Cour d'appel de la cour martiale

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Date : 20170519


Dossiers : CMAC-566

CMAC-567

CMAC-571

CMAC-574

CMAC-577

CMAC-578

CMAC-579

CMAC-580

CMAC-581

CMAC-583

CMAC-584

Référence : 2017 CACM 2

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE COURNOYER

LA JUGE GLEASON

 

 

CMAC-566

 

 

ENTRE :

 

 

LE SOLDAT DÉRY, J.-C.

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-567

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE CAPORAL-CHEF C.J. STILLMAN

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-571

 

 

ET ENTRE :

 

 

LA MAJOR B.M. WELLWOOD

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-574

 

 

ET ENTRE :

 

 

L’ANCIEN MAÎTRE DE 2E CLASSE J.K. WILKS

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-577

 

 

ET ENTRE :

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

appelante

 

 

et

 

 

L’ADJUDANT J.G.A. GAGNON

 

 

intimé

 

 

CMAC-578

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE LIEUTENANT DE VAISSEAU G.M. KLEIN

 

 

appelant

 

 

et

 

 

CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

 

 

intimé

 

 

CMAC-579

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE CAPORAL CHARLES NADEAU-DION

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-580

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE CAPORAL F.P. PFAHL

 

 

appelant

 

 

et

 

 

CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

 

 

intimé

 

 

CMAC-581

 

 

ET ENTRE :

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

 

intimé

 

 

CMAC-583

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE SOUS-LIEUTENANT SOUDRI

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-584

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE MAÎTRE DE 2E CLASSE R.K. BLACKMAN, K39 842 031

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 26 avril 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 mai 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LES JUGES COURNOYER et GLEASON

MOTIFS CONCORDANTS :

LE JUGE EN CHEF BELL

 


Date : 20170519


Dossiers : CMAC-566

CMAC-567

CMAC-571

CMAC-574

CMAC-577

CMAC-578

CMAC-579

CMAC-580

CMAC-581

CMAC-583

CMAC-584

Référence : 2017 CMAC 2

CORAM:

LE JUGE EN CHEF BELL

LE JUGE COURNOYER

LA JUGE GLEASON

 

CMAC-566

 

 

ENTRE :

 

 

LE SOLDAT DÉRY, J.-C.

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-567

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE CAPORAL-CHEF C.J. STILLMAN

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-571

 

 

ET ENTRE :

 

 

LA MAJOR B.M. WELLWOOD

 

 

appelante

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-574

 

 

ET ENTRE :

 

 

L’ANCIEN MAÎTRE DE 2E CLASSE J.K. WILKS

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-577

 

 

ET ENTRE :

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

appelante

 

 

et

 

 

L’ADJUDANT J.G.A. GAGNON

 

 

intimé

 

 

CMAC-578

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE LIEUTENANT DE VAISSEAU G.M. KLEIN

 

 

appelant

 

 

et

 

 

CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

 

 

intimé

 

 

CMAC-579

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE CAPORAL CHARLES NADEAU-DION

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-580

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE CAPORAL F.P. PFAHL

 

 

appelant

 

 

et

 

 

CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

 

 

intimé

 

 

CMAC-581

 

 

ET ENTRE :

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

appelante

 

 

et

 

 

LE CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

 

intimé

 

 

CMAC-583

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE SOUS-LIEUTENANT SOUDRI

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

 

CMAC-584

 

 

ET ENTRE :

 

 

LE MAÎTRE DE 2E CLASSE R.K. BLACKMAN, K39 842 031

 

 

appelant

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS CONCORDANTS

LE JUGE EN CHEF BELL

I.  Aperçu

[1]  La véritable question dont est saisie la Cour est de savoir si l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la Défense nationale, L.R.C. 1985, c. N-5 [la LDN] est constitutionnellement valide sans qu’il soit nécessaire d’appliquer le critère du lien de connexité avec le service militaire (ci-après appelé le critère du lien militaire). Dans R. c. Larouche, 2014 CACM 6, la Cour a conclu que sans l’application du critère du lien militaire, lalinéa 130(1)a) de la LDN a une portée excessive et viole l’article 7 et l’alinéa 11 f) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 [la Charte]. Dans R. c. Moriarity, 2015 CSC 55 [Moriarity CSC], la Cour suprême du Canada a conclu que l’alinéa 130(1)a) de la LDN n’a pas une portée excessive et ne requiert pas l’existence d’un lien militaire afin de respecter l’article 7 de la Charte. L’arrêt Moriarity CSC, a expressément laissé sans réponse la question de savoir si l’alinéa 130(1)a) porterait atteinte, sans une application du critère du lien militaire, à l’alinéa 11f) de la Charte. La Cour a répondu à cette question dans R. c. Royes, 2016 CACM 1 [Royes] (autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 37054 (2 février 2017)). La Cour a conclu dans Royes que l’alinéa 130(1)a) ne viole pas la Charte, même en l’absence de l’existence du critère du lien militaire.

L’alinéa 11f) de la Charte est ainsi libellé :

Affaires criminelles et pénales

Proceedings in criminal and penal matters

11. Tout inculpé a le droit :

 

f) sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d’un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave;

11. Any person charged with an offence has the right :

(f) except in the case of an offence under military law tried before a military tribunal, to the benefit of trial by jury where the maximum punishment for the offence is imprisonment for five years or a more severe punishment;

[2]  L’exception établie à l’alinéa 11f), en l’absence de l’existence du critère du lien militaire, prive toute personne assujettie au Code de discipline militaire [le CDM] (paragraphe 60(1) de la LDN) du droit à un procès avec jury pour toutes les infractions prévues au Code criminel, L.R.C., 1985, c. C-46 [le Code criminel] autres que le meurtre, l’homicide involontaire coupable et les infractions visées aux articles 280 à 283 du Code criminel (article 70 de la LDN). Autrement dit, le directeur des poursuites militaires [le DPM] possède le pouvoir discrétionnaire d’intenter une poursuite devant une cour martiale fondée sur le statut de l’accusé assujetti au CDM, plutôt que de se demander si l’infraction reprochée comporte un lien militaire. Sous réserve des exceptions établies à l’article 70 de la LDN, le statut militaire d’une personne, en tant personne assujettie au CDM, serait suffisant pour conférer au système de justice militaire la compétence sur la personne et sur l’infraction.

[3]  Je tiens à préciser de façon non équivoque que je suis d’accord avec mes collègues à l’effet que la Cour est liée par l’arrêt Royes. Par conséquent, je souscris à la décision proposée par mes collègues relativement au présent appel; à savoir, que sans l’exigence du critère du lien militaire, l’alinéa 130(1)a) de la LDN constitue une loi fédérale constitutionnellement valide et ne viole pas l’alinéa 11f) de la Charte.

[4]  Mes motifs pourraient se terminer ici. Je me sens toutefois obligé de faire des  observations additionnelles, compte tenu du long obiter prononcé par mes collègues qui, toujours en respectant l’arrêt Royes, fait état de leur désaccord avec l’analyse et la conclusion que comporte cet arrêt.

II.  Observations et analyse

A.  Régime parallèle de justice militaire

[5]  Il est bien établi en droit que le paragraphe 91(7) de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 31 & 31 Vict., c. 3, réimprimée dans L.R.C. 1985, App. II, no 5 [la Constitution] confère au Parlement du Canada l’autorité législative exclusive concernant « la milice, le service militaire et le service naval et la défense du pays ». Comme il a été souligné à de multiples occasions par la Cour, et la Cour suprême dans l’arrêt Moriarity CSC, l’alinéa 11f) prévoit une exception au droit à un procès avec jury lorsqu’« il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire ». Le régime de justice militaire n’est pas un système de justice inférieur ou un système accessoire; il s’agit plutôt d’un système de droit parallèle (voir R. c. Moriarity, 2014 CACM 1, 455 N.R. 59, au paragraphe 82 [Moriarity CACM]; R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, [1992] A.C.S. n10, au paragraphe 56) qui exerce sa compétence au Canada et à l’étranger pour les besoins des Forces armées canadiennes (les alinéas 130(1)a) et b) de la LDN portent sur des infractions civiles qui surviennent au Canada et à l’étranger et qui relèvent de la justice militaire). Il est essentiel que ce système parallèle de justice militaire soit considéré comme équitable, juste, conforme à la Charte et comme fonctionnant efficacement, tant au Canada qu’à l’étranger. Je souligne en passant que le système de justice civile prévoit également dans plusieurs contextes une compétence extrajudiciaire. Cependant, contrairement au système de justice civile, la portée extraterritoriale du système parallèle de justice militaire est essentielle à ses activités quotidiennes : les personnes assujetties au CDM sont régulièrement tenus de servir à l’étranger suite à des affectations ou pour participer à des exercices d’entraînement.

[6]  Ce système parallèle de justice militaire n’est pas un régime de droit fossilisé. Il doit respecter la Charte et a fait l’objet d’une adaptation et de changements profonds, même avant l’adoption de la Charte. Bien que la liste suivante ne soit pas exhaustive, il est important selon moi de souligner les nombreuses caractéristiques du système parallèle de justice militaire.

[7]  Les juges militaires sont nommés en fonction du mérite par le gouverneur en conseil, et ils doivent avoir été inscrits au barreau d’une province pendant au moins dix ans avant leur nomination (article 165.21 de la LDN), de la même façon que les juges civils (article 3 de la Loi sur les juges, L.R.C. 1985, c. J-1 [la Loi sur les juges]). Les juges militaires sont inamovibles jusqu’à leur retraite, tout comme les juges civils (paragraphe 165.21(4) de la LDN). Le Conseil canadien de la magistrature possède le pouvoir de recommander la révocation d’un juge civil (paragraphe 65(2) de la Loi sur les juges), tandis que le Comité d’enquête sur les juges militaires, composé de juges de la Cour, possède le même pouvoir en vertu de la LDN (paragraphe 165.21(3)). À l’instar des systèmes de justice civile au Canada qui ont mis en place un processus accusatoire indépendant, souvent dirigé par un directeur des poursuites pénales, le système de justice militaire a créé le poste de DPM (paragraphe 165.1(1)); voir R. c. Gagnon, 2015 CACM 2, au paragraphe 19. Le système de justice militaire s’enorgueillit d’avoir un directeur du service d’avocats de la défense dynamique et indépendant (article 249.18 de la LDN), lequel offre des services de défense à toutes les personnes assujetties au CDM qui en font la demande. En outre, il est loisible à un membre du service de retenir les services d’un avocat externe (articles 249.19 et 249.21 de la LDN). Les appels peuvent être interjetés tant par la poursuite que par la défense devant la Cour (qui est entièrement civile), et ensuite, par application des paragraphes 245(1) et (2), il existe des droits d’appel ou d’autorisation d’appel auprès de la Cour suprême du Canada, pour des motifs comparables à ceux invoqués dans le cadre du système civil.

[8]  Je donne un bref résumé de certaines des similitudes importantes entre les deux systèmes parallèles pour une seule raison : démontrer que le régime de justice militaire au Canada, qui prévoit la possibilité d’interjeter appel auprès de la Cour et de la Cour suprême du Canada, est un système de justice dynamique et évolutif, peu différent du système civil parallèle.

B.  Un mot sur le système des cours martiales

[9]  Dans leurs motifs, mes collègues parlent de « tribunaux militaires » du début à la fin. Je reconnais que l’alinéa 11f) de la Charte réfère à la « justice militaire » ; cependant, il est évident que les mots « tribunaux militaires » et « justice militaire », lorsqu’utilisés dans le contexte de l’article 11f) de la Charte, réfèrent à une cour martiale, une cour prévue par la LDN, possédant les pouvoirs d’une cour supérieure de juridiction criminelle (article 179 de la LDN). Les procédures devant une cour martiale ne constituent pas des procédures sommaires dans le cadre desquelles les droits de l’accusé ne sont pas respectés. En fait, pour certaines infractions, un accusé peut choisir d’être jugé par une cour martiale permanente (devant un juge militaire seul) ou par une cour martiale générale (voir le paragraphe 165.191(2) de la LDN). La cour martiale générale est composée d’un juge militaire et d’un comité de cinq membres (s. 167(1) de la LDN). Ce comité remplit des fonctions similaires à celles d’un jury dans un procès criminel devant un tribunal civil : le comité est le juge des faits tandis que le juge militaire statue sur des questions de droit (article 191 et paragraphe 192(1) de la LDN). Comme c’est le cas dans un procès civil avec jury où un juge civil donne des directives à un jury, le juge militaire donne des directives au comité d’officiers. Les moyens d’appel que peut invoquer un accusé, en fonction des directives données au comité d’une cour martiale, ne sont pas différents de ceux que peuvent invoquer les parties dans le système civil parallèle. La plupart des décisions du comité sont prises à l’unanimité, comme c’est le cas des décisions prises par un jury civil (paragraphe 192(2) de la LDN).

[10]  Au même titre que le système de jury, au civil, le système militaire de cours martiales est en évolution constante. Au criminel, les systèmes de jury au Canada ont évolué, même dans les dernières années, passant d’aucun juré suppléant à un ou deux, si le juge l’ordonne dans l’intérêt de la justice (paragraphe 631(2.1) du Code criminel; Loi modifiant le droit pénal, 2001, L.C. 2002, c. 13, paragraphe 54(2)). En outre, le juge qui préside l’instance peut ordonner que des jurés supplémentaires soient assermentés, de sorte que treize ou quatorze jurés puissent décider du sort d’un accusé (paragraphe 631(2.2) du Code criminel). Enfin, je tiens à préciser que les personnes accusées ne peuvent pas « choisir » leurs jurés. Bien que les personnes accusées jouent un rôle dans la sélection du jury, ce rôle ne peut être considéré comme déterminant compte tenu des limites imposées aux récusations de jurés et aux récusations qui doivent être motivées : voir, paragraphe 629(1) du Code criminel. Dans le cadre du système des cours martiales, les comités sont choisis au hasard par l’administrateur de la cour martiale. Dans certains cas, les membres du comité sont tenus d’avoir un grade supérieur ou équivalent à celui de l’accusé : voir l’article 167 de la LDN.

