocratique. Il s'en est plutôt tenu à l'affirmation qu'il s'agit d'un choix que le Parlement pouvait faire. À mon avis, cela est nettement insuffisant pour justifier la violation d'un principe de justice fondamentale.

(4)  Le sort des pourvois : est-ce qu'une déclaration d'invalidité de l'article 230.1 entraîne le rejet des appels du Ministre?

[227]  Avant l'audition des pourvois, la formation a constaté que les parties envisageaient le sort des pourvois comme un choix entre l’annulation et le rejet des appels et la suspension de l'effet de la déclaration d'invalidité de l'art. 230.1.

[228]  Bien qu'il ne s'agisse pas, à strictement parler, d'une question nouvelle, mais consciente des enseignements et de l'esprit de l'arrêt R. c. Mian [121] de la Cour suprême, la formation a jugé préférable de demander aux parties si, dans l'éventualité d'une déclaration d'invalidité, elle pouvait confier la continuation des pourvois au DPM [122] .

[229]  Les parties ont fait parvenir des observations écrites supplémentaires sur cette question de même qu'au sujet de la question de savoir si l'effet de la déclaration d'invalidité devait être suspendu. Elles ont aussi abordé ces questions lors de l'audition.

a)  La position des parties

(i)  Les requérants

[230]  Les requérants font valoir que les critères établis dans l'arrêt Schachter [123] pour justifier la suspension de la déclaration d'invalidité ne sont pas satisfaits.

[231]  À leur avis, une déclaration d'invalidité immédiate ne pose aucun danger pour le public et n'entraîne aucune impunité, car les cours martiales peuvent continuer à siéger. Pour les mêmes raisons, la primauté du droit n'est pas menacée.

[232]  Toutefois, ils affirment que l'absence d'indépendance du Ministre « a pour conséquence d'anéantir l'indépendance et l'impartialité de [notre] Cour ». À leur avis, « le vice fondamental de la suspension serait de permettre à une cour d'appel non indépendante et impartiale de réviser les décisions des cours martiales indépendantes sous appels ». Le tout serait incompatible avec la primauté du droit.

[233]  Invoquant l'arrêt R. c. Powley [124] de la Cour suprême, ils ajoutent que des raisons manifestes doivent exister pour justifier la suspension d'une déclaration de l'invalidité d'une loi lorsque celle-ci concerne le moyen de défense d'un accusé à une accusation criminelle.

[234]  Finalement, selon les arrêts R. c. Guignard [125] et Re Succession Eurig [126] , ils déclarent qu'ils doivent pouvoir bénéficier personnellement de la déclaration d'invalidité et sollicitent une exemption de la suspension de la déclaration d'invalidité le cas échéant.

[235]  Au sujet de l'hypothèse de confier au DPM la poursuite des pourvois, ils estiment qu'une telle réparation ressort de l'article 24 et non de l'article 52(1), qu'il s'agit d'une interprétation large dans les faits qui n'est pas justifiable et que cette autorisation est contraire à l'intention exprimée par le Parlement de confier le pouvoir d'interjeter appel au Ministre.

(ii)  Le Ministre

[236]  Le Ministre fait valoir que la suspension de l'effet de la déclaration d'invalidité s'impose, car l'annulation de l'article 230.1 porterait atteinte à la primauté du droit et pourrait présenter un danger pour le public.

[237]  La déclaration d'invalidité priverait la poursuite du pouvoir d'interjeter appel. De plus, le droit d'appel des accusés en serait affecté, car le Ministre ne pourrait plus agir lui-même ou donner d'instructions au DPM de le représenter dans ces dossiers.

[238]  Le Ministre fait valoir que cela reformulerait la nature de sa relation avec le DPM. Cela modifierait aussi le rôle du DPM d'une manière contraire à l'intention du Parlement qui était de confier cette responsabilité au Ministre, créant ainsi un vide à l'égard de sa responsabilité devant le Parlement. En outre, le DPM n'aurait plus à répondre de ses décisions à qui que ce soit.

[239]  De l'avis du Ministre, c'est au Parlement qu'il incombe de déterminer si le DPM devrait être complètement indépendant et de revoir, le cas échéant, la position du DPM, son rôle et ses devoirs.

b)  La suspension de l'effet de la déclaration d'invalidité

[240]  Dans l'arrêt Schachter c. Canada [127] , le juge en chef Lamer énonce trois situations qui justifient la suspension de l'effet d'une déclaration d'invalidité :

Un tribunal peut déclarer une loi ou une disposition législative inopérante, mais suspendre l'effet de cette déclaration jusqu'à ce que le législateur fédéral ou provincial ait eu l'occasion de combler le vide. Cette méthode est fort appropriée lorsque l'annulation d'une disposition présente un danger pour le public (R. c. Swain, précité) ou porte atteinte à la primauté du droit (Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721). Cette méthode pourrait également être appropriée dans les cas où une disposition est limitative par opposition aux cas où elle aurait une portée trop large [128] .

[241]  Le professeur Roach estime qu'il ne s'agit pas de catégories étanches et rigides. Voici la description qu'il donne de ce pouvoir :

Courts have often been attracted to suspended declarations of invalidity because of their recognition that legislatures have a legitimate role and a broader range of options in devising constitutional responses to court decisions. At the same time, the Supreme Court in Schachter warned that suspended declarations of invalidity should not become routine and that they can force matters back on the legislative agenda. A number of commentators have criticized the Court for routinely suspending declarations of invalidity and not justifying its decisions. These criticisms have some validity, but the answer is not to abandon the useful technique of a suspended declaration of invalidity or to retreat to the three limited categories or pigeonholes outlined in Schachter. Rather, courts should justify the use of suspended declarations in each case on the basis of remedial principles.