C.  Historique du critère du lien militaire

[11]  Mes collègues reconnaissent dans leur obiter que le critère du lien militaire utilisé au Canada a été emprunté aux États-Unis d’Amérique. Il est important de présenter le contexte dans lequel le critère a été élaboré aux États-Unis. Il a été établi en 1969, à une époque où la guerre du Vietnam faisait rage et la conscription faisait encore partie de la culture militaire américaine. La conscription, également appelée enrôlement forcé, était perçue par beaucoup  comme l’antithèse d’une société démocratique libérale dynamique dans laquelle la lutte pour les droits civils faisait de véritables progrès. Les normes les plus exigeantes de discipline militaire semblaient incompatibles avec la norme moins exigeante d’équité procédurale imposée aux personnes conscrites. Je précise qu’au Canada il n’y a pas eu de conscription depuis 1942, soit durant la Seconde Guerre mondiale (Loi modifiant la loi de 1940 sur la mobilisation des ressources nationales, Chap. 29, sanctionnée le 1er août 1942, autorisant la conscription pour servir outre-mer si cela était jugé nécessaire). Un autre important facteur dans l’évolution du critère du lien militaire est qu’il a été élaboré à l’époque où les tribunaux américains n’étaient chargés que de contrôles judiciaires des décisions des cours martiales. Il n’y avait pas d’appel, recours qui désormais existe au Canada et aux États-Unis.

[12]  Ce bref contexte constitue le point de départ de l’introduction dans la jurisprudence américaine du critère du lien militaire. Dans O’Callahan c. Parker, 395 U.S. 258 (1969) [O’Callahan], l’accusé a mis en doute la compétence de la cour martiale à l’égard d’une infraction sans lien militaire. L’infraction aurait été commise pendant un congé, alors que l’accusé n’était pas en service. La Cour suprême des États-Unis [la CS des É.-U.] a interprété la compétence de la cour martiale de manière restrictive, en partie, parce que la cour martiale n’était [traduction] « pas encore un instrument de justice indépendant mais demeur[ait] dans une large mesure une partie spécialisée du mécanisme global par lequel la discipline militaire est assurée » (au paragraphe 265). Dans O’Callahan, la CS des É.-U. a conclu que, pour qu’elle soit jugée dans le cadre du système de justice militaire, l’infraction doit avoir un lien militaire (O’Callahan, au paragraphe 272). Le critère du lien militaire a alors vu le jour. Il a été précisé et élaboré en profondeur et s’est fait connaître sous le nom des facteurs du jugement Relford, c’est-à-dire du jugement Relford c. Commandant, U.S. Disciplinary Barracks, 401 U.S. 355 (1971). Jusqu’en 1987, ce critère était celui qui était constamment appliqué aux États-Unis pour déterminer la compétence d’une cour martiale. Cependant, en 1987, la CS des É.-U. a entendu pour la première fois un appel, plutôt qu’un contrôle judiciaire, d’une décision d’une cour militaire. Dans cette affaire, la CS des É.-U. a rétabli le statut militaire comme fondement de la compétence militaire et a rejeté le critère du lien militaire. Il convient de noter qu’en 1987, la conscription avait pris fin aux États-Unis, la guerre du Vietnam était terminée, et qu’il était possible d’interjeter appel, à la CS des É.-U., une cour civile, d’une décision d’une cour martiale plutôt que de demander à la CS des É.-U. de contrôler cette décision. Voir également, Janet Walker, « A Farewell Salute to the Military Nexus Doctrine » (1993) 2 NJCL 366, à la page 367.

[13]  Comme il a été expliqué dans les arrêts Moriarity CACM, Larouche, Royes, et par mes collègues dans leur obiter susmentionné, le critère du lien militaire a été élaboré à partir d’une opinion minoritaire de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370. Il a été clairement érodé dans l’arrêt Moriarity CSC, et, comme mes collègues l’ont conclu, et j’y ai souscrit dans les présents motifs, on lui a infligé le coup de grâce dans l’arrêt Royes. Le lien militaire est peut-être dépassé; peut-être n’a-t-il jamais été nécessaire dans le contexte canadien. Peu importe, les facteurs qui ont motivé l’adoption de ce critère aux États-Unis, le précurseur du Canada, ont peu à voir avec les réalités du système moderne canadien de justice militaire.

D.  Autorité législative du Parlement en matière de droit militaire

[14]  Comme il a déjà été mentionné, le paragraphe 91(7) de la Constitution confère au Parlement (le législateur fédéral) lʼautorité législative exclusive dans les domaines de la milice, du service militaire et du service naval, et de la défense du pays. Je souligne que les précurseurs du présent article 70 de la LDN, qui énonce des exceptions au droit militaire pour certaines infractions commises au Canada, et de l’alinéa 130(1)a), ont été adoptés en 1950 (1950, c. 43. article 61; 1950, c. 43, article 119, respectivement).

[15]  À l’appui de leur obiter selon lequel l’exception prévue à l’alinéa 11f) devrait être interprétée en fonction du lien militaire, mes collègues soulignent que rien n’empêche le législateur fédéral de redéfinir le « droit militaire » en modifiant la liste des infractions mentionnées à l’article 70 de la LDN (meurtre, homicide involontaire coupable et infractions visées aux articles 280 à 283 du Code criminel). Mes collègues suggèrent que la définition de « droit militaire » soit laissée au législateur fédéral. En ce qui a trait à cette question, il existe une différence fondamentale entre mon approche et celle de mes collègues. Je me demande plutôt qui est mieux placé que le législateur fédéral pour définir le droit militaire, sous réserve bien sûr des limites liées au partage des compétences et aux dispositions de la Charte. Le législateur fédéral, par exemple, fait des choix de façon régulière sur ce qui constitue ou non le droit pénal. Ces décisions font parfois l’objet de contestations judiciaires, comme, par exemple, l’adoption des peines minimales obligatoires par le législateur fédéral : voir, R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, affaire dans laquelle la peine minimale obligatoire a été jugée contraire à l’article 12 de la Charte et non justifiée au regard de l’article premier. Toute modification à des questions relatives au droit militaire peut faire l’objet du même type de contestation. Sans faire de suppositions sur ce que le législateur fédéral ou les tribunaux pourraient faire ou ne pas faire, il est très possible que le retrait de l’infraction de meurtre de l’article 70 donne lieu à une contestation constitutionnelle. Il serait purement hypothétique de prévoir ce que serait l’issue d’une telle contestation. Les tribunaux ne devraient pas, à mon humble avis, interpréter la législation existante ou les droits garantis par la Charte en proposant des modifications « bidon » à la législation, s’inscrivant apparemment dans les limites de la compétence du législateur fédéral. Toute modification de ce genre doit être examinée en temps et lieu et en fonction du contexte de l’évolution de la Charte à ce moment.

[16]  Étant donné que les précurseurs de l’article 70 et de l’alinéa 130(1)a) de la LDN étaient en place et ont été interprétés bien avant l’avènement de la Charte en 1982, je suis d’avis que le législateur fédéral a clairement compris le concept de droit militaire et la portée de sa compétence législative, et c’est ce qui ressort de l’alinéa 11f) de la Charte.

III.  Conclusion

[17]  Bien que je sois d’accord avec mes collègues pour dire que nous sommes liés par la décision de la Cour dans l’arrêt Royes et que, par conséquent, je souscrive à qu’ils proposent relativement au présent appel, je souscris à l’analyse effectuée dans l’opinion unanime de l’arrêt Royes. Ainsi, les présents motifs devraient être lus en corrélation avec ceux rendus dans l’arrêt Royes.

 B. Richard Bell

Chief Justice

 


MOTIFS DE JUGEMENT

 

LES JUGES GUY COURNOYER et MARY J.L. GLEASON

[18]  La Cour est saisie de 11 appels interjetés par des individus accusés ou déclarés coupables d’infractions d’ordre militaire visées à l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, ch. N‑5 (la LDN), qui allèguent que cet alinéa est inconstitutionnel et qu’il devrait être déclaré invalide conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11, au motif qu’il viole l’alinéa 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). L’alinéa 11f) de la Charte garantit à tout inculpé le droit de bénéficier d’un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave, sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire.

[19]  Dans six de ces appels, soit ceux interjetés par l’ancien maître de 2e classe Wilks, le lieutenant de vaisseau Klein, le caporal Nadeau-Dion, le caporal Pfahl, le sous‑lieutenant Soudri et le maître de 2e classe Blackman, la question constitutionnelle a été soulevée par ces derniers dans leurs avis d’appel et constitue le seul point litigieux qu’ils avaient fait valoir en date de l’instruction des appels. La major Wellwood a elle aussi soulevé la question de la violation de l’alinéa 11f) de la Charte dans son avis d’appel, mais elle a de plus soulevé d’autres motifs d’appels. Pour ce qui est des quatre appels restants, soient ceux du soldat Déry, du caporal‑chef Stillman, de l’adjudant Gagnon et du caporal Thibault, ces derniers ont présenté des requêtes pour soulever la question constitutionnelle après le dépôt des avis d’appel ou d’appel incident. Ces requêtes ont été accueillies de vive voix lors de l’instruction des appels, et les motifs pour lesquels les modifications aux motifs de l’appel ou de l’appel incident ont été acceptées sont exposés dans les motifs du juge en chef Bell dans les présentes affaires, et ont été rendus de manière concurrente avec les présents motifs.

[20]  Par conséquent, la Cour devait, pour tous ces cas, décider si l’alinéa 130(1)a) de la LDN contrevient à l’alinéa 11f) de la Charte. Des questions en litige supplémentaires doivent être tranchées en ce qui concerne les cas de la major Wellwood et de l’adjudant Gagnon.

[21]  Les présents motifs se rapportent uniquement à la contestation constitutionnelle de l’alinéa 130(1)a) de la LDN. Pour les motifs exposés ci-dessous, la Cour est d’avis qu’il convient de rejeter la contestation constitutionnelle formulée à l’égard de l’alinéa 130(1)a) de la LDN.

I.  Le contexte

[22]  Dans les 11 cas dont nous sommes saisis, l’argument fondé sur la constitution qui est soulevé par les individus accusés ou déclarés coupables d’infractions d’ordre militaire est le même : ils font valoir que les accusations portées contre eux doivent être rejetées, en raison de l’arrêt R. c. Moriarity, 2015 CSC 55, [2015] 3 R.C.S. 485 [Moriarity] de la Cour suprême. Un bref historique est utile afin de contextualiser leur argument.

[23]  L’alinéa 130(1)a) de la LDN constitue en « infractions d’ordre militaire » (et par conséquent jugées dans l’appareil de justice militaire) toute infraction commise par les personnes assujetties au Code de discipline militaire (« CDM ») des Forces armées canadiennes si l’acte ou l’omission en cause constitue une infraction au titre de la partie VII de la LDN, au Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, ou à toute autre loi fédérale. Les membres actifs des Forces armées canadiennes, ainsi que plusieurs autres catégories de personnes liées aux forces armées, sont assujettis au CDM.

[24]  La plupart des infractions d’ordre militaire peuvent faire l’objet d’un procès devant un tribunal militaire au titre de la LDN. L’article 70 de la LDN crée des exceptions à la règle selon laquelle les infractions commises au Canada doivent être instruites devant un tribunal militaire, mais uniquement pour les infractions de meurtre, d’homicide involontaire coupable ou les infractions visées aux articles 280 à 283 du Code criminel, lesquelles se rapportent à l’enlèvement d’enfants. Par conséquent, presque toutes les infractions criminelles, y compris la vaste majorité des infractions pour lesquelles la peine maximale est de cinq ans d’emprisonnement ou plus, peuvent être instruites par un tribunal militaire. Lorsqu’une personne est jugée par un tribunal militaire constitué au titre de la LDN, elle ne peut pas demander un procès avec jury. En fait, selon certains facteurs, notamment la gravité de l’infraction et le choix de la personne accusée, l’affaire est soit instruite par une cour martiale, soit instuite dans le cadre d’un procès sommaire présidé par un commandant ou un commandant supérieur.

[25]  Par conséquent, pour la vaste majorité des infractions criminelles commises au Canada, les personnes assujetties au CDM peuvent être jugées par l’appareil de justice militaire, selon le choix de la poursuite, ce qui a pour effet de leur enlever le droit de choisir un procès avec jury pour des infractions commises au Canada, malgré le fait qu’un civil jugé pour la même infraction peut se prévaloir de ce droit.

[26]  Les dispositions pertinentes de la LDN qui consacrent ce qui précède sont reproduites et jointes en annexe aux présents motifs.

[27]  Avant que la Cour suprême ne rende l’arrêt Moriarity, la jurisprudence de la Cour d’appel de la cour martiale était que l’alinéa 130(1)a) de la LDN contrevenait à la fois à l’article 7 et à l’alinéa 11f) de la Charte, à moins qu’une accusation déposée sous le régime de la LDN à titre d’infraction d’ordre militaire découlait d’une situation qui était liée au service militaire et qu’elle comportait un lien suffisant pour justifier la tenue d’une audience devant un tribunal militaire. La Cour interprétait donc de manière atténuée l’alinéa 130(1)a) de la LDN pour ajouter l’exigence d’un lien militaire. En l’absence d’un tel lien, la Cour concluait que l’instruction sous le régime de la LDN contrevenait au droit garanti par la Constitution à un procès avec jury et aux droits garantis par l’article 7 de la Charte.

[28]  Dans l’arrêt Moriarity, la Cour suprême a annulé une partie de cette jurisprudence et a statué que les alinéas 130(1)a) et 117f) de la LDN ne contreviennent pas à l’article 7 de la Charte. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu qu’il n’était nécessaire d’interpréter l’alinéa 130(1)a) de la LDN comme comportant une exigence de lien militaire, puisqu’il n’y avait aucune violation à la Charte pour laquelle une réparation s’imposait. Cependant, la question de savoir si l’alinéa 130(1)a) de la LDN contrevient aussi à l’alinéa 11f) de la Charte n’avait pas été soumise à la Cour suprême dans l’affaire Moriarity. Effectivement, le juge Cromwell, s’exprimant pour la Cour, a fait remarquer, au paragraphe 16, que la contestation fondée sur la Charte dans cette affaire reposait uniquement sur une violation alléguée de l’article 7 de la Charte.

[29]  Les individus accusés dans le cadre des présents appels prétendent que la Cour suprême a statué, dans l’arrêt Moriarity, que l’on ne peut, pour quelque motif que ce soit, interpoler une exigence d’un lien militaire dans l’alinéa 130(1)a) de la LDN. Ils affirment aussi que la Cour suprême n’a pas modifié la jurisprudence de la Cour d’appel de la cour martiale selon laquelle, en l’absence d’une telle interpolation, l’alinéa 130(1)a) de la LDN contrevient à l’alinéa 11f) de la Charte. Par conséquent, ils prétendent que cela emporte nécessairement que les dispositions contestées de la LDN violent la constitution et que les accusations portées contre eux doivent donc être rejetées, puisque les précédents de la Cour en ce qui concerne la violation de l’alinéa 11f) de la Charte subsistent, et que la réparation, qui consiste en une interprétation atténuée grâce à l’insertion d’une exigence d’existence d’un lien militaire dans l’alinéa 130(1)a) de la LDN, n’existe plus.

[30]  La Cour s’est récemment penchée sur le même argument dans l’arrêt R. c. Royes, 2016 CACM 1, 486 N.R. 257 [Royes]. Elle y a statué que l’arrêt Moriarity « établit effectivement que la portée de l’alinéa 130(1)a) de la LDN n’est pas excessive et ne contrevient pas à l’alinéa 11f) de la Charte » (au paragraphe 40). Par conséquent, la Cour a rejeté la contestation relative à l’alinéa 130(1)a) de la LDN, et elle a conclu qu’il n’était plus nécessaire d’interpoler une exigence d’existence d’un lien militaire dans l’alinéa 130(1)a) de la LDN pour garantir sa validité constitutionnelle. En d’autres termes, la Cour a conclu que l’alinéa était valide et que toutes les accusations visées par celui‑ci pouvaient être instruites par un tribunal militaire, et ce, même si elles découlent d’une situation où il n’y a aucun lien avec le service militaire. La Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation de pourvoi le 2 février 2017. La Cour a invité les parties dans la présente affaire à produire des observations écrites concernant l’incidence de l’arrêt Royes sur la question constitutionnelle en cause en l’espèce. La Cour a reçu les observations des accusés le 9 septembre 2016 et du procureur de la Couronne le 23 septembre 2016.

II.  L’incidence de l’arrêt Royes

[31]  Avec égards envers le tribunal ayant rendu l’arrêt Royes, nous n’aurions pas tiré la même conclusion en ce qui concerne l’incidence de l’arrêt Moriarity sur la validité constitutionnelle de l’alinéa 130(1)a) de la LDN au regard de l’alinéa 11f) de la Charte.

[32]  Nous croyons, comme l’a affirmé le juge Rothstein dans l’arrêt Canada c. Craig, 2012 CSC 43, [2012] 2 R.C.S. 489, au paragraphe  21, que nous avons l’obligation d’expliquer pourquoi nous sommes d’avis que l’arrêt Royes présente certains problèmes.

[33]  Nous parvenons à notre conclusion en raison des facteurs suivants : 1) la Cour suprême , a expressément refusé de trancher la question relative à l’alinéa 11f) dans l’arrêt Moriarity; 2) l’analyse fondée sur l’alinéa 11f) est différente de celle fondée sur l’article 7 de la Charte; 3) les droits garantis par la Charte doivent être interprétés de manière large et selon leur objet; 4) le consensus émergent à l’échelle internationale pour restreindre la portée de la compétence des tribunaux militaires dans les instances criminelles, et 5) l’interprétation de l’alinéa 11f) doit être orientée par la Charte, et non par le législateur.

[34]  Même si l’autorisation de pourvoi a été refusée dans l’affaire Royes, nous constatons que le juge Binnie a fait remarquer, dans l’arrêt Des Champs c. Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott Russell, [1999] 3 R.C.S. 281, 177 D.L.R. (4th) 23, au paragraphe 31, que « […] évidemment, ce refus ne doit pas être interprété comme l’expression d’un point de vue par les juges [de la Cour suprême] quant au fond de l’affaire ». Dans la même veine, dans l’arrêt La Reine c. Côté, [1978] 1 R.C.S. 8, à la page 16, 73 D.L.R. (3d) 752, le juge de Grandpré a énoncé que le refus d’accorder l’autorisation « n’équivaut pas à une confirmation de l’opinion de la Cour d’appel à ce sujet ».

A.  La Cour suprême a expressément refusé de trancher la question relative à l’alinéa 11f) dans l’arrêt Moriarity

[35]  Le juge Cromwell a écrit ce qui suit au paragraphe 30 de l’arrêt Moriarity :

L’analyse de la portée excessive ne s’intéresse pas au caractère approprié de l’objectif. Elle suppose plutôt que l’objectif d’une règle de droit est approprié et légitime. J’insiste sur ce point ici parce que la question de l’étendue de la compétence fédérale sur « [l]a milice, le service militaire et le service naval, et la défense du pays » prévue au par. 91(7) de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que la question de la portée de l’exemption d’application du droit à un procès avec jury garanti à l’al. 11f) de la Charte en droit militaire ne se soulèvent pas dans les présents pourvois. En l’espèce, nous devons formuler l’objet des deux dispositions contestées afin de pouvoir apprécier la rationalité de certains de leurs effets. Nous ne sommes pas appelés à déterminer l’étendue du pouvoir du gouvernement fédéral de légiférer à l’égard de la justice militaire ni à examiner d’autres types de contestations fondées sur la Charte. Je considère comme valide l’objectif du législateur, et mes motifs ne traitent d’aucune de ces autres questions.

[36]  Nous sommes d’avis qu’il est impossible de mettre en doute l’intention de la Cour suprême, et ce, en raison de deux déclarations faites par le juge Cromwell : 1) dans l’affaire Moriarity, la Cour n’était pas saisie de la question de la portée de l’exemption d’application du droit à un procès avec jury garanti à l’alinéa 11f) de la Charte, et 2)  rien dans les motifs de la Cour ne donne à penser que ceux‑ci traitent de la portée de l’alinéa 11f).

B.  L’interprétation de l’alinéa 11f) est différente de celle de l’article 7 de la Charte.

[37]  Dans l’arrêt Royes, la formation a exprimé l’opinion selon laquelle le fait de restreindre les conclusions de l’arrêt Moriarity à l’article 7 entraînerait l’examen de façon complètement distincte de l’article 7 et de l’alinéa 11f) (au paragraphe 21). Selon elle, un tel raisonnement conduirait à un résultat absurde : les mêmes conclusions juridiques seraient simultanément correctes et incorrectes, selon les dispositions de la Charte examinées (au paragraphe 23).

[38]  Avec égards, nous ne souscrivons pas à cette opinion. L’analyse relative à la portée excessive qui doit être entreprise au titre de l’article 7 de la Charte est fondamentalement différente de l’interprétation de la portée de l’exemption de l’application du droit à un procès avec jury garanti à l’alinéa 11f) de la Charte en droit militaire. L’analyse relative à la portée excessive consiste à se demander si une loi qui nie des droits d’une manière généralement favorable à la réalisation de son objet va trop loin en niant les droits de certaines personnes d’une façon qui n’a aucun rapport avec son objet : Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331, au paragraphe 85. Cette analyse n’aborde pas du tout la question de l’interprétation de la portée de la garantie constitutionnelle à un procès avec jury et de l’exemption de l’application du droit à un procès avec jury en droit militaire. D’un point de vue analytique, ces dispositions sont tout aussi distinctes que le sont l’article 7 et l’article premier : Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, au paragraphe 128.

[39]  Nous croyons que notre opinion est appuyée par l’arrêt R. c. Peers, 2015 ABCA 407, 330 C.C.C. (3d) 175 de la Cour d’appel de l’Alberta, confirmé essentiellement pour les motifs des juges majoritaires de la Cour suprême (2017 CSC 13). La Cour d’appel de l’Alberta a statué au paragraphe 7 que [traduction] « [l]’alinéa 11f) […] doit être interprétée dans ce contexte qui lui est propre, en fonction de son objet bien précis » et que [traduction] « l’article 7 constitue ni une limite inférieure, ni une limite supérieure aux droits [garantis] par l’alinéa 11f) ». Comme l’a fait remarquer Hamish Stewart dans l’ouvrage Fundamental Justice: Section 7 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms (Toronto: Irwin Law, 2012), à la page 6, l’article 7 n’emporte [traduction] « aucun droit garanti par la Constitution à un procès avec jury, au-delà de ce qui est prévu à l’alinéa 11f) ».

[40]  Par conséquent, la question relative à la portée de l’exemption de l’application du droit à un procès avec jury en droit militaire doit être tranchée strictement en fonction de l’alinéa 11f), et non en fonction de l’article 7. Il n’y a donc rien d’incongru à tirer des conclusions différentes selon qu’une analyse est effectuée au titre de l’alinéa 11f) ou au titre de l’article 7 de la Charte, parce que les protections accordées par ces dispositions sont distinctes et que la portée de la protection peut donc bien être différente.

C.  L’interprétation généreuse et téléologique de l’alinéa 11f)

[41]  Il convient tout d’abord de reconnaître que notre Cour interprète, dans l’arrêt R. c. MacDonald (1983), 150 D.L.R. (3d) 620, 6 C.C.C. (3d) 551 [MacDonald], le critère du lien militaire prévu à l’alinéa 130(1)a) de la LDN sans procéder à une analyse approfondie et que, à certains moments, il est possible que nous ayons confondu, dans certains de nos jugements antérieurs, les interprétations de l’article 7 et de l’alinéa 11f) de la Charte, et ce, même si les deux analyses sont distinctes d’un point de vue conceptuel.

[42]  Nous expliquons, dans l’arrêt R. c. Larouche, 2014 CACM 6, 460 N.R. 248, aux paragraphes 44 à 61, [Larouche], comment la conclusion selon laquelle il était nécessaire d’inclure par interprétation large un lien de connexité avec le service militaire dans l’article 130 de la LDN avait été tirée, et le contexte historique dans lequel cette démarche a été adoptée.

[43]  En résumé, l’opinion exprimée par le juge McIntyre dans l’arrêt MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370, à la page 410, 114 D.L.R. (3d) 393 [MacKay] en ce qui concerne la nécessité d’un critère d’un lien de connexité avec le service militaire sous le régime de la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, ch. 44, après un renvoi spécifique au droit américain, en est venue à être adoptée par des universitaires respectés au Canada, et par la Cour, pour les besoins de la délimitation de la portée de l’exemption de l’application du droit garanti par la Charte à un procès avec jury en droit militaire.

[44]  Même si on retourne en arrière et que l’on entreprend une analyse plus détaillée et fondée sur les principes, les résultats seraient identiques.

[45]  Nous sommes d’avis que la démarche à adopter dans le cadre de l’interprétation du terme « [infraction relevant de la] justice militaire » a été résumée dans l’arrêt R. c. MacDougall, [1998] 3 R.C.S. 45, 165 D.L.R. (4th) 193, où la Cour suprême a refusé de souscrire à une interprétation restrictive du mot « jugé » sous le régime de l’alinéa 11b) de la Charte. La juge McLachlin (tel était alors son titre) a écrit ce qui suit au paragraphe 24 :

[…] les droits garantis par la Charte doivent recevoir une interprétation généreuse et fondée sur leur objet : voir R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, à la p. 344, Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486, aux p. 499 et 500, et Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, à la p. 157. Lorsqu’ils interprètent les droits garantis par la Charte, les tribunaux [traduction] « doivent éviter les interprétations strictes, légalistes, qui pourraient peut‑être convenir à l’égard de lois détaillées : P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (4e éd. 1997), à la p. 820. Dans les affaires criminelles, ce principe est renforcé par la règle voulant que toute ambiguïté soit résolue en faveur de l’accusé.

[46]  Bien qu’il soit vrai que, même si les textes constitutionnels comme la Charte doivent être interprétés de manière généreuse et souple, l’adoption d’une interprétation qui n’a rien à voir avec le libellé n’est pas justifiée, comme l’a expliqué le juge Cromwell dans l’arrêt Caron c. Alberta, 2015 CSC 56, [2015] 3 R.C.S. 511, aux paragraphes 36 à 38 :

Cependant, si importants soientils, ces principes ne peuvent avoir préséance sur le texte écrit de la Constitution (Renvoi relatif à la sécession du Québec, par. 53). Comme l’explique la Cour, la Constitution « ne saurait être considérée comme un simple contenant, à même de recevoir n’importe quelle interprétation qu’on pourrait vouloir lui donner » (Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, p. 394; voir aussi ColombieBritannique (Procureur général) c. Canada (Procureur général), [1994] 2 R.C.S. 41 (« Chemin de fer de l’Île de Vancouver (Re) »); P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (5e éd. suppl.), p. 1550).