Suspended declarations should be used where an immediate declaration could cause a significant social harm including but not limited to threats to the rule of law and public safety. Suspended declarations should also be used in cases of unconstitutionally under-inclusive legislation where legislatures have a range of remedial options such as extending but also reducing benefits that are not open to the court. More generally, they should be used in cases where legislatures can select among a number of options in complying with the court’s interpretation of the Charter. This latter principle is in tension with Lamer C.J.C.’s statement in Schachter that the use of suspended declarations of invalidity should “turn not on considerations of the role of the courts and legislatures” but rather on the three listed categories. Nevertheless, the need to respect the roles of courts and legislatures has emerged as important principles that govern constitutional remedies in the Court’s subsequent remedial jurisprudence and indeed in its own decision in Schachter with respect to when reading in would be an appropriate subsection 52(1) remedy [129] .

[Je souligne]

[242]  À mon avis, il est évident que l'effet de la déclaration d'invalidité de l'article 230.1 doit être suspendu, car l'absence d'une suspension de l'effet de la déclaration d'invalidité aurait des conséquences sur l'exercice de tous les droits d'appel prévus à la LDN.

[243]  L'effet immédiat d'une déclaration d'invalidité priverait le Ministre d'agir [130] dans le cas des appels d'un accusé et y compris la faculté de donner des instructions au DPM de le représenter aux fins de ces appels ce qui, en pratique, empêcherait notre Cour d'entendre les appels des accusés ainsi que toutes les requêtes connexes.

[244]  La poursuite serait aussi privée de son propre droit d'appel. Or, il est important de rappeler que « l’équité du processus judiciaire doit être considérée du point de vue de la collectivité et du plaignant, et non pas uniquement du point de vue de l’accusé » [131] .

[245]  Ainsi, les obstacles posés par l'absence d'une suspension de l'effet de la déclaration d'invalidité sont susceptibles de compromettre l'accès aux tribunaux ce qui est essentiel à la primauté du droit [132] . Il est vrai qu'il s'agit de l'exercice de droits d'appel qui sont d'origine statutaire, cependant, la primauté du droit justifie d'en préserver l'accès d'une manière équitable pour toutes les parties.

[246]  Ces préoccupations suffisent à conclure à la nécessité de rendre une ordonnance suspendant l'effet de la déclaration d'invalidité.

[247]  Je dispose finalement et sommairement de l'argument des intimés selon lequel notre Cour n'est pas un tribunal indépendant, car le Ministre n'est pas un poursuivant indépendant. Tous les membres de notre Cour disposent de l'indépendance judiciaire selon les exigences posées par la Cour suprême et ils n'ont aucun lien avec le Ministre. Cet argument est sans fondement [133] .

[248]  Il n'y a plus qu'une seule question à examiner, celle de savoir si les intimés devraient bénéficier personnellement de la déclaration d'invalidité de l'article 230.1, ce qui entrainerait le rejet des appels du Ministre.

c)  Les intimés doivent-ils bénéficier de la déclaration d'invalidité de l'article 230.1?

[249]  Les intimés font valoir avec raison que la Cour suprême a rendu certaines décisions où ceux qui contestaient la constitutionnalité d'une loi ont pu profiter de la déclaration d'invalidité.

[250]  Dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île-du-Prince-Édouard [134] , le juge en chef Lamer écrit : 

Dans les rares cas où notre Cour a rendu une décision applicable pour l’avenir, elle a toujours permis à la partie qui a porté l’affaire devant le tribunal de profiter de la conclusion d’inconstitutionnalité : voir, par exemple, R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190; R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 117.

[251]  Cependant, l'application de ce principe n'est pas universelle [135] . L'arrêt R. c. Demers [136] fournit un tel exemple.

[252]  Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu, qu'en raison de l’effet conjugué des articles 672.33 et 672.54 et du par. 672.81(1) du Code criminel qui prévoyait alors que l’accusé jugé inapte à subir son procès demeurerait soumis au « régime » établi en vertu de la partie XX.1 du Code jusqu’à ce qu’il devienne apte, « les personnes inaptes de façon permanente qui ne représentent pas un risque important pour la sécurité du public sont privées du droit à la liberté garanti par l’art. 7 de la Charte parce qu’elles sont tenues de comparaître devant la commission d’examen pour une période indéfinie et soumises à ses pouvoirs » [137] .

[253]  Demers recherchait aussi une réparation immédiate, soit l'arrêt des procédures. 

[254]  La Cour suprême a décidé qu'une réparation immédiate n'est pas possible pendant la période de suspension de l'effet de la déclaration d'invalidité, mais qu'une réparation prospective est possible.

[255]  Les juges majoritaires formulent les observations suivantes au sujet de l'octroi d'une réparation additionnelle fondée sur le paragr. 24(1) de la Charte :

63  Même si la règle énoncée dans Schachter, précité, interdit aux tribunaux de combiner réparations rétroactives fondées sur le par. 24(1) et réparations fondées sur le par. 52, elle ne les empêche pas d’accorder des réparations prospectives en vertu du par. 24(1) en même temps qu’une réparation fondée sur l’art. 52. Par conséquent, si le Parlement ne modifie pas le texte législatif invalide d’ici un an, les accusés qui ne représentent pas un risque important pour la sécurité du public auront alors le droit de demander l’arrêt des procédures à titre de réparation individuelle fondée sur le par. 24(1) de la Charte. L’arrêt annulera leur accusation criminelle et les libérera de ce qui restera du régime contesté.