Comme le fait remarquer le juge Iacobucci dans l’arrêt Chemin de fer de l’Île de Vancouver (Re) : « Bien que les dispositions constitutionnelles doivent être susceptibles d’évoluer, l’interprétation en la matière doit néanmoins commencer par l’examen du texte de la loi ou de la disposition constitutionnelle en cause » (p. 88). Plus récemment, dans l’arrêt R. c. Blais, 2003 CSC 44, [2003] 2 R.C.S. 236, notre Cour précise que les tribunaux n’ont pas « carte blanche pour inventer de nouvelles obligations sans rapport avec l’objectif original de la disposition en litige »; « [l]’analyse » doit plutôt « être ancrée dans le contexte historique de la disposition » (par. 40).

Par conséquent, il faut évaluer les arguments des appelants en examinant le sens ordinaire des mots employés dans chaque document, le contexte historique ainsi que la philosophie ou les objectifs qui sont à la base des termes et des garanties. Nous ne pouvons nous contenter de recourir aux documents historiques faisant état des souhaits et des revendications de ceux qui ont négocié l’entrée des territoires dans la Confédération et présumer qu’il avait été accédé entièrement à ces revendications. De toute évidence, ce n’est pas le cas. La Cour doit donner une interprétation généreuse aux droits linguistiques constitutionnels; elle ne doit pas en créer de nouveaux.

[47]  Contrairement à la déclaration faite par la Couronne, c’est en vain que nous chercherions à déterminer l’intention du législateur en 1982 en ce qui a trait à l’alinéa 11f) en faisant des recherches historiques sur les mesures qui existaient en Angleterre ou au Canada, à quelque époque que ce soit.

[48]  En effet, il n’existe en Angleterre aucune protection constitutionnelle du droit d’être jugé avec jury : Sally Lloyd-Bostock et Cheryl Thomas, « The Continuing Decline of the English Jury » dans Neil Vidman, World Jury Systems (Oxford: Oxford University Press, 2000) à la p. 57; Lord Justice Auld, Review of the Criminal Courts of England and Wales (London: Stationery Office, 2001), aux pp. 137-138, Michael Code, « Law Reform Initiatives Relating to the Mega Trial Phenomenon » (2007), 53 C.L.Q. 421, à la p. 441 (note de bas de page 20).

[49]  Cela dit, il existe d’après nous trois certitudes historiques à propos de l’alinéa 11f).

[50]  La première est que l’alinéa 11f) a créé une nouvelle garantie qui protège le droit à un procès avec jury.

[51]  La deuxième est que l’arrêt Mackay de la Cour suprême a été rendu le 18 juillet 1980. Dans cet arrêt, les deux juges ont référé à l’approche des tribunaux américains en ce qui concerne le critère du lien militaire : MacKay, à la p. 410.

[52]  La troisième est que le droit à un procès avec jury a été ajouté à la version de la Charte qui a été déposée devant le Comité parlementaire spécial sur la Constitution le 12 janvier 1981 : Robin Elliot, « Interpreting the Charter - Use of the Earlier Versions as an Aid », (1982) U.B.C. L Rev (Charter Edition 11), aux pages 15 et 14, et Gilles Létourneau, Initiation à la justice militaire : un tour d’horizon du système de justice pénale militaire et de son évolution au Canada (Montréal: Wilson & Lafleur, 2012), aux pages 18 à 20.

[53]  Nos recherches nous ont permis de découvrir seulement trois pays dont la constitution garantit le droit au procès avec jury et prévoit une certaine exception de l’application de cette garantie en droit militaire, soit les États‑Unis et le Canada (comme il est bien connu) et aussi l’Irlande : John D. Jackson, Katie Quinn et Tom O’Malley, « The Jury System in Contemporary Ireland: In the Shadow of a Troubled Past », dans Neil Vidmar, World Jury Systems (Oxford: Oxford University Press, 2000), à la p. 288.

[54]  D’après le contexte historique entourant la situation, il y a des motifs de croire que le droit américain puisse avoir été la seule influence sur les rédacteurs de la Charte des droits et libertés au moment de l’adoption de l’alinéa 11f), puisque, à ce moment‑là, le droit américain prévoyait un critère de lien militaire : O’Callahan c. Parker, 395 U.S. 258 (1969) et Relford c. Commandant, 397 U.S. 934 (1970).

[55]  Comme l’a fait remarquer la Cour dans l’affaire Moriarity, ce n’est plus le cas : Solorio c. United States, 483 U.S. 435 (1987).

[56]  Mais même en l’absence d’éléments de preuve plus probants relativement à l’intention des rédacteurs de notre Constitution, et sans égard à la question de savoir si nous pouvons parvenir à une conclusion définitive selon laquelle ils avaient l’intention, à ce moment-là, de suivre la démarche adoptée aux États‑Unis, nous croyons, en nous fondant sur une interprétation généreuse et téléologique de l’alinéa 11f), que la même conclusion devrait être tirée.

[57]  Dans l’arrêt Hunter et autres. c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, 11 D.L.R. (4th) 641 [Hunter], la Cour suprême était confrontée à une situation similaire en ce qui a trait au sens du terme « abusives » figurant à l’article 8 de la Charte. Aux pages 154 à 156 de cet arrêt, le juge en chef Dickson a expliqué comment régler le problème de la nature non délimitée de l’article 8 en ayant recours à une démarche d’interprétation téléologique, même en l’absence de quelque indice que ce soit dans le contexte historique, politique et philosophique :

Il ressort clairement des arguments des parties et du jugement du juge Prowse que le point capital en l’espèce est le sens qu’il faut donner au terme « abusif » que l’on trouve dans la formulation de la protection que garantit l’art. 8 contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. La garantie offerte est vague et générale. Les tribunaux américains ont bénéficié d’un certain nombre de conditions préalables précises énoncées dans le Quatrième amendement de la Constitution des États-Unis, ainsi que de l’opposition des colonies à certaines pratiques de la Couronne en matière d’enquête, ce qui leur a permis d’identifier la nature des droits protégés par cet amendement et le genre de conduite qu’il proscrit. On ne retrouve rien de cela à l’art. 8. Cet article n’offre rien de plus qu’une simple garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies « abusives »; il n’y a non plus aucun contexte historique, politique ou philosophique susceptible de préciser le sens de cette garantie.

Il est clair qu’on ne peut pas déterminer le sens du mot « abusif » au moyen d’un dictionnaire ou des règles d’interprétation des lois. L’interprétation d’une constitution est tout à fait différente de l’interprétation d’une loi. Une loi définit des droits et des obligations actuels. Elle peut être facilement adoptée et aussi facilement abrogée. Par contre, une constitution est rédigée en prévision de l’avenir. Elle vise à fournir un cadre permanent à l’exercice légitime de l’autorité gouvernementale et, lorsqu’on y joint une Déclaration ou une Charte des droits, à la protection constante des droits et libertés individuels. Une fois adoptées, ses dispositions ne peuvent pas être facilement abrogées ou modifiées. Elle doit par conséquent être susceptible d’évoluer avec le temps de manière à répondre à de nouvelles réalités sociales, politiques et historiques que souvent ses auteurs n’ont pas envisagées. Les tribunaux sont les gardiens de la constitution et ils doivent tenir compte de ces facteurs lorsqu’ils interprètent ses dispositions. Le professeur Paul Freund a bien exprimé cette idée lorsqu’il a averti les tribunaux américains [traduction] « de ne pas interpréter les dispositions de la Constitution comme un testament de peur qu’elle ne le devienne ».

La nécessité d’aborder dans une perspective d’ensemble les documents constitutionnels est un thème bien connu en droit constitutionnel canadien. Ce point de vue se retrouve dans la formulation classique du vicomte Sankey dans l’arrêt Edwards v. Attorney-General for Canada, [1930] A.C. 124, à la p. 136, laquelle a été citée et appliquée dans d’innombrables décisions canadiennes :

[traduction] L’Acte de l’Amérique du Nord britannique a planté au Canada un arbre susceptible de croître et de se développer à l’intérieur de ses limites naturelles. L’Acte avait pour objet de donner une Constitution au Canada… Leurs Seigneuries ne croient pas que cette chambre a le devoir-ce n’est certainement pas là leur volonté - de restreindre la portée des dispositions de l’Acte par une interprétation étroite et littérale, mais plutôt qu’il lui incombe de lui donner une interprétation large et libérale.

Récemment, dans l’arrêt Minister of Home Affairs v. Fisher, [1980] A.C. 319, portant sur la Constitution des Bermudes, lord Wilberforce a réaffirmé à la p. 328 qu’une constitution est un document [traduction] « d’une espèce particulière qui requiert des règles d’interprétation qui lui sont propres, qui conviennent à sa nature », et que comme telle, une constitution qui contient une Déclaration des droits exige :

[traduction] …une interprétation libérale afin d’éviter ce qu’on a appelé «l’austérité du juridisme tabulaire» et de permettre aux particuliers de bénéficier pleinement des droits et libertés fondamentaux mentionnés.

Cette analyse générale qui consiste à examiner le but visé et à interpréter les dispositions particulières d’un document constitutionnel en fonction de ses objectifs plus larges est également compatible avec les règles classiques d’interprétation de la Constitution américaine énoncées par le juge en chef Marshall dans l’arrêt M’Culloch v. Maryland, 17 U.S. (4 Wheat.) 316 (1819). C’est également le point de vue que j’entends adopter en l’espèce.

[58]  Par conséquent, la première étape est de définir l’objet sous‑jacent à l’alinéa 11f) et de déterminer la nature des intérêts que la disposition vise à protéger : Hunter, à la page 157.

[59]  Le droit à un procès avec jury « est un droit important dont les personnes jouissent depuis fort longtemps dans les pays de common law » et « [l]e jury a souvent été louangé comme étant le rempart des libertés individuelles » : R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, à la page 1309 [Turpin]. La juge L’Heureux-Dubé a décrit ce droit de la manière suivante dans l’arrêt R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509, à la page 523-524:

Le jury, en raison du caractère collectif de ses décisions, s’avère un excellent juge des faits. Sa représentativité en fait la conscience de la collectivité. De plus, le jury peut servir de dernier rempart contre les lois oppressives ou leur application. Il constitue un moyen par lequel le public acquiert une meilleure connaissance du système de justice criminelle et, grâce à la participation du public, le jury accroît la confiance de la société dans l’ensemble du système.

[60]  Évidemment, l’objet de l’alinéa 11f) est de protéger le droit à un procès avec jury. Toute exception à ce droit doit être interprétée de manière restrictive : André Morel, « Certain Guarantees of Criminal Procedure » dans Walter S. Tarnopolsky et Gérald-A. Beaudoin (sous la dir. de), The Canadian Charter of Rights and Freedoms – Commentary (Toronto: Carswell, 1982), à la page 376.

[61]  L’adoption d’une telle démarche est appuyée par l’arrêt Turpin, l’une des rares décisions judiciaires se rapportant à l’interprétation de l’alinéa 11f). Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu que l’alinéa 11f) donne à un accusé le droit de bénéficier d’un procès avec jury, mais n’impose pas à un accusé de subir un procès devant jury s’il choisit de renoncer à ce droit dans la mesure où il a le choix. En statuant ainsi, la Cour suprême a adopté une interprétation généreuse du terme « bénéficier », parce que cette interprétation de l’alinéa 11f) « cadre mieux avec l’objet de cette disposition » et que cette disposition accorde « toute la protection que l’alinéa 11f) est destinée à procurer à l’accusé » (Turpin, à la page 1313).

[62]  Comme l’a fait remarquer la juge Wilson, lorsque deux interprétations sont possibles, les droits garantis par l’alinéa 11f), comme tous les autres droits garantis par la Charte, devraient être interprétés « largement et généreusement […] de manière à ce qu’ils protègent pleinement ceux à qui ils sont destinés » (Turpin, à la p. 1314). À notre avis, il n’y a pas de motif d’adopter une approche différente pour ce qui est de l’interprétation de l’expression « justice militaire ».

[63]  Conformément à la démarche retenue dans l’arrêt Turpin, nous croyons que l’interprétation correcte du terme « justice militaire » qui accorde, dans sa pleine mesure, la protection conférée par l’alinéa 11f) consiste à interpoler dans l’alinéa 130(1)a) de la LDN l’exigence relative au lien militaire qui a été adoptée par notre Cour. Il s’agit de la démarche qui fut constamment employée depuis l’arrêt MacDonald jusqu’aux arrêts R. c. Moriarity, 2014 CACM 1, 455 N.R. 59 (Moriarity (CACM)), et Larouche. Jusqu’à l’arrêt Royes, le simple statut de membre des Forces armées d’un accusé n’était pas jugé suffisant pour refuser d’accorder à un citoyen canadien son droit garanti par la Constitution à un procès avec jury relativement à une infraction criminelle commise au Canada.

[64]  L’interprétation du terme « justice militaire » adoptée par le tribunal dans l’arrêt Royes a pour conséquence une protection beaucoup plus restrictive du droit, garanti par la Constitution, à un procès avec jury, et elle rétrécit la portée de ce droit. Nous croyons que cette interprétation n’est pas compatible avec l’interprétation large et téléologique qui doit être faite à l’égard du droit à un procès avec jury. Aucun élément convaincant ne nous a été présenté en ce qui a trait à la justification de cette violation au titre de l’article premier : Moriarity (CACM), aux paragraphes 104 et 105, et Larouche, aux paragraphes 19 et 20, 67 à 83 et 131-132.

D.  Le consensus international émergent favorable à la restriction de la portée de la compétence des tribunaux militaires

[65]  Un facteur supplémentaire qui appuie notre interprétation de l’alinéa 11f) est la tendance émergente, à l’échelle internationale, visant à restreindre la compétence des tribunaux militaires.

[66]  Aucun instrument international des droits de la personne ne contient de disposition traitant expressément de la compétence des tribunaux militaires. Toutefois, les tribunaux militaires sont considérés comme assujettis à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 999 R.T.N.U. 171 (entrée en vigueur le 23 mars 1976; adhésion par le Canada le 19 mai 1976). Cette disposition du Pacte prévoit que toute personne a droit à une audience équitable et publique devant un tribunal établi par la loi qui est compétent, indépendant et impartial : Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, AG NU A/68/285 (7 août 2013), aux paragraphes 16 à 19; Michael Gibson, « International Human Rights Law and the Administration of Justice Through Military Tribunals: preserving utility while precluding impunity » (2008), 4(1) J Int’l L et Int’l Rel 1, à la page 18; Christopher Waters, « Democratic Oversight Through Courts and Tribunals », dans Alison Duxbury et Matthew Groves, Military Justice in the Modern Age (Cambridge: Cambridge University Press, 2016), à la page 54.

[67]  En 2006, le Projet de principes sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires a été présenté dans un rapport du Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, Emmanuel Decaux : Doc off CES NU. 66e sess, supp no 11d), Doc NU E/CN.4/2006/58 (2006) (les principes Decaux). L’objet de ces principes était d’établir des règles minimales, de portée universelle, pour ce qui est de la réglementation de la justice militaire (au paragraphe 10). Plus particulièrement, le principe no 8, s’il était adopté, aurait pour effet de limiter la compétence des juridictions militaires aux infractions d’ordre strictement militaires.

[68]  En 2013, la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Mme Gabriela Knaul, a recommandé que les principes Decaux soient rapidement examinés et adoptés par le Conseil des droits de l’homme et avalisés par l’Assemblée générale : AG NU, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, AG NU A/68/285 (7 août 2013), aux paragraphes 88-89 (Nature des infractions relevant de la compétence des tribunaux militaires) [Knaul]. Ces recommandations n’ont pas encore été adoptées.

[69]  Certes, les principes Decaux n’ont pas été accueillis unanimement : voir, à titre d’exemple, la critique formulée par Michael Gibson dans « International Human Rights Law and the Administration of Justice Through Military Tribunals: Preserving Utility While Precluding Impunity » (2008), 4(1) J Int’l L et Int’l Rel 1, et Rain Liivoja, « Trying Civilian Contractors in Military Courts: A Necessary Evil », dans Alison Duxbury et Matthew Groves, Military Justice in the Modern Age (Cambridge: Cambridge University Press, 2016), aux pages 86 et 87.

[70]  Toutefois, il est important de mentionner que la Rapporteuse spéciale Knaul a fait remarquer ce qui suit au sujet de la démarche internationale qui prévaut actuellement à l’égard des tribunaux militaires : « Au fil du temps, on a eu de plus en plus tendance à circonscrire la compétence des tribunaux militaires » (Knaul, au paragraphe 20).

[71]  Bien que les principes Decaux soient plus restrictifs que le critère du lien militaire adopté par notre Cour, nous croyons que l’émergence d’un tel consensus international est pertinente pour les besoins de l’interprétation de l’alinéa 11f), même si cela n’a aucune valeur contraignante : Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4, [2015] 1 R.C.S. 245, au paragraphe 71.

[72]  Dans l’arrêt États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7, [2001] 1 R.C.S. 283, au paragraphe 92, la Cour suprême a pris acte d’une tendance allant à l’encontre de la peine de mort. La juge Arbour a expliqué en ces termes la pertinence d’une telle tendance:

L’existence d’une tendance internationale favorable à l’abolition de la peine de mort est utile pour apprécier nos valeurs par rapport à celles d’États comparables au Canada. Cette tendance étaye certaines conclusions pertinentes. Premièrement, suivant les normes internationales, la justice criminelle tend vers l’abolition de la peine de mort. Deuxièmement, cette tendance est plus marquée dans les États démocratiques dotés d’un système de justice criminelle comparable au nôtre. Les États‑Unis (ou plus précisément les parties des États‑Unis qui maintiennent la peine de mort) constituent l’exception, quoiqu’il s’agisse évidemment d’une exception importante. Troisièmement, la tendance abolitionniste qui se manifeste dans les démocraties, en particulier les démocraties occidentales, reflète et vient peut‑être même corroborer les principes de justice fondamentale qui ont mené à l’abolition de la peine de mort au Canada.

[73]  Dans son récent ouvrage Military Justice, l’universitaire américain Eugene R. Fidell a décrit en ces termes l’élan international en faveur de l’appréciation du critère de lien de connexité avec le service militaire :

[traduction]

La doctrine prépondérante en matière de droits de la personne s’oppose fortement au recours aux cours martiales pour les procès relatifs aux infractions qui n’ont aucun lien avec le service militaire. Un soldat qui vole une banque, qui commet un meurtre sur un chauffeur de taxi dans le monde civil, ou qui visionne de la pornographie juvénile sur un ordinateur à la maison, devrait être jugé devant les tribunaux civils. Le fait de permettre aux forces armées de traiter ces dossiers accroît, de manière mal avisée, l’écart entre les forces armées et la société en général. Les ponts entre ces deux mondes doivent être plus nombreux et plus solides, et non plus faibles. La démarche très large des États‑Unis va clairement à l’encontre des normes internationales prépondérantes.

Eugene R. Fidell, Military Justice – A Very Short Introduction (Oxford: Oxford University Press, 2016), à la page 47.

[74]  Christina Cerna, anciennement spécialiste principale des droits de la personne de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, est du même avis. Elle s’est exprimée ainsi : [traduction] « La tendance en matière de droit international de la personne est de rétrécir la portée de la compétence des tribunaux militaires; celle‑ci s’appliquerait donc uniquement aux militaires qui ont commis des crimes et des infractions d’ordre militaire dans le cadre de leur fonction » : Christina M. Cerna, « The Inter-American System and Military Justice », dans Alison Duxbury et Matthew Groves, Military Justice in the Modern Age (Cambridge: Cambridge University Press, 2016), à la p. 345.

[75]  Nous croyons que ce consensus émergent à l’échelle internationale appuie notre interprétation de l’alinéa 11f).

E.  La définition de l’alinéa 11f) repose sur la Charte et non sur le législateur

[76]  Enfin, nous sommes d’avis que l’étendue de la garantie constitutionnelle protégeant le droit à un procès devant jury et la portée de l’exemption, en droit militaire, de l’application de cette garantie ne doivent pas être définies par le législateur dans la LDN. Le libellé de l’alinéa 11f) de la Charte ne permet pas au législateur de définir la portée du droit qu’il garantit. À cet égard, cette disposition se distingue des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, R.S.Q., c. C-12, discutées dans l’arrêt Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429 [Gosselin] qui renferment « des termes limitatifs, qui restreignent nettement la portée des droits en question » et, par conséquent, accordent au législateur le pouvoir de restreindre et de limiter les droits en question (Gosselin, aux paragraphes 87 à 94).

[77]  En l’absence, à l’alinéa 11f) de la Charte, d’une formulation qui permettrait au législateur de définir la portée de la définition de la justice militaire, nous sommes d’avis que l’expression « relevant de la justice militaire » à cet alinéa ne peut être équivalent à « en vertu de la Loi sur la défense nationale » : voir André Morel, « Certain Guarantees of Criminal Procedure » dans Walter S. Tarnopolsky et Gérald‑A. Beaudoin, The Canadian Charter of Rights and Freedoms – Commentary (Toronto: Carswell, 1982), aux pages 374 à 377.

[78]  Il convient de souligner que, conformément à l’arrêt Royes, rien n’empêche le législateur de modifier l’article 70 de la LDN – comme il l’a fait en 1998 relativement aux infractions d’agression sexuelle – et d’abolir le droit à un procès avec jury dans le cadre d’une accusation pour meurtre perpétré au Canada, en se fondant uniquement sur le statut de militaire de la personne visée, même si l’infraction a été commise pendant une permission et alors que la personne ne se trouvait pas sur une base militaire et qu’il n’y a aucun lien entre l’infraction et le service militaire. En outre, conformément à l’arrêt Royes, les affaires qui auraient autrefois été instruites devant les tribunaux civils en présence d’un jury – notamment les procès pour agression sexuelle perpétrée sur un civil par un militaire à l’extérieur du cadre militaire – peuvent maintenant être instruites devant un tribunal militaire sans jury, à la discrétion de la poursuite.

[79]  En somme, en l’absence, à l’alinéa 11f) de la Charte, de termes restrictifs précis, nous croyons que le législateur n’a pas à jouer l’arbitre des droits constitutionnels en définissant l’expression « relevant de la justice militaire ». À notre avis, la définition de l’expression « relevant de la justice militaire » devrait plutôt s’inspirer de la Charte et de ses valeurs, plutôt que de s’inspirer d’une disposition de droit militaire, édictée par le législateur, qui peut être modifiée périodiquement.

[80]  Compte tenu de l’importance du droit à un procès avec jury et du fait qu’un tel droit est garanti par la Constitution, il nous paraît inapproprié d’adopter une interprétation selon laquelle le législateur serait l’ultime décideur en ce qui concerne la portée de l’exemption prévue en droit militaire et, donc, de l’étendue du droit à un procès avec jury prévu à l’alinéa 11f) de la Charte.

[81]  Nous nous empressons d’ajouter que le pouvoir discrétionnaire de la poursuite ne peut pas remédier à la déficience, sur le plan constitutionnel, de l’article 130 de la LDN : R. c. Nur, 2015 CSC 15, [2015] 1 R.C.S. 773, aux paragraphes 85 à 98 [Nur]. La récente décision rendue par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Cawthorne, 2016 CSC 32, [2016] 1 R.C.S. 983, n’infirme pas l’arrêt Nur.

[82]  Dans l’arrêt Nur, la juge en chef McLachlin a refusé de retenir l’argument selon lequel la constitutionnalité de l’article 95 du Code criminel pourrait être sauvegardée en invoquant le pouvoir discrétionnaire du ministère public. Elle a déclaré que « [f]aire droit à cette thèse revient à substituer à la tenue par un tribunal indépendant et impartial d’une audience publique sur la constitutionnalité de l’art. 95 la décision discrétionnaire d’un poursuivant dont les intérêts sont opposés à ceux de l’accusé » : Nur, au paragraphe 86.

[83]  Elle a également expliqué pourquoi une loi inconstitutionnelle ne peut pas être sauvegardée ponctuellement par les poursuivants :

[91]  La thèse des procureurs généraux du Canada et de l’Ontario va toutefois plus loin. Afin de protéger des dispositions qui sont par ailleurs inconstitutionnelles, ils invoquent le pouvoir discrétionnaire qui permet au poursuivant de choisir dans quelles circonstances et à quelles personnes les appliquer. Or, l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose qu’une loi inconstitutionnelle est inopérante. Les procureurs généraux préconisent essentiellement l’inverse d’une exemption constitutionnelle. Comme je le fais observer au nom des juges unanimes de la Cour dans l’arrêt Ferguson, « [l]a divergence entre la disposition figurant dans le corpus législatif et la règle de droit appliquée — ainsi que l’incertitude et l’imprévisibilité qui en découlent — a pour conséquence de créer l’injustice » (par. 72). Elle prive les citoyens du droit de savoir d’avance ce que prévoit la loi et de la possibilité de se comporter en conséquence et elle invite à l’application inégale de la loi. Pour paraphraser l’arrêt Ferguson, l’existence d’une loi invalide dont le poursuivant corrige ponctuellement les défauts n’est pas compatible avec le rôle et la responsabilité du législateur d’édicter des règles législatives constitutionnelles pour le peuple canadien (par. 72-73).

[Non souligné dans l’original.]

[84]  Comme il ressort de ce qui précède, la théorie de la [traduction] « constitutionnalité du texte tel qu’appliqué » qui est préconisée aux États‑Unis a été rejetée au Canada : voir également R. c. DeSousa, [1992] 2 R.C.S. 944, à la page 955; R. c. Ferguson, [2008] 1 R.C.S. 96, 2008 CSC 6, au paragraphe 72. Enfin, nous faisons remarquer que le pouvoir du procureur général d’exiger la tenue d’un procès avec jury en vertu de l’article 568 du Code criminel soulève une question différente sur le plan qualitatif de celle soulevée par une disposition législative refusant le droit à un procès avec jury (voir : R. c. Hanneson (1987), 31 C.C.C. (3d) 560, 27 C.R.R. 278 (H.C.J. Ont.); R. c. J.S.R., 2012 ONCA 568, 291 C.C.C. (3d) 394, autorisation de pourvoi rejetée dans [2012] S.C.C.A. no 456, 447 N.R. 389). Par conséquent, le pouvoir discrétionnaire de la poursuite ne remédie pas et ne peut pas remédier au fait que l’alinéa 130(1)a) de la LDN est inconstitutionnel.

[85]  À notre avis et selon l’opinion que la Cour adoptait avant l’arrêt Royes, seule l’inclusion du critère du lien de connexité avec le service militaire permet à l’alinéa 130(1)a) de la LDN de résister à un examen constitutionnel. Par conséquent, avec égards, nous ne souscrivons pas à la conclusion tirée dans l’arrêt Royes.