[256]  Le dispositif du jugement majoritaire dans cette affaire est le suivant :

66  Pour les motifs qui précèdent, nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi,  d’annuler le jugement de la Cour supérieure et de déclarer que les art. 672.33  et 672.54  et le par. 672.81(1) C. cr. ont une portée excessive, violant ainsi les droits garantis par l’art. 7  de la Charte  aux accusés inaptes de façon permanente qui ne représentent pas un risque important pour la société.  Vu notre conclusion que les dispositions contestées sont inconstitutionnelles du fait qu’elles contreviennent à l’art. 7  de la Charte , il est inutile d’examiner les autres questions relatives à la Charte  qui ont été formulées.  La réparation qui convient le mieux en l’espèce consiste en une déclaration d’invalidité dont l’effet est suspendu pour 12 mois.  Si, à l’échéance, le Parlement n’a pas corrigé l’inconstitutionnalité du régime, ces accusés pourront demander l’arrêt des procédures.

[Je souligne]

[257]  Dans l'arrêt R. c. Ferguson [138] , la juge en chef McLachlin confirme qu'il est exceptionnellement possible de joindre une déclaration d'invalidité prononcée sous le paragraphe 52(1) à une réparation additionnelle en vertu du par. 24(1) pour accorder une réparation efficace au demandeur. Elle écrit :

[63]  La jurisprudence de notre Cour permet d’associer une réparation fondée sur le par. 24(1) à une déclaration d’invalidité prononcée en application du par. 52(1) dans les cas exceptionnels où la réparation additionnelle fondée sur le par. 24(1) est nécessaire pour accorder une réparation efficace au demandeur : R. c. Demers, [2004] 2 R.C.S. 489, 2004 CSC 46. Toutefois, pour soutenir que le par. 24(1) peut permettre une réparation autonome à l’égard d’une disposition législative ayant des effets inconstitutionnels, il faut interpréter ce paragraphe isolément plutôt que de le considérer au regard de l’ensemble de la Charte, ainsi que l’exigent les principes d’interprétation législative et constitutionnelle. Lorsque le par. 24(1) est interprété dans son contexte, il devient manifeste que les rédacteurs de la Constitution voulaient qu’il constitue principalement un recours en cas d’actes gouvernementaux inconstitutionnels.

[Je souligne]

[258]  Comment identifier une telle réparation? Dans Vancouver (Ville) c. Ward [139] , la Cour suprême résume les facteurs pertinents :

[20] Les facteurs généraux permettant de reconnaître une réparation convenable et juste au sens du par. 24(1) ont été énoncés par les juges Iacobucci et Arbour dans Doucet Boudreau c. Nouvelle Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3. En résumé, une réparation convenable et juste : (1) permet de défendre utilement les droits et libertés du demandeur; (2) fait appel à des moyens légitimes dans le cadre de notre démocratie constitutionnelle; (3) est une réparation judiciaire qui défend le droit en cause tout en mettant à contribution le rôle et les pouvoirs d’un tribunal; (4) est équitable pour la partie visée par l’ordonnance : Doucet Boudreau, par. 55 58.

[259]  Même si, dans l'arrêt Demers, le juge LeBel, favorise une réparation additionnelle différente de celle de ses collègues, il fournit un cadre d'analyse utile à la situation à laquelle notre Cour est confrontée. Il écrit :

104   L’élaboration d’une réparation est largement tributaire du contexte et étroitement liée à la nature de la violation et des faits en cause. Pour déterminer s’il y a lieu de combiner des réparations fondées sur l’art. 52  et le par. 24(1), il faut examiner les questions qui suivent. Premièrement, en ce qui concerne le rôle public que doit jouer la Charte, quelle réparation permettrait le mieux d’inciter au respect de la Charte et de décourager les atteintes futures sans entraver indûment le bon fonctionnement du gouvernement et la mise en œuvre d’une politique légitime? Deuxièmement, du point de vue du demandeur, quelle réparation permettrait le mieux de corriger le préjudice qu’il a subi, afin de le placer dans la situation où il aurait dû se trouver n’eût été l’atteinte à ses droits? Il faudra souvent à cette fin examiner la suffisance d’une seule réparation fondée sur l’art. 52. À ce stade, le tribunal peut aussi soupeser les effets préjudiciables du délai pour le demandeur et ses effets salutaires pour le public. Troisièmement, les tribunaux peuvent-ils mettre en œuvre efficacement les réparations proposées? Voir M. L. Pilkington, « Monetary Redress for Charter Infringement », dans R. J. Sharpe, dir., Charter Litigation (1987), 307, p. 308‑309; et Shandal, loc. cit., p. 196 et suiv.

[260]  Je retiens les éléments suivants de l'analyse du juge LeBel qui sont similaires à ceux formulés dans l'arrêt Doucet-Boudreau : 1) la réparation est liée au contexte et à la nature de la violation; 2) elle doit inciter au respect de la Charte sans entraver le bon fonctionnement de la société et du système judiciaire; 3) la réparation corrige le préjudice subi ou évite qu'il ne se matérialise; 4) le tribunal pondère les effets préjudiciables du délai pour le demandeur et les effets salutaires pour la société; 5) le tribunal est en mesure de mettre en œuvre efficacement la réparation envisagée.

[261]  À mon avis, les arrêts Doucet-Boudreau, Demers et Ferguson autorisent notre Cour à accorder aux intimés une réparation additionnelle et efficace fondée sur le paragr. 24(1) même si elle suspend l'effet de la déclaration d'invalidité de l'article 230.1. Celle-ci doit être prospective, juste et raisonnable, c'est-à-dire qu'elle correspond à la nature du droit constitutionnel violé et le contexte dans lequel la violation survient.

[262]  Le droit en cause dans la présente affaire est le droit à un poursuivant indépendant dans le cadre de l'exercice d'un droit appel à l'encontre de l'acquittement de l'intimé Gagnon et de la conclusion que la cour martiale n'avait pas compétence dans le dossier Thibault.