[86]  Cela dit, nous ne pouvons pas accepter l’argument invoqué par les accusés dans les présents appels. Nous ne souscrivons pas aux observations des accusés selon lesquelles la décision Moriarity mène à conclure que l’alinéa 130(1)a) de la LDN est inconstitutionnelle parce qu’il porte atteinte à l’alinéa 11f) de la Charte, mais la solution qui consiste à inclure, par interprétation atténuée, le critère du lien de connexité avec le service militaire, ne s’avère plus disponible. Pour les motifs soulevés dans la décision Larouche, et conformément à la jurisprudence de cette Cour antérieure à l’arrêt Royes, nous sommes d’avis que cette technique peut être appliquée et constitue la solution appropriée pour remédier à la violation de l’alinéa 11f) de la Charte.

III.  Autorité de la chose jugée

[87]  Même si nous sommes en désaccord avec le raisonnement de l’arrêt Royes, nous croyons néanmoins être liés par ce jugement en raison du principe de la courtoisie ou du principe de l’autorité de la chose jugée par un tribunal de même instance. Conformément à ce principe, sous réserve de certaines exceptions plutôt restreintes – dont aucune ne s’applique en l’espèce – notre Cour, qui ne peut siéger en formation de plus de trois juges, doit suivre les décisions déjà rendues par la Cour sur la même question juridique.

[88]  Un point de départ utile pour discuter de la courtoisie est l’approche adoptée par la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de galles, une cour d’appel intermédiaire dont les décisions peuvent être portée en appel devant la Cour suprême du Royaume-Uni (anciennement la Chambre des lords). Dans la décision Velasquez, Ltd. c. Inland Revenue Commissioners, [1914] 3 K.B. 458, à la p. 461, Lord Cozens-Hardy, maître des rôles, a fait remarquer ce qui suit :

[traduction]

[…] il existe une règle à laquelle, bien entendu, nous sommes liés — lorsqu’une décision a été rendue par la cour à l’égard d’une question de principe, la cour ne peut pas, peu importe son point de vue, s’écarter de cette décision. Sans cela, il n’y aurait aucune finalité en droit. Lorsqu’il est allégué que la décision est erronée, il faut alors s’adresser au tribunal de dernière instance, la Chambre des lords, qui a compétence pour arrêter la règle de droit applicable et conclure que la décision à laquelle nous sommes liés est erronée.

[89]  Dans la décision Young c. Bristol Aeroplane Co. Ltd., [1944] EWCA Civ 1, [1944] 2 All E.R. 293, Lord Greene, maître des rôles, faisant écho au principe susmentionné, a énoncé trois circonstances qui justifieraient d’infirmer une décision antérieure : résoudre un conflit entre des décisions d’un même tribunal; corriger la non‑conformité avec une décision de la Chambre des lords; ou lorsque la décision antérieure a été rendue per incuriam ou sans se soucier du fondement législatif. Dans l’affaire en question, Lord Greene, maître des rôles, a exprimé son désaccord à l’égard du raisonnement sous‑jacent au précédent contraignant, mais s’est néanmoins senti tenu de l’appliquer. Dans une décision en appel par la Chambre des Lords dans l’arrêt Young c. Bristol Aeroplane Co. Ltd., [1945] UKHL 2, [1946] A.C. 163, le vicomte Simmons a souscrit à l’opinion de Lord Greene, maître des rôles, sur tous les points; le précédent était erroné, mais seule la Chambre des lords avait compétence pour corriger l’erreur.

[90]  Ces trois exceptions restreintes à la nature contraignante d’une décision antérieure rendue par une cour d’appel intermédiaire ont été reconnues par les tribunaux canadiens comme établissant les circonstances dans lesquelles une telle cour, lorsqu’elle siège en formation habituelle de trois juges, peut refuser de suivre une décision antérieure sur un point de droit. À titre d’exemple, la Cour d’appel fédérale, dans la décision Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, aux paragraphes 8 à 10, 220 D.L.R. (4th) 149 [Miller], a reconnu qu’une formation de sa cour composée de trois juges peut se prévaloir de ces exceptions, mais a noté que celles‑ci n’étaient pas appliquées à la légère, compte tenu de la responsabilité de la Cour d’appel d’assurer l’uniformité du droit. Au moins quatre cours d’appel provinciales ont adopté une approche comparable pour les formations composées de trois juges : British Columbia c. Worthington (Canada) Inc., [1989] 1 W.W.R. 1, 29 B.C.L.R. (2d) 145 (BCCA) [Worthington]; Nathanson, Schachter & Thompson c. Inmet Mining Corp., 2009 BCCA 385, 96 B.C.L.R. (4th) 342; R. c. Lee, 2012 ABCA 17, 58 Alta. L.R. (5th) 30; R. c. Grumbo (1998), 159 D.L.R. (4th) 577, 168 Sask. R. 78 (CA de la Sask.); et Thomson c. Nova Scotia (Workers’ Compensation Board), 2003 NSCA 14, 223 D.L.R. (4th) 193 [Thomson].

[91]  De la même manière, la Cour a déjà souligné qu’elle était liée par ses décisions antérieures, à l’exception des décisions qui auraient été rendues per incuriam ou qui sont manifestement erronées : R. c. Vezina, 2014 CMAC 3, aux paragraphes 12 à 15, 461 N.R. 286; voir également la décision Larouche, au paragraphe 121.

[92]  La Cour suprême, à titre de dernier tribunal d’appel, a reconnu qu’elle pouvait parfois s’écarter de ses décisions antérieures, mais elle a adopté une approche prudente à cet égard. Dans un passage souvent cité de l’arrêt R  c. Bernard, [1988] 2 R.C.S. 833, 90 N.R. 321 [Bernard], le juge en chef Dickson (dissident quant au résultat) a souligné à la page 849 que le principe de la « certitude en droit demeure une considération importante » et que, par conséquent, il doit en effet y avoir « des circonstances impérieuses pour justifier qu’on s’écarte d’un précédent ». Afin de déterminer s’il y a lieu d’infirmer une décision, la Cour suprême a conclu qu’il faut établir un équilibre entre le besoin de certitude et le bien‑fondé, mais il ne faut pas revenir à la légère sur les précédents, particulièrement s’ils sont suivis depuis longtemps et qu’ils représentent le point de vue de formations majoritaires de la Cour : Nur, au paragraphe 59; Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, aux paragraphes 56 et 57, [2011] 2 R.C.S. 3; Canada c. Craig, 2012 CSC 43, au paragraphe 27, [2012] 2 R.C.S. 489.

[93]  Certaines cours d’appel intermédiaires ont retenu une interprétation large quelque peu similaire pour ce qui est de s’écarter d’un précédent contraignant dans les situations où la cour siège à cinq juges, plutôt qu’à trois juges. Par exemple, dans l’arrêt Hospira Healthcare Corporation c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, au paragraphes 61 à 65, 402 D.L.R. (4th) 497, la Cour d’appel fédérale a siégé à une formation de cinq juges et décidé qu’elle avait compétence pour réexaminer et infirmer un précédent de longue date parce que la jurisprudence d’autres tribunaux sur cette question et les circonstances ont changé de façon si importante que les paramètres du débat ont changé fondamentalement et qu’un réexamen des précédents s’imposait.

[94]  Dans le même ordre d’idées, les cours d’appel de l’Ontario, du Manitoba, de la Nouvelle‑Écosse et de la Colombie‑Britannique ont adopté une approche multifactorielle afin de déterminer quand des formations de cinq juges peuvent s’écarter d’un précédent. Dans la décision  David Polowin Real Estate Ltd. c. Dominion of Canada General Insurance Co. (2005), 76 O.R. (3d) 161, aux paragraphes 131 à 143, 255 D.L.R. (4th) 633 (C.A. Ont.) [Polowin], par exemple, la Cour d’appel de l’Ontario a dressé une liste non exhaustive de facteurs pouvant inciter une formation de cinq juges à réexaminer une décision qu’elle a déjà rendue au‑delà des trois motifs précis habituels. Ces facteurs comprennent notamment ce qui suit : d’autres cours d’appel n’ont pas suivi le précédent contesté, le précédent a été l’objet de critiques du milieu universitaire, il n’a pas été appliqué par les parties concernées et il est peu probable qu’un autre appel soit instruit. La Cour d’appel du Manitoba a appliqué la décision Polowin dans l’arrêt R. c. Neves, 2005 MBCA 112, aux paragraphes 91 à 108, [2006] 4 W.W.R. 464. Au paragraphe 34 de la décision de Thomson, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a énuméré un nombre plus restreint de facteurs axés essentiellement sur la mesure dans laquelle le renversement d’une décision représenterait une dérogation au droit établi ou simplement un retour vers le droit établi. Dans l’arrêt Worthington, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a reconnu l’approche multifactorielle sans énumérer de façon précise des facteurs à prendre en compte.

[95]  Compte tenu du fait que la Cour ne peut siéger à cinq juges, nous sommes d’avis qu’elle doit suivre l’approche restrictive et qu’elle ne peut refuser de suivre un précédent sur une question de droit que si la Cour a rendu une décision contradictoire sur cette question, si la décision est contraire à un précédent contraignant de la Cour suprême ou si elle a été rendue per incuriam.

[96]  Aucune des situations susmentionnées ne peut s’appliquer à l’arrêt Royes. Dans cette affaire, la Cour a examiné l’incidence de l’arrêt Moriarity sur la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) de la LDN au regard de l’alinéa 11f) de la Charte la même question que nous devons trancher en l’espèce. Cette Cour ou la Cour suprême n’a rendu aucune autre décision contradictoire en ce qui concerne l’interprétation de l’arrêt Moriarity. En outre, on ne peut pas affirmer que l’arrêt Royes a été rendue per incuriam mais plutôt qu’il s’agit d’un examen entièrement motivé par une formation unanime de la question en litige.

[97]  Les accusés font valoir que, malgré ce qui précède, nous devons refuser de suivre l’arrêt Royes parce que le principe de la courtoisie devrait être assoupli lorsqu’un tribunal doit trancher une question constitutionnelle ou lorsque la liberté d’une personne est en jeu. Nous ne souscrivons pas à ce point de vue. Le principe de la courtoisie s’applique également aux affaires constitutionnelles; en effet, la décision Miller portait sur une contestation constitutionnelle fondée sur la Charte. De plus, même s’il est vrai que la liberté d’une personne est un facteur qui a parfois été pris en compte par les tribunaux adoptant une approche plus large en ce qui concerne la question de refuser de suivre un précédent auquel il ne souscrit pas, ce facteur n’est pas suffisant en soi pour justifier qu’une cour s’écarte d’un précédent avec lequel elle est en désaccord. Si tel était le cas, il n’y aurait aucun précédent contraignant en matière pénale. Ainsi, aucun des motifs invoqués par les accusés pour s’écarter de l’arrêt Royes n’est suffisant.

[98]  En outre, dans dix des dossiers dont la Cour a été saisie, il n’y aurait aucune incidence sur la liberté des individus en cause, même si la Cour s’écartait de l’arrêt Royes. Dans toutes les causes, à l’exception de celle concernant le caporal Thibault, il existait en effet un lien de connexité avec le service militaire et les accusés ne contestent pas ce fait. Ainsi, même s’il était toujours nécessaire d’interpréter l’alinéa 130(1)a) de la LDN comme exigeant qu’il y ait un lien de connexité avec le service militaire, il ne pourrait y avoir d’incidence que sur l’issue d’un seul des onze appels.

IV.  Décision

[99]  Nous sommes donc d’avis de déclarer non fondée la contestation constitutionnelle et, par conséquent, de rejeter les appels dans les dossiers de l’ancien maître de 2e classe Wilks, du lieutenant (Marine) Klein, du caporal Nadeau‑Dion, du caporal Pfahl, du sous‑lieutenant Soudri, le maître de 2e classe Blackman, du soldat Déry et du caporal‑chef Stillman, car il s’agit de la seule question soulevée par les appelants.  Les questions propres au dossier du major Wellwood seront tranchées dans une autre décision qui sera rendue prochainement.

[100]  Dans le dossier du caporal Thibault, la poursuite interjette appel du jugement qui a accueilli la fin de non‑recevoir présentée en vertu de l’article 112.24 des ORFC parce que la Cour martiale permanente a conclu ne pas avoir compétence pour instruire l’affaire au motif qu’il y avait un lien de connexité insuffisant avec le service militaire : 2015 CM 1001. Puisque nous sommes liés par l’arrêt Royes et que nous devons l’appliquer, le jugement qui a accueilli la fin de non‑recevoir devrait être rejeté et la tenue d’un nouveau procès devrait être ordonnée.

[101]  Dans le dossier de l’adjudant Gagnon, l’appel de la poursuite soulève la question additionnelle de savoir si le juge du procès a commis une erreur susceptible de révision en soumettant au comité  la défense de croyance sincère mais erronée au consentement. Les parties ont convenu que cette question ne serait examinée que lorsque la question constitutionnelle aurait été tranchée. Par conséquent, l’audition du dossier de l’adjudant Gagnon devant la Cour devra être fixée afin que celle‑ci entende les plaidoiries sur cette question qui reste à être tranchée.