[263]  La présente affaire est différente des situations usuelles où une déclaration d'invalidité est prononcée dans le contexte d'un procès criminel. En effet, la déclaration d'invalidité vise normalement l'une des situations suivantes : 1) le texte d'incrimination; 2) l'indépendance du tribunal qui est contestée ou d'une procédure qui encadre sa mise en place; 3) certaines règles de preuve; 4) la détermination de la peine.

[264]  Dans la plupart de ces cas de figure, le sort des pourvois est celui dicté par les issues usuelles du processus d'appel criminel : une ordonnance de nouveau procès, l’acquittement de l’accusé ou l’arrêt des procédures, le cas échéant. C'est dans cette mesure qu'on peut affirmer qu'une réparation immédiate est accordée à l'accusé dans ces situations, car « [n]ul ne doit être soumis à une loi inconstitutionnelle » [140] .

[265]  La situation des intimés se rapproche davantage de la situation de l'arrêt Demers que des autres situations.

[266]  En effet, l’article 230.1 est inopérant, non pas parce que le droit d’appel en tant que tel est inconstitutionnel (voir Morgentaler), mais parce le titulaire de l’exercice de ce droit n’est pas indépendant au sens de l'article 7 de la Charte.

[267]  Dans le contexte d'un pourvoi en appel où la contestation constitutionnelle vise le droit d'appel lui-même, il n’est pas possible de formuler une ordonnance équivalente à celle d'une ordonnance de nouveau procès. Par ailleurs, les circonstances ne justifient pas un arrêt des procédures fondé sur l'abus de procédures. Une approche qui tient compte du contexte de la violation est alors justifiée.

[268]  Puisque selon l’arrêt Demers, la suspension de l'effet de la déclaration de l’invalidité de l’article 230.1 s’applique aux intimés [141] , il faut se demander si la réparation recherchée par ceux-ci, le rejet des appels, est une solution appropriée.

[269]  Contrairement à l'affirmation des intimés fondée sur l'arrêt Powley où la Cour suprême a affirmé « qu’il est particulièrement important de faire valoir des raisons manifestes pour justifier le sursis demandé dans les cas où une telle mesure aura pour effet de suspendre la reconnaissance d’un droit qui, comme en l’espèce, confère un moyen de défense à une accusation criminelle » [142] , leur situation est ici différente.

[270]  Les intimés n'ont pas nécessairement un droit à une défense donnée [143] ou à un résultat précis, le rejet des appels, mais plutôt à une réparation additionnelle efficace, juste et raisonnable, ce que n'est pas, dans les circonstances, le rejet des appels.

[271]  À mon avis, le rejet des appels n'a aucun lien avec le droit à un poursuivant indépendant qui prend la décision d’interjeter appel et qui agit dans le cadre de cet appel. Je suis préoccupé par le fait que le rejet des appels apparaisse comme une aubaine [144] qui n’a aucun lien avec le droit constitutionnel dont ils réclament le respect.

[272]  Quelle est la réparation additionnelle efficace, juste et raisonnable dans les circonstances de la présente affaire?

[273]  Il faut aborder la possibilité de confier au DPM la continuation des pourvois d'une manière indépendante des instructions reçues du Ministre. Les parties ont fait valoir des motifs dirimants qui s’opposent à une telle ordonnance. Elles soulignent, avec raison, les nombreux écueils que pose cette éventualité. Le plus important d’entre eux étant qu’une telle ordonnance est totalement contraire à l’intention claire du Parlement de laisser le pouvoir d’interjeter appel au Ministre lors des réformes récentes au système de justice militaire. Une telle ordonnance pose des problèmes aigus quant au devoir de dévouement du DPM dans la représentation de son client, le Ministre et ce, quelle que soit la nature des instructions reçues [145] . Cette solution doit être rejetée.

[274]  En pratique toutefois, le rejet des appels avant même que notre Cour n'ait décidé du bien fondé de ceux-ci est l’équivalent d’un arrêt de procédures [146] . Cette similitude m’incite à évaluer la situation à laquelle nous sommes confrontés avec le cadre d’analyse exposé récemment par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Babos [147] .

[275]  Pour cette raison, la question de savoir si le rejet des appels est une réparation additionnelle, efficace, juste et raisonnable au sens des arrêts Ferguson, Doucet-Boudreau et Demers justifie de procéder à une mise en balance ou une pondération similaire à celle décrite par le juge Moldaver dans l'arrêt Babos en matière d'arrêt des procédures.

[276]  À mon avis, accorder le rejet des appels du Ministre serait équivalent à une exemption de la période de suspension de la déclaration d'invalidité. Cette réparation est interdite par les arrêts Demers, Ferguson et Carter c. Canada (Procureur général) [148] . De plus, ce résultat est disproportionné à l’intérêt qu’a la société à ce que le bien-fondé des appels soit évalué par notre Cour [149] .

[277]  L'absence d'une réparation immédiate n'est pas une source d'injustice s'il est possible de façonner une autre réparation moins draconienne que le rejet des appels [150] afin qu’un procureur indépendant agisse pour la conduite des appels qui, lorsqu’ils ont été entamés, étaient tout à fait respectueux du droit alors en vigueur.

[278]  À mon avis, la solution réside plutôt dans l'ajournement de l'audition des appels au fond après la fin de la période de suspension de la déclaration d’invalidité de l’article 230.1. L’ajournement est une réparation appropriée dans d’autres contextes, notamment dans le cas d’une violation au droit à la communication de la preuve [151] . Il me semble que cette réparation est adaptée au contexte particulier de la présente affaire.