« Guy Cournoyer »

j.c.a.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

 


ANNEXE

Dispositions pertinentes de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5 :

PARTIE III

PART III

Code de discipline militaire

Code of Service Discipline

SECTION 1

DIVISION 1

Compétence des forces canadiennes en matière disciplinaire

Disciplinary Jurisdiction of the Canadian Forces

[…]

[…]

Personnes assujetties au code de discipline militaire

Persons subject to Code of Service Discipline

60 (1) Sont seuls justiciables du code de discipline militaire :

60 (1) The following persons are subject to the Code of Service Discipline:

a) les officiers ou militaires du rang de la force régulière;

(a) an officer or non-commissioned member of the regular force;

b) les officiers ou militaires du rang de la force spéciale;

(b) an officer or non-commissioned member of the special force;

c) les officiers ou militaires du rang de la force de réserve se trouvant dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

(c) an officer or non-commissioned member of the reserve force when the officer or non-commissioned member is

(i) en période d’exercice ou d’instruction, qu’ils soient en uniforme ou non,

(i) undergoing drill or training, whether in uniform or not,

(ii) en uniforme,

(ii) in uniform,

(iii) de service,

(iii) on duty,

[…]

[…]

(v) appelés, dans le cadre de la partie VI, pour prêter main-forte au pouvoir civil,

(v) called out under Part VI in aid of the civil power,

(vi) appelés en service,

(vi) called out on service,

(vii) en service actif,

(vii) placed on active service,

(viii) à bord d’un navire, véhicule ou aéronef des Forces canadiennes ou dans — ou sur — tout établissement de défense ou ouvrage pour la défense,

(viii) in or on any vessel, vehicle or aircraft of the Canadian Forces or in or on any defence establishment or work for defence,

(ix) en service dans une unité ou un autre élément de la force régulière ou de la force spéciale,

(ix) serving with any unit or other element of the regular force or the special force, or

(x) présents, en uniforme ou non, à l’exercice ou l’instruction d’une unité ou d’un autre élément des Forces canadiennes;

(x) present, whether in uniform or not, at any drill or training of a unit or other element of the Canadian Forces;

d) sous réserve des exceptions, adaptations et modifications que le gouverneur en conseil peut prévoir par règlement, les personnes qui, d’après la loi ou un accord entre le Canada et l’État dans les forces armées duquel elles servent, sont affectées comme officiers ou militaires du rang aux Forces canadiennes ou détachées auprès de celles-ci;

(d) subject to such exceptions, adaptations and modifications as the Governor in Council may by regulations prescribe, a person who, pursuant to law or pursuant to an agreement between Canada and the state in whose armed forces the person is serving, is attached or seconded as an officer or non-commissioned member to the Canadian Forces;

e) les personnes qui, normalement non assujetties au code de discipline militaire, servent comme officiers ou militaires du rang dans toute force levée et entretenue à l’étranger par Sa Majesté du chef du Canada et commandée par un officier des Forces canadiennes;

(e) a person, not otherwise subject to the Code of Service Discipline, who is serving in the position of an officer or non-commissioned member of any force raised and maintained outside Canada by Her Majesty in right of Canada and commanded by an officer of the Canadian Forces;

f) les personnes qui, normalement non assujetties au code de discipline militaire, accompagnent quelque unité ou autre élément des Forces canadiennes en service, actif ou non, dans un lieu quelconque;

(f) a person, not otherwise subject to the Code of Service Discipline, who accompanies any unit or other element of the Canadian Forces that is on service or active service in any place;

g) sous réserve des exceptions, adaptations et modifications que le gouverneur en conseil peut prévoir par règlement, les personnes fréquentant un établissement créé aux termes de l’article 47;

(g) subject to such exceptions, adaptations and modifications as the Governor in Council may by regulations prescribe, a person attending an institution established under section 47;

h) les présumés espions pour le compte de l’ennemi;

(h) an alleged spy for the enemy;

i) les personnes qui, normalement non assujetties au code de discipline militaire, sont sous garde civile ou militaire pour quelque infraction d’ordre militaire qu’elles ont — ou auraient — commise;

(i) a person, not otherwise subject to the Code of Service Discipline, who, in respect of any service offence committed or alleged to have been committed by the person, is in civil custody or in service custody; and

j) les personnes qui, normalement non assujetties au code de discipline militaire, servent auprès des Forces canadiennes aux termes d’un engagement passé avec le ministre par lequel elles consentent à relever de ce code.

(j) a person, not otherwise subject to the Code of Service Discipline, while serving with the Canadian Forces under an engagement with the Minister whereby the person agreed to be subject to that Code.

Maintien du statut de justiciable

Continuing liability

(2) Quiconque était justiciable du code de discipline militaire au moment où il aurait commis une infraction d’ordre militaire peut être accusé, poursuivi et jugé pour cette infraction sous le régime du code de discipline militaire, même s’il a cessé, depuis que l’infraction a été commise, d’appartenir à l’une des catégories énumérées au paragraphe (1).

(2) Every person subject to the Code of Service Discipline under subsection (1) at the time of the alleged commission by the person of a service offence continues to be liable to be charged, dealt with and tried in respect of that offence under the Code of Service Discipline notwithstanding that the person may have, since the commission of that offence, ceased to be a person described in subsection (1).

Rétention du statut et grade

Retention of status and rank

(3) Quiconque a cessé, depuis la présumée perpétration d’une infraction d’ordre militaire, d’appartenir à l’une des catégories énumérées au paragraphe (1) est réputé, pour l’application du code de discipline militaire, avoir le statut et le grade qu’il détenait immédiatement avant de ne plus en relever, et ce tant qu’il peut, aux termes de ce code, être accusé, poursuivi et jugé.

(3) Every person who, since allegedly committing a service offence, has ceased to be a person described in subsection (1), shall for the purposes of the Code of Service Discipline be deemed, for the period during which under that Code he is liable to be charged, dealt with and tried, to have the same status and rank that he held immediately before so ceasing to be a person described in subsection (1).

[…]

[…]

Lieu de la perpétration de l’infraction

Place of Commission of Offence

Effet

Service offence, wherever committed, is triable

67 Sous réserve de l’article 70, quiconque est présumé avoir commis une infraction d’ordre militaire peut être accusé, poursuivi et jugé sous le régime du code de discipline militaire, indépendamment du lieu de perpétration, au Canada ou à l’étranger.

67 Subject to section 70, every person alleged to have committed a service offence may be charged, dealt with and tried under the Code of Service Discipline, whether the alleged offence was committed in Canada or outside Canada.

 

Lieu du procès

Place of Trial

Absence de restriction territoriale

No territorial limitation

68 Quiconque est présumé avoir commis une infraction d’ordre militaire peut être accusé, poursuivi et jugé sous le régime du code de discipline militaire, tant au Canada qu’à l’étranger.

68 Every person alleged to have committed a service offence may be charged, dealt with and tried under the Code of Service Discipline, either in Canada or outside Canada.

Période d’assujettissement

Period of Liability

Prescription

When person is liable

69 (1) Toute personne qui était justiciable du code de discipline militaire au moment où elle aurait commis une infraction d’ordre militaire peut être accusée, poursuivie et jugée pour cette infraction sous le régime de ce code.

69 (1) A person who is subject to the Code of Service Discipline at the time of the alleged commission of a service offence may be charged, dealt with and tried at any time under the Code.

Articles 130 et 132

Sections 130 and 132

(2) Toutefois, dans le cas où le fait reproché est punissable par le droit commun en application des articles 130 ou 132, la prescription prévue par le droit commun pour cette infraction s’applique.

(2) Despite subsection (1), if the service offence is punishable under section 130 or 132 and the act or omission that constitutes the service offence would have been subject to a limitation period had it been dealt with other than under the Code, then that limitation period applies.

Restrictions relatives à certaines infractions

Limitations with respect to Certain Offences

Limitation de la compétence des tribunaux militaires

Offences not triable by service tribunal

70 Les tribunaux militaires n’ont pas compétence pour juger l’une des infractions suivantes commises au Canada :

70 A service tribunal shall not try any person charged with any of the following offences committed in Canada:

a) meurtre;

(a) murder;

b) homicide involontaire coupable;

(b) manslaughter; or

c) infractions visées aux articles 280 à 283 du Code criminel.

(c) an offence under any of sections 280 to 283 of the Criminal Code.

[…]

[…]

Infractions de droit commun

Offences Punishable by Ordinary Law

Procès militaire pour infractions civiles

Service trial of civil offences

130 (1) Constitue une infraction à la présente section tout acte ou omission :

130 (1) An act or omission

a) survenu au Canada et punissable sous le régime de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale;

(a) that takes place in Canada and is punishable under Part VII, the Criminal Code or any other Act of Parliament, or

b) survenu à l’étranger mais qui serait punissable, au Canada, sous le régime de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale.

(b) that takes place outside Canada and would, if it had taken place in Canada, be punishable under Part VII, the Criminal Code or any other Act of Parliament,

Quiconque en est déclaré coupable encourt la peine prévue au paragraphe (2).

 

is an offence under this Division and every person convicted thereof is liable to suffer punishment as provided in subsection (2).

Peine

Punishment

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la peine infligée à quiconque est déclaré coupable aux termes du paragraphe (1) est :

(2) Subject to subsection (3), where a service tribunal convicts a person under subsection (1), the service tribunal shall,

a) la peine minimale prescrite par la disposition législative correspondante, dans le cas d’une infraction :

(a) if the conviction was in respect of an offence

(i) commise au Canada en violation de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale et pour laquelle une peine minimale est prescrite,

(i) committed in Canada under Part VII, the Criminal Code or any other Act of Parliament and for which a minimum punishment is prescribed, or

(ii) commise à l’étranger et prévue à l’article 235 du Code criminel;

(ii) committed outside Canada under section 235 of the Criminal Code,

[EN BLANC/BLANK]

impose a punishment in accordance with the enactment prescribing the minimum punishment for the offence; or

b) dans tout autre cas :

(b) in any other case,

(i) soit la peine prévue pour l’infraction par la partie VII de la présente loi, le Code criminel ou toute autre loi pertinente,

(i) impose the punishment prescribed for the offence by Part VII, the Criminal Code or that other Act, or

(ii) soit, comme peine maximale, la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

(ii) impose dismissal with disgrace from Her Majesty’s service or less punishment.

Application du code de discipline militaire

Code of Service Discipline applies

(3) Toutes les dispositions du code de discipline militaire visant l’emprisonnement à perpétuité, l’emprisonnement de deux ans ou plus, l’emprisonnement de moins de deux ans et l’amende s’appliquent à l’égard des peines infligées aux termes de l’alinéa (2)a) ou du sous-alinéa (2)b)(i).

(3) All provisions of the Code of Service Discipline in respect of a punishment of imprisonment for life, for two years or more or for less than two years, and a fine, apply in respect of punishments imposed under paragraph (2)(a) or subparagraph (2)(b)(i).

Disposition restrictive

Saving provision

(4) Le présent article n’a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs conférés par d’autres articles du code de discipline militaire en matière de poursuite et de jugement des infractions prévues aux articles 73 à 129.

(4) Nothing in this section is in derogation of the authority conferred by other sections of the Code of Service Discipline to charge, deal with and try a person alleged to have committed any offence set out in sections 73 to 129 and to impose the punishment for that offence described in the section prescribing that offence.

[…]

[…]

SECTION 4

DIVISION 4

Début des poursuites

Commencement of Proceedings

Définition

Interpretation

Définition de commandant

Definition of commanding officer

160 Pour l’application de la présente section, commandant, en ce qui concerne une personne accusée d’une infraction d’ordre militaire, s’entend de son commandant ou de l’officier que les règlements du gouverneur en conseil habilitent à agir à ce titre.

160 In this Division, commanding officer, in respect of an accused person, means the commanding officer of the accused person and includes an officer who is empowered by regulations made by the Governor in Council to act as the commanding officer of the accused person.

[…]

[…]

 

Accusation portée

Laying of charge

161 La poursuite contre une personne à qui il est reproché d’avoir commis une infraction d’ordre militaire est entamée par une accusation portée conformément aux règlements du gouverneur en conseil.

161 Proceedings against a person who is alleged to have committed a service offence are commenced by the laying of a charge in accordance with regulations made by the Governor in Council.

Déféré

Referral to commanding officer

161.1 Après qu’elle a été portée, l’accusation est déférée au commandant de l’accusé.

161.1 After a charge is laid, it shall be referred to an officer who is a commanding officer in respect of the accused person.

[…]

[…]

Obligation d’agir avec célérité

Duty to act expeditiously

162 Une accusation portée aux termes du code de discipline militaire est traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent.

162 Charges laid under the Code of Service Discipline shall be dealt with as expeditiously as the circumstances permit.

Droit à un procès devant une cour martiale

Right to Trial by Court Martial

Choix

Election

162.1 Sauf dans les cas prévus par règlement du gouverneur en conseil, un accusé qui peut être jugé sommairement peut choisir d’être jugé devant une cour martiale.

162.1 Except in the circumstances prescribed in regulations made by the Governor in Council, an accused person who is triable by summary trial has the right to elect to be tried by court martial.

[…]

[…]

SECTION 5

DIVISION 5

Procès sommaires

Summary Trials

Définitions

Interpretation

Définitions

Definitions

162.3 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section.