[279]  Il est raisonnable de croire que le Parlement agira pour trouver une solution et désigner un poursuivant indépendant pour l’exercice du droit d’appel de la poursuite dans le cadre de la LDN, solution qui accordera aux intimés la réparation efficace qu’évoque l’arrêt Ferguson auquel je référais antérieurement. Cette réparation est conforme à l’approche adoptée dans l’arrêt Demers.

[280]  Il est évident que le délai de mise en œuvre de cette réparation n’est pas la solution parfaite ou idéale, mais il ne s’agit pas là de l’exigence constitutionnelle [152] .

[281]  Cependant, si on considère la nature du droit constitutionnel revendiqué, c’est à dire, le droit à un poursuivant indépendant lors de l’exercice du droit d’appel, le rejet des appels m’apparaît disproportionné à l’intérêt de la société à ce que les appels soient entendus et évalués sur le fond. À mon avis, un processus d’appel équitable s’évalue aussi tant du point de vue de l’accusé que celui de la société et des plaignants [153] .

V.  Conclusion

[282]  Je propose le rejet des requêtes présentées par les intimés. L'article 230.1 de la LDN doit être invalidé.

[283]  La déclaration d’invalidité doit être suspendue pour un délai de six mois à compter du présent jugement.

[284]  L’audition des appels au fond est donc ajournée. Les parties communiqueront avec le juge en chef pour fixer une nouvelle date d’audition.

« Guy Cournoyer »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Alexandre Deschênes, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

CMAC-577

 

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. ADJUDANT J.G.A. GAGNON

 

 

ET DOSSIER :

CMAC-581

 

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 juin 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE COURNOYER

 

Y SOUSCRIT:

LE JUGE DESCHÊNES

 

MOTIFS concordants en partie :

LE JUGE EN CHEF BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 décembre 2015

 

COMPARUTIONS :

Major Prem Rawal

Lieutenant-colonel David Antonyshyn

 

Pour l'appelante

SA MAJESTÉ LA REINE

 

Capitaine de corvette Mark Létourneau

Lieutenant-colonel Jean-Bruno Cloutier

 

Pour l'intimé

ADJUDANT J.G.A. GAGNON

 

Capitaine de corvette Mark Létourneau

Lieutenant-colonel Jean-Bruno Cloutier

 

Pour l'intimé

CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Major Anne Litowski

Service canadien des poursuites militaires

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'appelante

SA MAJESTÉ LA REINE

 

Capitaine de corvette Mark Létourneau

Lieutenant-colonel Jean-Bruno Cloutier

Avocats de l'intimé

Gatineau (Québec)

 

Pour l'intimé

ADJUDANT J.G.A. GAGNON

 

Capitaine de corvette Mark Létourneau

Lieutenant-colonel Jean-Bruno Cloutier

Avocats de l'intimé

Gatineau (Québec)

 

Pour l'intimé

CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

 



[1]   R. c. Thibault, 2015 CM 1001.

[2]   Canada, Ministère de la Défense nationale, Rapport du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire : Le rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale, Ottawa, 25 juillet 1997 [ci-après Groupe consultatif].

[3]   [1992] 1 R.C.S. 259.

[4]   W.J. Lawson, « Canadian Military Law », (1951) 29 Can. Bar. Rev. 241, aux pp. 253-254; H.G. Oliver, « Canadian Military Law », (1975) 23 Chitty's Law Journal 109, aux pp. 117-118; James B. Fay, « Canadian Military Law: An Examination of Military Justice », (1975) 23 Chitty's Law Journal 228, à la p. 228.

[5]   L.C. 1991, c. 43. Entrée en vigueur le 4 février 1992, C.P. 1992-116, TR/1992-9.

[6]   Wood c. Schaeffer, 2013 CSC 71, [2013] 3 R.C.S. 1053, par. 99.

[7]   Voir Jerry S.T. Pitzul et John C. Maguire, « A Perspective on Canada's Code of Service Discipline » dans Evolving Military Justice, E. R. Fidell et D.H. Sullivan, Annapolis, Naval Institute Press, 2002 aux pp. 239 à 245; David McNairn, « Introduction au système de justice militaire » (2002), 7 Rev. can. D.P. 299, aux pp. 300-301; Chris Madsen, Military Law and Operations, volume 1, Canada Law Book, feuilles mobiles, mise à jour Juillet 2015, aux pp. 1-36 à 1-47.

[8]   Modifications à la Loi sur la défense nationale, Annexe 1 de la Loi modifiant certaines lois eu égard à la Charte canadienne des droits et libertés, L.R.C. 1985, 1er supplément, c. 31; Voir Erin Shaw et Dominique Valiquet, Résumé législatif du projet de loi C-15 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, Publication n° 41-1-C15-F, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, Service d’information et de recherche parlementaires, 24 avril 2012, révisé le 2 mai 2013, aux pp. 2-8; Andrew D. Heard, « Military Law and the Charter of Rights » (1987-88) 11 Dalhousie L.J. 514 aux pp. 532-533.

[9]   [1992] 1 R.C.S. 259.

[10]   L.C. 1998, c. 35.

[11]   Jerry S.T. Pitzul et John C. Maguire, « A Perspective on Canada's Code of Service Discipline » dans Evolving Military Justice, E. R. Fidell et D.H. Sullivan, Annapolis, Naval Institute Press, 2002, à la p. 239.

[12]   R. Arthur McDonald., Canada's Military Lawyers, Ottawa (Ont.), The Office of the Judge Advocate General, Minister of Public Works and Government Services Canada, 2002, à la p. 147.

[13]   R. c. Evans, [1996] 1 R.C.S. 8; R. c. Graveline, 2006 CSC 16, [2006] 1 R.C.S. 609.

[14]   Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, Le rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale, 1997.