162.3 The definitions in this section apply in this Division.

commandant En ce qui concerne une personne accusée d’une infraction d’ordre militaire, s’entend de son commandant au sens de l’article 160. (commanding officer)

commanding officer, in respect of an accused person, means an officer who is a commanding officer within the meaning of section 160. (commandant)

commandant supérieur Tout officier détenant au moins le grade de brigadier-général ou nommé à ce titre par le chef d’état-major de la défense. (superior commander)

superior commander means an officer of or above the rank of brigadier-general, or any other officer appointed by the Chief of the Defence Staff as a superior commander. (commandant supérieur)

Procès sommaire devant commandant

Summary Trials by Commanding Officers

Compétence

Jurisdiction

163 (1) Un commandant peut juger sommairement l’accusé si les conditions suivantes sont réunies :

163 (1) A commanding officer may try an accused person by summary trial if all of the following conditions are satisfied:

a) il s’agit d’un élève-officier ou d’un militaire du rang d’un grade inférieur à celui d’adjudant;

(a) the accused person is either an officer cadet or a non-commissioned member below the rank of warrant officer;

b) il estime que ses pouvoirs de punition sont suffisants, eu égard à la gravité de l’infraction;

(b) having regard to the gravity of the offence, the commanding officer considers that his or her powers of punishment are adequate;

c) l’accusé n’a pas choisi d’être jugé devant une cour martiale, dans les cas où ce choix est prévu;

(c) if the accused person has the right to elect to be tried by court martial, the accused person has not elected to be so tried;

d) l’infraction ne fait pas partie de celles que les règlements du gouverneur en conseil excluent de sa compétence;

(d) the offence is not one that, according to regulations made by the Governor in Council, the commanding officer is precluded from trying; and

e) il n’a aucun motif raisonnable de croire que l’accusé est inapte à subir son procès ou était atteint de troubles mentaux au moment de la perpétration de l’infraction reprochée.

(e) the commanding officer does not have reasonable grounds to believe that the accused person is unfit to stand trial or was suffering from a mental disorder at the time of the commission of the alleged offence.

Prescription

Limitation period

(1.1) Le commandant ne peut juger sommairement l’accusé à moins que le procès sommaire ne commence dans l’année qui suit la perpétration de l’infraction reprochée.

(1.1) A commanding officer may not try an accused person by summary trial unless the summary trial commences within one year after the day on which the service offence is alleged to have been committed.

Restriction

Prohibition on presiding

(2) Le commandant ne peut, dans les cas suivants, juger sommairement l’accusé, à moins que, dans les circonstances, aucun autre commandant ne soit en mesure de le faire :

(2) Unless it is not practical, having regard to all the circumstances, for any other commanding officer to conduct the summary trial, a commanding officer may not preside at the summary trial of a person charged with an offence if

a) il a mené ou supervisé directement l’enquête relative à l’accusation;

(a) the commanding officer carried out or directly supervised the investigation of the offence;

b) il a délivré en application de l’article 273.3 un mandat relativement à l’infraction en cause;

(b) the summary trial relates to an offence in respect of which a warrant was issued under section 273.3 by the commanding officer; or

c) il a porté — directement ou indirectement — les accusations.

(c) the commanding officer laid the charge or caused it to be laid.

Sentences

Sentences

(3) Sous réserve des conditions énoncées à la section 2 en matière de peines, le commandant présidant un procès sommaire peut prononcer une sentence comportant une ou plusieurs des peines suivantes, énumérées dans l’ordre décroissant de gravité :

(3) Subject to the conditions set out in Division 2 relating to punishments, a commanding officer at a summary trial may pass a sentence in which any one or more of the following punishments may be included:

a) détention pour une période maximale de trente jours;

(a) detention for a period not exceeding thirty days;

b) rétrogradation d’un grade;

(b) reduction in rank by one rank;

c) blâme;

(c) severe reprimand,

d) réprimande;

(d) reprimand,

e) amende n’excédant pas un mois de solde de base;

(e) a fine not exceeding basic pay for one month, and

f) peines mineures.

(f) minor punishments.

[…]

[…]

 

Procès sommaire devant des commandants supérieurs

Summary Trial by Superior Commanders

Compétence

Jurisdiction

164 (1) Le commandant supérieur peut juger sommairement l’accusé si les conditions suivantes sont réunies :

164 (1) A superior commander may try an accused person by summary trial if all of the following conditions are satisfied:

a) il s’agit d’un officier d’un grade inférieur à celui de lieutenant-colonel ou d’un militaire du rang d’un grade supérieur à celui de sergent;

(a) the accused person is an officer below the rank of lieutenant-colonel or a non-commissioned member above the rank of sergeant;

b) il estime que ses pouvoirs de punition sont suffisants, eu égard à la gravité de l’infraction;

(b) having regard to the gravity of the offence, the superior commander considers that his or her powers of punishment are adequate;

c) l’accusé n’a pas choisi d’être jugé devant une cour martiale, dans les cas où ce choix est prévu;

(c) if the accused person has the right to elect to be tried by court martial, the accused person has not elected to be so tried;

d) l’infraction ne fait pas partie de celles que les règlements du gouverneur en conseil excluent de sa compétence;

(d) the offence is not one that, according to regulations made by the Governor in Council, the superior commander is precluded from trying; and

e) il n’a aucun motif raisonnable de croire que l’accusé est inapte à subir son procès ou était atteint de troubles mentaux au moment de la perpétration de l’infraction reprochée.

(e) the superior commander does not have reasonable grounds to believe that the accused person is unfit to stand trial or was suffering from a mental disorder at the time of the commission of the alleged offence.

Prescription

Limitation period

(1.1) Le commandant supérieur ne peut juger sommairement l’accusé à moins que le procès sommaire ne commence dans l’année qui suit la perpétration de l’infraction reprochée.

(1.1) A superior commander may not try an accused person by summary trial unless the summary trial commences within one year after the day on which the service offence is alleged to have been committed.

Restriction

Prohibition on presiding

(2) Le commandant supérieur ne peut, dans les cas suivants, juger sommairement l’accusé, à moins que, dans les circonstances, aucun autre commandant supérieur ne soit en mesure de le faire :

(2) Unless it is not practical, having regard to all the circumstances, for any other superior commander to conduct the summary trial, a superior commander may not preside at the summary trial of a person charged with an offence if

a) il a mené ou supervisé directement l’enquête relative à l’accusation;

(a) the superior commander carried out or directly supervised the investigation of the offence;

b) il a délivré en application de l’article 273.3 un mandat relativement à l’infraction en cause;

(b) the summary trial relates to an offence in respect of which a warrant was issued under section 273.3 by the superior commander as a commanding officer; or

c) il a porté — directement ou indirectement — les accusations.

(c) the superior commander laid the charge or caused it to be laid.

Exception

Exception

(3) Le commandant supérieur peut juger sommairement un accusé détenant le grade de lieutenant-colonel dans les cas prévus par règlement du gouverneur en conseil.

(3) A superior commander may try an accused person who is of the rank of lieutenant-colonel by summary trial in any circumstances that are prescribed by the Governor in Council in regulations.

Sentences

Sentences

(4) Sous réserve des conditions énoncées à la section 2 en matière de peines, le commandant supérieur présidant un procès sommaire peut prononcer une sentence comportant une ou plusieurs des peines suivantes :

(4) Subject to the conditions set out in Division 2 relating to punishments, a superior commander at a summary trial may pass a sentence in which any one or more of the following punishments may be included:

a) blâme;

(a) severe reprimand;

b) réprimande;

(b) reprimand; and

c) amende.

(c) fine.

[…]

[…]

SECTION 6

DIVISION 6

Procès devant une cour martiale

Trial by Court Martial

[…]

[…]

Cour martiale générale

General Courts Martial

Compétence

Jurisdiction

166 La cour martiale générale a compétence en matière d’infractions d’ordre militaire imputées aux personnes justiciables du code de discipline militaire.

166 A General Court Martial may try any person who is liable to be charged, dealt with and tried on a charge of having committed a service offence.

Restriction quant à la peine

Punishment limitation

166.1 La cour martiale générale ne peut infliger à la personne qui n’est pas officier ou militaire du rang qu’une peine d’emprisonnement ou une amende.

166.1 A General Court Martial that tries a person other than an officer or a non-commissioned member may only pass a sentence that includes a punishment of imprisonment or a fine.

Composition

Composition

167 (1) La cour martiale générale se compose d’un juge militaire et d’un comité de cinq membres.

167 (1) A General Court Martial is composed of a military judge and a panel of five members.

[…]

[…]

Cour martiale permanente

Standing Courts Martial

Compétence

Jurisdiction

173 La cour martiale permanente a compétence en matière d’infractions d’ordre militaire imputées à toute personne justiciable du code de discipline militaire.

173 A Standing Court Martial may try any person who is liable to be charged, dealt with and tried on a charge of having committed a service offence.

Composition

Composition

174 La cour martiale permanente est constituée par un seul juge militaire.

174 Every military judge is authorized to preside at a Standing Court Martial, and a military judge who does so constitutes the Standing Court Martial.

Restriction quant à la peine

Punishment limitation

175 La cour martiale permanente ne peut infliger à la personne qui n’est pas officier ou militaire du rang qu’une peine d’emprisonnement ou une amende.

175 A Standing Court Martial that tries a person other than an officer or a non-commissioned member may only pass a sentence that includes a punishment of imprisonment or a fine.

[…]

[…]

 

Pouvoirs

Powers

Cour martiale

Courts martial

179 (1) La cour martiale a, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances et toutes autres questions relevant de sa compétence, les mêmes attributions qu’une cour supérieure de juridiction criminelle, notamment le pouvoir de punir l’outrage au tribunal.

179 (1) A court martial has the same powers, rights and privileges — including the power to punish for contempt — as are vested in a superior court of criminal jurisdiction with respect to

[EN BLANC/BLANK]

(a) the attendance, swearing and examination of witnesses;

[EN BLANC/BLANK]

(b) the production and inspection of documents;

[EN BLANC/BLANK]

(c) the enforcement of its orders; and

[EN BLANC/BLANK]

(d) all other matters necessary or proper for the due exercise of its jurisdiction.

Juge militaire

Military judges

(2) Chaque juge militaire a ces mêmes attributions pour l’exercice des fonctions judiciaires que lui confie la présente loi, sauf lorsqu’il préside une cour martiale.

(2) Subsection (1) applies to a military judge performing a judicial duty under this Act other than presiding at a court martial.

[…]

[…]

Décisions de la cour martiale générale

Decisions of General Court Martial

Questions de droit

Questions of law

191 Le juge militaire qui préside la cour martiale générale statue sur les questions de droit ou sur les questions mixtes de droit et de fait survenant avant ou après l’ouverture du procès.

191 The military judge presiding at a General Court Martial determines all questions of law or mixed law and fact arising before or after the commencement of the trial.

[…]

[…]

 

Décision du comité

Decision of panel

192 (1) Le comité décide du verdict et statue sur toute autre matière ou question, autre qu’une question de droit ou une question mixte de droit et de fait, survenant après l’ouverture du procès.

192 (1) The members of the panel determine the court martial’s finding and its decision in respect of any other matter or question arising after the commencement of the trial that is not a question of law or mixed law and fact.

Décision

Decision

(2) Les décisions du comité relatives à un verdict de culpabilité, de non-culpabilité, d’inaptitude à subir un procès ou de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux se prennent à l’unanimité; les autres décisions se prennent à la majorité des membres.

(2) A decision of the panel in respect of a finding of guilty or not guilty, of unfitness to stand trial or of not responsible on account of mental disorder is determined by the unanimous vote of its members. A decision in respect of any other matter is determined by a majority vote.

[…]

[…]

Sentence

Sentence

193 Le juge militaire qui préside la cour martiale générale fixe la sentence.

193 The military judge presiding at a General Court Martial determines the sentence.

 


COUR D’APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

CACm-566

 

 

INTITULÉ :

SOLDAT DÉRY, J.-C. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACm -567

 

 

INTITULÉ :

CAPORAL-CHEF C.J. STILLMAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACm -571

 

 

INTITULÉ :

MAJOR B.M. WELLWOOD c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACm -574

 

 

INTITULÉ :

ANCIEN MAÎTRE DE 2E CLASSE J.K. WILKS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACm -578

 

 

INTITULÉ :

LIEUTENANT DE VAISSEAU G.M. KLEIN c. CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

 

 

ET DOSSIER :

CACm-577

 

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. ADJUDANT J.G.A. GAGNON

 

 

ET DOSSIER :

CACm -579

 

 

INTITULÉ :

CAPORAL CHARLES NADEAU-DION c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACm-580

 

 

INTITULÉ :

CAPORAL F.P. PFAHL c. CANADA (MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

 

 

ET DOSSIER :

CACm -581

 

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. CAPORAL A.J.R. THIBAULT

 

 

ET DOSSIER :

CACm -583

 

 

INTITULÉ :

SOUS-LIEUTENANT SOUDRI c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

ET DOSSIER :

CACm -584

 

 

INTITULÉ :

K39 842 031 MAÎTRE DE 2E CLASSE R.K. BLACKMAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 AVRIL 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE COURNOYER

LE JUGE GLEASON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE EN CHEF BELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 MAI 2017

 

COMPARUTIONS :

Capitaine de Corvette Mark Létourneau et

Lieutenant-Colonel Jean-Bruno Cloutier

 

POUR LES Appellants

SOLDAT DÉRY, J.-C.

MAJOR B.M. WELLWOOD

ANCIEN MAÎTRE DE 2E CLASSE J.K. WILKS

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEUTENANT (MARINE) G.M. KLEIN

CAPORAL CHARLES NADEAU-DION

CAPORAL F.P. PFAHL

SA MAJESTÉ LA REINE

SOUS-LIEUTENANT SOUDRI

K39 842 031 MAÎTRE DE 2E CLASSE R.K. BLACKMAN

 

Majeur Dylan Kerr

Majeur Gabriel Roy

 

POUR LES INTIMÉS

 

Capitaine de Corvette Mark Létourneau

 

POUR L’Appellant

CAPORAL-CHEF C.J.STILLMAN

 

Lieutenant‑colonel David Anthonyshyn

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Services d’avocats de la défense

Gatineau (Québec)

 

POUR LES Appellants

 

Service canadien des poursuites militaires

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

 

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