[15]   R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, aux pp. 307-308.

[16]   R. J. Sharpe et K. Roach, Brian Dickson: A Judge's Journey, University of Toronto Press, 2003, aux pp. 48 à 64.

[17]   Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, Le rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale, 25 juillet 1997, aux pp. 2 et 3.

[18]   Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, Le rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale, 25 juillet 1997, à la p. 4.

[19]   Ibid., à la p. 5.

[20]   Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, Le rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale, 25 juillet 1997, aux pp. 5 et 6.

[21]   Ibid., à la p. 6.

[22]   Ibid., à la p. 7.

[23]   Ibid.

[24]   Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, Le rapport sur le rôle quasi-judiciaire du Ministre de la défense nationale, 25 juillet 1997, à la p. 15.

[25]   Ibid., à la p. 17.

[26]   Ibid., à la p. 23.

[27]   Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, projet de loi n° C-25 (sanctionné - 10 décembre 1998), 1re session, 36e légis. (Can.)

[28]   Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, L.C. 1998, c. 35, entrée en vigueur de certains articles le 1er septembre 1999 (décret), (1999) 133 Gaz. Can. II, 1959.

[29]   Le très honorable Antonio Lamer, Le premier examen indépendant par le très honorable Antonio Lamer C.P., C.C., C.D., des dispositions et de l’application du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35, présenté au ministre de la Défense nationale le 3 septembre 2003, à la p. 11.

[30]   Ibid., à la p. 13.

[31]   Ibid.

[32]   Canada, Ministère de la Défense nationale, Rapport du Comité de surveillance des changements au sein du Ministère de la défense nationale et des forces canadiennes, Ottawa, décembre 1999, à la p. 112.

[33]   2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571, paragr. 84; R. c. Moriarity, 2015 CSC 55, paragr. 17-19.

[34]   2008 CSC 25, [2008] 2 R.C.S. 3.

[35]   2015 CSC 7, [2015] 1 R.C.S. 401.

[36]   [1989] 2 R.C.S. 170.

[37]   [1992] 1 R.C.S. 749.

[38]   [1997] 1 R.C.S. 1113.

[39]   2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 372.

[40]   2009 CSC 51, [2009] 3 R.C.S. 339.

[41]   2011 CSC 34, [2011] 2 R.C.S. 566.

[42]   2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167.

[43]   2015 CSC 35.

[44]   2015 CSC 24.

[45]   R. c. Cook, [1997] 1 R.C.S. 1113, paragr. 19.

[46]   Ibid., R. c. T. (V.), [1992] 1 R.C.S. 749, aux pp. 758 à 762.

[47]   R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, à la p. 411; R. c. Anderson, 2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167, paragr. 32. Voir H. Stewart, Fundamental Justice: section 7 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, Irwin Law, 2012, à la p. 123 où le professeur Stewart affirme qu'il est plus juste de prétendre que la discrétion de la poursuite est un principe de justice fondamentale. Voir aussi R. J. Frater, Prosecutorial Misconduct, Aurora (Ont.), Canada Law Book, 2009.

[48]   Henry c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2015 CSC 24, paragr. 62; Hinse c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, paragr. 40.

[49]   Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 372, paragr. 3 et 30.

[50]   Hinse c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, paragr. 40.

[51]   Ibid.

[52]   R. c. Regan, 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297, paragr. 151-160 et paragr. 166 (le juge Binnie dissident sur un autre point); Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 372, paragr. 30 et 48; Miazga c. Kvello (Succession), 2009 CSC 51, [2009] 3 R.C.S. 339, paragr. 46.

[53]   J'adopte l'expression « l'indépendance dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites est un principe de justice fondamentale » que l'on trouve dans James W. O'Reilly et Patrick Healy, L'indépendance des poursuites engagées relativement à des infractions commises dans les Forces canadiennes: la police militaire et le pouvoir discrétionnaire de poursuivre, Étude préparée pour la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, Ottawa, Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, 1997, à la p. 43. J'utilise toutefois aussi d'autres expressions équivalentes.

[54]   [1992] 1 R.C.S. 259, aux pp. 286-287; James W. O'Reilly et Patrick Healy, précité note 55, à la p. 43.

[55]   James W. O'Reilly et Patrick Healy, L'indépendance des poursuites engagées relativement à des infractions commises dans les Forces canadiennes: la police militaire et le pouvoir discrétionnaire de poursuivre, Étude préparée pour la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, Ottawa, Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, 1997, à la p. 43.

[56]   2015 CSC 7, [2015] 1 R.C.S. 401.

[57]   J'utilise cette expression comme signifiant un système de justice pouvant conduire à une véritable conséquence pénale, comme l'emprisonnement. Voir Guindon c. Canada, 2015 CSC 41.

[58]   R. c. Auclair, 2014 CSC 6, [2014] 1 R.C.S. 83, paragr. 2.

[59]   R. c. Nur, 2015 CSC 15, paragr. 94; R. c. Anderson, 2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167, paragr. 37; Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 43, [2013] 3 R.C.S. 3, paragr. 136.

[60]   R. c. Gill, (2012), 96 C.R. (6th) 172 (C.A. Ont.), à la p. 192.

[61]   R. c. Anderson, 2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167, paragr. 51.

[62]   Canada, Commission de réforme du droit du Canada, Poursuites pénales: les pouvoirs du procureur général et des procureurs de la Couronne, Document de travail 62, Ottawa, 1990, les pages 9 et 15.

[63]   Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753; Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, Fifth Edition Supplemented, Volume 1, Toronto, Carswell, à la p. 1-22.1; H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, Droit constitutionnel, 6ème éd., Éditions Yvon Blais, 2014, paragr. I.151, à la p. 45.

[64]   S. Penney, V. Rondirelli et J. Stribopoulos, Criminal Procedure in Canada, 2011, LexisNexis, aux pp. 457-462.

[65]   Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 372.

[66]   Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 43, [2013] 3 R.C.S. 3, par.35.

[67]   Krieger c. Law Society of Alberta, 2002 CSC 65, [2002] 3 R.C.S. 372, paragr. 23.

[68]   Ibid., paragr. 26.

[69]   Article 5 b) de la Loi sur le ministère de la justice, L.R.C. (1985), c. J-2.

[70]   Hinse c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 35, paragr. 42-44; K. Roach, « Not Just the Government's Lawyer: The Attorney General as Defender of the Rule of Law », (2006), 31 Queen's L.J. 598, à la p. 609.

[71]   K. Roach, « Not Just the Government's Lawyer: The Attorney General as Defender of the Rule of Law », (2006), 31 Queen's L.J. 598, à la p. 610. Marc Rosenberg, « The Attorney General and the Administration of Criminal Justice », (2008-2009) 34 Queen's L.J. 813.

[72]   Le paragraphe 165.1(2) de la LDN.

[73]   Art. 5 de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, L.C. 2006, c. 9, art. 121.

[74]   Art. 4 de la Loi sur le directeur des poursuites criminelles et pénales, RLRQ c D-9.1.1.

[75]   L.C. 2006, ch. 9, art. 121.

[76]   Résumé législatif (LS-522F), Projet de loi C-2: Loi fédérale sur la responsabilité, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 21 avril 2006, rév. le 18 décembre 2006; Wade Riordan Raaflaub, La création possible d'un poste de directeur fédéral des poursuites publiques au Canada, Division du droit et du gouvernement, Bibliothèque du Parlement, PRB 05-067F.

[77]   L.C. 2006, c. 9.

[78]   Marie-Ève Sylvestre et Manon Lapointe, « Introduction à la preuve et à la procédure pénales », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit pénal », Preuve et procédure pénales, fasc. 1, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, à jour au 1er octobre 2014, paragr. 12.

[79]   Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, paragr. 9. Je souligne qu'il va de soi qu'un poursuivant privé n'est pas visé par les principes formulés dans le présent jugement en raison du fait que toute poursuite privée peut faire l'objet du pouvoir discrétionnaire du Directeur des poursuites publiques compétent ou le cas échéant, du Procureur général, d'interrompre une telle poursuite: voir R. v. McHale (2010), 256 C.C.C. (3d) 26 (C.A. Ont.), autorisation d'appel refusée [2010] 3 R.C.S. vi.

[80]   MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370; David McNairn, « Introduction au système de justice militaire », (2002) 7 Rev. can. D.P. 299, à la p. 301.

[81]   2011 CSC 44, [2011] 3 R.C.S. 134.

[82]   [1992] 1 R.C.S. 259, aux pp. 281-282.

[83]   2015 CSC 55, par. 43

[84]   Ibid., à la p. 296.

[85]   Ibid.

[86]   Ibid.

[87]   Halsbury’s Laws of Canada - Military, 1ère éd., par Natalie Venslovaitis et Catherine Morin (dir.) avec la collab. du Cabinet du Juge-avocat général des Forces armées canadiennes, Markham (Ont.), LexisNexis Canada, 2011, à jour au 15 décembre 2013, p. 315, par. HMI-22; Chris Madsen, Military Law and Operations, volume 1, Canada Law Book, feuilles mobiles, mise à jour Juillet 2015, par. 3:20.20, aux pp. 3-9 à 3-12.

[88]   Article 18 de la LDN.

[89]   Le paragraphe 18(2) de la LDN. Halsbury’s Laws of Canada – Military, précité note 93, p. 317, par. HMI-26.

[90]   James W. O'Reilly et Patrick Healy, L'indépendance des poursuites engagées relativement à des infractions commises dans les Forces canadiennes: la police militaire et le pouvoir discrétionnaire de poursuivre, Étude préparée pour la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, Ottawa, Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, 1997, à la p. 68.

[91]   R. c. Anderson, 2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167, paragr. 44; Voir aussi Nelles c. Ontario, [1989] 2 R.C.S. 170, à la p. 192.

[92]   2014 CACM 6, paragr. 16.

[93]   Chapitre 15 du volume 1 des ORFC. Voir aussi Halsbury’s Laws of Canada - Military, 1ère éd., par Natalie Venslovaitis et Catherine Morin (dir.) avec la collab. du Cabinet du Juge-avocat général des Forces armées canadiennes, Markham (Ont.), LexisNexis Canada, 2011, à jour au 15 décembre 2013, p. 360-363, par. HMI-56.

[94]   R. c. Tupper, 2009 CACM 5.

[95]   R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259; R. c. Larouche, 2014 CACM 6.

[96]   [1980] 2 R.C.S. 370, à la p. 394.

[97]   [1992] 1 R.C.S. 259, aux pp. 292-293.

[98]     Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, paragr. 9.

[99]   [1996] F.C.J. No. 545.

[100]   Ibid., paragr. 3.

[101]   Canada c. Wehmeier, 2014 CACM 5, paragr. 31, autorisation d'appel refusée [2014] 3 R.C.S. x.

[102]   [1992] 1 R.C.S. 91.

[103] [1992] 1 R.C.S. 91, aux pp. 103-104.

[104] 2015 CSC 15.

[105] R. c. Nur, 2015 CSC 15, paragr. 95. Voir aussi R. c. Appulonappa, 2015 CSC 59, paragr. 74.

[106] R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la p. 308.

[107]   Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, paragr. 9.

[108]   Article 5 b) de la Loi sur le ministère de la justice, L.R.C. (1985), c. J-2.  Le procureur général n'exerce aucune autorité sous le CDM.  Les mises en accusation sont prononcés par le DPM tout comme le retrait d'une mise en accusation déjà prononcée: voir l'article 165.12.

[109]   Article 9.1 de la Loi sur la défense nationale.

[110]   Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, paragr. 129.

[111]   2009 CSC 37, [2009] 2 R.C.S. 567.

[112]   (1985), 22 C.C.C. (3d) 353 (C.A.Ont.).

[113]   R. c. Morgentaler, (1985), 22 C.C.C. (3d) 353 (C.A.Ont.), à la p. 410

[114]   R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30, aux p. 155-156.

[115]   R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, à la p. 138; Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68, [2002] 3 R.C.S. 519, paragr. 18; R. c. Bryan, 2007 CSC 12, [2007] 1 R.C.S. 527, paragr. 100-103 (le juge Fish).

[116] Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493, paragr. 113-116.

[117] Ibid., paragr. 114.

[118] Ibid., paragr. 116.

[119]   Voir E. R. Fidell et D.H. Sullivan Evolving Military Justice, , Annapolis, Naval Institute Press, 2002 aux pp. 208 à 270; Stephen S. Strickey, « "Anglo-American" Military Justice Systems and the Wave of Civilianization: Will Discipline Survive? », (2013),  2 Cambridge Journal of International and Comparative Law 763;  Victor Hansen, « The Impact of Military Justice Reforms on the Law of Armed Conflict: How to Avoid Unintended Consequences », (2013), 21 Michigan State International Law Review 230, aux pp. 238—243.  L'organisation de la justice militaire aux Etats-Unis en général et à l'égard des droits d'appel est si différente qu'elle ne peut être utile: David A. Schlueter, « The Military Justice Conundrum: Justice or Discipline? », (2013), 215 Military Law Review 1, aux pp. 13-14.

[120]   Maj. Gen. M. D. Conway, « Thirty-Ninth Kenneth J. Hodson Lecture in Criminal Law », (2012) Military Law Rev. 212, à la p. 220; Attorney General's Office, The Governance of Britain: A Consultation on the Role of the Attorney General, 26 juillet 2007, paragr. 1.25, à la p. 8.

[121]   2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, paragr. 29-35.

[122]   Voir par analogie, R. c. Tshiamala, 2011 QCCA 439, 299 C.C.C. (3d) 345, paragr. 173-179.

[123] [1992] 2 R.C.S. 679.

[124] 2003 CSC 43, [2003] 2 R.C.S. 207, paragr. 51-52.

[125]   [2002] 1 R.C.S. 472, 2002 CSC 14, paragr. 32 et 34.

[126] [1998] 2 R.C.S. 565, paragr. 44 et 48.

[127] [1992] 2 R.C.S. 679.

[128] Ibid., à la p. 684.

[129]   Kent Roach, « Enforcement of the Charter - Subsections 24(1) and 52(1) », dans Errol Mendes et Stéphane Beaulac, Charte canadienne des droits et libertés, 5e éd., Markham, LexisNexis Canada, 2013, p. 1123, à la p. 1155.

[130]   Voir l'article 19 des Règles de pratique et de procédures de la Cour d'appel de la cour martiale du Canada.

[131]   R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, paragr. 72.

[132]   Trial Lawyers Association of British Columbia c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2014 CSC 59, [2014] 3 R.C.S. 31, paragr. 38-40.

[133]  Le très honorable Antonio Lamer, Le premier examen indépendant par le très honorable Antonio Lamer C.P., C.C., C.D., des dispositions et de l’application du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, conformément à l’article 96 des Lois du Canada (1998), ch. 35, présenté au ministre de la Défense nationale le 3 septembre 2003, à la p. 124.

[134]   [1998] 1 R.C.S. 3, paragr. 20.

[135]   Kent Roach, « Enforcement of the Charter - Subsections 24(1) and 52(1) », dans Errol Mendes et Stéphane Beaulac, Charte canadienne des droits et libertés, 5e éd., Markham, LexisNexis Canada, 2013, p. 1123, à la p. 1156.

[136] 2004 CSC 46, [2004] 2 R.C.S. 489.

[137] Ibid., paragr. 2.

[138] 2008 CSC 6, [2008] 1 R.C.S. 96.

[139]   2010 CSC 27, [2010] 2 R.C.S. 28.

[140] R. c Nur, 2015 CSC 15, paragr. 51.

[141] 2004 CSC 46, [2004] 2 R.C.S. 489, paragr. 61-62

[142]  R. c. Powley, 2003 CSC 43, [2003] 2 R.C.S. 207, paragr. 52.

[143]   R. c. Irwin (1998), 123 C.C.C. (3d) 316 (C.A. Ont.), paragr 37, à la p. 330.

[144]   R. c. Babos, 2014 CSC 16, [2014] 1 R.C.S. 309, paragr. 43; R. c. Regan, 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297, paragr. 211, le juge Binnie (dissident sur un autre point).

[145]   Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, 2015 CSC 7, [2015] 1 R.C.S. 401. Le devoir de dévouement du DPM s'exerce à l'égard d'un client qui n'a pas l'indépendance nécessaire.

[146]   R. c. Jewitt, [1985] 2 R.C.S. 128, à la p. 148.

[147]   2014 CSC 16, [2014] 1 R.C.S. 309.

[148]   Voir aussi 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331, paragr. 124-125 et 129.

[149] R. c. Babos, 2014 CSC 16, [2014] 1 R.C.S. 309, paragr. 44.

[150] Ibid., paragr. 39-40.

[151] R. c. Bjelland, 2009 CSC 38, [2009] 2 R.C.S. 651, paragr. 3 et 24-27.

[152] R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, paragr. 72.

[153] Ibid.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.